Communiqué sur la Libye
L’ONU, rien que l’ONU, toute l’ONU
L’OTAN, dont je condamne l’existence et dont je souhaite que la France se retire, n'a rien à faire en Libye. La résolution 1973 de l’ONU concernant la Libye doit être fidèlement appliquée. Son objet est clairement délimité. Il s’agit de mettre en place une zone d’exclusion aérienne, actuellement effective, pour protéger les civils libyens.
Je m’étonne de ma forme physique. Pour l’instant. Trois semaines de régime m’ont permis de tenir le coup avec un minimum d’heures de sommeil tout au long de la semaine passée et pour celle-ci encore qui commence. Les élections cantonales n’ont donc pas entamé la machine. Je jure que mon docteur ne me drogue pas. Je connais le prix précieux d’un tel état. La pensée est bien plus que le corps pensant, cela va de soi. Mais ce n’est jamais moins. Le « mens sana in corpore sano », comme dirait Michel Denisot, n’a jamais démenti sa valeur d’impératif. Je me suis trouvé assez vif et assez bien entouré pour ne pas me tromper dans le circuit de la soirée du premier tour des cantonales.
On en était à ce que notre pays venait d’entrer en action militaire contre le colonel Kadhafi. On suivait aussi d’heure en heure les événements anxiogènes du Japon. Là-dessus vint un bing bang électoral dans la droite de notre pays. Et l’éclosion soudaine de notre Front de gauche au-delà du mur des 10 % des suffrages. Cet évènement là qui comptait tant pour nous fut à moitié enseveli par une collection de contre performances communicationnelles. Disons tout de suite qu’une bonne part de la responsabilité de cette situation revient au Front de gauche lui-même. Je fais un rapide coup d’œil circulaire avant de retourner à mes travaux pratiques.
L’effondrement du sytème politique de la droite est dorénavant en vue. Comment pourrait-il en être autrement ? La Cinquième république et le système de la droite reposent sur la fonction présidentielle et sur celui qui l’incarne pour aujourd’hui ou pour demain. L’énorme transfusion de voix et d’autorité de l’UMP vers le Front National achève de déséquilibrer par la base un édifice déjà totalement ébranlé par l’effondrement de la clef de voute du sytème qui croupit dans les bas fond de l’estime publique. Les heures qui passent et la bataille sur le comportement à tenir envers le Front National est évidemment une question de fond et pas simplement une affaire de tactique électorale. C’est une erreur de croire que le "ni FN ni PS" est une figure de style. Elle veut dire « surtout ni PS », c'est-à-dire « ni gauche ». En effet si l’UMP se laisse aller au deuxième tour, la jonction avec le FN va commencer sur le terrain, un équivalent de la fusion du cœur d’une centrale nucléaire en politique. Ce qui murit c’est l’alliance entre eux. De toutes les façons possibles le thème affleure. Ainsi quand certains à droite croient habiles de banaliser le Front National, à la façon de Plantu en déclarant que le PS fait avec le Front de gauche ce qu’il reproche à l’UMP de faire avec Le Pen. Coup de billard à trois bandes spécialement vicieux. Mais qui montre aussi, soit dit en passant, ce que le caricaturiste ami de la dictature Qatari, Plantu le soi disant ingénu, a rendu possible.
Ainsi quand Jean Leonetti, le vice-président du groupe UMP à l'Assemblée renvoie dos à dos le FN et le Front de gauche ! Il a jugé que nos programmes étaient tout autant "incompatibles" avec celui de l'UMP et qu'il ne pouvait être question d'appeler à voter pour eux. Donc la question de la nature du FN ne se pose plus. Juste une affaire de programme en général ! "Ce n'est pas un problème d'arc républicain, il y a un problème de compatibilité de programmes", a-t-il déclaré. "Arrêtez de faire de la morale" Quant au président de l'Alliance Centriste, le sénateur de la Mayenne Jean Arthuis, il a déclaré que son parti votera pour le PS en cas de duel Front National-Parti socialiste au second tour. Fort bien. Mais la suite de son propos laisse pantois. "Ce que je constate, c'est que Marine Le Pen pour l'extrême-droite et Jean-Luc Mélenchon pour l'extrême-gauche tiennent des propos qui sont en résonance avec ce que ressentent nombre de nos concitoyens, sur l'euro, la sécurité ou le chômage. Malheureusement ni Marine Le Pen, ni Jean-Luc Mélenchon n'ont de réponses appropriées, leurs réponses sont des impasses", a-t-il ajouté. Juste une affaire de programme une fois de plus. Pour lui "l'UMP court après l'extrême-droite et le PS ne va tarder à courir après l'extrême-gauche, c'est dire le champ qui s'ouvre pour les centristes à condition qu'ils se réforment et rassemblent". Pour valoriser sa petite boutique, aucun amalgame n’est donc de trop. Tout cela part du résultat de dimanche dont l’onde de choc n’a pas fini de dérouler ses effets dévastateurs dans la droite. Ce qui m’amène à traiter de la forme de ce résultat et de la perception qu’on peut en avoir.
La lecture d’un résultat électoral est un enjeu idéologique. Cette vieille donnée ne s’est jamais démentie. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de vérité en la matière. Après tout, les chiffres sont les chiffres. Mais une fois qu’on en dispose il faut encore choisir parmi eux et ce sont souvent des thermomètres différents qui se proposent à l’esprit. Après quoi un chiffre ne vaut que par comparaison avec d’autres. Sans surcharger mon propos de nouvelles digressions philosophiques qui agacent parfois, je rappelle qu’un chiffre, de toute façon, ne désigne jamais un en soi mais un rapport. Ou ai-je lu que les premières mathématiques découlèrent des comparaisons de tailles de la terre cultivée avant et après la crue du Nil pour les agents du fisc de Pharaon. Je reviens à nos résultats électoraux.
Comment analyser un résultat électoral ? D’abord en comparant les scores de chacun. Ce n’est pas un exercice évident figurez vous. Comment comparer le résultat d’un parti présent dans cent pour cent des circonscriptions et celui d’un autre présent dans la moitié d’entre elles. Il faut donc ramener chacun à un dénominateur commun. Bien sûr la capacité à être présent dans un nombre plus ou moins grand de circonscription est une indication très importante de la capacité de chacun à couvrir le terrain. Mais c’est là une appréciation qualitative. L’appréciation chiffrée demande d’autres outils. Ainsi faut-il, pour bien comprendre ce qui se passe et mesurer l’influence de chacun dans la société, rapporter chacun au nombre de cantons où il est effectivement présent. Quand on procède à cet exercice, les nouvelles sont pires, par exemple, s’agissant du Front National. Car il atteint alors 21 %. Ce qui, dans la vie concrète, comme il s’agit d’une moyenne, signifie que dans certaines localités le score est extraordinairement plus haut. Et là où le score est extraordinairement haut, c’est un fait politique d’une qualité tout à fait différente de celui que produit l’information selon laquelle « le Front national atteint 15 % ». On voit là comment qualité et quantité s’articulent pour l’esprit et le ressenti politique.
Dans ce cadre, quand notre Front de gauche dépasse les 10 %, c’est une information politique énorme. Elle pose problème à tous ceux dont elle perturbe les calculs politiques. Une autre fois je viendrai sur le sujet de savoir à qui un Front de gauche conquérant pose problème. Quelle que soit la nature du problème d’ailleurs, car ce n’est pas toujours la même. Il est intéressant d’y réfléchir pour bien comprendre les ligues étranges que l’on observe parfois. Il est normal qu’il en soit ainsi. Le Front de gauche est une construction totalement nouvelle et originale. Il n’y avait aucune place prévue pour lui. Le destin promis, par les commentateurs, au Parti Communiste était de se décomposer lentement entre une aile ralliée au PS, comme Robert Hue en a donné le signal, et une aile « identitaire » se marginalisant progressivement. Le destin promis à la gauche du Parti Socialiste n’était pas plus brillant. C’était de se dissoudre lentement dans le carriérisme de la nouvelle génération et la marginalisation folklorique de ses « personnalités historiques ». Pas besoin de faire un dessin. La gauche des Verts en est réduite au même point. Et ainsi de suite. Le Front de gauche perturbe toute cette mise en scène. Le vieux monde de la gauche traditionnelle socialiste et écologiste cherche donc désespérément à se reconstruire en contournant cette nouvelle réalité. Tout y est passé : « photo de famille », ostracisation, comparaisons injurieuses, coup de fouets verbaux. En vain. J’y retourne dans un instant.
Je reviens à l’art d’analyser un résultat électoral. Une fois posée la série des chiffres, comment apprécier leur dynamique ? A quoi comparer chaque tour de vote ? Deux écoles sont en présence. L’une dit qu’il faut comparer à la série précédente. Donc les cantonales de 2011 devraient être comparées à celles de 2004. Pour les livres d’histoire politique, et à l’échelle du temps long, on peut admettre l’idée. Mais pour faire de la politique concrète cela n’a aucun sens. Pour comprendre l’absurdité souvenez-vous de ce qu’était le monde politique français en 2004. Souvenons-nous juste que c’était Jacques Chirac le président de la république et François Hollande le Premier Secrétaire du PS, pour ne citer que cela. J’étais socialiste et le NPA n’existait pas. Europe Ecologie non plus ! Le Front de gauche pas davantage et loin de là ! Le référendum sur la Constitution européenne n’avait pas eu lieu. On venait de perdre la première bataille sur les retraites… Vous voyez ? Une autre planète ou presque. Comparer l’élection de 2011 à celle 2004 est un exercice abstrait sans signification réelle.
A quoi comparer alors ? Au dernier scrutin, précédent évidemment. J’explique. Exemple : une personne qui a voté écolo, par exemple aux dernières élections régionales et ne l’a pas fait aux cantonales. Pourquoi ce changement ? Ce n’est pas parce qu’elle se passionne pour les engagements de la Région dans son domaine de compétence numéro un, la formation professionnelle et ne s’intéresse pas à celle des départements qui est l’action sociale. C’est qu’entre les deux élections il s’est passé des choses de toutes sortes qui l’ont détournée d’aller voter ou pousser à voter autrement ou à ne pas voter du tout. Donc en comparant une élection à celle qui l’a précédée on est plus près de la vérité de situation qu’en la comparant à la série comparable précédente qui n’est jamais à moins de six ans en arrière.
Vu sous cet angle, ce qui saute aux yeux c’est la déliquescence du système politique. L’abstention dans le contexte est inouïe. Le tassement des Verts spectaculaire surtout dans la semaine de la catastrophe au Japon. Le surplace du PS significatif après des semaines de battage sur l’alternance avec DSK le magnifique qui serait en vue. Les énigmes à deux balles de la femme qui a vu l’ours qui a vu le pingouin ont fait flop ! Par contre la dynamique du Front national est évidente. Mais cela aussi doit être regardé de près. En valeur absolue, le Front national ne fait pas souvent davantage de voix qu’à l’élection précédente et souvent moins ! Au milieu de tout ceci, nous, nous voyons que nous progressons en pourcentage, d’une part et en voix d’autre part. Information rendu invisible parce qu’elle n’était pas prévue. Pas davantage que le fait de voir le Front de gauche passer devant Europe Ecologie. Mon plan de route politique fonctionne. Le plan com n’a pas suivi. J’ai eu beau annoncer tout au long de la campagne l’objectif du score à deux chiffres, la soirée électorale où nous y sommes parvenus n’a pas fonctionné comme cela aurait été nécessaire. Impossible de faire l’évènement. Pourquoi ?
Je reviens aux dix pour cent du Front de Gauche. Presque onze si j’en crois le calcul des experts communistes tel que présenté par Pierre Laurent à la conférence de presse que nous avons tenue ensemble lundi soir. Cette information a été tuée dimanche soir parce que le Parti communiste a demandé que soit comptés séparément les candidats portant son étiquette et ceux des autres, PG inclus. Au passage tous les autres ont disparu dans la fosse commune des « divers gauche ». Claude Guéant n’en demandait pas davantage pour étendre la manœuvre à d’autres composantes politiques. Ainsi les candidats issus du PRG et du MRC, pourtant présentés en commun avec le PS, ont-ils disparu du décompte des voix socialistes. Si bien qu’après s’être bien moqués de moi, tout empêtré que j’étais dans ma dénonciation solitaire des bidouillages du ministère de l’intérieur, les socialistes ont du changer leur fusil d’épaule. A la fin du compte nous nous sommes donc retrouvés les deux seuls partis à protester. Puis Guéant s’est trouvé pris à son propre piège. Car le résultat des seuls candidats qui s’étaient déclarés UMP laissait le parti du président de la République à 17%. Guéant a donc du procéder, dans son intérêt, à des regroupements de voix et de résultats qu’il refusait la veille. Hé ! Hé ! Voila comment des divers droite de toutes sortes ont été repeints en « majorité présidentielle ». Beaucoup ont aussitôt hurlé comme des fous, visiblement effrayés d’être en aussi mauvaise compagnie. Trop drôle !
Donc Guéant a annoncé le score du « Front de gauche avec les communistes », merci pour les autres, réduit à la seule addition PC plus PG. Mais rien de tout cela n’aurait été possible si les dirigeants communistes n’avaient pas demandé à être comptés séparément. Etrange ! Car il n’y avait que des candidats Front de gauche dans cette élection. Je comprends l’effet d’optique identitaire recherché. Je juge sévèrement cette façon de faire qui joue si peu collectif des fins de partie menée pourtant au coude à coude sur le terrain. Il est urgent de comprendre l’importance d’être collectif et non pas centré sur ses intérêts particuliers, si nobles soient-ils. Ceux qui nous soutiennent attendent de nous un comportement unitaire sans faille et ne supportent pas qu’une composante tire le tapis à elle. Sans le Front de Gauche, aucune de ses composantes ne pèse dans ce paysage de gauche de début du siècle. C’est le Front de gauche qui met en valeur le meilleur de chacun de nos partis respectifs.
Ce qui reste c’est que nous avons été privés de pouvoir miser sur la prise en compte de notre score dans les grands médias de la soirée et du lendemain. Il a fallu ramer, déployer des trésors de mobilisation pour diffuser et faire comprendre. Imaginez ce que cela donne dans une soirée électorale à laquelle personne ne s’intéresse vraiment ! Pas meilleure façon de se tirer une balle dans le pied. L’épisode de la péniche n’a rien arrangé. Pour ma part je savais comme d’autres que la réunion du bureau des Verts avait pris la décision de maintenir ses candidats partout où il le pourrait au deuxième tour. Les partisans du désistement de gauche n’avaient pas eu le dernier mot. Quel sens alors d’aller décerner un brevet d’unité à des gens qui s’apprêtent à vous tirer dans le dos une heure après ? Comment rendre lisible ensuite leur forfaiture ? Cécile Duflot qui dit faire de la politique autrement et pour qui j’ai beaucoup d’estime s’est vraiment comportée come une politicienne retorse et dissimulatrice sur ce coup là. Sur le moment, aussi longtemps que le fait n’était pas confirmé par une circulaire du parti Verts, impossible d’en parler. Mais les avertissements n’avaient pas manqué. Le côté « gauche plurielle reconstituée » de cette péniche était d’autant plus insupportable que la réunion fluviale était convoquée avec des exclusives à l’égard de l’autre gauche et spécialement à l’égard du NPA notre allié dans dix-huit départements. Rappelons que c’est à cause de ce type d’exclusive que nous avons maintenu notre liste au deuxième tour dans le Limousin aux régionales. Par conséquent c’est par volonté unitaire et non pour l’inverse que j’ai refusé, sur mandat du secrétariat du Parti de gauche d’aller faire le marinier. « Mari niais » comme disait Bobi Lapointe.
Je relève le communiqué du NPA publié à l’issue de ce premier tour, pour finir ce tour d’horizon. Il est passé inaperçu. Nous avons cependant été plusieurs à le trouver des plus étranges. C’est la première fois que je vois un parti déclarer que ses résultats ne peuvent pas être interprétés politiquement. Pourtant ils le sont. Que le NPA n’ait pas pu présenter plus de deux cent candidats n’est pas en soi un sujet de discussion. Quoique. Mais rapporté au nombre de cantons où ces candidats étaient présents la leçon est sans appel. Dans les dix huit départements où nous avions des candidatures en alliance Front de gauche –NPA le score de ces candidats est au niveau de celui du Front de gauche et cela multiplie par trois ou quatre tous les scores antérieurs de l’autre gauche. Là où le NPA est candidat seul, son score est résiduel. Bien sûr, cette leçon d’union n’est pas mieux entendue que d’habitude. Au point que le communiqué du NPA ne dit pas un mot du Front de gauche, ni même du score de ses candidats dans le cadre de Limousin Terre de gauche. Mais il attribue cependant une victoire et une progression au Parti Socialiste. Ce que le NPA sera donc le seul parti à constater. Consternant. On imagine alors comment je me suis fait brocarder dans les coulisses à ce sujet. En effet j’ai fait de la mise à l’écart du NPA de la table de la gauche l’argument de mon refus de participer aux rencontres inopinées que le PS avait programmé dimanche et lundi.
Pour information, voici le texte du communiqué de nos camarades du NPA. « Avec plus de 55%, l'abstention est un des faits marquants du 1er tour des élections cantonales. C'est plus que pour les régionales de 2010. Seules les élections européennes de 2009 ont connu un taux d'abstention plus important. Ce dernier scrutin avant la réforme territoriale n'a pas mobilisé des citoyens qui doivent affronter les conséquences désastreuses des politiques d'austérité mises en œuvre par le gouvernement et ne voient pas dans le positionnement des grands partis des raisons d'espérer un avenir meilleur. Ces élections marquent une nouvelle défaite pour l'UMP qui est largement devancé par le Parti socialiste et talonné par le Front national, qui n'était présent que dans les trois quart des cantons renouvelables. C'est sans doute pour cette raison qu'un certain nombre de candidats UMP s'avançaient masqués. Les 15% du Front national reflètent la montée perceptible des idées et propositions nauséabondes du FN dans l'opinion et qui sont un vrai danger pour la vie démocratique, les droits sociaux des travailleurs, les sans-papiers. Marine Le Pen profite à plein du débat sur l'identité nationale engagé par E. Besson. La politique sécuritaire, la xénophobie d'état du gouvernement Fillon participe pleinement à la dédiabolisation du Front national. Le NPA qui présentait des candidats dans un peu moins de 200 cantons obtient des résultats inégaux et difficilement interprétables nationalement. Pour le second tour, chaque candidat du NPA précisera les consignes de vote. Mais, le NPA appelle à voter pour le candidat de gauche lorsqu'il reste en lice contre le Front national. Par contre, le NPA n'est pas pour la constitution d'un Front républicain et n'appelle pas à voter pour un candidat UMP contre le FN. Le 21 mars 2011. »
Pour rester dans ce tour d’horizon où les élections sont des baromètres des rapports de force et où s’écrit la carte politique et idéologique, je fais un détour instructif par l’Allemagne. En Allemagne, des élections viennent d’avoir lieu dans le land de Saxe-Anhalt, ce dimanche. Les électeurs ont sanctionné la droite. La CDU de madame Merkel perd 3,5 points par rapport aux dernières élections et plafonne à 32,7% des voix. Die Linke élève son score jusqu'à 23,8%. Nos camarades devancent donc toujours le SPD qui recueille 21,5% des suffrages. On pourrait donc penser que le land va naturellement basculer à gauche. Pourtant rien n’est moins sûr. Le SPD, coalisé depuis 2006 avec la CDU à la tête du land, rechigne à s’allier avec die Linke. Il pourrait bien lui préférer une fois encore l’alliance à droite. C’est nul, bien sûr. Mais cela montre l’actualité internationale de la déchéance de la sociale démocratie. A nos frontières même, elle préfère la droite à l’autre gauche. Cherchez un commentaire des socialistes français sur le sujet. Il n’y en a pas. C’est le moment de se souvenir des mines hypocrites de ceux d’entre eux qui font les indignés quand on leur demande ce qu’ils feraient en pareil cas en France. Par exemple au deuxième tour d’une élection présidentielle qui placerait l’autre gauche en tête. Je n’affirme pas qu’ils se comporteraient forcément mal. Mais je trouve qu’il est légitime de leur poser la question. En tous cas ce sera éclairant.
Je viens à la Lybie. A l’heure où j’écris, la scène semble évoluer très vite. De tous côtés s’expriment des voix qui dénoncent l’évolution de l’intervention. Je la note avec inquiétude ! De la création d’une zone d’exclusion de l’espace aérien, on passe à un bombardement généralisé des installations au sol de l’armée libyenne. De l’action de l’ONU on semble vouloir passer à celle de l’OTAN. Le regain d’activité des mouvements révolutionnaires dans les autres pays semble être lié au sentiment que les tyrans peuvent être bloqués par l’action internationale. Et cela semble avoir refroidi quelques excellences de la Ligue Arabe directement intéressées à la répression chez eux. C’est le moment pour moi de rappeler mes raisons dans le contexte. Non seulement je renvoie à ma précédente note sur le sujet mais j’y ajoute ici l’interview que j’ai donnée au journal Libération sur le sujet dimanche après midi. Et parue lundi 21 mars. Sous le titre «Il faut briser le tyran pour l'empêcher de briser la révolution», mes propos ont été recueillis par Lilian Alemagna.
« Pourquoi soutenez-vous les frappes aériennes en Libye ?La première question à se poser est la suivante : y a-t-il un processus révolutionnaire au Maghreb et au Moyen-Orient ? Oui. Qui fait la révolution ? Le peuple. Il est donc décisif que la vague révolutionnaire ne soit pas brisée en Libye. Il suffirait que Kadhafi l'emporte pour que le message soit : «Celui qui tire le plus longtemps et le plus dur sur son peuple pendant une révolution a gagné.» Ce serait alors le signal désastreux d'une victoire de la contre-révolution ! Ma position est constante : je suis partisan d'un ordre international garanti par l'ONU. Je suis donc très frappé de voir que les commentaires utilisent un vocabulaire qui n'est pas celui de la situation. On parle de «coalition». Mais ce n'est pas une coalition. On parle d'un «état de guerre avec la Libye». Il n'y a pas de guerre avec la Libye. Ce vocabulaire montre à quel point l'habitude de se référer à l'ONU a été perdue.
On vous a connu pourtant beaucoup plus critique sur les interventions militaires… Pourquoi, par exemple, avoir voté pour la résolution du Parlement européen ?Cette résolution, présentée par les sociaux-démocrates, les Verts, une partie de la droite et signée par le président de mon groupe [Gauche unie européenne, ndlr], Lothar Bisky, membre de Die Linke, demandait à la Commission de se tenir prête en cas de décision de l'ONU. Je l'ai votée pour cette raison. J'approuve l'idée qu'on brise le tyran pour l'empêcher de briser la révolution. L'ONU a ensuite pris cette position alors que la Russie et la Chine d'une part, et le Brésil et l'Inde d'autre part, d'habitude extrêmement sourcilleux sur les questions de souveraineté nationale, se sont abstenus. S'ils n'ont pas voté contre, cela prouve que les raisons d'agir sont fortes.
Dans votre camp, tout le monde n'est pas pour cette intervention. Les communistes dénoncent notamment un «risque d'escalade»…
Il y a bien sûr un risque d'escalade, mais je craindrais davantage le risque de massacre !
J'approuve donc le mandat de l'ONU. Mais rien de plus. Je suis contre l'intervention terrestre. Nous ne sommes pas en guerre avec la Libye. J'adjure de comprendre : il ne faut pas que le dernier mot reste à la force contre une révolution ! J'ai voté la résolution du Parlement européen en accord avec la direction du PCF et de la Gauche unitaire, en accord avec mon collègue eurodéputé communiste Patrick Le Hyaric. Mais quelles sont les alternatives ? Ce n'est pas avec des communiqués que l'on pourra abattre un Mirage ou détruire un char ! Si le Front de gauche gouvernait le pays, aurait-il regardé la révolution libyenne se débattre comme nos prédécesseurs ont regardé les révolutionnaires espagnols mourir ? Non. Serions-nous intervenus directement ? Non. Nous serions allés demander à l'ONU un mandat. Exactement ce qui vient de se faire. Je peux appuyer une démarche quand l'intérêt de mon pays coïncide avec celui de la révolution.
Votre démarche tranche quelque peu avec vos oppositions à la guerre du Golfe, en 1991, aux interventions au Kosovo et en Afghanistan…Il y a une différence fondamentale ! Toutes ces guerres se sont faites sur décision unilatérale de l'Otan. Dans le cas présent, au contraire, l'intervention se fait sous mandat de l'ONU. C'est décisif : il n'y a pas d'ordre international possible qui ne procède de l'ONU. Mais vous savez, il faut généralement quelques années pour que mes formules à l'emporte-pièce tombent dans le domaine public… Prenez l'exemple de l'intervention de l'Otan au Kosovo. Quelle trouvaille ! Reconnaître cet Etat croupion dirigé par des voyous qui faisaient du trafic d'organes… Que n'a-t-on pas entendu à l'époque sur ces pauvres victimes de la sauvagerie serbe ! Pour l'Afghanistan, je ne trouve personne me dire aujourd'hui qu'y être allé est une bonne chose. Quant à la guerre en Irak, quelle merveille ! Depuis vingt ans, mes positions ont toujours été fermes et constantes : je me suis toujours opposé à ce qui n'était pas l'ONU. Si la Russie et la Chine avaient mis leur veto à la résolution et que l'Otan avait décidé d'intervenir, j'aurais été contre l'intervention.
Dans le cas de la Libye, vous êtes donc d'accord avec le droit d'ingérence…Non. Le droit d'ingérence n'existe pas et j'espère qu'il n'existera jamais. Ce qui compte, pour moi, c'est la référence du devoir pour un gouvernement de protéger sa population. Kadhafi tire sur sa population. Au nom du devoir de protéger, l'ONU demande d'intervenir.
Comment jugez-vous l'attitude de Nicolas Sarkozy dans le dossier libyen ?La politique menée est conforme à l'intérêt de la France : être lié avec le monde maghrébin. Il n'y a pas de futur possible pour la France si elle est opposée au sentiment majoritaire des populations au Maghreb, c'est-à-dire pour la liberté et contre les tyrans. La France a joué deux très mauvaises cartes avec la Tunisie et l'Egypte. Nicolas Sarkozy s'est rendu compte qu'il était allé trop loin.
Et celle d'Hugo Chávez ?Ses analyses partent toujours d'un point de vue strictement latino-américain. Pour lui, l'ennemi principal, ce sont les Etats-Unis d'Amérique. On comprend pourquoi. Chavez se prononce pour une médiation et contre une intervention militaire. Sa position n'est pas d'appuyer Kadhafi. Si c'était le cas, je la condamnerais. Le président Chavez doit comprendre que l'intérêt des progressistes du monde est qu'aucun tyran ne vienne à bout de son peuple »
Je crois que cette explication de vote est assez claire. Je comprends parfaitement qu’elle ne soit pas partagée. Ces sortes de questions sont très délicates à manier en accord avec des principes fermes et concrets. Je ne souhaite pas en faire une ligne de démarcation idéologique. D’autant que l’évolution de la situation sur place peut me conduire à exprimer une appréciation différente sur l’action en cours conformément aux principes que je viens de rappeler.