C’est le coup de tonnerre. Le référendum grec, qui n’aura peut-être pas lieu tant il énerve les tous-puissants, renverse la table de l’Europe que dirige Madame Merkel. J’en dis juste un mot puis je jette aussi un coup d’œil sur le G20 où nos amis manifestent sans désemparer pour rappeler que le monde ne se résume pas aux puissants qui parlent en son nom. J’évoque l’enterrement annoncé du programme du PS. Et aussi le nouvel épisode, un peu gavant, il est vrai, de mes harceleurs médiacrâtes.
Mais avant toute chose, un mot d’affection et de solidarité pour le journal « Charlie hebdo » incendié par des criminels dont je forme le vœu qu’ils soient pris et châtiés avec toute la rigueur de la loi. Si nous acceptons un seul jour une seule minute qu’un journal soit empêché d’exister nous serons tous nous-mêmes empêchés d’exister. S’il est prouvé qu’il s’agit d’un commando de fanatique religieux que ce soit une bonne occasion de méditer sur le risque que les fanatiques de toutes les religions font courir aux gens ordinaires comme chacun d’entre nous. Si, comme cela a été dit, il s’agissait de fanatiques islamistes, ayons le bon sens de ne pas les confondre avec tous les autres musulmans qui sont j’en suis certain aussi indignés que nous par ce type de barbarie !
Ce billet est illustré par les peintures de Laure Bréaud. Merci à elle…
Tous ont leur mine des soirs de deuil. Pensez ! « Comment pouvez-vous parler d’une bonne nouvelle », s’angoisse le journaliste pétaradant d’Europe 1, fendu d’un indécent sourire de jubilation à l’idée de tenir entre ses mains un fou qui ne comprend pas « la seule politique possible ». Il est temps de rappeler que la démocratie n’est pas le problème mais la solution pour nous. Mais pour ces gens, si prompts à donner des leçons de démocratie à la terre entière, le reste du temps, en Europe, non, il n’y a qu’une solution possible, de gré ou de force ! Et les voilà en train de pontifier à longueur d’antenne sans même se rendre compte des énormités qu’ils profèrent contre la démocratie, la souveraineté populaire et même la dignité nationale. Quand Papandréou propose un référendum, ils ne se demandent pas pourquoi ce type qui a tout cédé prend cette décision. Ils n’ont rien vu, rien entendu, rien compris à douze grèves générales et des milliers d’heures de manifestation. Ils ne savent pas que la revendication de référendum est là, depuis le début, dans le mouvement populaire. Sourds, aveugles ! Et aussi néo-colonialistes. Quand madame Merkel dit qu’il faut surveiller de plus près, et « chaque jour » les grecs, ils ne tiquent pas. Une telle dérive du bon sens démocratique le plus élémentaire est plus inquiétante que toutes les menaces sur l’Euro.
Le vocabulaire ordinaire des maîtres siffle comme un fouet. « La démocratie passe encore, concède en substance Nicolas Sarkozy sur le perron de l’Elysée, mais les grecs doivent payer. » On a compris. On tremble de colère. Quels grecs doivent payer ? Quand a–t-on parlé d’enquête en Suisse pour rattraper les fraudeurs du fisc grec ? Quand a-t-on parlé de faire payer l’église grecque qui ne paie pas un centime d’impôt ? Qui a pu faire croire aux puissants qu’un peuple tout entier peut s’accommoder de l’idée de dix ans d’austérité supplémentaire ? Et surtout pour arriver au point, si tout fonctionne comme prévu, où il se trouvait en début de crise ? Comment espèrent-t-ils que cette aberration puisse passer sans casse ? Voilà le problème. Les dirigeants actuels de l’Europe ne vivent plus dans le monde réel. Ils croient que leurs raisons sont la raison. Cette logique est totalitaire. Elle finira mal, très mal.
Revoilà le G20. Celui qui se réunit en vain. Ou alors seulement pour faire des effets de manche et donner à voir que le monde est bien en main. Une comédie. La suprême comédie. Le principe même de cette assemblée est une honte. Vingt nations décident pour cent quatre-vingt-douze autres. Huit d’entre elles se voient également avant pour donner le ton. Et l’ONU ? Qui ça ? Et le contenu du programme ? Qui l’établit, qui le discute, qui le contrôle ? Pauvreté absolue du résultat. Sur les sujets importants du moment, une fois triés et ramenés à deux ou trois questions médiatisables, c’est le règne de la pensée unique en béton armé. Même sur le minimum de l’intérêt général humain. Exemple : la lutte contre le changement climatique. Elle n’avait été abordée que de manière marginale par le G20 de Londres avec des bonnes intentions sans aucun engagement chiffré de réduction, en particulier pour l’échéance cruciale de 2020, ni mesure contraignante. Le G20 est pourtant responsable de plus de 80 % des émissions mondiales de CO2. L’issue de la conférence de Copenhague dépend donc avant tout de l’engagement ou non du G20. On peut courir ! Autre exemple, à propos de la limitation, même partielle du libre-échange pour enrayer le dumping écologique en pénalisant les exportations de biens produits de manière polluante. Même pas en rêve ! Au contraire le G20 de Londres d'avril 2009 avait pris « l’engagement de ne pas élever de nouvelles barrières à l’investissement ou au commerce des biens et services, ni d’imposer de nouvelles restrictions aux exportations ». Mieux ! Le G20 avait décidé d’affecter 250 milliards pour soutenir le commerce mondial. Subvention qui fut affectée via l’OMC et des agences de soutiens aux exportations des différents pays, sans tenir compte du regain d’émissions de CO2 générées par le commerce international et les délocalisations. Quant à la taxe Tobin sur les flux financiers spéculatifs désormais fort à la mode dans les discours des importants, c’est la caricature. Certes on ne compte plus les dirigeants du G20 qui la soutiennent comme Merkel, Sarkozy, Barroso. Mais elle est périodiquement éjectée de l'agenda concret du G20 par les pays anglo-saxons. Le G20 de Londres en avril 2009 avait même fermé la porte à toute mesure de limitation des flux de capitaux : « nous ne nous replierons pas dans un protectionnisme financier, notamment par l’adoption de mesures qui entraveraient les mouvements de capitaux dans le monde ».
Il n’y a donc rien à attendre de cette nouvelle orgie de dépenses somptuaires et de mobilisation paranoïaques de forces de l’ordre. Parmi tous les sujets qui auraient pu être mis à l’ordre du jour je pense à l’un d’entre eux qui créerait une super ambiance avec les Etats-uniens. Un jour ou l’autre il y viendra. Le plus tôt sera le mieux. Avant que la marée de billets verts bidons ne déferle comme un tsunami sur le monde. Il s’agit du thème de la création d’une nouvelle monnaie de réserve internationale pour réduire la dépendance mondiale face à la fragilité du dollar. Cette proposition a été faite par la Banque Centrale Chinoise à la veille du G20 de Londres. Puis elle a été soutenue par plusieurs pays émergents comme le Brésil et la Russie. Elle est restée sans suite pour l’instant. Pour l’instant. Mais un jour ou l’autre les européens voudront rendre la monnaie de leur pièce aux USA autrement qu’en essayant de leur piquer une partie des moyens de leur bailleur de fond chinois comme ils viennent de le proposer en offrant aux émergents de participer au fond européen de stabilité.
Début du calvaire pour les naïfs qui ont cru aux sornettes à propos du programme socialiste « voté à l’unanimité », « qui nous engage tous », « qui sert de base à notre candidat », « une boite à outils ». Sans oublier les ultras naïfs masochistes qui s’épuisent à vouloir « ancrer à gauche le Parti Socialiste ». Ceux-là sont sans cesse méprisés et traités comme le pneu de secours de la roue de rechange par ces « ancrés à gauche » qui les utilisent comme des rabatteurs. Tous n’ont jamais analysé la mutation en profondeur qu’a connue le PS en lien avec celle du Parti Socialiste Européen. Depuis Blair et Schroeder, un tournant majeur a été pris dans toute l’Internationale socialiste. Ils n’ont pas voulu voir ni analyser ce qu’est la ligne « démocrate » du PS dont j’ai fait le bilan et la description en 2007 dans le livre-entretien que j’ai fait avec le journaliste Michel Soudais : « En quête de gauche ». J’y montrais comment François Hollande avait assumé le premier en France cette orientation alors qu’elle était tout juste naissante aux Etats-Unis d’Amérique avec Bill Clinton. Tous continuent à faire comme si ce parti n’était pas le parti du « Oui » au référendum constitutionnel voulu et porté par le même François Hollande. Lequel l’emporta de justesse grâce à la bande des tricheurs et bourreurs d’urnes dont il a entrepris la réhabilitation comme dans le cas de l’inusable voyou Robert Navarro, ci-devant ex-responsable de la fédération de l’Hérault du PS. Et comme si celui qui est désormais le candidat n’était pas celui qui avait exclu de la direction les partisans du « Non », puis exprimé ensuite le regret de ne pas avoir sanctionné tous les autres. Le Parti Socialiste dont parlent les naïfs n’existe plus. Une primaire jouée à la gonflette médiatique et aux sondages pipeautés ne peut donner mieux que cette banalité d’élire le chef des caciques, inamovible pendant onze années de votes truqués et de synthèses cyniques. Ce n’est pas pour rien que Martine Aubry a pris le risque de dire de lui qu’il est « le candidat du système ». Pourquoi avoir fait comme si elle s’était laissée aller plus loin qu’elle le voulait. Elle sait. Nous savons. Si François Hollande est allé visiter en priorité Zapatero, c’est un symbole voulu et choisi. C’est un signal donné. Il l’est à tous ceux qui comptent dans le monde du conformisme européen. Et aussi de l’atlantisme. Car il a été donné un signe de plus au cours de ce déplacement avec la participation à une séance d’un « think-thank » nord-américain. La présence de Pierre Moscovici en accompagnateur du voyage en Espagne et directeur de campagne de Hollande est à elle seule tout un programme. N’est-il pas l’un de ces personnages qui à l’époque se sont précipités, tout comme Nicolas Sarkozy, à l’ambassade des Etats-Unis pour déplorer le refus de la France de participer à la guerre d’Irak ? Qui peut croire sérieusement que de tels dirigeants fassent autre chose dans l’avenir que ce qu’ils ont toujours cru juste de faire et d’annoncer?
Il n’y a qu’un cas qui ne se réalisera jamais, c’est que le programme socialiste soit appliqué. Les raisons pour lesquelles il va passer à la trappe de la main même de ses dirigeants ne manquent pas. La première est le principe même de sa conception. Le texte a été écrit et adopté par des gens qui savaient parfaitement quel sort avait été réservé aux précédents exercices de ce type. Aucun « projet » ni « programme » rédigé par le PS depuis 1995 n’a jamais été ensuite repris par le candidat. La distance a été plus grande avec le document initial à mesure que le parti s’ancrait dans la culture de la Vème République. La distance est actuellement complète. Le candidat fera ce qu’il voudra et ses épigones se chargeront de montrer les bouts de la vraie croix que son propos contiendra. C’est tout.
Mais la raison la plus importante est que François Hollande inscrit son action dans une cohérence : la compatibilité avec le système du Traité de Lisbonne. Ce traité n’est pas seulement une règle du jeu institutionnelle comme tentent de le faire croire tous ceux qui l’ont adopté en forfaiture au Congrès de Versailles. C’est la constitutionnalisation d’un programme économique, celui de la concurrence libre et non faussée. Hollande ne désobéira d’aucune façon, jamais, aux accords qui viennent d’être conclus dans le cadre du traitement de la crise de la dette et de l’Euro. Il n’a jamais caché qu’il appliquerait la "règle d’or" même s’il n’en accepte pas le vote « tel que proposé ». Ceci, non parce que cette règle est stupide mais, selon ses dires, parce qu’elle n’est pas assez contraignante dans la version qu’en propose Nicolas Sarkozy.
Et de là, la troisième raison. La cohérence du programme de François Hollande ne lui est pas donnée de son chef mais de l’extérieur. C’est « le contexte » qui lui donne ses marges de manœuvres ou les lui retire. Le contexte c’est-à-dire la conformité de ce qu’il veut faire avec la règle du compromis de Copenhague, la bible de la politique néo-libérale dans l’Union Européenne, le Traité de Lisbonne et l’accord du 21 juillet dernier qui généralise l’austérité en Europe ! Il n’y a aucune illusion à avoir sur ce point. Sarkozy c’est Merkel, Hollande c’est Zapatero. Ni l’un ni l’autre ne s’en cachent. Mais ce qui est nouveau dans la bataille qui commence c’est que les recettes économiques de ces gens ont déjà été appliquées. Et elles ont échoué. Et la sacro-sainte politique de rigueur a fait la démonstration de sa totale stupidité dans le cas grec. Tout le monde peut observer que leur truc ne marche pas. Et c’est cela le débat avec le candidat socialiste.
Le Front de Gauche, lui, voit tout autrement le réalisme. Pour nous, au contraire de François Hollande, il s’agit de se donner de soi-même des marges de manœuvres. Ces marges de manœuvres nous voulons les trouver dans le changement de la clef de répartition de la richesse entre le travail et le capital. C’est le cœur de notre construction. Elle tient tout le reste de ce que nous disons et proposons. Peut-on en débattre ? Non. Le système s’arqueboute. Comme en 2005, les deux seules figures acceptées évoluent dans le même registre économique et politique. Les autres sont traités comme des fous. Non, ils sont traités de fous. J’en suis un exemple. Mes positions politiques sont peu débattues. Mais ma personne ! Ça oui ! Il faut dire que tout le monde n’est pas doué pour parler du fond.
Les bouffons continuent leur harcèlement contre moi, sans relâche. En voilà un nouvel exemple. Il paraît que je me suis emporté de nouveau contre deux vaches sacrées qui paissaient paisiblement au milieu du bar des députés au parlement européen. La dernière fois je n’avais pas vu le bouffon qui guettait dans le bar. Il avait écrit dans « Le Parisien », que je prenais un petit déjeuner avec Brice Hortefeux. Rien que ça ! Mais celui-là je l’ai vu à temps. Avec appareil-photo et compagnie. Il s’avère qu’ils étaient deux, l’autre étant bras-dessus bras-dessous avec les porte-sacoches de François Hollande, Kader Arif et Stéphane Le Foll. Lesquels ensuite les ont régalés de leurs grandes confidences sur les circonscriptions où, parait-il, ils comptent m’envoyer. Et comme j’étais de nouveau en train d’échanger quelques mots avec Hortefeux, je me doutais de la suite. Les deux socialistes me montraient du doigt et je lisais sur leurs lèvres les commentaires. Ça donne que l’on m’a « surpris avec Brice Hortefeux » ! On aurait pu aussi me « surprendre » avec une demi-douzaine d’autres de la même manière car tels sont les usages parlementaires qu’on se salue, s’évalue, s’informe et s’intoxique dans toutes les buvettes parlementaires du monde. Ça donne comme d’habitude la petite batterie de reprises de presse chez tous les amis du cancan. Sur Europe 1, un journaliste que la crise grecque et mes arguments rendaient hilare me régala d’un « comment va votre ami Brice Hortefeux ?», car entre-temps mon voisin de comptoir était devenu mon ami pour ce petit finaud. Ainsi va la grande presse sérieuse. Vous allez vous régaler. Tous ont ressorti leur vieux costume du référendum de 2005 pour insulter les grecs. Sans surprise. Banalement. Trivialement. Je m’en amuse à présent. Car les gens, en général, détestent ce genre de personnages qui utilisent l’intimidation en boucle pour s’imposer. Donc, chaque fois qu’ils font leur numéro de fiel corpo, Marie-Chantal et Jean-Patou, leurs amis de la branchitude, sont révulsés. Mais je monte en grade dans la catégorie des gens intelligents qui les connaît ou les devine bien ! Quant aux gens simples et sincères ils tiennent au chaud le goudron et les plumes au cas où.