Pas de bol ce matin-là il me faut revenir de Carcassonne à Toulouse d’où j’étais parti à la fraîche pour deux rendez vous avec des élus locaux. Je devais rebondir vers Lyon depuis Narbonne pour le meeting du soir. Mais ici c’est devenu la petite Sibérie et tous les trains sont bloqués. Donc : avion ! Beuark ! Fouille complète, ceinture et chaussures ôtées, plus un zélé qui m’a reconnu et qui veut absolument me faire ouvrir ma petite valise pour vérifier mon «aérosol» car, m’a-t-il répondu avec cet humour délicat qui signale sa finesse : « ce n’est pas écrit sur mon scanner que c’est votre mousse à raser, monsieur Mélenchon». C’est vrai. D’ailleurs c‘était bien la bombe avec laquelle je comptais faire sauter l’avion. Logique. Surtout ne rien répondre. Sourire et ainsi de suite. Ce genre de zélé fait de l’abus de pouvoir en moins de temps qu’il en faut pour dégainer. Ensuite voici la cabine d’Air France où je reprends mon stage "sardine en boite" là où je l’avais abandonné la dernière fois. Cette fois–ci s’y ajoute une variante bien connue des connaisseurs : «le siège de devant s’incline jusqu’à votre front combien de temps vous faut-il pour en faire autant à votre voisin de derrière ?». Bref, le voyage en avion. Hier ça faisait rêver. Maintenant ça fait trembler. De rage.
GLAÇONS PERDUS
Lundi j’étais à Rodez, puis à Decazeville et Albi. Et le soir à Toulouse pour le meeting. Le tout sous la neige et en pataugeant dans les glaçons perdus. A midi, à Decazeville on a fait une pause casse croûte assez réussie pour ce qui est de la fraternité. Ici le Front de gauche c’est le parti pris majoritaire de la gauche. Comme souvent ce sont les communistes qui ont offert le socle de départ militant et qui constituent aujourd’hui toujours le point d’appui le plus large. Mais l’amalgame avec les Pégistes et les non inscrits a formidablement élargi l’impact de la formule politique nouvelle qu’est le Front de gauche dans ce paysage. Les chiffres que me transmet l’adjoint communiste à la jeunesse de Decazeville, Pascal Mazet, me font la démonstration de cette dynamique. Aux élections cantonales de 2008, le candidat communiste a fait 11 % à Decazeville. Aux élections européennes de 2009, la liste du Front de Gauche que je menais a fait 20,5 %. Le paysage politique alentour confirme cette tendance à la remobilisation sur la gauche. A Firmi, ma liste a fait un score de 26 % ! Elle est passée devant celle du PS ! Dans ce secteur donc, la dynamique est palpable et la façon d’être s’en ressent de toutes les façons possibles. Guilhem Serieys, le dirigeant du PG est la tête de liste départementale pour les élections régionales. C’est un homme de moins de trente ans qui a déjà été le directeur de la campagne pour les européennes. Son expérience, et sa connaissance du moindre recoin du lieu, forcent le respect de tout un chacun dans le secteur. Il est ici comme un poisson dans l’eau. Je m’amuse de le voir faire les toasts de début de banquet à l’ancienne, comme je les aime. Je me souviens comme je fus glacé d’effroi quand il me fallut faire cet exercice pour la première fois comme ministre. Et spécialement au cours d’une visite en Chine où l’hôte avait décidé de faire de l’humour vache. Il avait dit «nous savons qu’il est difficile de gouverner les Français, un peuple qui a trois cent cinquante fromages comme l’a dit le général de Gaulle» Ah ! Ah ! J’ai bien compris le deuxième degré : en Chine personne ne mange de fromage car c’est considéré comme aussi dégoûtant que pour nous manger des cafards. Comme on servait à ce moment des limaces de mer en potage je répliquais : «nous reconnaissons le mérite de ceux qui gouvernent un peuple capable de goûter toutes les limaces de leur pays avant de choisir celles qui sont dans la mer pour en faire des potages». Les nôtres se tenaient les côtes avec la même ostentation aimable que les autres le faisaient juste avant ! On fit la trêve des picotages polis à coup de nombreux toasts à l’alcool de riz. Ici rien de semblable. Mais juste l’art délicat de remercier sans ennuyer et de dire de la politique sans avoir l’air d’en rajouter. Guilhem s’en sort comme un dieu. D’ailleurs, c’est Guilhem qui a préparé la tournée tout au long de la journée. Et ça roule tout seul, précis comme une horloge. Le soir, à Toulouse, mon vieux frère Jean Christophe Sellin a lui aussi tout millimétré autour de moi avant, pendant et après le meeting. Ceux là, ils font tant et si bien qu’ils s’oublient eux-mêmes. Lui, Jean Christophe, s’est cassé la figure sur les marches en sortant du meeting à cause de la glace qui couvrait traîtreusement les marches. De la glace il y en avait partout ces deux jours là ! Je marchais comme un petit vieux à tous petits pas. Plutôt ça que de me faire photographier dans un vol plané comme celui que je me suis donné à la sortie de la gare de l’est le jour de neige à Paris ! Bon. Je reviens à la politique.
CHANGEMENT DE MENTALITÉ
Ce qui me frappe dans tous les contacts c’est la nature de ce qui m’est dit. Là haut dans le bassin minier, en Aveyron, avec les amis de l’hôpital de Decazeville, puis à Rodez avec les délégués syndicaux du comité d’entreprise de Bosch, et ensuite, d’une autre façon, quand je me suis trouvé à Albi pour la conférence de presse dans le Tarn, c’est la même chose. On me demande ce que nous comptons faire. Pas sur le plan de la stratégie, ni rien de tout ça. On me parle de programme. Comment on pourra relancer l’hôpital public, qu’est ce qu’on peut faire pour l’industrie, et ainsi de suite. C’est pourquoi je parle de gouvernement du Front de Gauche partout où je passe. Et que je n’hésite plus à dire comment je vois les problèmes et leurs solutions plutôt que d’en rester à des formules générales ou des débats à propos de la gauche. Je n’ai pas non plus de pudeur de gazelle pour me situer comme quelqu’un qui sait par quel bout empoigner un problème gouvernemental compliqué. Car je crois sentir dans cette façon de m’interroger un ressort important de notre temps. Les gens ont compris qu’il n’y a pas d’avenir avec le baratin des "libres et non faussés", alors que beaucoup ont cru très longtemps: "on ne peut pas faire autrement". L’arrogance des puissants, la cupidité des banques et la certitude d’être réduit au rôle de chair à canon du système a miné l’essentiel. Je ne sais pas si je le dis bien au moment où je le dis. Mais au total voici deux éléments de la psychologie du commun que je crois décisifs. D’une part la logique du système, ses fondamentaux, ses repères, ses mots, ses valeurs ont perdu leur force d’évidence et donc leur légitimité, d’autre part les gens ont envie de futur. C’est comme quand on fait beaucoup d’enfants alors même que la crise pourrait être l’éteignoir du goût du futur ! Maintenant dans la déprime, on veut quand même savoir qu’on pourra faire autrement le moment venu. Et quand bien même nous sommes donnés à sept pour cent des intentions de vote, nous, ceux du Front de gauche, devons apprendre à ne pas mettre nos ambitions à sept pour cent mais à cent pour cent de notre programme. J’essaie d’insuffler cet état d’esprit partout où je passe: "il n'y a pas de fatalité à ce tout aille de travers".
QUELQUES LEÇONS DE LA TEMPÊTE
Comme je crains d’être trop abstrait à propos de ce que je dis sur la perte de légitimité du discours libéral je vais l’appuyer sur un exemple et une démonstration. Je vais prendre l’exemple de la tempête qui vient de tuer tant de monde sur les côtes ouest du pays. Pour dire les choses simplement on dira qu’elle a montré les limites d’un urbanisme non maîtrisé, quand se produit un étalement des constructions et une gestion anarchique du foncier avançant largement jusque dans les zones hautement inondables. On sait à présent que cent mille logements ont été construits dans les zones inondables depuis la tempête de 1999. Il faut écouter la parole des officiels pour mesurer le recul de la vulgate néo libérale. Tous ne parlent que de règlements, et même, dans le cas de De Villiers de sanction des promoteurs qui devraient selon lui dédommager les gens qui leur ont fait confiance. Le gouvernement se répand donc partout pour dire qu’il faut plus de rigueur dans les règles d’urbanisme, pour éviter les constructions anarchiques. Sarkozy le 1er mars 2010, comme d’habitude en rajoute : « une réflexion va être engagée sur le plan de l'urbanisme pour qu'une catastrophe de cette nature ne se reproduise plus ». Il est temps. Et madame Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie de préciser avec cette profonde pensée novatrice : « Il ne faut pas construire dans des zones qui sont derrière des digues. Il faut durcir les règles dans ce sens. ». Je ne vais pas m’amuser du degré de généralité de tels propos. Vous le ferez à ma place ! Ce qui frappe c’est qui sont ceux qui les tiennent et quelle capitulation en rase campagne ces mots contiennent. Où sont donc passées leurs certitudes libérales en matière d’urbanisme ? Il faut se souvenir de la violence et de l’arrogance qui prévalait en matière de pensée sur l’urbanisme il y a peu encore. Lisez attentivement cette citation du président Nicolas Sarkozy dans son discours sur l’urbanisme et la ville, lors de l’inauguration de l’exposition sur le Grand Paris, le 29 avril 2009. Voici : « Le problème c’est la réglementation. » Exactement le contraire de ce qu’il dit aujourd’hui. Puis il ajoutait et c’est a peine croyable : «Pour libérer l’offre il faut déréglementer, élever les coefficients d’occupation des sols et rétablir la continuité du bâti dans les zones denses, permettre à chaque propriétaire d’une maison individuelle de s’agrandir, d’ajouter une pièce ou un étage, » Puis il complétait par ces mots qui ont une résonance bien spéciale aujourd’hui, il fallait selon lui «rendre constructible les zones inondables pour des bâtiments adaptés à l’environnement et au risque, utiliser les interstices, les délaissés d’infrastructures… Il faut changer nos procédures, notre façon d’appliquer le droit, sortir du respect passif d’une réglementation de plus en plus pesante, non pour laisser le champ libre au marché mais pour que la ville vive, respire, évolue, se développe en respectant des règles fortes, compréhensibles, efficaces, écologiques. J’ai demandé que soit conduire une réflexion approfondie sur ce changement de philosophie de notre droit de l’urbanisme. » On peut penser que personne n’a entendu. Mais le fond musical de l’idéologie dominante a été celui là sur tous les sujets depuis combien d’années ? Et maintenant les gens ont sous les yeux les maisons englouties. La démonstration et le doute qu’une telle image instille après de tels discours sont terribles. Et c’est bien normal ! Chacun sent confusément que ce genre de conséquence de la gestion libérale ne fait que commencer.
LE CYCLE DES CATASTROPHES
Le manque d’entretien des digues est symptomatique de la politique de l’appauvrissement des moyens des services publics. Sous prétexte que les digues sont pour moitié des propriétés privées, l’Etat les a laissées ses dégrader. Dès 2008, un rapport de
LES CATASTROPHES FUTURES DU SARKOZYSME
Premier exemple, la privatisation de l’inspection et de la sécurité des navires. Il sera toujours temps de pleurer ensuite quand viendront les échouages et les naufrages de bateaux polluants. En effet, le gouvernement veut externaliser auprès de cabinets privés l’essentiel de la mission de contrôle de la sécurité des navires ! C’est aussi incroyable que ça. Alors même que l’expérience récente a démontré qu’il fallait faire exactement le contraire ! Sarkozy a oublié l’Erika ? En 1999, ce navire poubelle venait d’être inspecté et « certifié » par une société privée de classification,
Deuxième exemple: le démantèlement du contrôle aérien contre lequel les aiguilleurs étaient récemment en grève. Là encore, sous couvert de coopération européenne, le gouvernement est en train de démanteler
Je finis par le plus effrayant. Les barrages mal entretenus. En 2007, une note d’EDF avait révélé que 200 barrages étaient vétustes. En dépit des efforts affichés par EDF pour relancer leur entretien, le contexte d’ouverture à la concurrence conduit au report de dépenses d’entretien. Ne pèsent-ils pas sur la sacro-sainte rentabilité. C’est le même risque que fait courir la mise en concurrence au nucléaire. Quel sera le prix à payer pour cette désastreuse astuce comptable qui a conduit à décider en 2003, pour améliorer la rentabilité, de reporter des investissements qu’EDF en allongeant de 30 à 40 ans la durée d’amortissement des centrales nucléaires ?
L’INFO QUE VOUS NE DEVEZ PAS CONNAÎTRE
La presse reste, comme on le sait, mon sujet d’amour-haine de prédilection. Pas jour où je ne regrette de ne pas appliquer un conseil donné par François Mitterrand lui-même : «ne lisez pas les journaux. Les nouvelles importantes n’ont pas besoin d’eux pour vous arriver». C’est vrai. Voyez ! Vous avez aimé la photo de Lénine ou l’on avait effacé Trotski qui se tenait au pied de la tribune ? Alors vous avez dû adorer le numéro du «Monde» où l’élection régionale en île de France est « analysée ». Le Front de Gauche n’existe pas, Pierre Laurent notre candidat non plus. Tous les autres, si. Même le MODEM que les sondages mettent dans les choux derrière nous ! Ah ! Ah ! Avant je lisais ce journal pour savoir ce qui se passait, maintenant vous l’achetez pour ne pas le savoir. Génial. Je propose des slogans aux créatifs de ces journaux : «l’info que vous ne devez pas connaître est absente de notre journal !». Et ainsi de suite. Heureusement il y a les gratuits et les chaînes de télé privées pour contourner tous ces boursouflés officiels. Direct Matin plus nous a donné deux fois la une! Toutes les chaînes de télé sauf France 2 évidemment, ont fait un portrait de campagne de notre « Front de gauche » ! Ca vous a gavé ? Alors si vous si vous ne supportez ni la photo, ni le nom, ni le moindre sondage à propos du Front de gauche, achetez les quotidiens protecteurs contre votre allergie. A part les pages dossiers régionales du « Monde», vous pouvez aussi lire « les Echos » et son cahier spécial élections régionales ou même « le Parisien », jadis libéré. Ceux là vous ont conservé des espaces libres de toute infection informative. Les masochistes pourront toujours signer bientôt des pétitions pour sauver la liberté de la presse quand tous ces canards boiteux auront bu le bouillon. D’autres iront cracher sur leur tombe. De toutes façon j’estime que ces consommateurs de subventions publiques devraient être soumis aux mêmes normes d’exigences pluralistes que le sont les télés et les radios publiques ou privées. Ouest France, monopole du grand ouest ne devrait pas avoir le droit de terminer le travail de strangulation médiatique que leurs coreligionnaires de France 3 régions organisent. Et ainsi de suite.
LES ELEGANTS ET RUSTIQUES
Vous pouvez vous offrir une partie de rigolade en lisant « le Midi Libre » dont l’hebdomadaire « l’Express » a révélé qu’il est vendu à Frèche ! Horreur ! Mais l’organe reste «indépendant», bien sûr ! Comme le disait Danton de lui-même : «acheté oui, vendu non !». Ces gens, qui n’ont pas le pourcentage de lecteurs – et loin de là – que nous avons d’électeurs, nous regardent de haut. Quelle blague ! Je me suis bien amusé en lisant l’édition où «Midi libre», couine contre ceux qui l’ont snobé, sur ce ton de moralisateur qui est toujours le charme spécial de ces tartuffes ! En effet, il se trouve que Fillon et Aubry passaient par Montpellier et qu’ils n’ont pas accordé d’interview à Midi libre. Evidemment tout le monde devine pourquoi. Qui a envie d’aller se faire prendre dans un traquenard qui est directement sous l’influence de Frèche comme l’a révélé «l’Express» ? Alors le Midi libre sort le gros violon : « quand les ténors perdent la voix » ! Waouh ! La méchante allusion ! « Ils sont en campagne. Avec une communication qu’ils entendent orchestrer. Diriger. Cadrer. C’est leur choix, c’est leur droit. C’est aussi celui de Midi Libre de révéler leur mépris. Leur condescendance ». Wee ! Vous avez vu, ils «révèlent». Ca c’est du journalisme d’investigation ! J’adore ! D’ailleurs moi aussi j’ai écrit à plusieurs reprises que l’Express avait révélé que midi libre était vendu ! Le mot révélé flatte la paranoïa ordinaire du lecteur. Je vous ai un peu manipulé pour que vous le compreniez. Et ensuite le journal pleurniche contre « l’inélégance » du procédé qui a consisté à leur refuser au dernier moment ces entretien. Pauvres chéris ! Et là ? Patatras ! La grosse ficelle fréchiste directe : « Mais il est vrai que l’ambiance ouatée des plateaux de télévision ou l’atmosphère feutrée des bureaux parisiens resteront toujours plus confortables que les interrogations rustiques de la presse locale ». Hé ! Hé ! Je suis le député du coin, j’ai participé à une dizaine d’événements militants sur place dont certains ont été relatés en long et en large sur ce blog. Pourtant, pas une fois les tintins du « Midi Libre » n’ont eu l’élégance de me proposer leurs rustiques questions. Et dans l’édition où ils avouent que tout le monde se méfie d’eux dorénavant, les rustiques continuent leurs grossiers numéros. Ainsi dans l’infographie sur le deuxième tour. On apprend que Roumégas plus Mandroux ça ferait 32 %. Notre liste et René Revol sont tout simplement gommés. Pourtant il avait bien fallu la mentionner dans le sondage qui la place à 8%. Mais il est vrai que les rustiques avaient présenté notre liste comme « liste NPA-Front de Gauche ». C’est ça l’élégance rustique au fréchistan.