On s’y est mis à plusieurs : le pied sur le frein pour stopper l’emballement de mon emploi du temps. Une telle durée sans pause c’est une cadence qui m’envoie dans le mur à tous les coups. Le plus terrible est le manque de sommeil. Cette fois ci le docteur en personne s’est fâché et m’a enjoint deux jours de repos forcé après avoir vu mon intéressante mine et procédé à diverses vérifications qu’un refroidissement imposait. J’ai pu observer à cette occasion les merveilles techniques qui équipent dorénavant les docteurs. Une petite pince à l’index pour prendre la tension, qui dit aussi combien on inspire d’oxygène, une autre pour prendre la température en passant par les oreilles et ainsi de suite. Mon pote toubib a une allure de coach d’astronaute. Il a toujours un air étonné devant mon état, compte tenu de ce qu’il sait de mon mode de vie. Je frôle le statut de curiosité scientifique. La vérité est que, pour l’instant, j’ai une santé de fer. Pourvu que ça dure. Mais la tête, les amis ! Organe fragile. Il la faut bien pleine mais aussi vive et rapide pour affronter l’exercice de grand oral permanent auquel je suis soumis. La bonne réplique au bon moment. Ce n’est pas le plus simple. Je l’entraine donc sans cesse. Ce n’est pas qu’elle ne soit pas bien calée. Nourrie comme il faut de conversations et de fiches prises à grosses cuillères. Ah, quelle astreinte ! Mon dimanche déjà amputé d’une matinée et préempté en fin d’après midi par un passage chez monsieur Mazerolle de BFM! L’entre-deux fut voué aux fiches. Le nez qui coule et les fiches c’est assez moyen comme contexte sur canapé, un pauvre bout de dimanche après midi. Tout ça pour subir une heure et demi de feu continu où il faut se battre sans cesse pour arriver à passer sur le terrain du programme ! N’empêche, il y a bien plus malheureux ! Et la cause avance. Ce dimanche elle a fait un bond en avant. Ailleurs elle a reculé.
Remerciements à Pierre-Alain Dorange, auteur des photos qui illustrent ce billet.
Le premier congrès de Gauche Unitaire s’achevait ce dimanche. J’étais invité à m’exprimer au cours de la séance de clôture, juste après Marie George Buffet et juste avant Christian Piquet, le porte parole de ce mouvement. Ce qui était émouvant sur place c’était de voir des militants qui ont rompu comme tant d’entre nous avec leur organisation pour en créer une nouvelle, sur une nouvelle visée, et qui font leur bilan en cours de route. Ce moment de leur histoire est singulier. Tout comme nous, ils se découvrent entourés de personnes qui sont devenues des camarades et des proches, bien davantage parfois que ceux du passé avec qui ils avaient passé tant d’années dans leur organisation initiale. Et le renouvellement des adhérents, l’augmentation de leur nombre n’installe pas que de nouveaux visages. Ce sont aussi des parcours, des expériences d’abord éloignées qui s’ajoutent.
Gauche Unitaire est une formation « creuset » tout autant que nous au Parti de Gauche le sommes. Cela change tout. Le rameau initial se perd vite de vue à mesure qu’on s’éloigne de la côte de départ. Chaque jour se renforcent les liens du présent. C’est la loi du combat commun. Chaque jour se renforcent les liens que crée l’invention en commun du futur. Ainsi nait une nouvelle identité. Pas seulement collective mais aussi personnelle pour ceux qui s’y impliquent. Le militantisme, c’est à dire l’engagement actif, est une alchimie humaine très intrusive. Certes, les femmes et les hommes du congrès de Gauche Unitaire n’avaient pas à leur ordre du jour cette méditation ontologique. Mais moi j’y pensais, en les observant depuis la tribune où l’on m’avait installé. Assis devant une citation de Maximilien Robespierre, j’étais chez moi.
Christian Piquet a conclu les travaux du congrès. Il a dit mesurer combien vocabulaires et références sont devenus proches entre composantes du Front de Gauche. Je constate que c’est assez frappant s’agissant d’eux et de nous. Les cinq points du programme sont partagés et le vocabulaire à leur sujet est le même. Ainsi de la « planification écologique » que nous portons ensemble. Mais je ne veux pas manquer de noter autre chose de fondateur. Je pense à cette affirmation républicaine de la gauche unitaire qui rejoint ainsi à présent son principal fondateur, Christian Piquet, sur la question de la République sociale. C’est sur ce thème que lui et moi nous étions découverts et approchés le 3 novembre 2003 pour une conférence commune sous le timbre du club que je présidais alors « la République sociale ». Je crois qu’en fait la suite du chemin commun ne fut possible si vite et si fortement qu’après cela.
Marie Georges Buffet avait fait un discours très allant en ouvrant la séance. Son enthousiasme pour les révolutions de l’autre rive de la méditerranée était bien mis en mots. J’ai noté qu’elle nous a lu des vers, chemin faisant. Sa façon d’être semble soulagée du poids de la lourde responsabilité qu’elle assumait jusque là à la tête de l’organisation communiste. Elle est donc en souplesse sur ses thèmes d’intervention et c’est très entrainant de l’entendre. La conclusion fit bien rire. C’est toujours un habile viatique du message politique que l’humour. Elle dit : « certains disent que Mélenchon ferait bientôt une OPA sur le Parti Communiste ! Eh bien moi je leur dis : faites attention ! Les communistes en juin pourraient bien faire une OPA sur Jean Luc Mélenchon ! » La salle éclata de rire et applaudit. J’y vois un bon encouragement. Pour autant je suis bien placé pour savoir que la discussion est loin d’être conclue parmi les Communistes. N’empêche qu’avec la déclaration de Christian Piquet ce fut une matinée qui affichait une solide volonté de rassemblement. Je reviens sur ce sujet qui mérite grande attention.
Faisons le point. Les trois partis du Front de gauche détestent en commun cette élection présidentielle qui défigure l’espace politique des citoyens et le rabougrit avec une personnalisation caricaturale des enjeux. Pour autant il ne saurait être question de contourner un quelconque rendez vous avec le suffrage universel. Surtout celui qui met en jeu l’essentiel de l’architecture du pouvoir du pays. Les trois partis se prononcent pour une candidature commune à l’élection présidentielle. Ce n’est pas rien. Il n’existe aucune autre convergence de cette sorte ailleurs dans le paysage de la gauche. Ce premier point est trop souvent passé sous silence. Ou bien il va de soi à ce point que nous même nous cessons d’en mesurer la portée.
Notre union c’est notre atout. C’est elle qui met à la disposition des électeurs une force, un point d’appui pour la révolution citoyenne. C’est elle qui nous fait passer du statut de force de témoignage à celle de protagoniste des évènements politiques qui font l’histoire du pays. Notre méthode est ciblée, nous nous unissons pour unir le peuple sur des objectifs communs et non pour unir des organisations politiques et des états majors. C’est pourquoi candidature commune et programme partagé font une seule et même démarche. La démarche du programme partagé fait son chemin. Dans un mois nous l’aurons bouclée. Une nouvelle phase commencera. Il s’agira d’aller encore davantage en avant. Nous avons testé une formule de travail ce samedi, celle des « ateliers législatifs ». Il s’agit, sur un thème, de passer de l’orientation générale à la forme précise et concrète d’un projet de loi. Nous rodons cette nouvelle machine pour en faire un prototype fonctionnel qui puisse être mis en partage. C’est à mes yeux la principale machine à former du rassemblement concret que celle là. Les changements profonds que nous mettons à l’ordre du jour ne sont pas possibles sans une très large implication populaire. Une implication informée et consciente. L’atelier législatif est l’instrument qui prépare cette forme d’implication.
Samedi à paris, autour de Pascale le Néouannic secrétaire nationale du PG en charge du dossier, et sous la présidence d’Alexis Corbière, nous tenions le premier atelier législatif. Il s’agissait de préparer une loi de renforcement de la laïcité en France au moment où elle est mise à mal par la droite, l’extrême droite et les socialistes. Après une introduction d’Henri Pena Ruiz, les débats visèrent à abonder la proposition initiale de Pascale Le Neouannic, en alternant les observations générales et les propositions précises. Je crois que l’essuyage des plâtres fut réussi. Mille choses sont certes à mettre encore au point mais l’essentiel y est. Non seulement sur le thème de la laïcité cela va de soi mais d’une façon générale comme instrument. Les feuilles pour faire des propositions d’article de loi distribuées, l’intervention des juristes qui se sont proposés pour mettre en forme législative les idées avancées, tout cela me semble être des novations probantes. Pour moi, le concept de radicalité concrète est central. On ne peut parler de révolution citoyenne sans en proposer les outils. Pendant ce temps avec leur forum contre la précarité, le réseau jeune du PG et l’association « L'Appel et la Pioche », avec leurs amis et invités, se donnaient des outils pour rassembler sa base sociale. J'ai donné en ouverture de cette note le lien du blog de Sacha Tognolli, l'animateur du réseau jeune du Parti de gauche et chacun peut se reporter à son compte rendu pour se faire une idée de nos façons de travailler dans ce registre. Mais puisque me voici rendu à rendre compte, une chose entrainant l'autre, d'un samedi militant ordinaire en région parisienne, une ligne me suffit pour vous dire encore que les nôtres étaient aussi, aux mêmes heures, en cortège de manifestation en solidarité avec les égyptiens en révolution. Je n'ai ajouté cette ligne que pour signaler mon agacement à entendre sans cesse répéter que le Parti de Gauche, nonobstant sa créativité multiforme et son implication militante tous azimuts, reconnues et saluées par ceux qui se bougent la vie, serait un parti personnalisé, cette autre façon de nous nier.
Et l’évènement. Je reviens au Congrès de Gauche Unitaire. En conclusion de son discours, Christian Piquet annonça que j’étais en situation d’être le candidat commun. Ce fut après la déclaration de Marie George Buffet un nouveau moment fort de la matinée. Mais c’est bien davantage. Sur le plan politique, c’est un évènement. Cette déclaration est la première manifestation concrète de la viabilité de notre démarche. Que le Parti de Gauche soutienne ma proposition de candidature n’est pas ce qui lui est le plus difficile à faire, on en conviendra. Mais quand une autre formation de la coalition décide de ne pas proposer de candidat d’une part et de soutenir une proposition qui n’est pas issue de ses rangs d’autre part, on franchit un cap tout à fait essentiel. Cela crée une nouvelle situation. En ce sens, Christian Piquet fait considérablement avancer le projet qu’est le Front de gauche en confirmant son identité collective. Une fois de plus je veux le souligner : il n’existe aucun autre cas comparable à gauche à ce choix commun fait par au moins deux organisations désormais. Bien sûr, l’argument que Piquet met en avant en affirmant son choix est politique. Il n’a rien de personnel. En particulier ce n’est pas un choix d’une personne contre une autre. L’argument qui tient notre raisonnement est simple : le Front de gauche est fort de sa diversité. La tenue concomitante de l’élection présidentielle et des élections législatives nous font obligation d’organiser la visibilité de cette diversité. Celle-ci peut être mise en scène de façon efficace avec la candidature à l’élection présidentielle. Cela n’épuise pas le sujet ni le problème posé de l’expression de notre diversité, cela va de soi. Le caractère collectif de la campagne et des investitures est à établir tout aussi clairement. Sinon nous ne produirons rien de bon. Car rappelons-le : il s’agit d’aller chercher des suffrages et de rallier des engagements dans une course de longue durée nommée Révolution Citoyenne.
Lundi j’étais invité d’un débat organisé par le journal « Le Monde » sur le thème « l’Europe peut elle s’opposer à la montée du populisme. Pas sûr que ce soit une bonne idée que de brûler une soirée dans ces conditions. Non pour le thème : après tout, tout se discute et j’y suis prêt toujours sur tous les terrains. Que l’intitulé soit un parti pris est certes un problème. Mais on peut aussi en débattre. Ce qui ne va pas c’est le plateau de ce type de rencontre. Neuf personnes au total ! Je ne dit pas que huit partisans du « oui » et un seul partisan du non ce soit un problème car je ne perds pas de vue que c’est « le monde » l’organisateur de la soirée. Il met en scène ainsi de façon convaincante ses mantras sur l’équité. Non, le problème c’est que neuf personnalités, neuf!, qui ont à dire, se marchent sur les pieds dans une telle cohue! Surtout quand les organisateurs ne recentrent jamais le débat sur son thème. Ainsi de l’un à l’autre, tout va et vient, au hasard d’un déroulé nécessairement personnel, sans fil conducteur ni approfondissement possible d’une affirmation de l’un à celle de l’autre. Je laisse ici de côté donc le thème de très pauvre intérêt et assez convenu comme on le devine. Mais je signale à mes lecteurs qu’il existe et qu’il est un des angles d’entrée de la bonne société sur la situation politique. Deux camps sont dessinés. Comme au bon vieux temps de 2005 : d’un côté les partisans de l’Europe qui protège contre le populisme, de l’autre tous les méchants qui sont contre l’Europe qui les protège contre eux-mêmes. L’important de cette affaire ce n’est pas la grosseur de la ficelle. On s’en fiche éperdument. Ce qui compte c’est l’état d’aveuglement des belles personnes. J’ai dit dans ma précédente note que l’aveuglement des décideurs face aux causes qui créent les révolutions citoyennes est un des condiments qui la précipite. Les soirées débat du « Monde » sont pour moi un bon indicateur de l’état d’esprit de la classe moyenne supérieure qui paie pour assister à des conférences. Un public éduqué, informé, avide d’échange. La tribune lui fit une récitation qui ne la mit en garde sur rien et conforta tous ses préjugés. Sous les applaudissements amusés, Cohn Bendit commença et conclu en m’adjurant de voter Strauss-Kahn. Le voile ne se déchirera qu’avec le feu sur la scène. Le public n’y sera plus. Il tachera de traverser les manifestations pour trouver une épicerie ou une banque ouverte.
Mais de cette soirée je retiens un moment qui me passionna ce fut celui où Gilles Finkelstein évoqua sa thèse sur la dictature de l’urgence. Il montre comment l’accélération du temps politique est une aberration couteuse. Il en donne des exemples pris dans tous les compartiments de la vie politique, depuis le vote de la loi « en urgence » jusqu’aux autres aspects tels que la forme de la réactivité médiatique. Ce thème du temps en politique fut, des années durant, le mien et je l’illustrais de bien des façon notamment dans l’évaluation des temps sociaux de la consommation et du travail qui rythment (tout est là) la domination capitaliste sur la communauté humaine. Ce qui manque dans l’explication entendue et que je veux relever en amitié pour le chercheur qu’est Finkelstein, c’est qu’il ne va pas chercher dans le mode de production et d’échange le cœur de cette accélération désastreuse. Il faut être matérialiste pour cela ! Le temps court est même l’annulation du temps est une des caractéristiques majeures du nouvel âge du capitalisme. Le temps zéro qui domine tout est celui de la cotation continue et des ordres boursiers à la nanoseconde. Le court termisme s’est propagé à la gestion des entreprises avec les bilans trimestriels, l’organisation de la production à flux tendu et ainsi de suite. De même, le règne de l’émotion et de la pulsion par opposition à celui de la raison vient aussi de cette accélération. Dès lors l’empêchement de la souveraineté populaire qui est concomitant au nouvel âge du capitalisme est déflagrateur. Puisqu’on ne peut décider de rien raisonnablement, il faut saisir au bond les chances, écouter ses sentiments et faire confiance à son instinct. On connait ces refrains. Il y a beau jeu ensuite de dénoncer le règne des « bas instincts » populistes ensuite !
J’ai dit que selon moi il faut se rendre maitre du temps et le soumettre à la souveraineté populaire. C’est pourquoi j’ai plaidé pour la planification. Et notamment dans son domaine de prédilection la planification écologique. Puisque les cycles écologiques sont ceux du temps long et discontinu, seule la planification donne à l’être humain conscient un rôle dans la conservation de son écosystème. C’est la critique matérialiste de la domination du temps capitalistes sur tous les rythmes sociaux qui soulignent l’importance de l’impératif démocratique dans l’écologie politique. L’imposture du capitalisme vert n’en est que plus criante.
Ce n’est pas la seule imposture peinte en Vert, hélas. Je veux attirer l’attention de mes lecteurs sur une tribune parue dans le journal « Libération » le mardi 8 février 2011, sous la signature d’Eva Joly, Noël Mamère, Esther Benbassa. Trois personnes brillantes et estimées. Comment ont-elles pu en arriver là ? Il s’agit d’une tribune sur la laïcité et la diversité. Ni plus ni moins qu’un manifeste aux accents d’un naturalisme fondamentaliste plus que suspect dont je ne veux pas croire que ses auteurs aient mesuré le sens profond. Sous le titre « Manifeste pour une écologie de la diversité », ces trois auteurs proposent une définition de la laïcité effrayante, plus réactionnaire que celle proposée par le pape et Sarkozy avec leur « laïcité positive ». Ils commencent par un constat formulé dans des termes largement biaisés et de parti pris hostile. « Le thème de la laïcité revient au centre du débat politique. Mais l’a-t-il jamais quitté ? Il hante depuis des années le cœur du nationalisme (ré)émergent des pays européens et la France ne fait l’impasse sur aucune de ses déclinaisons possibles. » Après cette entrée en matière qui assimile le bourreau et la victime, voici la mise en scène de la suite. « La campagne présidentielle qui s’annonce risque fort d’exacerber un peu plus ce genre de passions, faute de projets politiques et économiques susceptibles de donner de l’espoir aux Français, plongés dans le pessimisme. D’autant que la gauche elle-même tombe dans ce piège où la laïcité et les valeurs de la République se confondent avec ces dérives que sont le laïcisme et le républicanisme. » On croirait lire le pape ! Et c’est de la même veine car voici à présent la charge la, plus incroyable qu’il faut lire ligne à ligne pour mesurer l’ampleur du désastre. « La République est une construction majestueuse, mais qui perd pied parce qu’elle n’a pas su tenir ses promesses. Qui croit sérieusement qu’elle incarne aujourd’hui la liberté, l’égalité et la fraternité ? » A qui la faute ? A la république ou au capitalisme ? Cette question ne viendra pas car c’est la république la cible et non le capitalisme.
La suite le montre, hélas! « Nous pouvons pourtant encore sauver et la laïcité et la République, à condition qu’elles soient revisitées, qu’elles cessent d’appuyer un nationalisme exclusiviste et stérile, et servent au contraire à créer les conditions d’une socio-diversité féconde. Lorsque le nombre d’espèces diminue dans la nature, les maladies infectieuses, elles, se multiplient. Et pour les endiguer, des efforts doivent être déployés afin de préserver les écosystèmes naturels et leur variété. Qu’on nous pardonne le rapprochement, mais une société mono-ethnique (il n’en existe heureusement pas beaucoup) est une société condamnée. » Ainsi est assassinée en deux phrases le rêve universaliste qui est à l’origine des lumières et du combat démocratique. Car la démocratie ce n’est t pas la confrontation numérique des préjuges et convictions religieuses ou ethniques mais la confrontation de la diversité des opinions et propositions bonnes pour tous. Le naturalisme politique de ce texte a des entrées communes avec le pire ethnicisme. Et encore je retiens sous ma plume les comparaisons texte à texte qui feraient blêmir les auteurs de celui ci si on les produisait ! Non, moi je ne pardonne pas de comparer la diversité des écosystèmes naturels qui sépare des espèces distinctes d’êtres vivants et des variétés végétales ou minérales et celle de l’humanité qui est une et indivisible. Et la suite de la comparaison faite me parait confirmer le pire. Lisez plutôt et pincez vous : non vous ne rêvez pas : « Si les monocultures appauvrissent les sols, elles assèchent aussi les nations. Une laïcité raisonnée qui reconnaisse la part de l’appartenance ethnique, culturelle, religieuse, linguistique, une République équilibrée en harmonie avec la mixité réelle, tels peuvent être les moteurs d’une société active et créative. Derrière un tel programme, pas d’islamisation en vue, point de «conquête», point d’«invasion» ; l’islam restera minoritaire. » Tout ça pour ça ?
Rappelons à ces étranges nouveaux prophètes que donner une place à la diversité des religions et des cultures c’est précisément ce que permet la laïcité contre le rabot de celles qui dominent. Raison pour laquelle elle les sépare strictement de l’Etat et de tout service public. Loin « d’assécher les nations », elle leur permet, au contraire d’y faire fleurir tout ce qui s’y trouve. Mais a la stricte la condition que la loi commune soit respectée par tous. Mais la loi est commune et s’applique à tous non seulement parce qu’elle est décidée par tous mais parce qu’il n’y a aucun préalable d’accord religieux ou ethnique a son application. En Etat laïque, il n’y a pas de « conquête » à l’horizon pour la raison qu’il n’y a rien à conquérir puisque l’espace public est fermé. Le terrible de cette régression c’est que la revendication d’une présence de la religion dans l’espace public jusqu’à ce jour était le seul fait des religieux et de Nicolas Sarkozy dans ses discours de Latran et Ryad!
A Bruxelles, la semaine passée, quelle séance ! Trois hauts fonctionnaires devaient être nommés à la tête des trois organismes nouvellement créés pour diriger les autorités de contrôle des risques financiers bla bla bla. Le parlement doit donner son accord. La procédure est d’une simplicité adamantine : si vous êtes pour alors il faut voter contre et si vous êtes contre alors il faut voter pour. Génial. Signé : Europe ! « Même moi, je ne comprends pas pourquoi » déclare le président de séance en nous exposant ce mode de vote ! Là-dessus voila une voix qui se lève et demande comment il se fait qu’il n’y ait aucune femme dans ce lot. Vifs applaudissements. Comme ça tournait à la gaudriole, voici la ministre hongroise qui intervient au nom de la présidence du conseil. Passons. Il s’agissait juste pour elle de lire un papier écrit à l’avance et donc sans rapport avec le sujet. J’en résume la substance. C’est facile. Quelque soit le sujet ce genre de petit madrigal est le même. « Nous avons eu un débat très fructueux en vue de nous rapprocher de nos objectifs que nous sommes déterminés à suivre avec fermeté » Et ainsi de suite. Et à la fin : « c’est pourquoi le conseil vous demande de voter contre cette résolution pour approuver ce choix » Simple et convaincant, non ? Remous sur tous les bancs du fait du caractère ubuesque du moment. Compte tenu de la gravité attribuée au sujet, on ne pouvait en rester là. Le commissaire concerné prend donc la parole avec un air de consul romain au cours d’un épisode des guerres puniques. C’est le français Michel Barnier. Il pense couramment en anglais et nous tourne une harangue directement traduite en français : « pères conscrits, commence-t-il ». Non je plaisante. « Mesdames messieurs les députés de ce parlement, vous allez votez en toute responsabilité et liberté. Vous direz si vous approuvez la mise ne place du dernier élément nécessaire au bon fonctionnement des instruments de contrôle et surveillance des risques systémiques financiers bla bla bla ». Beau comme de l’antique vous dis-je. Le message ainsi délivré des hauteurs de l’olympe devient un peu fumeux quand on arrive au sujet de la non présence féminine dans ces nominations. Le Commissaire nous explique qu’il a lui-même « short-listé » à partir de l’examen des deux cent soixante cinq candidats. Il nous précise même, sous les rires d’une partie des insolents de l’hémicycle, répartis sur tous les bancs, qu’il n’a pas choisi ces candidatures ! Non ? C’est trop ! Mais, nous révèle-t-il, au dernier moment toutes les femmes présentes sur la « short-list » se sont retirées. Quel hasard Balthazar ! Toutefois, c’est promis, quand on en viendra aux directeurs de services on rectifiera cet absurde monopole de genre. Pas mal de gens se gondolent.
Tout ça est du baratin. Les hauts postes de l’Union européenne se négocient par nationalité. Si on y rajoute la question du sexe des impétrants on n’en sortira jamais, pensent très fort tous les eurocrates qui s’y connaissent ! Allez zou ! On vote. Pour, si on est contre, contre si on est pour. J’ai la tête qui tourne. Je vérifie avec mon voisin que ça commence aussi à chauffer sévèrement. Devant nous les portugais sont hilares. « hypé, ya, da, si, pour ! » récite un rien fébrile le fonctionnaire de notre groupe qui depuis ce matin se prend pour notre coach. Vlan ! Une écrasante majorité de contre. Donc c’est pour ! Les trois gugusses sont nommés par une écrasante opposition. On en était là lorsque la séance franchi un pallier de plus dans le ridicule. Une voix se fait entendre : « monsieur le commissaire nous venons de voter et d’approuver votre proposition en votant contre le texte mais vous ne nous avez pas dit les noms des personnes concernées ! » Hurlement de rire dans l’hémicycle. Un vent glauque parcours les bancs comme une houle de nausée. « Cette demande est légitime » déclare l’Apollon des « short-lists ». Instant de flottement sous les rires pendant qu’une petite main lui passe une feuille de papier. Ouf ! Cette feuille salvatrice lui permet de lire les trois noms qui ne semblent pas aussi familiers qu’il a bien voulu nous le dire d’abord puisqu’il ne s’en souvenait pas de mémoire. Dans les couloirs, un élu de droite français, amusé, et outré lui aussi, me confie : « et en plus c’est pas des bons, il parait. Mais c’était le tour des autres de nommer leurs thons ! » Fermez le ban. L’Europe qui protège est en marche. On sort en vitesse de l’hémicycle pour courir vers notre train.
Zut ! Ils ont oublié de couper l’éclairage du monument à la gloire des prix Sakharov installé cette semaine devant le parlement. Il s’agit d’une hideuse ronde de silhouettes éclairées. Elles sont munies de petites étiquettes illisibles pour indiquer le nom du cubain concerné. Et des autres glorieux élus du super prix aussi, cela va de soi même si Cuba bat le record du nombre des prix Sakharov. Le prix Sakharov a vingt trois ans. Comme le régime de Ben Ali. Mais il n’y a pas un seul tunisien dans la liste. Ni un égyptien. Ni un algérien, ni un libyen. Mais pourquoi y en aurait-il eu toutes ces années, hein ? Cuba ! Cuba ! Voila où la liberté de l’Europe gémit ! Certes, le créateur de cette « sculpture » de patronage scout n’est pas responsable de la liste des heureux lauréats de ce prix. Cela va de soi. Mais, cependant, il partage une culpabilité avec les commanditaires de cette chose si moche, couteuse et si peu écologique allumée qu’elle est en plein jour. C’est une misogynie culturelle simple et robuste. Vingt trois silhouettes, pas une robe, pas une tête à cheveux longs. Mais, bien sur, je suis certain que c’est pour signaler l’universalité du genre humain dans la lutte pour les droits de l’homme. Non ? L’universel porte pantalon et cheveux court. Lisse aussi, cela va de soi.
Sinon, en séance on a voté des avantages pour les multinationales nord américaines de la banane. Des remboursements de droit de douane indument perçus par l’Europe qui protège. On a aussi voté une baisse progressive vers le néant des droits d’entrées. La sueur et le sang des paysans martyrisés et empoisonnés par les multinationales yankee en Amérique latine est a notre disposition désormais. La banane américaine a gagné. Pourtant l’Europe est la première consommatrice mondiale de bananes. Elle en produit assez pour sa consommation. Des milliers de gens en vivent aux caraïbes. Qu’ils crèvent dorénavant. Pour quelques centimes de moins, peut-être, la concurrence libre et non faussé a imposé sa sale logique.
Voici l’énorme en conclusion et pour le gout de la farce de l’arroseur arrosé. Ca alors ! Plantu ! La main dans la confiture ! Plantu ! Quelle surprise ! Nooooon pas lui ! Ce prix de vertu de Plantu ! Cet aigle du discernement politique ! Lui qui a su si finement flairer le « néo populisme » dont je relèverai conjointement avec madame Le Pen ! Plantu ne sachant comment défendre son infâme dessin se jeta tête baissée dans une autre sottise en prenant prétexte de ma sympathie pour la « dictature cubaine » pour justifier son agression. Plantu l’ami intransigeant des droits de l’homme ! Plantu l’inflexible dénonciateur des accointances suspectes ! Plantu l’ennemi du corporatisme cupide des syndicats ! Plantu, Plantu ! Plantu a un point faible. Il aime trop l’argent. C’est pourquoi il accepté de recevoir le prix trucmuche de ce paradis démocratique qu’est le Qatar. Et surtout les dix mille euros qui allaient avec. Il consomma cette honte moins d’un mois avant de publier son dessin contre moi et de commencer son numéro de anti cubain. Voulez vous voir la photo ou Plantu affiche cette mine de rosière attendrie en recevant le fric de la main de l’ambassadeur Qatari. Bien joué, Excellence ! Ben Ali faisait ça aussi. Ca n’empêche pas les révolutions mais ca aide à couvrir le bruit de la baignoire du commissariat. Voila ce qu’il faut faire avec Plantu : payer. Vous pouvez y aller ! Payez ! Ils ne diront pas de bien pour autant, attention l’indépendance ce n’est pas une blague, mais ils ne diront pas de mal et ça c’est ce qu’il vous faut. Car le Plantu a un point fort : ses affidés de la grande confrérie corporatiste qui, le sachant, n’en ont rien dit tandis qu’il m’insultait à longueur de médias. Le détail de cette histoire, le discours vénal que prononça Plantu pour remercier la main qui l’arrosait, tout cela est révélé par « le grand soir », journal impertinent plein de bonnes choses à savoir. En un clic vous y serez rendus et vous vous délecterez. Merci « Le Grand Soir » d’avoir réglé son compte moral à ce monument prétentieux de la gauche caviar. On attend d’entendre tous les vertueux qui se sont égosillés sur mon compte. Alors, mesdames et messieurs les antis néo populistes ? Je vous la joue à la mode de Plantu ? Tout en nuance : « Tous ennemis de Cuba, tous amis du Qatar ». Allez, allez : on attend les indignations des métronomes de la bien pensance, les Quatremer et autres grandes consciences des apéros dansant de la bonne société. Allez les petits potes, Plantu offre la tournée, c’est Qatar qui paye ! Ca change des conférences payées de Ben Ali et des croisières savantes de l’association républicaine pour la démocratie. N’est-ce pas? Si l’on reproche à Alliot Marie ses voyages en avions il faut dire son fait à Plantu ? Non ? Non bien sur. N’est pas une vache sacrée qui veut. Chez les riches ont applique le vieil adage romains : « Vae victis ». C'est-à-dire malheur aux vaincus. Et comme l’émir du Qatar n’est pas encore tombé, son fric sent meilleure odeur que l’avion du vaincu.
Et pour finir une citation pour tous ceux qui colportent les refrains injurieux du Plantuisme. Qu’ils sachent que je suis bien informé de ce à quoi je suis exposé. Et donc, que les grandes peurs périssent d’être reconnues comme dit Camus. Lisez mes amis. « Il n’y a pas d’antidote contre le poison de la calomnie. Une fois versé il continue d’agir quoiqu’on fasse, dans le cerveau des indifférents, des hommes de la rue, comme dans le cœur de la victime. Tous les traits infamants sont soigneusement recueillis et avidement colportés. On juge superflu de vérifier de contrôler en dépit de l’absurdité parfois criante. On écoute, on répète, sans se rendre compte que la curiosité et le bavardage touchent de bien près à la médisance que la médisance touche de bien près a la calomnie et que celui qui publie ainsi la calomnie devient un complice involontaire du calomniateur. » Leon Blum, à l’enterrement de Roger Salengro.