Je poste cette note tard de nuit car j’ai travaillé sans relâche ces temps derniers et le temps d'écriture a dû être bien étalé pour tenir dans l'emploi du temps. Neuf jours d'affilée sans pause, c'est rude. Demain, c’est jour de manifestation contre la xénophobie d’Etat, à l’appel de 102 organisations et à l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme. Je suis sûr qu’on va être nombreux. C’est essentiel pour construire un rapport de force dans un domaine où les victimes ne peuvent pas se défendre elles-mêmes. Mais c’est aussi une affaire d’honneur. Je pense qu’il faut montrer à tous ceux qui regardent la France que nous ne sommes pas un peuple sarkozyste. C'est-à-dire que nous n’avons pas un terrain vague dans la tête. Bref chacun manifeste pour deux. Une fois pour l'autre, le persécuté qui ne peut se défendre, une deuxième fois pour l'idée qu'on se fait de soi et de son pays.
Dans cette note, je tiens une promesse de brièveté. Je parle des retraites à propos de notre chère Europe qui protège. Et de la précarité énergétique. Enfin, je vous charge d’une commission pour Benoît Hamon que je n’arrive pas à joindre.
Il va être question de retraite et tout est déjà dit entre nous sur le sujet. J’y ajoute cependant un mot pour vous donner des nouvelles de cette « Europe qui protège » et se soucie donc de vos retraites comme la vraie providence qu’elle est. Son intérêt prend la forme d’un Livre vert paru au début de l’été, le 7 juillet, à l’initiative de la Commission européenne : Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe. Vert, le livre ? On va voir si c’est la bonne couleur. Mais sur ce thème, qu’est-ce qui peut bien motiver notre chère protectrice ? De nobles passions comme toujours. Son intérêt amandin pour la vie des gens ? Jugez plutôt l’objectif : « la levée des obstacles qui entravent l’achèvement du marché unique, ce qui peut se faire par exemple en rendant le marché intérieur des produits financiers plus sûrs et mieux intégré et en facilitant la mobilité de tous les travailleurs ». Doux et délicat. Sans oublier le parler faux-cul si typique de la maison: « L’objectif (…) en matière de taux d’emploi (75 %) nécessite d’atteindre des taux d’emploi nettement plus élevés qu’actuellement dans la population âgée de 55 à 65 ans. » Traduction : tout le monde doit travailler au moins jusqu’à soixante-cinq ans. C’est écrit mais ce n’est pas dit. Telle est la novlangue des eurocrates.
Il existe une synthèse écrite de ces deux aspects fondamentalement bienveillants que sont l’achèvement du marché unique pour les produits financiers et l’allongement de la durée du travail jusqu'à 65 ans. Elle est même brillamment associée à l’art de se moquer du monde en prétendant que c’est pour leur bien si cette politique inhumaine est promue. Elle se trouve dans le texte de ce bon monsieur Barroso, ci-devant monte-charge de l’Europe libérale, dans la présentation de ses « orientations politiques » le 3 septembre 2009. Lisons ce beau morceau : « Des millions d’Européens n’ont pas d’autre revenu que leur pension de retraite. La crise a montré l’importance de l’approche européenne en matière de régimes de retraites. Elle a démontré l’interdépendance des différents piliers des régimes de retraite au sein de chaque Etat membre et l’importance d’approches communes au niveau de l’UE en matière de solvabilité et d’adéquation sociale. Elle a mis en évidence que les fonds de pension étaient un élément important du système financier ». Et voilà le travail ! Un ami à qui je parlais de tout cela pour solliciter de lui une expertise approfondie de ce « livre vert » a commencé par me dire « ça n’ira pas bien loin car les retraites ne sont pas de la compétence européenne ». C’est un naïf, et je le lui ai dit. Tout peu devenir de compétence européenne dès lors qu’il y a un peu d’argent à prendre. Ici, la prose de Barroso illustre la méthode. Puisque les fonds de pensions existent et qu’ils impliquent les retraites et que les retraites doivent pouvoir bénéficier de la concurrence libre et non faussée, abracadabra, le sujet est de compétence européenne. Lisez : « Au niveau de l’UE, les systèmes nationaux de retraite sont soutenus par un cadre d’action allant de la coordination politique à la réglementation. Certains thèmes communs doivent être en effet traités de manière coordonnée ; c’est le cas, par exemple, du fonctionnement du marché intérieur, des exigences résultant du Pacte de stabilité et de croissance, ainsi que des réformes des retraites, qui doivent être cohérentes avec la stratégie «Europe 2020». Vu ? C’est ça l’Europe libérale. Il ne peut venir que du mal de cette Europe, tenez-vous le pour dit.
Bon, maintenant vous brûlez de connaitre les trouvailles européennes en matière de prescriptions sur les retraites. J’avoue que j’ai été bluffé ! C’est tellement neuf ! Tellement imaginatif ! On voit que quand le monde change les modernes savent se renouveler pendant que les archaïques ne font que répéter les formules du passé qui ne marchent pas. Faisons donc un résumé de ces propositions. D’abord « l’allongement de l’âge effectif de départ à la retraite » ! Waouh ! Ensuite « la réduction des dépenses publiques » ; enfin du neuf. Et aussi, je n’en crois pas mes yeux, « le développement et renforcement des capacités des régimes par capitalisation ». Enfin, le développement des régimes complémentaires et d’une offre assurantielle individuelle pour les travailleurs. Emotion. Instauration d’un régime de retraite privé à l’échelle des Vingt-sept coexistant avec les systèmes nationaux sous la rubrique « consolidation du marché des retraites ». N’oublions pas la pieuse référence au renforcement de l’efficacité de la réglementation des marchés financiers mais seulement «compte tenu du rôle croissant des fonds de pension». Et pour le cas où il y aurait doute sur la volonté de se mêler de ce qui ne le regarde pas, le « livre vert » prône une « amélioration de la gouvernance des retraites » à l’échelle de l’Union Européenne. Qu’est ce à dire ? D’abord une riche trouvaille : l’établissement d’une comparabilité des statistiques, notamment sur les fonds de pension. Flanqué d’une inquiétante mise en place : celle d’une plateforme commune de suivi des politiques de retraites. Où vont-is chercher tout ça? Je suis sur que le FMI est d’accord.
Les factures de la rentrée sont sévères. Et je vois bien que ma note vire au noir à force de mauvaises nouvelles. Si je le fais, ce sera seulement pour certaines ardoises d’autant plus pénibles à payer qu’elles sont le résultat d’un pillage délibéré. Je lis que l’électricité augmente de 3,4 % en moyenne pour les ménages au 15 août 2010 et 5 % pour les entreprises, avec des pics de 10 % d’augmentation selon les types de consommateurs. Pourquoi ? Qu’est-ce qui justifie ces augmentations en dehors de la volonté de prendre de l’argent ? Cette hausse, qui représente près de 2 fois l'inflation. On a eu déjà la même l’an passé, à l'été 2009. Un mystère. Non. Pas vraiment. Et même pas du tout. Il s’agit d’aligner les prix sur ceux du marché. Je ne surprends pas en le disant je suppose mais il me parait essentiel de rappeler sans cesse que tout cela, l’ouverture du capital, la concurrence libre et non faussé, le marché étaient censés nous donner de performances techniques, de la souplesse de gestion et des baisses de prix. Telle était la promesse du rêve libéral et social libéral. Pour nous tous, ceux de gauche il est important de monter avec des faits simples et quotidiens que leur système « ça ne marche pas ». Ce n’est pas seulement la douloureuse en main que nous le faisons mais en regardant tout simplement à quoi en sont réduit les gens qui ne peuvent plus faire face. Tenez : vous savez que le gaz a augmenté de 5 % en juillet. Après les 9,7 % en avril, cela fait près de 15 % de hausse en un an ! Et pourquoi ? Il n’y a pas de cause à part l’appétit de lucre. Le résultat est effroyable. GDF-Suez prévoit de couper le gaz à 300 000 foyers en 2010 pour impayés. Sachez que c’est 30 fois plus qu’il y a 2 ans auparavant car il y a eu 10 000 coupures en 2008. Et sur les seuls 5 premiers mois de l'année, GDF-Suez a coupé le gaz à 110 000 foyers. C’était une société nationalisée. En 2009, GDF-Suez a dégagé 4,5 milliards de profits pour ses actionnaires. Leurs maudites privatisations font que tout coûte plus cher et marche moins bien. Le résultat social de ces gros pillages est le suivant. Notre riche pays ne connaissait aucun problème d’approvisionnement individuel. Maintenant avec les hausses cumulées de l'électricité, du gaz et du fioul, 3,4 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique. Elles doivent consacrer plus de 10 % de leurs revenus à régler leurs factures d'énergie domestique. Ce n’est pas moi qui le dit, mais le rapport alarmant du médiateur de l'énergie qui s'inquiète de l'envolée des coupures pour impayés.
Vous connaissez Hamon ? Benoit. Le gars du PS. Le porte parole du PS. Si vous le voyez, vous pouvez lui dire une commission de ma part et de celle de mes copains ? Voilà : j’ai lu dans le journal que j’étais invité à son université d’été. Et son copain Gérard Filoche a dit à un de mes camarades très officiellement que le Parti de Gauche était invité. Aussitôt, j’ai préparé dans ma tête ce que je mettrai dans la valise pour faire le voyage. Parce que je sais que c’est un coin très sympathique que celui où a lieu cette réunion : au Boucau. C’est dans ma circonscription européenne. Et aussi parce que le sujet de la réunion, il s’agit des retraites, m’occupe déjà bien depuis plusieurs mois. Là-dessus, je lui téléphone au gars Hamon. Pas de réponse. Mon camarade Eric Coquerel en fait autant. Pas de réponse. Trois sms : il est collant mon camarade Eric Coquerel, pas vrai ? Pas de réponse. Ce soir, j’ai reçu le programme de cette université d’été de Hamon avec Emmanuelli. Ploc ! Pas de trace de nous ! Pierre Laurent, Besancenot, Jean Vincent Placé, oui. Mélenchon ou Billard ? Non. Rien. Et même pas un coup de fil de courtoisie ou quelque chose comme ça. Entendons nous bien : nous ne demandons rien. D’ailleurs, nous ne sommes pas surpris. L’an passé c’était déjà comme ça. Mais justement l’an passé nous sert de leçon. Après nous avoir traité avec le même mépris de fer, les grands seigneurs avaient gaussé notre demande de confirmation. Avant de répandre le bruit selon lequel nous aurions refusé d’aller leur rendre visite.
Donc, voici la commission à faire à Benoit Hamon : « Si vous nous invitez, on viendra. Je viendrai. Si vous ne me supportez pas, ce sera un autre parmi nous qui viendra. Mais si vous ne nous invitez pas, ce qui est bien votre droit, ayez au moins l’amabilité de répondre à nos messages pour qu’on organise nos emplois du temps et la répartition des déplacements tranquillement car la même fin de semaine, nous avons plusieurs réunions à assumer ». Après quoi on devra quand même se demander ce que signifie cet ostracisme. Mes lecteurs ont-ils une idée sur le sujet ? Ne manquez pas de me le dire dans vos commentaires. Car cette année nous ne souhaitons pas garder pour nous ces sortes d’affaires, somme toute dérisoires, mais tellement révélatrices des dégâts que peuvent faire à gauche les sectarismes et les blessures d’égo que l’on ne veut pas cicatriser. Le pire étant de se la jouer « unité sans limite à gauche » avec la bouche en faisant le contraire dans les faits. Le reste de ce que je pense je me le garde pour ne rien compromettre.