Nous sommes la gauche décomplexée

Cpour-en-finir-avec-le-soleilette fois-ci j’évoque le Conseil national du PCF et celui du Parti de gauche. Je survole. Je parle d’Europe, de laïcité, de précarité. Au fil de la plume, en quelque sorte. Car ce blog n’est pas un organe officiel mais un modeste carnet de route. Rien de plus. De toute façon il faut choisir de quoi j’ai envie de traiter et ce n’est pas le plus simple. Quelle époque passionnante ! Samedi les Islandais ont voté non pour la deuxième fois alors qu’on leur demandait s’ils acceptaient de payer la dette des banques de leur pays ! Ah les braves gens ! Le premier ministre portugais démissionnaire a capitulé et fait entrer le loup européen dans la bergerie pour la punir d’avoir refusé son plan d’austérité ! D’aucuns ont supplié que le FMI ne soit pas admis. « Nein !» ont répondu les Allemands : fromage et dessert pour les banques, et le FMI pour tous. Nicolas Sarkozy a mis en place à coup de missiles Alassane Ouatara et ses mercenaires au pouvoir en Côte d’Ivoire. Les mandats de l’ONU servent-ils dorénavant de chausse pied aux bottes des néocoloniaux ? J’y reviendrai d’autres fois. Cette fois-ci ça me sert juste d’introduction.

Les photo-montages qui illustrent ce billet sont de Arthur Michel. Merci à lui.

C’était une fin de semaine chargée pour deux des trois partis du Front de gauche. Le PCF tenait son conseil national, et le Parti de Gauche de même. L’attention a été retenue par la question de la candidature à l’élection présidentielle. Le fait est que c’est la plus rude des questions à manier pour nous. Mais jina-40e plaide pour que ceux qui s’intéressent à nos travaux regardent sur le site du Parti de Gauche à quoi nous nous sommes occupés. A bien d’autres choses. La vérité est que, pour nous, le choix pour la présidentielle est fait depuis le mois de janvier dernier. Nous avons donc travaillé sur un texte concernant l’Euro, sur une résolution générale sur la situation politique, sur le bilan des élections cantonales et sur la situation internationale. Par exemple. Ces travaux sont destinés à homogénéiser la parole et la pensée du groupe humain que nous formons, venu d’horizons si différents, de cultures si diverses. Car s’il est vrai que notre parti a un certain culte de l’action de terrain, pour autant nous n’avons jamais arrêté de réfléchir. De toutes façons nous y sommes contraints. Le parti n’a que trois ans et seulement huit mille membres. Tout est à faire, tout est en construction.

Mais, bien sûr, le résultat de la délibération du PCF était très attendu. Car contrairement à ce que croient beaucoup d’observateurs superficiels, ce qui est entrepris par notre Front de Gauche est extraordinairement compliqué. Il n’y a pas d’équivalent à gauche. Les autres se chargent seulement de régler leurs problèmes internes. Nous, nous devons le faire aussi,ina-33 comme tout le monde, et en plus nous devons nous accorder à plusieurs partis sur les questions essentielles. Et cet accord ne peut être imposé d’en haut. Pour que la décision finale entraine le plus largement possible, il faut qu’elle ait travaillé son chemin à son rythme. Rappelons qu’il ne s’agit pas de régler une motion de congrès  mais de créer une situation d’intérêt et d’adhésion du plus grand nombre possible de citoyens électeurs dans le pays. Nous travaillons donc sous le regard de tous. Quelle que soit l’issue, il faut donner son avis sans gâcher nos chances. Et le plus rude, pour un militant de bonne volonté, est souvent de se faire une idée précise. On discute. Beaucoup. Donc rien n’est jamais fait d’avance. La conclusion des travaux du PCF n’était nullement fixée à l’avance. Et la suite de la procédure engagée ne l’est pas davantage. De même que la décision de la Gauche Unitaire n’était pas non plus faite d’avance et qu’elle n’a pu être unanime qu’à raison du rythme retenu pour la prendre. Au cas précis de la délibération communiste, il va de soi que l’histoire des deux dernières décennies de politique à gauche ont pesé lourd dans la réflexion des communistes.

Il n’empêche, vaille que vaille, mètre par mètre, la cause avance. Le Front de gauche n’est plus mis en cause dans le PCF sinon à la marge. L’idée de la candidature commune aux législatives et à la présidentielle est acquise dans les trois partis. Ce n’est pas rien. Tous ces acquis simplifient les décisions à prendre parce que celles-ci perdent progressivement la dimension personnelle qu’elles avaient lorsque tout le débat nous était résumé dans la question d’un nom à choisir. L’adoption du document "stratégie", puis le dépôt de documents d’étape sur le programme partagé, l’ouverture de la discussion sur les candidatures aux législatives, cela forme un tout. Il met à sa place ce qui doit encore être fait. Il ne faut pas croire que je ne me rends pas compte des tacles qui me sont faits. A force de répéter des mises en garde sur la personnalisation de l’élection présidentielle, on va finir par devoir en parler aussi aux législatives. Chacun répondra sans doute alors que les candidatures anonymes n’existent pas et que quand elles existent elles ne sont pas considéréesthe-sinnerman comme très performantes. Et l’argument d’après lequel « un élu bien connu » entraine localement, doit peut-être avoir aussi sa signification au plan national. Je sais aussi que pas un d’entre nous n’a jamais parlé d’un dirigeant communiste comme certains d’entre eux parlent de moi. André Gérin s’est distingué à ce sujet par sa vulgarité et agressivité. Mais je le dis assez tranquillement, tout cela n’est rien comparé à l’enjeu de notre réussite commune. Une fois en ordre de marche le Front de Gauche sera attractif dans le peuple profond. Nul ne doit s’arrêter aux pronostics et sondages. La vérité politique est celles des urnes. Personne ne peut croire que les électeurs mentent aux urnes et disent la vérité aux sondeurs. La vérité c’est que nous avons rassemblé dix pour cent des électeurs des cantonales et 250 000 voix de plus qu’aux régionales. C’est notre point de départ pour construire le rapport de force des présidentielles. La vérité c’est que le pays n’en peut plus de la potion libérale et qu’il cherche le moyen d’en finir avec. Et pour cela la vraie partie du choix des alternatives se joue entre le Front National et nous et non entre le PS et l’UMP. La vérité c’est que l’explosion de l’UMP donne à cette prochaine élection une dimension de recomposition politique qui implique tout l’espace politique et donc également la gauche. Mais tout cela a un préalable absolu : l’union du Front de Gauche. Sans cela, il n’y a plus aucun point d’appui. Rien. L’isolement et le témoignage impuissant.   

Quelques manœuvres ont également pesé sur nos débats depuis des semaines. En particulier celles du PS. Depuis des semaines, en effet, il fait circuler des argumentaires de zizanie, repris en boucle par les journalistes socialistes des différentes rédactions. Ainsi de ce mythe de « l’OPA sur le PCF » de Jean-Luc  Mélenchon et ainsi de suite. Il s’agit de créer une ambiance de méfiance. Après quoi viennent les petits jeux venimeux. Le PS fait tout pour choisir ostensiblement ses interlocuteurs au Front de Gauche. Tantôt les communistes sont dorlotés, tantôt les voyous répandent la rumeur que nous sommes déjà en train de négocier les places. Et moi, la mienne, bien sûr. Tout est fait pour empoisonner les relations entre partenaires, et tacher de nous englober dans leurs combines sans principes. Le manque de respect est total, la magouille règne. Bref, ils font tout pour faire éclater notre Front. Leur idée simpliste aux élections cantonales était qu’en isolant le Parti de Gauche et en le maltraitant, mais en cajolant les dirigeants et élus communistes, ils trouveraient la faille. Bien sûr les communistes ont bien vu la manœuvre et ils ont très mal ressenti le mépris que ce positionnement exprime à leur égard. Mais notre meilleur allié pour déjouer ces manœuvres a été l’incroyable avidité des cadres du PS dans les élections cantonales. Ils ont méthodiquement organisé l’agression contre le Front de Gaucheimg_5386, et spécialement contre ses sortants communistes. Leurs paroles mielleuses d’unité ont donc été clairement perçues pour ce qu’elles sont : des trompe l’œil. Qui se fie à eux est perdu, il n’y a pas d’exception à cette règle de la fourberie. Les cantonales l’ont montré. Et tout le monde l’a compris dans les rangs du Front de gauche, à présent. Il en résulte une utile défiance quasi absolue. Le PS ne comprend que les rapports de force. Ils ne faut pas fuir cette réalité mais au contraire l’affronter avec clairvoyance et courage. En faisant de la politique en direction du grand nombre. Discutailler avec le PS n’a pas d’intérêt. Qui les voit adopter devant cent seulement des quatre cents membres du conseil national, à l’unanimité, un texte de programme en retrait sur les précédents, après qu’ait éclaté la plus rude crise du capitalisme depuis un siècle, comprend vite à qui il a à faire. L’abstention est le premier courant du PS et de loin ! La gauche du PS a disparu corps et bien dans le concert des satisfecits mutuels. Elle n’amende plus, ne propose plus. C’est fini. « C’est un bon texte ! » aurait dit Henri Emmanuelli. Les bras m’en tombent. Lisez ma précédente note pour avoir des éléments concrets d’appréciation sur le contenu réel de ce document. C’est donc avec le grand nombre qu’il faut parler de programme et comparer les propositions pour sortir de la situation dans laquelle la droite plonge le pays.

La lutte contre la précarité sera pour moi un enjeu central de l’élection présidentielle. Dans notre équipe d’animation du Parti de Gauche, il avait été décidé que j’en ferai l’axe « social » de mon discours de clôture du congrès au Mans. J’ai déjà pas mal écrit sur ce sujet ici. A la suite de ce choix nous avons demandé à Leila Chaibi de conduire notre action sur le sujet. Elle venait de quitter le NPA et de nous rejoindre, en partie sur l’identification conjointe de cette priorité. Pour elle and-let-us-with-the-american-fat-god-and-his-insatiable-hungerc’était déjà une évidence de longue date compte tenu de son engagement à « l’appel et la pioche ». En fait, c’est elle qui nous inspirait à ce moment sur le thème. Une tribune de Clémentine Autain avait aussi fixé notre attention à la veille de ce congrès.

Mais surtout nous avions réfléchi sur l’urgence à analyser sérieusement la nouvelle donne du rapport de force social qui rend possible l’extension sans fin des normes libérales et de la surexploitation au travail. Dans les thèses du club « La République Sociale » nous faisions valoir que la pauvreté n’était plus la marge du système des relations sociales mais son centre et souvent le moteur de la dynamique des rapports sociaux. Nous avons fait nôtre le vocable de « précariat », pour décrire cette nouvelle catégorie transversale à tous les niveaux de qualification (lire avec ma note sur le thème). C’est essentiel à présent dans le discours du Parti de Gauche. Je ne compte plus le nombre de fois où, moi aussi, j’ai présenté et soutenu l’idée de titulariser tous les intérimaires contraints des fonctions publiques. Ils sont 850 000. Et de fixer un quota de plafond d’embauche de CDD et intérimaires pour toutes les entreprises du secteur privé. Le discours ne suffit pas. Il faut passer bien plus largement à la pratique.  

J’étais dans cet état d’esprit en allant à l’ENS de la rue d’Ulm, que dirige à Paris madame Canto-Sperber. Dans ce haut lieu de l’école républicaine, comment croire que l’on va trouver cette situation. Dix travailleurs précaires de chez précaire. L’une d’entre elles additionne les contrats à durée déterminée depuis dix ans ! Certains n’ont pas duré plus d’un mois ! Et qui couvre ces pratiques ? Qui fait des remarques de caste et de classe à ceux qui argumentent pour améliorer leur quotidien ? Qui refuse toute avancée de la condition de ces gens qui travaillent sans rechigner et assez bien pour être sans cesse réembauchés ? Une directrice qui tient une émission sur l’éthique et signe des tribunes sur ce thème ici et là dans la presse. Duplicité des puissants ! Cruauté de leurs mœurs ! A côté de moi, tandis qu’on cassait la croute ce jour où je faisais une petite visite de solidarité, un gars vraiment bien costaud, grand et bâti comme une armoire à glace. Il me dit d’une petite voix ce qu’est sa vie de précaire à vie. D’abord "j’ai la boule au ventre tous les jours que le chef me dise que c’est fini je ne serai pas repris » « Il vous menace ? » «big-brother-sarko-mini- Non, il me le fait sentir. Si je me plains de quelque chose il me dit que je ne suis pas obligé de rester là ». Ensuite la vie « je n’ai pas de CDI, alors ma demande de logement ce n’est pas possible, ni le prêt à la banque. Mais je viens de me marier, alors c’est dur tout ça ». « Je ne comprends pas. Si je travaille bien pourquoi est-ce que je ne suis pas reconnu ? » Et pour finir, parmi le reste ceci, dit sur le mode de l’évidence résignée. « Le trajet depuis chez moi La Courneuve, c’est long. Et il y a les contrôles à cause des trafics. Parce que moi je suis noir, alors les flics me contrôlent ». Voila, madame, ce qu’est « l’éthique » quotidienne de notre société et des valeurs que vous défendez tous les jours comme libérale.

Je ne vais pas raconter toute cette histoire de ma visite à l’ENS en une seule fois. Il y a longtemps que je n’avais pas eu un contact humain aussi riche que celui-là. Mais je l’évoque pour me situer dans l’univers bien connu de la plupart de ceux qui me lisent. C’est ma façon de justifier que je relaie un appel qui court sur la toile. Il reprend l’esprit de la grande manifestation des précaires qu’ont organisée de la même manière les jeunes Portugais. De retour de cette manifestation, Leila Chaibi nous avait fait une sérieuse description de l’ampleur du mouvement mobilisé de cette façon. Voici venu le tour de ce pays. Je reproduis le texte d’appel.

APPEL DU PISSENLIT « Le samedi 30 avril 2011, comme chaque fin de mois, ça fera déjà dix jours que nous serons à découvert. Nous sommes salarié-e-s au SMIC, en CDD, en intérim, à temps partiel, en Contrat Unique d’Insertion, stagiaires de longue durée à 30% du SMIC, bac + 5 en Service Civique à 540€ par mois, auto-entrepreneurs, pigistes, intermittents, chômeurs en intérim, travailleuses au black au RSA, travailleurs au black, jeunes n’ayant pas droit au RSA, saisonniers, étudiants-salariés…

Nous galérons pour trouver un emploi et un logement, pour payer le loyer. Nous galérons pour remplir le caddie chez ED.
Nous voulons vivre, pas survivre. Nous voulons payer des impôts. Nous voulons payer nos restos, aller au ciné, partir en vacances, arrêter de taxer nos parents, avoir le temps et la place pour élever des enfants, nous doucher avec du gel douche bio, manger du filet de bœuf plutôt que des surgelés, aller chez le dentiste pour retrouver le sourire. Notre précarité est une insulte au passé, alors que nos parents et nos grands-parents ont travaillé pour notre accès à l’éducation, à la sécurité sociale, pour le droit du travail, et pour notre liberté. Privés de stabilité et soumis à la flexibilité, notre avenir est hypothéqué. “C’était mieux Avant”, on finit par le croire.

Parce que nous refusons cette fatalité, nous ne nous laissons pas abattre par ce manque de perspective. Nous sommes des millions ! On se croise tous les jours dans la rue, dans le métro, au boulot, dans les facs, à Pôle Emploi ou à la CAF, ou à l’heure de l’apéro.

Nous sommes éparpillé-e-s et isolé-e-s.

Le samedi 30 avril, rassemblons-nous. A défaut de se payer notre brin de muguet du 1er mai, célébrons le pissenlit pour ne pas le manger par la racine. Avant la fête des travailleurs, retrouvons-nous pour la journée du Pissenlit, fête des précaires. Ce jour là, rendons nos galères visibles. Quelles que soient vos convictions, vos revendications, votre situation, rejoignez nous. En écho à l’énorme mobilisation des précaires portugais le 12 mars, nous vous donnons rendez-vous à Paris tout au long de la rue de Lisbonne, pour un défilé festif, pacifique et non-partisan contre la précarité. Fabriquez pour l’occasion vos propres panneaux, pancartes, banderoles, et inscrivez-y vos coups de gueules et vos messages.

Rendez-vous le samedi 30 avril pour un défilé festif, pacifique et non-partisan !

Carole, 28 ans, salariée depuis 10 ans, au SMIC, encore dépendante de ses parents.
Xavier, 36 ans, chômeur, auto-entrepreneur.
Lily, 25 ans, bac+5, en Service Civique prolongé à 540 euros par mois.
Dimitri, 24 ans, serveur, travaille 50 heures par semaine dont 30 heures non déclarées.
David, 26 ans, chômeur en reconversion professionnelle dans le secteur social.
Nikos, 27 ans, vacataire dans la fonction publique.
»

pour plus d'informations sur cette mobilisation c'est ici.

Les leçons à tirer de la catastrophe nucléaire japonaise étaient au menu du Parlement de Strasbourg jeudi dernier. Il y avait plusieurs résolutions soumises au débat sur ce thème. Mais, ina-20comme souvent, un document de compromis avait aussi été élaboré entre tous les groupes. C’est ce texte qui passa en premier. Je ne dis pas qu’il m’enchantait, ni que je me préparais à le voter en l’état. Notamment parce qu’il n’envisageait toujours pas de sortir du nucléaire. Mais il y avait du positif. Déjà, le texte insistait sur le renforcement des normes de sécurité et des tests de résistances des centrales. Sur ce point j’ai voté un amendement fixant à 2012 la date d’arrêt des centrales qui n’auraient pas réussies leur test, c'est-à-dire les centrales les plus dangereuses. Le texte argumentait aussi sans complexe pour la « nécessité manifeste d'un dialogue public ouvert sur l'énergie nucléaire dans tous les États membres afin de sensibiliser le public aux effets de l'énergie nucléaire avant toute prise de décision politique ». Je trouve courageux, compte tenu des signataires, qu’on ait "invité" à "un moratoire sur la construction et la mise en service de nouveaux réacteurs nucléaires". Certes il y a un bémol : ce n’est qu’une "invitation à". Deuxième bémol, l'invitation tient seulement "pendant la période au cours de laquelle les tests de résistance seront réalisés et évalués". Moui… Tout aussi bidouillée était l’étrange demande d’interdiction de constructions de centrales nucléaires dans des zones "à fort risque sismique". C'est mieux que rien. Mais pourquoi pas « à risque sismique » tout court ? Et pourquoi pas l'arrêt des constructions tout simplement ? J’étais satisfait de la demande de "promouvoir une interdiction au niveau mondial de construction de centrales nucléaires dans les régions à haut risque, en vue d'aboutir à une convention contraignante des Nations unies à cet effet". C’est bien. Mais pourquoi seulement dans les zones à risques?

Il y avait aussi du négatif. Et pas du plus simple. Par exemple lorsqu’il était déclaré que "l'énergie nucléaire continuera à faire partie de la palette énergétique de plusieurs Étatsina11 membres pendant de nombreuses années encore et que de nouveaux réacteurs sont prévus ou sont déjà en cours de construction". En cas de mauvais résultats à un test de résistance, le texte se contentait de dire « qu'une réponse appropriée pourrait être la fermeture immédiate de la centrale concernée ». Franchement, ce n’était pas à la hauteur.

La catastrophe de Fukushima rappelle au monde qu'en matière de nucléaire il n'y a pas de risque zéro. Le danger que l'énergie nucléaire fait peser sur l'humanité n'est donc pas soutenable. Par conséquent, il faut aller bien plus loin qu'une sûreté améliorée et des tests de sécurité. Il faut préparer tout de suite un plan européen de sortie du nucléaire. Sortir du nucléaire prend du temps. Ne pas commencer dès maintenant à organiser cette sortie est pour moi un crime. J’avais prévu de ne pas voter  cette résolution si les amendements prônant la sortie du nucléaire étaient rejetés. J’ai voté tous les amendements présentés par les Verts. Deux d’entre eux furent majoritaires. Cela semble avoir dissuadé la droite de maintenir l’accord. Le texte ainsi amendé a donc été rejeté. Et toutes les autres motions sur le sujet le furent aussi. En fin de compte le Parlement européen, sous la pression des partisans du nucléaire n’a rien à dire sur le sujet. Plutôt morts que verts a dit la majorité du parlement !

Une résolution sur la situation en Syrie, à Barheïn et au Yémen est arrivée sur nos tables de députés européens. J’en parle parce que je la trouve tellement représentative de la fumisterie ordinaire de ce parlement. Pourtant on disposait même de la version française, alors qu’il s’agit d’une zone chasse gardée de l’empire ! Ce qu'elle a d'intéressant c'est qu'elle exprime sa solidarité avec les peuples yéménite, bahreïni et syrien en lutte. Excellent ! Elle  condamne la répression brutale et demande la libération de prisonniers politiques. Je suis mille fois d’accord ! On peut même y lire qu'elle s'inquiète de la présence des troupes du Conseil de coopération du Golfe à Bahreïn. Notre chère Union serait-elle enfin devenue honnête dans ses relations internationales ? le-pretendantInutile de rêver. Voilà que commence la manipulation. Cette résolution se caractérise avant tout par une émotion à géométrie variable. D'un côté elle demande au dictateur yéménite Ali Abdullah Saleh de quitter ses fonctions « comme il l'a promis ». Elle signifie au syrien Bachar al Assad que « la démission du gouvernement syrien  ne suffira pas à étouffer la colère du peuple en lutte pour ses droits ». Cette dernière assertion me fait bien rire compte tenu de ceux qui la rédigent ! Après cela le texte cite avec précision le nombre de morts et de blessés victimes de la répression dans ces deux Etats. L’indignation frémissante de ces lignes s’interrompt aussitôt pour faire place à une anesthésiante aimable demande. Le texte en effet se contente de "demander au gouvernement de Bahreïn et aux autres parties d'engager sans délai ni conditions préalables un dialogue efficace et constructif qui se traduira par l'adoption de réformes". De l’intervention militaire des voisins pour tirer sur les manifestants : pas un mot ! Du nombre des morts et des blessés, rien non plus. Les victimes de la répression du régime du roi Hamad bin Isa Al Khalifa, avec l’aide militaire des Etats du Conseil de coopération du Golfe, c'est-à-dire les voisins d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis, ne sont pas aussi victimes que les syriens ou les yéménites.

Et pour quoi ça ? Quelle explication ? Qu'est-ce qui rend Bahreïn si délicat aux yeux de l'eurocratie? Figurez-vous que sa capitale, Manama, abrite depuis 63 ans le commandement de la 5ème flotte états-unienne. Les USA, leurs agences et leurs porte serviette européens ménagent donc cet allié crucial, très proche des Etats du golfe. L'enjeu est de taille : 4.200 militaires états-uniens sont stationnés à Manama. Bahreïn est au cœur du contrôle des voies d'approvisionnement en pétrole des Etats-Unis et de l'Union européenne dans la région. Il est tiraillé entre l'Iran, l'Arabie Saoudite et le Qatar. Les médias dits "occidentaux" mais aussi arabes sont donc spécialement muets sur la répression contre la révolte bahreïnie. Tout cela pue à plein nez la bonne conscience ordinaire de l’empire et de ses supplétifs. Mais il faut voter. Alors ? Si j'avais voté contre cette résolution, du fait de son hypocrisie et de ses lâches préférences, tous les Aphatie et Quatremer de la Terre me seraient tombés dessus pendant des semaines avec toute la finesse qui caractérise leur militantisme aveuglé. Mais je ne voulais pas cautionner ce deux poids deux mesures. Je tenais par contre à dire ma solidarité avec les révoltes populaires arabes. Je me suis donc abstenu. Ainsi va la vie, dans cette enceinte stérile.

Une proposition de loi cadre pour la laïcité, comme vous le savez, a été présentée par le Parti de gauche. Celle-ci contient notamment l’abrogation du Concordat en Alsace-Moselle. On constate depuis une certaine émotion de ci de là. Je note sur ce thème  une confusion dans lale-gardien-de-phare présentation de cette proposition dont j’ai du mal à croire qu’elle soit innocente. Je ne veux pas cacher le malaise que m’a inspiré la présentation de France Trois Région sur ce thème. Un bref sujet, précédant mon interview, affirmait qu’abolir le Concordat se serait abolir en même temps le régime local de protection sociale, bien plus protecteur que le régime qui s’applique ailleurs en France, le droit local et le droit de chasse spécifique. Bien sûr, c’est archi faux. Le Concordat et le régime local de protection sociale sont deux choses totalement distinctes. D’abord, ils n’ont pas la même origine. Le Concordat résulte de la loi du 18 germinal an dix signée Napoléon Bonaparte. Le régime local de protection sociale résulte de la politique menée par Bismarck dans les années d’occupation allemande après 1870. Ce régime est donc totalement indépendant du Concordat. Les mesures portées dans la proposition de loi du PG n’ont aucun impact ni lien avec la protection sociale. Il s’agit de permettre à l’Etat d’économiser environ 55 millions d’euros chaque année en ne finançant plus l’entretien des lieux de culte et la rémunération des ministres du culte. Il s’agit de supprimer le statut scolaire particulier. Aucun lien avec le régime local de protection sociale. Il s’agit de la suppression du délit de blasphème. Aucun lien avec le régime local de protection sociale. Ni avec le droit spécifique de la chasse, cela va de soi ! On voit là qu’en réalité, en organisant sciemment la confusion dans les esprits entre le droit local des cultes et le régime local de protection sociale, les Eglises subventionnées et leurs amis, agitent un épouvantail idéologique pour garder le juteux pactole de leurs privilèges ! Mais leur manœuvre nous ouvre une piste. Puisque le régime de protection sociale d’Alsace-Moselle est plus favorable que le régime qui s’applique sur le reste du territoire national, il faudrait l’étendre aux autres départements !

Venons-en au Concordat tel qu’il s’applique en Alsace Moselle. Beaucoup ignorent de quoi il s’agit. C’est une affaire qui vient de loin. C’est une disposition qui s’applique depuis deux cent dix ans. Un record. En effet, le régime concordataire a commencé en 1801 ! A l’époque il s’appliquait à tout le pays. Le Concordat ne concerne que les questions du rapport de l’Etat aux ina17religions. Il reconnaît, organise et subventionne le culte catholique, le luthérien, le réformé et l’israélite. Tout cela a été abrogé par la loi de 1905. Sauf en Alsace Moselle. Pourquoi ? Cette exception au droit général de notre République a une histoire. Quand la grande loi du 9 décembre 1905 organisant la laïcité a été adoptée, les trois départements concernés, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle étaient annexés par l’Allemagne depuis 1870. Dans les territoires français occupés, le Kaiser et Bismarck n’ont pas abrogé le Concordat. En 1918, après la libération des départements français annexés, le retour de l’Alsace-Moselle au sein de la République n’a pas remis en cause cette situation particulière. C’est même le contraire. En effet, la loi du 1er juin 1924 a pérennisé le droit concordataire. Un avis du Conseil d’Etat du 24 janvier 1925 a même confirmé que la loi établissant le concordat était toujours en vigueur. Et elle le reste depuis cette date. Après l’invasion nazie en 1940, Hitler n’a pas davantage aboli le Concordat dans ces départements de nouveau occupés. Vint la Libération. Les libérateurs abolissent aussitôt les dispositions prises par le régime collaborateur de Philippe Pétain et de sa « révolution nationale ». L’ordonnance du 15 septembre 1945 a donc rétabli la légalité républicaine telle qu’elle était à la date du 16 juin 1940. Dans le cas de la zone concordataire, cela revenait à reconduire la loi de 1924 qui elle-même reconduisait celle de 1801. C’est clair ? Cette disposition censée être provisoire est donc devenue durable… Voila pour l’histoire. Voyons les conséquences.

L’application du Concordat en Alsace-Moselle entraine la reconnaissance des cultes, un statut scolaire spécifique et même l'existence de délits religieux. Contrairement à la loi de 1905, en Alsace et en Moselle, les cultes sont reconnus et subventionnés. Les ministres du culte, sauf les musulmans, sont rétribués par l'Etat et les collectivités territoriales participent au financement du culte paroissial. Les sommes concernées ne sont nullement symboliques. Depuis 2006, les lois de finances ont alloué environ 55 millions d’euros par an aux budgets des cultes alsacien-mosellan pour environ 1.400 emplois temps plein travaillés. Une hausse de 20 millions d’euros par rapport à 2003. Sont ainsi salariés 1100 prêtres catholiques, 308 pasteurs protestants et 27 rabbins.

L’exotisme ne s’arrête pas là. Existe avec cela un statut scolaire particulier. La religion est enseignée obligatoirement à l’école primaire et au collège. On ne peut en être épargné qu’en en faisant la demande écrite en début d'année scolaire. En cas de dispense, les élèves du primaireguerre-de-religion assistent à des cours de "morale". Les collégiens, eux, sont simplement dispensés de cours. Dans certains établissements, en particulier les lycées professionnels, le cours se nomme « faits religieux ». Cette sorte d’enseignement donne lieu, depuis un arrêté en date du 25 janvier 2000 à la création d’un CAPES des religions ! Le tableau ne serait pas complet si je ne mentionnais un autre particularisme. Celui de l’existence d’un code pénal local d’Alsace-Moselle. Lequel comporte des dispositions concernant le rapport aux religions.  C’est ainsi que par déduction de l’esprit du Concordat deux articles du code pénal allemand de 1871 y sont repris. Ils sanctionnent deux « délits » dans le domaine religieux. L’article 166 de ce code pénal local punit le « blasphème public contre Dieu » d’une peine de trois ans de prison maximum. Et l’article 167 de ce code fait de même pour les atteintes au libre exercice du culte. Pincez-vous, si vous voulez mais c’est la pure vérité. Naturellement plus personne ne demande l’application de telles dispositions. Mais c’est la loi qui peut s’appliquer à tout moment localement, non en Iran mais sur le sol de la République française !

Mais nous ne nous contentons pas de parler et de proposer. Nous sommes la gauche décomplexée. Nous sommes passés aux actes partout où nous le pouvions. A force la ténacité a payé. Apprenez qu’à l’occasion de la discussion du rapport cadre sur la politique sociale d’Ile de France, le groupe Front de Gauche et des alternatifs, présidé par Pascale Le Néouannic allié aux groupes PRG – MUP a obtenu une belle victoire de la laïcité régionale. Ils ont rassemblé une majorité de votes favorable sur leur amendement visant à exclure les crèches confessionnelles des aides régionales en direction des structures d’accueil collectif des jeunes enfants. A cette occasion on aura vu le double jeu de l’UMP et la lamentable déshérence du PS. En effet Jean-François Copé voulait avec son débat nauséeux sur l’islam faire croire aux nigauds que l’UMP était attachée au principe ina-22de la laïcité. Moins de deux jours plus tard, le double jeu se voyait comme le nez au milieu de la figure ! Ce jeudi 7 avril 2011, le groupe majorité présidentielle au Conseil Régional d’Ile-de-France, conduit par sa présidente Valérie Pécresse, a montré au grand jour sa vision étroite de la laïcité. L’UMP a voté contre notre amendement. Pour l’UMP la laïcité c’est l’emballage de l’hostilité aux musulmans. Comme ellle était prompte à exiger de l’usager des services publics lui-même une neutralité qui revient pourtant à remettre en cause le principe de liberté de conscience ! Mais là, fini les exigences sans fin. Retour à la niche cléricale. L’UMP défendait là le versement de subventions publiques aux quatorze crèches confessionnelles Loubavitch ultra orthodoxes déjà financées par la ville de Paris. Isolé, Jean Paul Huchon a tenté jusqu’au bout d’empêcher l’adoption de notre amendement. Allait-il être suivi par les siens ? Non. Au moment de voter avec la droite, incapables d’avoir une attitude ferme les élus PS ont quand même préféré s’abstenir. Notre amendement a donc été adopté. Les élus du Parti de Gauche et des Alternatifs exultaient ! Ils ont enfin trouvé la brèche ! L’intérêt général a prévalu. Le communataurisme a été mis en échec.  C’est la preuve que les laïques peuvent l’emporter pour peu qu’ils relèvent la tête et affichent clairement leurs couleurs.

Lire aussi

DERNIERS ARTICLES