J’ai fait ma valise et rien ne m’arrêtera!

D'un commentateur de ce blog: "Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles." Sénèque

J e suis rentré de la manifestation du jeudi 28 octobre plutôt content de ce que j’ai constaté comme niveau de mobilisation. Même la menace de Ben Laden n’a pas marché. Pour la suite, le rendez vous est pour le 6 novembre et il va falloir préparer ça soigneusement. Je le répète : ce n’est pas fini, le bras de fer continue car nos syndicats nous appellent à l’action samedi prochain. Cette note sera brève parce que je dispose de peu de temps pour la rédiger. Je vais faire une pause de trois jours et c’est peu dire que j’y cours ! Il y a un mot sur les flots d’injures dont j’ai été accablé. Puis je donne le texte de notre demande de commission d’enquête sur la gestion des forces de l'ordre et les méthodes utilisées dans le cadre des mobilisations sociales de 2010 contre la réforme des retraites. Puis, pour proposer une synthèse des évènements en cours, je publie une tribune lue dans « l’Humanité » sous la signature de Benoit Schnekenburger dans laquelle je me reconnais assez complètement. Peut-être voudrez-vous la faire circuler si vous la ressentez comme moi.

Mes lecteurs qui découvriraient ce blog aujourd’hui savent qu’ils peuvent jeter un œil sur les notes précédentes pour se faire une idée de mon appréciation du moment que nous vivons. Et tous doivent se souvenir qu’il est possible de recevoir la lettre d’information de ce blog en s’inscrivant dans la cadre prévu à cet effet à droite de l’écran.

Je suis rudement traité. C’est bien normal quand on s’avance dans le combat social et politique de gauche. Mais pourquoi faut-il qu’à gauche aussi d’aucuns se mettent aux infamies ? Pourquoi m’injurier de façon aussi blessante. Car le record d’infamie est facilement attribuable à Jean Paul Huchon s’il est bien exact qu’il ait affirmé selon l’express.fr que je serai « pire que  Le Pen ». Rien de moins. Au moins vous saurez que cet honnête homme préfèrera voter Le Pen que Mélenchon au deuxième tour si le cas se  présentait car il sait qui est le moins pire à ses yeux. Avant celui-ci madame Ruth Elkrief avait déjà affirmé qu’elle ne voyait aucune différence entre moi et lui. Supposez un quart de seconde que j’ai dit le dixième de cela au sujet d’une quelconque de ces précieuses personnes. Et pourquoi tout cela ? Parce que j’ai dit ce que je ressentais en écoutant monsieur Pujadas maltraiter l’ouvrier Xavier Mathieu ! Le Parti Socialiste, dont j’ai été membre trente ans et dirigeant pendant quinze ans, Martine Aubry acceptent-t-il que l’on parle ainsi d’un autre responsable de la gauche ? Mais qui suis-je pour oser réclamer le respect de l’engagement politique de toute ma vie ? Pour eux, je ne suis pas à leur niveau, au propre et au figuré. Comment le pourrais-je ? Bernard Henri Levy vient de déclarer que j’ai « le niveau de la classe de cours élémentaire première année ». Pourtant pas un ne s’est risqué au début de commencement d’une critique sur la moindre ligne de mon livre « Qu’ils s’en aillent tous ». A moins que ce soit seulement la réponse au titre.

« Le cri du peuple : le retour de la politique ». C’est le titre du papier de  Benoît Schneckenburger, Professeur de Philosophie à Paris, chercheur en sciences politiques, paru dans « l’Humanité ». Sa lecture permet de placer de façon sérieuse la signification de l’accusation de populisme brandi par les belles personnes chaque fois que parait quelque chose qui dérange leurs privilèges.

«Le choix du chef de l’État d’accélérer la procédure parlementaire pour faire adopter son projet concernant le recul de l’âge de départ à la retraite ne participe pas seulement d’une crainte de voir le mouvement de grève s’enraciner. Il signe le refus d’écouter la parole du peuple, à l’assemblée comme dans la rue. Il montre par là une crainte ancestrale, celle du peuple. C’est une constante dans l’histoire de la domination politique que d’ignorer les messages issus du peuple, que de vouloir lui dénier toute participation directe. Le projet de la majorité gouvernementale, comme tant d’autres depuis des années, a été présenté comme le seul possible, placé sous la double évidence de la démographie et de l’économie. L’appel à une solution consensuelle lancé au lancement de cette contre-réforme entendait là encore faire croire que cette solution tombait sous le sceau de la nécessité, c’est-à-dire à la faire sortir du débat politique. Que n’a-t-on entendu sur la rationalité de cette réforme face à laquelle les opposants figuraient alors pour des fous, des dangereux rêveurs ou des opportunistes. Ne nous laissons pas tromper par les tenants du discours dominant. La politique change de camp. Ce sont précisément ceux qui méprisent le peuple qui entendent lui dicter sa conduite, lui dire sa vérité, et placer leurs intérêts propres sous la caution d’un discours économique par là indiscutable. Pour cela il leur faut aussi dénier que le cri du peuple ait un sens.

Il ne manque pas d’observateurs sérieux pour dénoncer démagogie, archaïsmes et corporatismes portés par les protestataires. Ils entendent rendre inaudible le discours du peuple. Il s’agit toujours de répéter que le peuple qui crie n’a rien à dire, que les vociférations de la foule n’ont rien de raisonnable. D’ailleurs tous les dérapages seront montés en épingle pour renforcer l’idée que le peuple assemblé dans la rue n’est, selon le mot de Bodin, que «la populace qu’il faut ranger à coups de bâtons». Quelques centaines de casseurs masquent bientôt les millions de manifestants et de grévistes, quelques émeutiers cachent la masse immense des salariés. Dans un entretien récent, Gérard Mordillat soulignait combien les images médiatiques tendaient à transformer les revendications populaires en un simple bruit: tambours, slogans à peine audibles, pétards. Tout l’attirail des manifestants retourné contre eux, il devient l’écran de fumée qui masque son expression.

Et pourtant, comme lors du débat contre le traité constitutionnel européen, ces cris du peuple manifestent son retour en politique. Ce retour passe certes par un moment négatif, celui de la révolte contre. Mais comme le soulignait Camus, ce «non», scandé mille fois, est un oui: «Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas: c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement.» Il faut entendre ce que porte le discours de défense du système de retraite par répartition et de l’âge légal de départ à 60 ans. Exemplaire à ce titre l’autocollant «Je LUTTE des classes» que l’on voit à chaque manifestation. Le cri de chacun devient celui de tous. L’atomisation des solidarités à laquelle veut nous contraindre la logique libérale se heurte au sentiment profond de la nécessité d’une réponse collective. Exemplaire également la lente construction d’un mouvement qui aujourd’hui reçoit l’aval de la majorité de la population. Il a fallu que chacun se déprenne de l’évidence sans cesse ressassée de ce projet de loi. Il a fallu sortir peu à peu de la stupeur provoquée par le discours dominant, pour oser crier son refus. Il a fallu que chacun prenne conscience du caractère politique et du choix de société que suppose la question des retraites. Le profond sentiment d’injustice se transforme peu à peu en revendication politique d’autres rapports que ceux portés par des décennies de discours libéral qui en appelaient à la seule logique marchande. L’injustice appelle la solidarité, et celle-ci appelle à son tour des réponses collectives.

Le cri du peuple porte la renaissance du peuple. Car un peuple n’est rien en dehors des combats politiques qu’il mène. Tout l’enjeu des mobilisations consiste à faire entendre ce cri par lequel le peuple prend conscience de lui-même et réclame le droit de s’intéresser à la politique. Le cri du peuple porte le retour de la politique. » 

Voici, à présent, le texte de la proposition de commission d’enquête parlementaire déposée par les parlementaires du PG, du PCF et des Verts. Je le publie parce qu’il propose une forme concrète et républicaine pour répondre aux interrogations qui pèsent sur la question de l’emploi des forces de police dans les mouvements sociaux récents. Je renvoie mes lecteurs à ce que j’en dis dans les deux précédentes notes que je viens de publier cette semaine, à mesure que le problème se précisait. Le contenu extrêmement précis des motifs de saisine de cette commission d’enquête montre que nous n’avons pas l’intention d’être dans le vague et l’insinuation mais sur le terrain très précis des faits vérifiés et pris de la bouche des responsables et témoins. C’est exactement la méthode qui a été appliquée en 1986 pour la commission d’enquête qui avait été constituée dans chacune des deux assemblées à la suite de la mort de Malik Oussékine.

«le projet de loi sur les retraites suscite une forte mobilisation sociale, multiforme et inscrite dans la durée. L'opposition à la dérive sécuritaire du gouvernement et à sa politique envers les résidents étrangers, les revendications de certaines professions telles que les infirmiers-anesthésistes, la défense des mal-logés et bien d'autres causes ont également donné lieu à des actions revendicatives. Ces dernières semaines, face à ces mobilisations, il a été observé une politique répressive en rupture avec les pratiques habituelles. Elle suscite de nombreuses interrogations, quant au respect des libertés individuelles et des droits collectifs, et des principes mêmes qui fondent notre République.

Parmi ces pratiques répressives, il a été relevé notamment :

1) La technique d'encerclement des manifestants sans possibilité de quitter les lieux de la manifestation, et ce, pendant des heures (lors de manifestations place Bellecour à Lyon, lors de l'évacuation d'un squat place des Vosges à Paris…)

2) la présence de policier en civil sans signes distinctifs permettant de les distinguer lors d'actions violentes

3) des agressions contre des manifestations syndicales suivies de poursuites judiciaires contre des syndicalistes et de condamnations (par exemple à Saint-Nazaire)

4) l'utilisation répétée d'armes dangereuses (lanceur de balle de défense – « flash-ball » – à Montreuil, grenades offensives à Lorient…)

5) D'autre part, le recours à la réquisition contre les travailleurs des raffineries, procédure tombée en désuétude depuis 1963, a été décidé dans la précipitation, sur des bases juridiques contestées à plusieurs reprises, avec des décisions de justice invalidant certains arrêtés préfectoraux.

6) Enfin, des journalistes se sont plaints d'entrave à l'exercice de leur profession, voire de violences à leur encontre, alors qu'ils couvraient les manifestations et que leur qualité de journaliste était connue.

La cohérence de cet ensemble de données questionne sur l'évolution des réponses policières et judiciaires apportées aux mobilisations populaires. La commission d’enquête que l’Assemblée nationale aurait pour mission :

De procéder à un relevé aussi complet que possible des faits et à la vérification des témoignages des différentes parties, de déterminer dans chaque cas d'espèce les modalités de décision et les responsabilités des différents acteurs, d'étudier la validité juridique des choix effectués, d’évaluer les conséquences de ces nouvelles pratiques. Et, le cas échéant, de formuler des recommandations pour remédier aux éventuels dysfonctionnements.

Proposition de résolution.
Article unique
. En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres relative à la gestion des forces de l'ordre et aux méthodes utilisées dans le cadre des mobilisations sociales courant 2010. Elle devra notamment faire le point sur : 1) les techniques, armes et choix tactiques utilisés lors des mobilisations sociales depuis le printemps 2010, envers les manifestants, les passants et la presse, 2) les modalités de décision et les responsabilités des différents acteurs, 3) la validité juridique des choix effectués et les conséquences de ces pratiques, 4) dans ce cadre, un point d'attention particulier sera porté par la commission sur les forces de l'ordre volontairement non identifiées en tant que tel, leurs méthodes, leurs choix tactiques, la chaîne de commandement et les conséquences juridiques et pratiques.

Elle formulera des propositions pour remédier aux éventuels dysfonctionnements qui seraient en contradiction avec le respect des libertés publiques et les valeurs fondamentales de la République. (…) »

Enfin, à l'instant de quitter mon clavier, je découvre une polémique à propos d’un vote négatif au parlement européen du groupe GUE auquel j’appartiens sur une résolution  demandant entre autre chose l’instauration d’une taxe type taxe Tobin. Pour une raison que j’ignore des élus prennent le mors aux dents et en font prétexte pour s’en prendre au Front de gauche. Je ne réponds à rien de ce qui se lance d’agressif qui me parait assez mal venu et plutôt politicien. Je peux expliquer pourquoi nous avons voté contre en publiant l’article 77 qu’il fallait avaler avec cette résolution. Et je vous laisse juge de savoir si une promesse de taxe Tobin valait la peine que nous sous dédions de nos engagements et principes sur la question des retraites. Lisez et jugez : «  77. prend acte de ce que le grand krach éclaire d'un jour nouveau le défi démographique et celui du financement des retraites; considère que le financement des pensions ne peut être entièrement laissé au secteur public, mais doit reposer sur des systèmes à trois piliers, comprenant des régimes de retraite publics, professionnels et privés, dûment garantis par une réglementation et une surveillance spécifiques destinées à protéger les investisseurs; considère en outre que les retraites devront être réformées à l'échelle européenne pour contribuer à financer la solidarité intergénérationnelle; considère que l'allongement de la durée de vie soulève des questions transversales en termes d'organisation de la société qui n'ont pas été anticipées; »

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