J e lis le journal. La crise grecque occupe tout mon esprit. Tout va tellement comme je le pressentais ! Au bar de l’aéroport de Clermont Ferrand, le grand café coûte trois euros cinquante. Avec une TVA à 5,5% ! Je parie qu’ils cueillent eux même le café chaque matin, ma parole, pour que ça coûte aussi cher ! J’ai vraiment en travers de la gorge ces 3 milliards de TVA offerts en cadeaux sans contre partie à cette profession. L’équivalent de deux tiers du déficit du régime général de retraite chaque année ! Comme je suis en Auvergne, je souffre davantage, par osmose avec la réputation des gens du lieu en ce qui concerne la dépense. J’écris sur mon ordinateur portable en attendant l’heure de prendre l’avion pour rentrer à Paris après le meeting d’hier soir. Un gars me demande ce que j’écris. Je grommelle : «A propos du huit mars». «Ah oui, la journée de la femme» réplique l’impromptu qui m’a l’air effrayé par mon humeur de chien. «Nan ! La journée de lutte pour les droits des femmes !». Peu me chaud d’être si mal en groin à mâtine, une dame hier soir m’a dit en me voyant aller a la tribune : « restez naturel, on vous aime comme ça ! » Ma contribution à la journée du huit mars est, cette année, une dénonciation de l’église catholique de France qui joue double jeu en cautionnant la présentation d’une « liste chrétienne » anti avortement. Ensuite, je musarde à propos de mon séjour en Auvergne pour la campagne du Front de Gauche avec d’André Chassaigne.
L’EGLISE CONTRE LES FEMMES
Ennemie historique de ce que tous les progressistes nomment les «droits des femmes», l’église catholique en France, comme dans le reste de l’Europe, reprend ses bannières de combat sous l’impulsion du pape et des réseaux intégristes. Comme on le sait en Amérique latine, sans trêve ni limite, et dans le sud de l’Europe, c’est par le biais de la lutte contre le droit à l’avortement que l’église reprend pied sur la scène politique d’où elle a été expulsée du fait de ses accointances criminelles dans un passé récent avec les régimes dictatoriaux. En France c’est nouveau. Mais le 17 janvier 2010, la « marche pour la vie » des anti-avortement à Paris était soutenue par 24 évêques, dont le «primat des Gaules», le cardinal Barbarin, évêque de Lyon. Pour la première fois quinze mille personnes se retrouvées pour cette mauvaise action. Ce secteur de l’église est dorénavant présent dans les élections, ouvertement, après avoir longtemps marché à couvert du Front National. Et c’est ainsi qu’il y a donc une « Liste chrétienne » présentée pour les élections régionales en en Ile de France. Cet évènement est entouré d’un silence protecteur. Il passe inaperçu et sans commentaires d’aucun horizon. Imaginons ce que serait l’accueil réservé à l’existence d’une «liste musulmane» ! Pourtant cette liste ne peut manquer de soulever le débat. Si toutefois le débat a encore sa place dans une élection et si l’on prend au sérieux le fait que des gens y proposent de représenter leurs idées dans les assemblées de notre République. Les partisans de celle-ci défendent « l’identité française et de l’identité chrétienne de
UN DROLE DE DOCTEUR
Le docteur Xavier Dor est le numéro 5 de cette « liste chrétienne» à Paris. Ce n’est pas un inconnu. Loin de là. Médecin, né en 1929, il est le fondateur du mouvement anti-avortement « SOS-Tous petits ». Il est surtout l’inventeur et animateur des commandos anti-avortement dans les hôpitaux ! Nous parlons ici de plus de 200 infâmes opérations commandos menées entre 1987 et 1998. Xavier Dor condamne l’avortement, y compris en cas de viol de la mère ! Bien sûr il refuse toute contraception. Extrémiste halluciné en tout, il compare volontiers l’avortement à la Shoa en dénonçant « le génocide de 7 millions d’enfants à naître depuis la loi Veil ». Personne ne relève l’anti sémitisme que ce propos laisse affleurer. Sa tête est-elle « trop catholique » pour cela quand celle d’autre est réputée ne l’être pas assez ? Pour le coup voici un multirécidiviste endurci ! Il a été condamné 12 fois à des peines d’amende et de prison avec sursis, totalisant ainsi des condamnations pour 28 mois de prison avec sursis. Grace soit rendue de cela à la loi Neiertz de 1993 qui a créé le délit d’entrave au fonctionnement des services d’IVG. C’est d’ailleurs cette répression ferme qui a permis de faire cesser la malfaisance de Xavier Dor et de ses complices. Il a été aidé à réfléchir par une incarcération une première fois pendant 11 jours en novembre 1997, à la prison de Bois d’Arcy. La suite est presque drôle. Pour échapper à sa condamnation suivante en 1998, 1 mois en centre de semi-liberté, il a même demandé l’asile politique à
LA DROITE FAIT LE BOULOT DES ANTI-IVG
Le premier commando organisé en 1987 par Dor et sa bande visait le centre IVG de l’hôpital Tenon à Paris. Celui-là même que le gouvernement vient de fermer, donnant raison 22 ans après à Xavier Dor ! Le gouvernement a fermé en 2009, 4 importants centres IVG en Ile de France : Tenon, Jean Rostand, Broussais, Avicenne. Ces quatre centres pratiquaient le quart des avortements de la région. Avec la fermeture prévue de Saint Antoine, cela fera 5 centres fermés en 1 an. Résultat : les délais d’attente pour une IVG en Ile de France dépassent 3 semaines. Sachant que le délai légal est de 12 semaines, on peut dire qu’avec ces fermetures, très concrètement, le droit à l’avortement est directement menacé. La restructuration hospitalière conduit à fermer la plupart des centres IVG autonomes et à noyer cette activité dans des services d’obstétrique, sans moyens ni personnels propres. Le gouvernement remet ainsi en cause le principe de la loi de 1979 qui affirmait l’obligation pour chaque hôpital d’offrir la possibilité d’IVG. On comprend mieux alors qu’une action menée de propos aussi délibérée soit accompagnée de petits signes de connivences qui en soulignent la signification pour ceux à qui ces signes sont destinés. Ainsi quand le gouvernement a nommé un éminent anti-IVG, Xavier Dousseau, à la tête d’un important hôpital psychiatrique, l’établissement public de santé mentale de la Marne. Dousseau détient le record de la plus lourde condamnation jamais prononcée contre un commando anti-avortement : 18 mois de prison ! Mais il est vrai qu’il s’était enchaîné en 1995 dans le bloc opératoire de l’hôpital de Valenciennes. Comble de tout, il était le directeur adjoint de l’hôpital !
LA LAÏCITE EST DEFENDUE
Je ne sais pas s’il y a eu un autre communiqué que celui de mes camarades les têtes de listes départementales du Parti de gauche. A part celui de Martine Billard, député de Paris. D’autres forces politiques se sont elles exprimées ? Lesquelles se sont tues ? « Les fous de Dieu n'ont pas leur place dans une campagne républicaine! » ont déclarés mercredi 24 Février 2010, Pascale Le Néouannic, François Delapierre et Eric Coquerel, têtes de liste dans les Hauts-de-Seine, en Essonne et à Paris pour la liste « Ensemble pour des Régions à Gauche». Ils ont dit leur indignation face à la présence, lors des prochaines élections régionales, de cette liste menée par Axel de Boer, président du tout nouveau parti Solidarité France, qui revendique haut et fort son engagement « pro-Vie » et chrétien. N’affirme-t-il pas vouloir « continuer à porter devant les électeurs un projet chrétien pour notre pays […] en s’appuyant sur
LA REPONSE DES FOUS DE DIEU
Voici cette réponse. Elle me parait très instructive à propos du point de vue sous lequel se situent nos adversaires. Il me parait que cela devrait éclairer nombre de ceux qui ont demandé à propos des islamistes des compréhensions qu’ils n’admettraient pas je l’espère pour « la liste chrétienne» en découvrant l’ampleur du fanatisme et des réécritures de l’histoire que ces gens portent. Lisons. «Il est certes normal de voir une liste qui se revendique d’une idéologie qui a tant versé de sang considérer les chrétiens, qui ont inventé la démocratie, comme un danger pour elle. Il est par contre toujours surprenant de voir une liste de gauche attaquer les valeurs sociales chrétiennes, qui sont de fait bien plus ambitieuses et généreuses que le marxisme ; car là où les communistes croient en la suprématie de l’économie sur l’homme (le capitalisme d’état comme une fin en soi, le marxisme étant une théorie économique), nous chrétiens nous croyons en la suprématie de la personne sur l’économie et sur ses lois. Là où les marxistes veulent supprimer des libertés, nous voulons en ajouter de nouvelles pour permettre l’émergence d’une économie sociale."
CULTURE DE MORT
"La culture de mort avance en transformant les personnes en objet et en marchandise. En soutenant la transformation du corps en propriété privée (« mon corps m’appartient », un non sens éthique et politique puisque le corps n’est pas à vendre), ce n’est pas le droit des femmes que défend le Front de Gauche mais les plus grands archaïsmes de notre temps : la disponibilité totale du corps de la femme pour satisfaire l’homme et le droit de vie et de mort sur nos enfants. Les chrétiens ont inventé le respect de la personne, c’est dans les pays de longue culture chrétienne que sont nés les droits de l’homme, et l’espérance en l’avenir. Dès qu’une société s’éloigne des valeurs chrétiennes, qui sont pour l’essentiel des valeurs naturelles, elle se transforme en machine de mort, en perte de sens, en violences, en communautarismes. C’est ce qui se passe aujourd’hui.
Le XXème siècle a vu naître trois idéologies monstrueuses : les fascismes, les communismes et la culture de mort. Les chrétiens ont combattu les fascismes, les chrétiens ont vaincu les régimes communistes, nous vaincrons de même la culture de Mort. (…) On ne construit rien contre l’autre, on construit en ayant un projet de société. La pensée politique chrétienne est riche et nouvelle, nous savons vers quoi nous voulons aller. Nous proposons ainsi aux frontistes (le terme de « front », qu’il soit national ou de gauche nous dérange) une alliance autour des droits de la personne ; gageons que notre offre d’ouverture sera rejetée et montrera la vérité de notre propos : cette opposition à «
Vous voici prévenus.
Où SONT PASSES LES LAIQUES DE LA VINGT SIXIEME HEURE ?
Bien sûr on dira de ma charge contre l’église catholique qu’elle est excessive. Que l’église ne soutient pas cette liste. Et ainsi de suite. Donc nous pouvons reprendre à son endroit ce que nous avons entendu dans un passé récent à propos de l’Islam. Nous demandons aux catholiques modérés de condamner cette liste. De condamner le comportement criminel de ses animateurs. De réfuter leurs revendications. De condamner leurs allégations injurieuses contre la gauche. Ils vont le faire ? Ou bien ils vont regarder ailleurs en attendant que cette engeance malfaisante et haineuse ait progressé ? Qu’elle se soit installée dans le paysage politique suffisamment profondément pour peser sur lui ? Les ardents nouveaux laïques qui ont saturé l’espace de leurs clameurs contre les intrusions de l’islamisme dans la sphère publique vont-ils nous suivre lorsque nous prolongeons cette protestation à propos de l’église catholique ? Evidemment non. Et nous savons tous pourquoi. Parce qu’ils ne sont pas laïques mais partisans de la «laïcité positive» prônée par le pape Benoit XVI à l’instar de Nicolas Sarkozy et des proclamations de son discours de Latran. Leur projet est que les religions puissent être présentes dans l’espace public, chacune à la place que l’histoire et «l’identité nationale» leur donne. C’est le cœur de la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington. Resterait à négocier cette place. Et alors cette négociation changerait la nature des enjeux politiques. Elle structurerait le champ politique en reformatant toutes les questions qui s’y présentent. Mais pour que cela puisse commencer, il faut d’abord donner un ancrage solide à la question religieuse, une forme concrète, visible, porteuse d’une évidence. C’est le corps des femmes qui fournit aux religieux cet ancrage. Depuis toujours. Dans la mesure où il produit les enfants il pose la question de sa propriété. Est-il le bien de la personne ou celui de la société et donc des hommes qui dominent celle-ci ? Bref, l’individu a-t-il vocation à être totalement émancipé, c'est-à-dire totalement libre de la tutelle forcée d’autrui ou bien ses «devoirs» sont-ils le préalable de ses droits ? Tout le débat entre lumières et tradition est là. La journée de lutte pour les droits des femmes concentre cet enjeu. C’est une journée des lumières.
SALUT LES MARTIENS !
Je suis arrivé en train en Auvergne. François Delapierre a accepté de faire le voyage avec moi pour arbitrer les mille problèmes dont il a la charge dans sa fonction de délégué général du Parti de Gauche. Car nous n’avons plus le temps de nous parler tranquillement : je cours le pays, il court l’Essonne dont il est la tête de liste pour le Front de Gauche. Et comme il exerce aussi son métier, sa compagne faisant de même et leur toute petite fille s’installant amplement dans leur vie, c’est la cavalcade. Banal me direz-vous on en est tous là. Mais cela me permet de rappeler ce qu’est la «direction» de notre parti. J’y mets des guillemets parce que le terme est employé parfois ici et là parmi ceux qui s’adressent à nous, et parfois même de l’intérieur de notre propre organisation, avec cet air si spécial que l’on prend pour s’adresser à des gens qui seraient épargnés et hors du commun de la vie des autres alors même qu’ils en subissent toutes les contraintes plus celles qu’ils se sont imposés en acceptant ces taches. Il ne se trouve en effet aucun permanent. Pas même moi, si l’on veut bien se souvenir que j’ai à effectuer mon mandat de député, et de même pour Marc Dolez et Martine billard qui siègent au secrétariat du parti. Toutes nos têtes de liste, sans exception, tous nos candidats de même, tous exercent un métier. Tous. Dans le train nous faisons route avec une équipe de TF1 qui fait un reportage sur ma campagne. Ils auraient dû venir mercredi en Languedoc. Finalement ce sera l’auvergne. On n’a rien changé pour eux. Car ils pouvaient encore modifier le rendez vous. Dans le train, les gens nous regardent comme si nous étions des martiens avec cette caméra qui nous suit. Peut-être le sommes-nous, finalement.
OU SONT PASSES LES BIB’S ?
Sur place, voici les camarades. Zut ! On s’est trompé de porte de sortie. Ca cafouille. Mais, bon, deux voitures et zou ! On démarre pour aller faire la sortie de l’usine Michelin. Misère, un petit jet d’à peine trois cent personnes en comptant large, sort de là ! Les gens sont crevés. C’est l’équipe qui a pris à cinq heures du matin. J’ai presque honte d’arrêter ceux qui passent. Pourtant il y a des sourires et des connivences. Une femme s’arrête pour m’encourager. Le monde à l’envers ! La discussion avec les gars de la CGT qui tractent sur les retraites avant de partir permet de comprendre comment on en est arrivé à ce petit flux anémique d’ouvriers qui sortent ! Délocalisations comme d’habitude. Vers la Serbie, la Chine et ainsi de suite. Le crime économique et humain continue. Bien sûr les puissants invoquent tous les boniments que nous connaissons par cœur pour expliquer qu’ils n’ont pas les moyens de faire autrement et bla bla. Moi je vois surtout que le retour en arrière, la relocalisation, pour des productions dont la vente est mondialisée, cela va être particulièrement difficile si l’on reste dans le système des frontières ouvertes ! Les ouvriers avec qui je bavarde m’expliquent que la formation de leurs concurrents est désormais au niveau de la leur et que donc l’avantage comparatif de la qualification ne fonctionne plus dans ces conditions. On se tait pour méditer la mauvaise nouvelle et tacher de trouver la parade. Il fait froid. Pas de buée à la bouche mais bien frais. Ca me perce le dos. Comme c’est par là que je m’enrhume à part les pieds qui sont déjà tous glacés, il est temps de lever le camp. D’ailleurs la sortie est finie. On remballe le matériel. Delapierre court prendre son train de retour. Moi je fonce pour le rendez vous discret du midi, avec un éminent dirigeant syndicaliste du secteur. En fait on est dix à table et je me demande de quelle discrétion il est question. En route !
LA POSTE ET LES GENS
A Chateldon on a mis les petits plats dans les grands. Les élus locaux en écharpe, les maires de trois communes environnantes et une cinquantaine de citoyens m’attendent. On dit deux mots à l’intérieur de la mairie et on se met en mouvement vers la poste à…. cinquante mètres. C’est elle qui est menacée de fermeture. Les gens ne décolèrent pas de ça. Et notamment les plus âgés pour toutes les raisons qu’on devine si bien. Que faire, où aller quand tout ça aura disparu ? Devant la poste, le maire de Chateldon, Tony Bernard fait son discours. Ce gars a une pêche d’enfer. Comment fait-il ? Les gens autour sont petit à petit bleus de froid. Et moi tout pareil ! Quand vient mon tour de parler je propose de dire mon mot à l’intérieur de la mairie et je suis bien applaudi ! Là, devant la grande table qui garnit la pièce, sous le regard protecteur d’un formidable buste de Marianne, je dis ce que j’ai à dire. Cette Marianne fut sculptée sur le modèle de la femme du garde champêtre du temps où le maire était le premier député socialiste du département. Telle est la merveille de notre pays qui ne se contente pas d’être beau à pleurer mais qui vit et palpite comme un oiseau sous chaque repli du terrain. Bien sûr je peine tout le temps à lutter contre la somnolence ensuite dans les transbordements en voiture après que j’ai réécrit mon discours dans le bureau du maire. Mais ces images me restent à l’esprit. Le soir venu, l’accent glissé d’André Chassaigne sonne comme une musique qui résume le jour qui vient de passer.