Il fait froid à nouveau ! C’est la faute à la droite

Dans cette note il est question (sans abuser) de la Grèce. Puis de la rencontre avec Eric Woerth le ministre du travail. Et du merveilleux « coup de barre à gauche » du nouveau projet économique des socialistes, cette pitoyable foutaise. Le premier Mai n’a pas a été à la hauteur de nos attentes, inutile de le cacher. La droite et le gouvernement en ont aussitôt profité pour parader. Mais pas tant que ça ! A part le titre du « Figaro », il n’y a pas eu les provocations du passé sur ce thème. C’est que le sol n’est pas ferme sous les pas des réformistes de la retraite.

Certes ils ont pour eux une certaine trouille et beaucoup d’abattement populaire sous le matraquage à propos de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal. Mais précisément, la partie dans ces pays n’est pas jouée. Et le front commun de l’UMP et du PS pour voter le plan d’austérité du FMI et de l’UE et la rançon de 150 millions d’euros prise aux grecs donne au paysage politique un air d’unanimisme contre populaire qui laisse ouverte une faille béante à droite et à gauche. Et là campent, en recours de leur camp, chacun au bord opposé, le Front de gauche et le Front National. Pendant que les bavards font du bruit avec leur bouche et que Sarkozy essaie de reprendre la main en poussant les feux de « la rupture » qu’il avait annoncée, le paysage politique se redessine dans le sens préfiguré par l’Amérique latine des années post FMI. Le vote à l’assemblée sur le plan d’aide à la Grèce a été un tel révélateur ! Chacun a choisi son camp par rapport au peuple grec, celui qui lutte et qui va dire dans la rue qu’il ne veut pas du plan du FMI et de l’union Européenne. Les députés du front de gauche, communiste et PG, les sénateurs, tous vont voter contre. L’ex gauche du PS a donné sa caution entre deux pleurnicheries bien pensantes et trois grognements de posture !

Pour notre honneur, Martine Billard a dit ce qu'il fallait dire en notre nom dans l'hémicycle, avant de voter contre le plan anti-grec. Voici ses interventions :

"Madame la ministre, dans un quotidien du soir, vous avez déclaré que ceux qui ne voteraient pas ce projet de loi refusaient en fait de soutenir la Grèce.
Je voterai contre ce texte au nom du Parti de gauche, non parce que je refuse de soutenir le peuple grec, au contraire, mais parce que je suis en désaccord avec le système proposé.
Vous avez parlé des taux d’intérêt. En la matière, il y a une contradiction entre le président du FMI et vous-même. Qui empochera la différence ? Pas le contribuable français – ce ne serait pas très moral – mais, une fois de plus, les banques françaises qui détiennent une part importante de la dette grecque. Voilà une première raison pour ne pas voter ce texte.
Si la BCE avait prêté tout de suite à 1 % à la Grèce, nous n’en serions pas là. L’article 123 du traité de Lisbonne permet d’intervenir en cas de circonstances qui échappent au contrôle du pays concerné. L’Eurogroupe a décidé que l’on n’était pas dans cette situation et donc que l’on ne pouvait pas utiliser cet article. Or il aurait très bien pu décider le contraire. Voilà la deuxième raison pour ne pas voter ce texte.
Ensuite, ces prêts dont nous critiquons déjà la forme sont assortis de la mise en place d’un plan très violent d’austérité qui ne frappera pas les responsables de l’insincérité du budget, ce qui pourrait être justifié, ni les banques qui ont spéculé sur la dette grecque, mais le peuple grec qui n’y est pas pour grand-chose. Depuis plusieurs jours, les médias français nous expliquent que les Grecs ne travaillent pas mais qu’ils perçoivent quinze mois de salaire. Qu’en est-il réellement ? Contrairement à ce que l’on nous a dit, l’âge de départ en retraite n’est pas de cinquante-sept ans, ni même de cinquante-trois ans, mais de soixante-cinq ans pour les hommes et de soixante ans pour les femmes, avec un âge moyen de 61,4 ans. Les Grecs vont donc vivre une dégradation de leurs retraites.
Quant au salaire moyen d’un fonctionnaire grec, il est au mieux de 1 400 euros si l’on rapporte les quatorze mois sur douze mois. Un quotidien du soir nous donne l’exemple d’un technicien en radiologie médicale de l’hôpital public qui gagne 950 euros par mois. Les quatorze
mois de salaires servent à [rattraper les bas salaires. Les Grecs vont devoir supporter une baisse très importante de leurs revenus. Voilà un troisième élément de désaccord.

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La façon dont a été gérée la crise en Grèce depuis le début est une véritable incitation à la spéculation boursière. Contrairement à ce que l’on entend, le problème, ce n’est pas la contagion de la crise grecque à d’autres pays, mais l’encouragement des banques à continuer de spéculer sur des pays comme le Portugal. Selon M. Strauss-Kahn, le Portugal va prêter à la Grèce à un taux inférieur à celui auquel il emprunte pour son compte. Le président du FMI s’extasie même devant cette réalité, de même qu’il s’enthousiasme sur le fait que des pays pauvres comme le Mali sont parties prenantes de ce sauvetage. Voilà la quatrième raison pour laquelle nous sommes en désaccord avec ce plan.
Comment, en effet, est-il possible qu’on demande à des pays déjà en grande difficulté d’en aider un autre alors que les plus riches de la zone euro avaient la possibilité d’organiser la solidarité rapidement pour éviter que la crise ne prenne son ampleur actuelle ?
Je voterai donc contre ce texte."

"Non, M. le président de la commission, je ne fais pas partie de ceux qui remettent en cause l’euro.  Cela n’empêche pas de constater que des établissements bancaires ont profité de la situation de la Grèce : et finalement, ces banques qui ont prêté à des taux outrageux, à des taux scandaleux, s’enrichiront encore une fois aux dépens de l’État grec, aux dépens du peuple grec !
On en revient à la situation que nous avons vécue avec la crise des subprimes. Alors, les banques avaient gagné ! Aujourd’hui, les banques françaises ont reconstitué leurs profits comme avant la crise ; aujourd’hui, les banques qui ont prêté à la Grèce vont pouvoir reconstituer leurs profits – ce n’est pas elles qui vont payer la crise grecque ! Elles ne sont jamais punies quand elles spéculent, sur la dette des États ou sur autre chose : mais alors qu’est-ce qui les arrêtera ? Qu’est-ce qui les convaincra de ne pas chercher une nouvelle raison, un nouveau moyen de spéculer ? Qu’est-ce qui les convaincra de ne pas attaquer demain le Portugal, après-demain l’Espagne, et pourquoi pas ensuite la Grande-Bretagne et la France ?
Si on ne met aucun frein à la spéculation des banques, on pourra continuer à se plaindre et à pleurer dans les années qui viennent.
Madame la ministre, monsieur le ministre, il existait pourtant une solution : obliger les banques qui détiennent la dette grecque – dont les banques françaises – à prêter à la Grèce, à un taux qui aurait été par exemple de 2 %. Ainsi, la Grèce serait sortie de la crise dans laquelle elle se trouvait, sans que ce soit le peuple qui paye massivement les profits de banques qui vont s’enrichir une fois de plus sur le dos d’un pays – en attendant les suivants."

Le rendez vous au ministère du travail était à huit heures et quart ! On y était, pile poil à l’heure, à cinq, nombre maximum autorisés. Les cinq disponibles à cette heure et ce jour là. Mais on y était. Je m’amusais de nous voir préparer la rencontre comme des bleus, alors qu’il n’y avait pas un d’entre nous qui n’ai déjà mené des dizaines de délégations dans sa vie. Sans oublier ceux qui avaient déjà négocié avec des ministres et celui…qui a été lui-même ministre ! De toutes les façons on est comme ça ! On ne va pas changer. Maniaques de la démonstration avec des arguments vérifiés dix fois ! On nous avait dit que la rencontre ne servait à rien et ainsi de suite. Peut-être bien se disait-on mais nous on a décidé qu’elle nous servirait à quelques chose. Certes il n’y a pas besoin d’être très malins pour comprendre que ce n’est pas à nous que le ministre ferait des révélations. Pour autant est-ce une raison pour faire le pari que tout n’est qu’une comédie dans la vie publique ? Et cet état d’esprit a payé. Le dialogue a eu lieu. Dans la limite que le ministre avait prévue ? Et alors?

On y a appris beaucoup de choses. A noter: le ministre du travail Eric Woerth est courtois et répond en s’avançant dans les raisonnements, ce qui est respectueux, à notre point de vue. Cette rencontre de plus d’une heure nous a permis de comprendre les grandes lignes du plan gouvernemental. On verra à la publication du document d’orientation promis pour le 15 mai prochain si nous avons vu juste. Alors nous avons fait le choix d’un compte rendu plutôt précis au lieu du communiqué de rigueur dans ce genre de circonstances qui nous aurait vus faire le service minimum de dénonciation traditionnelles. Je pense que cette attitude a été appréciée de la presse dans la mesure où la dépêche AFP a été assez nourrie et les reprises dans la presse sérieuse assez nombreuses

Pour Eric Woerth, l’augmentation de la durée de vie demande aux salariés de travailler plus longtemps pour financer leurs retraites. La principale réponse au déficit du régime de retraites serait un recul de l’âge légal de départ au-delà de 60 ans et un nouvel allongement de la durée de cotisation. « Le monde » a repris notre analyse. Le gouvernement a démenti « le Monde ». Rien ne serait dit assure-t-on ! N’empêche que le financement par l’allongement de la duré e de cotisation et le report de l’âge de départ est un parti pris clair, conforme a la philosophie gouvernementale. En effet il exclut par avance toute augmentation des ressources pour payer les besoins de financement des retraites. C’est là le cœur de son raisonnement. Pour autant, Woerth se dit d’accord pour  envisager des recettes nouvelles. Que les riches se rassurent : tout ça ne va pas loin ! Elargissement de l’assiette à d’autres revenus (finance, épargne), sans plus de précisions, contribution des revenus les plus élevés, tout est flou, ambigu et semble bien symbolique.

Nouvelle ferme : Eric Woerth laisse ouverte à moyen terme le passage aux « comptes notionnels » envisagé par le COR. Autant se souvenir que ce type de « comptes », même enrubanné de vibrantes références à la Suède, paradis du social libéralisme, interdit aux salariés de savoir quel sera le montant de leur pension au moment où ils partiront en retraite. Le ministre promet également des mesures concernant la pénibilité. Tarte à la crème. Sa vision rejoint celle du MEDEF. Ce n’est pas surprenant ! La pénibilité serait attachée à la personne et non au métier. Et d’une. Elle combinerait exposition à des « facteurs de risque » et examens médicaux personnalisés. Et de deux. Bref c’est à la carte et a la tête du client. On peut même imaginer des cas ou un poste de travail exposé sera proposé avec comme appât la perspective d’un accès plus rapide a la retraite. Les futurs morts sont tous des braves types !

Face à notre argument sur le chômage élevé des seniors, le ministre fait le pari que l’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge de départ en retraite provoquerait un changement culturel dans les entreprises conduisant à conserver plus longtemps les salariés âgés. On peut rire. Il vaut mieux. C’est assez faible par rapport à la réalité de la situation où 60 % des travailleurs qui prennent leur retraite sont déjà au chômage de longue durée. Mai surtout c’est de l’angélisme à propos des motivations des patrons quoi n’ont rien à voir avec « la culture de l’âge ». Et enfin ça ne tient aucun compte du fait que les gens n’en peuvent plus et sont demandeurs de partir et non de rester ! La vraie  surprise est d’avoir entendu le ministre clairement écarté l’hypothèse d’une décote supplémentaire liée à l’âge de départ qui pénaliserait les salariés partant à 60 ans. Il reconnaît que cela multiplierait les petites pensions. Il préfère donc contraindre les salariés à travailler plus longtemps pour obtenir leurs droits ! C’est cohérent avec l’analyse qu’on faisait de sa position personnelle sur la question.

Concernant le système de retraite des fonctionnaires, le ministre a indiqué qu’il étudiait la remise en cause de la règle des 6 mois. Mais il a précisé que dans cette hypothèse, il faudrait intégrer les primes dans le calcul des retraites. Et c’est lui-même qui a dit : « cela pourrait coûter plus cher que le système actuel ». Son idée c’est donc plutôt d’aligner le taux de cotisation des fonctionnaires sur celui du privé. Aïe, aïe, aïe ! Concrètement cela ferait un prélèvement supplémentaire de 3 points de plus sur les traitements des fonctionnaires ! L’état lui y ramasserait plus de 10 milliards d’euros. Juteux. Mais très douloureux car cela équivaut à une baisse immédiate du pouvoir d’achat. De cet entretien ressort cependant une unique bonne nouvelle. Eric Woerth a déclaré écarter l’augmentation du taux de CSG des retraités. 

Vous avez entendu parler du nouveau projet socialiste, pas vrai ! Un vrai coup de barre à gauche ! Qui parle de ce coup de barre à gauche ? Pas Moscovici le rédacteur. Lui n’a de cesse de rappeler que le PS n’est pas le PG ni le Front de gauche. C’est vrai. Mais lui n’a pas de complexe à ce sujet. D’autres par contre doivent justifier pourquoi il n’y aura pas eu un amendement, ni un seul vote contre au conseil national du PS sur un tel document. Pour ceux là, il est essentiel de nourrir la thèse du « coup de barre à gauche » qui efface leur turpitude.  Ils sont heureusement appuyés par certains commentateurs médiatiques, totalement désintéressés, cela va de soi. Sans oublier, la mèche au vent, les renégats de notre ancien courant qui en profitent pour refinancer leur admission à la niche en affirmant qu’ils tiennent avec ce texte la preuve de leur utilité au PS et de l’erreur de notre départ. La méthode Coué fonctionne assez bien. Surtout pour ceux qui ne lisent pas le texte et, dans le cas où ils le lisent, s’ils n’ont aucune mémoire des précédents textes du Parti socialiste. Que peut-être ils ne lisaient pas non plus ! Ca fait beaucoup de gogos au mètre carré.

Laurent Maffeïs, responsable national aux études du Parti de gauche s’est attelé au travail de lecture critique et de comparaison. Un document récapitulatif est en cours d’édition. Je ne résiste pas à l’envie d’en déflorer un peu le contenu pour mettre en appétit. Et peut-être pour inciter les camardes socialistes de la gauche du parti à bien mesurer où ils en sont rendus idéologiquement sur le plan des propositions « sociales » et ce qu’on leur fait faire avec ce vote unanime. Mais comme dit le proverbe, qui a déjà bu la mer peut bien aussi avaler les poissons ! Voyez, camarades, ce que vous allez voter !

Sur les salaires, le nouveau texte du PS évoque « la revalorisation du SMIC » comme « levier fort ». Merci bien. Mais encore ? Rien. Car le texte se garde bien de préciser dans quelle proportion et à quelle échéance il serait revalorisé. C’est un recul par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui affirmait : « nous porterons le SMIC au moins à 1500 Euros bruts le plus tôt possible dans la législature ».  Gros coup de barre à gauche, non ?

Pour  la  réduction du temps de travail, le texte socialiste de 2010 propose de « revenir sur les dispositifs ayant dégradé les 35h et sur la remise en cause du repos dominical ». C’est bien. Un peu de vigilance permet de se rendre compte que cette proposition est purement défensive par rapport au projet socialiste 2006-2007. Celui-ci  prévoyait d’aller beaucoup plus loin en termes de RTT. Il disait : « Nous relancerons la négociation sur le temps de travail, pour étendre le bénéfice des 35 heures, avec création d’emplois, à tous les salariés. Si la négociation n’aboutit pas, la loi interviendra. » Drôle de coup de barre à gauche.

A propos de la  précarité, le nouveau texte socialiste propose de « majorer les cotisations sociales des entreprises employant un quota trop élevé de travailleurs précaires ». Une formulation qui sous entend qu’il existerait une forme de précarité acceptable (« pas trop élevée »). De toute façon c’est un recul par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui prévoyait : « Pour lutter contre la précarité, nous réaffirmerons la primauté du CDI sur toute autre forme de contrat de travail. »

Sur les licenciements, ça ne s’arrange pas. Le texte 2010 du PS ne prévoit aucune mesure radicale pour stopper l’hémorragie de licenciements collectifs ! Rien. En 1996 la Convention  nationale avait pourtant prévu un droit de veto suspensif des comités d’entreprises dans les boites qui faisaient des profits. Puis, dans le projet socialiste 2006-2007, le PS promettait, au moins, de « pénaliser les patrons voyous ». Le projet 2010 souhaite seulement « augmenter le coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes », sans les interdire. Et seulement chez les « florissantes », ce qui est mieux que seulement bénéficiaires, Misère : c’est moins que le contenu de la loi de modernisation sociale votée en janvier 2002.

Energie ? EDF ? Le texte socialiste de 2010 ne prévoit pas explicitement de renationaliser EDF-GDF, ni même de remettre en cause l’ouverture du secteur à la concurrence, et encore moins d’aller jusqu’à un pôle public de l’énergie incluant Total, comme nous le proposons. C’est donc un recul très sensible par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui prévoyait : « Nous réintroduirons le contrôle public à 100 % d’EDF et mettrons en place un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF –dont nous refusons la privatisation-. »

D’ailleurs, le « nouveau modèle énergétique » proposé est nettement moins ambitieux que celui du projet socialiste 2006-2007. Celui-ci affirmait : « nous réduirons la part du nucléaire en faisant passer à 20% d’ici 2020 et à 50% à plus long terme la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. » Désormais seul un objectif de 23 % est conservé pour les énergies renouvelables ! Adieu la perspective de 50 %. Quand au nucléaire, il est qualifié d’ « inévitable »

Et les banques ? Voila un sujet d’actualité !  Le projet de 2006-2007 des socialistes prévoyait la création d’un « pôle financier public » à vocation généraliste, support d’un service public bancaire ! De tout cela il ne reste rien. En 2010 il ne s’agit plus que d’un pôle public dédié à l’ « investissement industriel ». Fermez le ban ! Le coup de barre à gauche est servi!

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