N’en rajoutez pas !

chat vertA h bon ? Il parait que la gauche vient d’inventer une « nouvelle alliance » et « pense déjà à la présidentielle de 2012 » ! Ca s’appellerait « la gauche diverse ». Je l’ai lu dans le journal. Ce n'est pas une bonne idée. Pendant que ça se faisait j’étais en train de m’abimer les yeux à lire et relire l’interview de Sarkozy dans «le Figaro» de vendredi dernier. Je voulais vérifier l’annonce qui s’y trouve à propos de la TVA sociale. Je dis un mot de chaque.

Les analystes ont eu le temps d’affiner leur travail. On reçoit donc des diagnostics de plus en plus précis sur ce qui s’est passé à l’occasion de ce premier tour des régionales. Jean François Kahn note que ce serait là le plus mauvais résultat de la droite depuis 1958 dans une élection locale. Et que sur la base de ce résultat l’UMP n’aurait que 45 sièges aux élections législatives. Dans ces conditions, le deuxième tour va ouvrir une crise sévère de commandement à droite. On se demande comment elle peut en sortir. En effet il n’y a plus d’arbitrage en vue. Car il n’y a plus d’élection générale d’ici 2012, exception faite de la consultation de la moitié des cantons en 2011. Je mentionne ce fait pour relever tous les indices qui confirment l’état de fragilisation du système politique. D’autant que si je crois ce que je lis dans le « Canard Enchainé », le premier ministre craindrait lui aussi « une situation à la grecque » pour les finances publiques françaises. Je pense qu’ils sont un certain nombre à l’avoir souhaité. C’est la fameuse stratégie du « choc », chère aux ultras libéraux. Car on ne doit pas perdre de vue la responsabilité de ces derniers dans la fabrication du déficit public par l’appauvrissement méthodique de l’Etat. Je crois avoir déjà relevé ici que monsieur Balladur premier ministre a augmenté la dette publique de vingt points. Ses successeurs l’ont accrue encore d’autant. Mais une chose est sure et vérifiée. Dans ce cas, les sociaux démocrates ne savent faire qu’une chose : mettre en musique les diktats de la finance. Ca vaut la peine d’y penser avant de faire des plans d’union sans discussion sur la comète présidentielle.

Je croyais qu’on s’accordait pour un deuxième tour des élections régionales. Le rassemblement de la gauche doit y être la règle mis à part les cas d’abus de position dominante comme en Limousin ou d’abus de faiblesse comme en Picardie. L’exception ne modifiait pas la règle posée depuis le premier jour. Mais il semble qu’il s’agisse d’autre chose selon ce que je lis dans « le Monde ».  «La gauche réunie pense déjà à la présidentielle» proclame à la une le journalissime qui fait réapparaitre dans la titraille « le Front de Gauche » qui en avait disparu hier. Il parait que «la gauche installe une nouvelle alliance». Et j’apprends que cela se verra par une photo commune des trois patronnes de la gauche d’ici la fin de la semaine. Le féminin lève une ambigüité : je n’y serai pas. Non seulement parce que je n’y suis pas invité. Mais parce que ça ne me parait guère raisonnable. C’est quoi cette nouvelle union ? Que vient faire la présidentielle là dedans ? Quel programme partagé ? Je n’ai pas l’intention d’oublier quoique ce soit de nos sujets de débats ni de nos engagements d’autonomie à la faveur d’un regroupement de deuxième tour aux élections régionales. D’autant que j’ai entendu à la télévision Cécile Duflot dire clairement « on est différents et pas d’accord, mais on sait faire l’effort de se rassembler ». C’est tout à fait raisonnable pour faire une majorité municipale ou régionale. Mais si on se projette au niveau national cela ne correspond à rien sinon a un bégaiement de la gauche plurielle. C'est que je sais aussi le danger du spectacle d’une union à qui on fait dire davantage que ce qu’elle est ! Nos électeurs n’ont pas voté pour ça ! Faire comme s’il en allait autrement peut provoquer un effet boomerang qui serait notamment l’augmentation de l’abstention. Je le dis tranquillement mais fermement.

Quelques détails, et non des moindres, sont passés inaperçus pendant ce temps là. La veille du 1er tour des régionales,  le 13 mars, dans un entretien avec le « Figaro Magazine », Nicolas Sarkozy a ressuscité le projet de « TVA sociale » que l’on croyait enterrée depuis l’automne 2007. C’est le Figaro Magazine qui a pris l’initiative du thème. Après une question sur Renault et une sur Total, voici la question posée au Président : « Avez-vous renoncé à votre idée de TVA sociale ? ». Réponse de Sarkozy : « L’expression TVA sociale est incompréhensible et inadaptée. Le sujet est pourtant bien à l’ordre du jour. Il faut continuer à réfléchir au moyen de financer notre protection sociale autrement qu’en taxant le travail ». Preuve que cette annonce ne doit rien au hasard, elle a ensuite été immédiatement relayée par plusieurs parlementaires de la majorité. Ils sont cités dans « les Echos » du 15 mars. Ce sont les deux hommes pivots du débat budgétaire pour la droite dans les assemblées. Gille Carrez, le rapporteur UMP du budget à l’Assemblée a déclaré que « c’est une bonne chose de la remettre à l’ordre du jour ». Et Philippe Marini, le rapporteur UMP du budget au Sénat a ajouté : « une hausse mesurée de TVA serait tout à fait acceptable ». Ainsi, après avoir vidé les caisses de l’Etat en multipliant les baisses d’impôts pour les plus riches (bouclier fiscal, baisse des droits de succession, suppression de la taxe professionnelle, baisse de la TVA pour les restaurateurs), Nicolas Sarkozy s’apprêterait à augmenter la TVA sous couvert de meilleur financement de la protection sociale. Ca prouve qu’il ne lâche rien et que son histoire de « pause dans les réformes » est une bulle de savon médiatique.

Pendant sa campagne présidentielle, Sarkozy avait préparé le terrain en proposant d’ « imposer la consommation plutôt que le travail ». A peine élu, le projet de TVA sociale (baisse des cotisations sociales employeurs compensée par une hausse de la TVA) se précise et Sarkozy confie au gouvernement le soin de rédiger un rapport sur le sujet. Fabius mettant le sujet sur la table le soir du premier tour des législatives, le tollé coute cent sièges à l’UMP dit-on alors. La TVA sociale est alors mise en sourdine. A la rentrée de septembre 2007, Eric Besson comme secrétaire d’Etat à la prospective et Christine Lagarde comme ministre de l’économie remettent chacun un rapport sur le sujet. Toujours zélé, Besson s’y déclare plutôt favorable à la TVA sociale, alors que Lagarde affirme que «la TVA sociale n'est pas propice en France». Fillon met ensuite le projet en sommeil, en appelant à élargir la réflexion sur le financement de la protection sociale…. Il confie à un député UMP, Yves Bur, le soin d’écrire lui aussi un rapport. Rapport qui existe mais qui n’a jamais été rendu public par le gouvernement …On en était là jusqu’à vendredi dernier.

Tout le monde ne voit pas tout de suite en quoi cette TVA sociale est une brutale injustice. Expliquons. Le mécanisme de la TVA sociale consiste à faire de la redistribution à l’envers en allégeant les prélèvements sur les employeurs pour les augmenter sur les ménages. Et, parmi les ménages, la hausse de la TVA pénaliserait surtout les revenus modestes, beaucoup plus exposés à la TVA que les ménages aisés qui épargnent une partie de leur revenu. Les 10 % des ménages les plus riches consacrent 3,4 % de leur revenu à la TVA, les 10 % les plus pauvres 8,1 %. La TVA est ainsi un impôt dégressif, dont la charge baisse à mesure que le revenu augmente. C’est l’exact opposé de l’impôt sur le revenu.

La hausse de la TVA marginaliserait un peu plus l’impôt progressif dans le système fiscal français. La TVA représente déjà 51 % des recettes fiscales de l’Etat, contre à peine 17 % pour l’impôt sur le revenu, progressif. C'est-à-dire une des parts les plus faibles des pays industrialisés, puisque l’impôt sur le revenu représente en moyenne 20 % des recettes fiscales dans les pays de l’OCDE et même 30 % au Royaume Uni. C'est aussi une mesure inefficace. La TVA sociale s’inscrit dans la logique des politiques de baisse du coût du travail, au nom de la compétitivité avec pour objectif verbal de limiter les délocalisations. Le député UMP Yves Bur prétend ainsi « faire participer les importations au financement de la protection sociale », en augmentant la TVA. C’est de la pure propagande. Ce raisonnement est largement erroné. Taxer la consommation des ménages ne pénaliserait que secondairement les importations. Selon un rapport du Sénat de janvier 2009, le rapport Angels, le contenu moyen en importations dans la consommation des ménages est très différentié.  Il n’est en moyenne que de 14 %. Mais tout dépend sur quelles consommations. C’est entre 8 et 10 % pour les produits agro-alimentaires qui sont au total les plus gros volumes. Mais c’est 20 % pour les meubles, 35 % pour l’automobile, 40 % pour le textile. Et de toute façon, l’effet sur l’emploi de la baisse des cotisations sociales n’est pas mieux  prouvé, comme l’ont souligné plusieurs rapports de la Cour des comptes. 70 % des baisses de cotisations, soit une vingtaine de milliards sur les 32 d’exonérations annuelles, sont concentrés dans le secteur des services. Et ce dernier n’est que très peu exposé aux délocalisations. 

En 2004, une étude de Bercy remise à Sarkozy, alors ministre de l’économie, concluait à un effet nul  sur l’emploi à long terme de la TVA sociale. Elle concluait même au risque d’une légère baisse de la production en raison du choc négatif produit sur la demande dans ses deux composantes : consommation et investissement ! C’est vraiment le moment de revenir là-dessus ?

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