M e voici de nouveau à mon banc à Bruxelles. C’est le jour où Trichet fait son rapport. Séance lunaire. L’hémicycle est vide. Il va se remplir à l’heure du vote, comme d’habitude. Reprendre le cours des publications sur ce blog est aussi une épreuve. Par où commencer ?
Mes notes des derniers jours qui ont précédé le vote disent l’essentiel de ce que je pense. Je n’aime guère le genre : « je vous l’avais bien dit ». Même avec le goût délicieux du résultat du Limousin sur les lèvres. Alors, par où re-commencer après le grand chambardement par les urnes de ces deux weekend ? Tant de choses ont déjà été dites avec lesquelles je suis tellement d’accord à propos de la signification de l’abstention insurrectionnelle et de la déroute de la droite ! A quoi bon répéter ? Une première analyse, noir sur blanc, de mon parti est en préparation. Comment m’exprimer sans me substituer ? Je choisis donc d’y revenir petit à petit, à mesure que les évènements m’y inviteront. Ca ne saurait tarder. Aujourd’hui, je me contente de prendre l’actualité là où la voici rendue à cette heure. Sarkozy a parlé. Mais est-ce important ? Etrange silence de sa part sur la crise européenne. Pourtant, l’union européenne agonise dans la crise grecque. A présent voici le Portugal sous l’assaut des vautours bancaires. On prévoit sans mal la suite. Un grand charivari s’avance.
Je ne sais pas si Sarkozy a réellement l’intention de se tenir à la ligne qu’il a énoncée dans son allocution après le conseil des ministres. Peut être est-ce seulement une occupation supplémentaire de l’espace médiatique sans autre but que de donner l’impression d’être bien là, nullement abattu, toujours offensif. Pour se maintenir visible sur l’écran, il se présente lui-même tel qu’en caricature. Et puis je me suis amusé de voir que le pupitre auquel il se tenait devant la caméra avait été placé devant une porte. Entrée, sortie ? Erreur de détail qui fonctionne en image presque comme un message subliminal. Au-delà des apparences, toujours trompeuses, reste le ton général. On a parlé de mise du cap à droite. On se demande où il était avant. Pour moi il va plus loin que ça. C’est autour d’une radicalité à droite qu’il veut reconstruire le rassemblement de son camp. Il a vu que non seulement la fraction d’extrême droite de l’électorat populaire est retournée au bercail mais maints beaux quartiers y emboite le pas. Comme au lendemain de 1981 quand la bourgeoisie la plus rance et violente voulait en découdre avec la populace du programme commun. Pour autant, selon moi, la lepenisation du projet sarkozyste n’est pas tenable. En tous cas pas par lui. Elle implique une offensive dont il n’a plus les moyens politiques. Pour organiser une nouvelle étape de confrontation sociale comme celle qu’il formule il lui faudrait une autorité personnelle sur son camp, un rapport de confiance dans l’opinion qui se sont perdues de façon irréversible ces deux dimanches passés. Mais que peut-il faire d’autre ? Faire semblant d’être toujours le même homme en espérant que cela sera comme si c’était toujours la même situation, celle du lendemain de sa victoire.
Ici, à Bruxelles, c’est le ronron. Dans l’hémicycle vide, Trichet répond aux honorables orateurs qui se sont succédés avec une ou deux minutes de temps de parole. Trichet, lui parle comme un livre. Un peu en français, c’est remarquable. Beaucoup en anglais. Le diagnostic est terrible. «Si nous n’avions pas réagi ce serait la situation la pire depuis la deuxième guerre et même la première» L’avenir tout noir : « nous ne sommes pas sortis d’affaire, loin de là » Mais rien ne doit changer : « nous faisons le choix de la stabilité ! Notre message reste le même. Ce sont les réformes structurelles ! C’est cela l’essentiel pour nous ». L’épouvantail grec est là pour faire peur. « Nous avons besoin de surveillance des politiques budgétaires des Etats! » Et enfin une invite : «La Grèce a un modèle et c’est l’Irlande. L’Irlande a pris son problème au sérieux ». «Je le répète le jugement de la BCE est que les décisions prises par la Grèce sont convaincantes et courageuses. » Mais après ce satisfecit de commande qui ne mange pas de pain l’avertissement tombe : « Tous
les membres de la zone euros savent que l’inflation restera à deux pour cent ! Chacun doit en tirer des leçons pour lui-même et ne peut pas s’abstraire des obligations qui en découlent pour tous.» Dans cet univers de tricheurs irresponsables, seule la banque est pure et parfaite. «En ce qui concerne la transparence de nos décisions, il faut dire que nous sommes les plus transparents du monde ! Le seul point sur lequel nous avons décidé de nous taire c’est à propos de qui vote comment ! Car nous ne sommes pas un ensemble d’individus mais un collège. » «Il faut réformer en profondeur les marchés financiers pour ne pas retrouver la situation qui nous a frappés !». Amen. Des phrases convenues, rabâchées mille fois, de la politique hors sol, de la langue de bois absolue. Le rapport qui conclue ce déluge de libéralisme en acier chromé est naturellement une horreur et je vote contre, cela va de soi. On trouvera la note correspondant à cette question dans la rubrique que j’ai ouverte récemment sur ce blog pour y rassembler mes explications sur les sujets qui passent au parlement et les votes que j’y formule.
En feuilletant le journal je me sens tout bizarre. D’une page à l’autre je vois glisser le pays vers le démantèlement que j’ai observé sous tant de latitudes. Ici une grande entreprise, la SNCF, qui s’affole de voir son modèle économique s’écrouler sous ses pieds. Là, c’est tel grand avionneur, EADS, qui décide d’aller construire au Mexique plutôt qu’en zone euro pour se protéger des taux de change avec l’euro dans lequel il perd sa chemise (bonjour bonjour « l’Europe qui protège » !). et ainsi de suite, au fil des colonnes et des brèves. Et le gaz qui augmente de 9,7 %. Ca fait 70 euros en moyenne par famille ! Pendant ce temps, la société GDF-SUEZ a fait en 2009 4,5 milliards de bénéfices ! C’est tellement beau la privatisation ! Ca marche tellement mieux ! Ces poules aux œufs d’or fabriquées avec l’argent public pondent à présent pour les omelettes privées ! La honte. Ainsi va la France sous Sarkozy !