Ça va saigner !

10Cette note est rédigée au cœur d’une activité très intense. Impossible d’en rendre compte par moi-même, quelque goût que j’en ai. Le temps me manque. Mais tout ce qui m’est advenu pendant ce temps m’a bien travaillé l’esprit. Ça ressortira de bien des façons, comme d’habitude. Je suis une éponge. Ici, je choisis donc de faire des liens pour permettre à qui le souhaite d’en savoir davantage sur tous ces événements. J’en reste plutôt cette fois-ci à une mission d’argumentaire dont je sais qu’elle est appréciée comme outil de campagne par mes lecteurs. En tous cas je vais commencer par un résumé de ma lecture des décisions annoncées par Nicolas Sarkozy.

En fin de semaine dorénavant il y a beaucoup à faire. J’ai pu le mesurer. J’étais à Grenoble pour le débat organisé par Libération. Avant d’aller dans le grand amphi où j’étais accueilli par Nicolas Demorand et Maurice Szafran, je suis allé rendre visite au quartier de la Villeneuve. Un petit bonheur simple pour moi. Puis une fois le débat fini dans l’amphi, retour à mes chères études pour préparer à la fois l’intervention à faire devant un millier d’animateurs et cadres du PCF à treize heures et l’après-midi, à seize heures quarante, à l’audition de la fédération nature environnement. Je crois que j’ai passé les épreuves correctement. Le lendemain, dimanche, pause grasse matinée, puis préparation des « vœux à la communauté éducative » du lundi. Et soirée au siège de campagne pour écouter Nicolas Sarkozy et réagir à son intervention télévisée. 01Ceux que toute cette activité intéresse et qui veulent la suivre de près peuvent le faire en suivant les liens que j’ai disposés pour chaque événement.

Nicolas Sarkozy a annoncé dimanche soir un triste et banal plan d’austérité. Standard & Poor’s a été entendue et obéie. Ça va saigner ! « Comme partout en Europe », la TVA va augmenter. Elle passera de 19,6% à 21,2% pour le taux principal. On se souvient que le taux réduit avait été relevé de 1,5 points par le plan d’austérité de novembre. Cette nouvelle hausse de TVA représente 11 milliards d’euros pris aux travailleurs. La hausse de CSG sur les revenus financiers doit rapporter quant à elle 2 milliards d’euros. Les salariés vont dont payer 85% du total alors que les détenteurs de capital payeront 15%. Dit autrement, le peuple payera six fois plus. Du Sarkozy pur 02jus !

La hausse de la TVA est censée compenser l’exemption des cotisations sociales patronales à hauteur de 13 milliards d’euros. Ces 13 milliards d’euros financent la branche famille de la Sécurité sociale. Ils appartiennent donc déjà aux travailleurs. En quelque sorte Sarkozy vient donc de voler 24 milliards d’euros aux salariés : les 13 milliards de cotisations sociales qui ne leur sont plus données et les 11 milliards de TVA qui leur sont pris ! Par contre, comme le signifie le sigle TVA, avec cette mesure, Tout Va Augmenter. C’est donc un très mauvais coup contre le pouvoir d’achat populaire. Faut-il rappeler que la TVA frappe plus fort sur les petites payes que sur les grosses ? D’ailleurs Sarkozy s’est pris les pieds dans le tapis à ce sujet. Il a répété qu’il ne croyait pas à une répercussion de la hausse de la TVA sur les prix. Mais dans le même temps, il a dit son espoir de voir son annonce déclencher des achats par anticipation… avant que la hausse ne soit effective. C’est donc qu’il y a de sérieuses raisons d’avoir peur pour son porte-monnaie.

Sarkozy a annoncé une deuxième très mauvaise nouvelle. Comme d’habitude elle passe à peu près inaperçue dans la mesure où elle est très lointaine pour la classe moyenne supérieure médiatisée. Sous couvert de développement de l’apprentissage, il veut pousser massivement les enfants du peuple hors de l’école pour les placer dans les entreprises. Il veut porter à 5% le quota d'apprentis que doivent embaucher les entreprises de plus de 250 salariés. Il y a un an ce quota était de 3%. Il a déjà été augmenté à 4% il y a quelques mois. Sans effet, heureusement. Le nombre d’apprentis stagne à 1,7% des salariés de ce type d’entreprises. Au lieu de chercher à comprendre la raison de son échec, Sarkozy s’entête et augmente le quota. Il refuse de voir que le nombre d’apprentis 03n’augmente pas. Car il ne sait pas qu’une usine n’est pas une école. L’apprentissage ne correspond pas à tous les métiers et place les jeunes dans des situations beaucoup plus précaires que l’alternance sous statut scolaire. 25 % des contrats d’apprentissage sont rompus dans les trois premiers mois !

Le pire ne s’est pas beaucoup commenté. Dorénavant, les salaires et la durée du travail seront fixés entreprise par entreprise. Et les décisions prise de cette façon auront une valeur supérieure à la loi et au code du travail. Nicolas Sarkozy ouvre ainsi un nouvel âge de la République qui devient en quelque sorte contractuelle. Cette liquidation de l’Etat social républicain annonce un recul généralisé des acquis sociaux. Entreprise par entreprise, les travailleurs n’ont pas la capacité de résister aux menaces et injonctions du patronat. Or le patronat ne manquera pas d’exiger l’augmentation du temps de travail ou la baisse des salaires. Ce que propose Sarkozy c’est ni plus ni moins de généraliser la méthode employée contre les Conti de Clairoix. Les salariés devront à chaque fois faire face à l’odieux chantage à l’emploi. C’est un recul dont chacun doit prendre conscience. Il serait bon aussi que les médias y accordent le temps et l’intérêt que mérite ce sujet central dans la vie quotidienne des gens.

Enfin, Nicolas Sarkozy a repris ses poncifs libéraux en matière de logement. Il a annoncé une nouvelle mesure de dérèglementation. Sarkozy applique au logement la politique de l’offre qui a échouée partout ailleurs. Il a donc annoncé une augmentation de 30% des droits à construire sur tous les terrains, maisons et immeubles. Il a expliqué que cela permettrait d’augmenter la densité et le nombre de logements et donc de faire baisser les prix. C’est un argument ridicule. Si la densité suffisait à faire baisser les prix, Paris serait la ville la moins chère de France en matière de logement et d’immobilier ! Au cas précis, C’est tout l’inverse. La proposition Sarkozy consiste à faire un cadeau aux propriétaires qui ont les moyens de faire des travaux pour agrandir leurs logements. Et sa proposition aura un effet pervers. Puisqu’on pourra construire davantage sur les terrains, les propriétaires de ces terrains demanderont des prix plus élevés pour les vendre. Les 09prix du foncier risquent donc d'augmenter empêchant d’autant la construction de logements à prix abordables. Surtout, il s’agit d’occuper le terrain pour ne pas répondre à l’explosion du prix de loyers et à l’exigence de baisse des loyers.

Ma semaine a été d’autant plus dense qu’en plus de mon programme de travail, je devais avoir un œil sur le déroulement de l’entrée en campagne de François Hollande. Quelques-uns de mes amis s’inquiétaient de la « concurrence à gauche » que pourrait créer la musique du discours du « prochain président ». Pas moi. Toute musique de gauche nous désenclave, vulgarise notre vocabulaire et donc élargit notre espace. La bataille en cours n’est pas un congrès du PS avec ses jeux de rôles. « L’opinion » n’a cure des étiquettes. Et les ruses de couloirs ne lui sont pas perceptibles. Elle se construit sur la perception du caractère et sur les propositions concrètes. Une campagne de cette nature pousse tout le monde au bout de sa logique. Hollande y viendra comme les autres. C’est affaire de délais. Sitôt que Hollande a fait des moulinets contre « la finance », il a lui-même organisé le terrain de la comparaison entre les programmes de lutte contre elle. Le reste est à l’avenant.

La laïcité par exemple ! Les grandes envolées ont déjà produit une demande telle qu’il a dû aussitôt rabattre. Ce n’est pas l’article II de la loi de 1905 qui sera introduit dans la Constitution. Donc pas celui qui constitutionnaliserait vraiment l’idée que contient cet article, la République « ne reconnaît ni ne finance aucun culte ». Au contraire. Il s’agit de l’article I qui ne dit rien de plus que ce que dit déjà la Constitution. Mais on y ajouterait la reconnaissance du régime d’exception qu’est le concordat d’Alsace-Moselle ! Voter Hollande c’est voter pour le concordat. Il fallait l’imaginer ! Cela va se savoir bientôt. Notamment parce que je viens de le dire ici sur ce blog. En agissant comme il l’a fait, Hollande crée un problème comparable à ce que produirait pour un croyant 12la décision de mettre dans le Constitution la formule « Dieu n’existe pas ». Il ne peut pas ne pas le savoir, si faible que soit sa culture laïque. C’est donc volontairement qu’il nous met au pied du mur : non seulement nous devons voter pour lui sans discussion du programme mais de plus nous devons nous renier. 

Cet exemple n’est pas isolé du tout. La musique du Bourget est un leurre. Elle ne pouvait nous inquiéter. Le fond est obligé de remonter à la surface. Comme nous, nous savons ce qu’il en est quant à ce fond, la suite nous était connue. Dès le jeudi, à son émission sur France 2, il en a rabattu sur tous les plans. Cette marche arrière aurait pu faire un coup de douche froide qui abassourdisse toute la gauche et nous ramène dans les miasmes de la reculade et du vote utile. Grâce soit rendue à Alain Juppé, mauvais comme un cochon. En le pliant en quatre, Hollande a pu masquer tout le côté désespérant de ce qu’il disait par ailleurs. Résumé : nous progressons quand la gauche progresse dans son ensemble. La question du leadership ne peut venir que si, pendant que nous avançons, Hollande ne recule pas au point de nous voir resservir le mortifère vote utile. Patience donc, et travail de terrain pour gagner de l’influence et faire reculer celle du meilleur carburant du vote utile : la dame Le Pen !

La gauche officielle est trop souvent intimidée quand Mme Le Pen aboie. Elle craint d’indisposer. Car si depuis peu, plusieurs journalistes en vue comme Lapix ou Cohen ne se laissent pas promener et interrogent clairement et nettement sur les contenus, ils sont encore hélas l’exception de la résistance intellectuelle raisonnée.  La bonne presse m’a déjà demandé si je ne « regrettais pas » d’avoir traité madame Le Pen de semi-démente. Ces gens raisonnables qui lui tendent les micros et lui accordent des « unes » à répétition voudrait bien me 11voir m’excuser auprès de l’extrême-droite. Cela les amuserait tant pour dégoiser dans leurs dîners en ville. Comme d’habitude l’exercice est programmé. Plutôt que de retranscrire mon argumentaire contre Le Pen présenté pendant vingt minutes de meeting, les très intelligents ont juste relevé un mot repris en boucle ensuite par tous les moutons du troupeau médiatique.  La deuxième couche de perversité vient ensuite. Ils regrettent que j’en « reste aux insultes » et prennent des poses intelligentes pour le dénoncer. En fait ils agissent en flancs-gardes de Le Pen. D’après moi, ce comportement s’explique bien sûr d’abord par la paresse et le goût des petites phrases qui évitent d’avoir à travailler. Mais il est impossible de ne pas se demander si ceux qui font cela n’ont pas une accointance avec la Le Pen. Laquelle ? Evidemment la volonté de la complaisance pour ses discours contre les arabes. Ainsi dans le portrait de madame Le Pen présenté dans « Télérama », sous la plume quasi amoureuse de madame Angot, on peut lire qu’on la croyait antisémite et on lui fait répondre qu’elle est seulement « anti-arabe ». Rien de grave donc ? Les parfumés n’ont aucune conscience. Ce sont les muscadins et les merveilleuses de notre temps. Les sociaux-démocrates ne valent pas mieux. Ils n'osent plus parler d'immigration. Il est  vrai que toute la bien-pensance aime mieux regarder ailleurs quand il en est question. Surtout depuis que des gens dorment dehors en bas de chez Marie Jacinthe et Jean Patou : ça fait mauvais genre à la revente ! Mais est-ce que ça ne prouve pas qu’on n’est plus « en état d’accueillir toute la misère du monde ».

Pour ma part j’assume publiquement et très tranquillement mon dégoût de principe contre la xénophobie. J’assume la dénonciation de l’absurdité du discours de haine contre l’immigration. Et même mieux : je voudrais bien « faire France de tout bois » comme je l’ai déjà proclamé à plusieurs reprises. C’est-à-dire que je suis un ardent partisan de la naturalisation 15des étrangers qui vivent en France et surtout de leurs enfants nés et éduqués sur notre sol. Je m’oppose donc frontalement à l’idée que l’immigration soit un problème en France. Je le fais avec des arguments rationnels. Et j’affirme que Madame Le Pen raconte n'importe quoi sur ce sujet. Je vous propose quelques arguments. Faisons le point.

Madame Le Pen parle d'« immigration massive et incontrôlée » qui « déstabilise massivement notre système de protection sociale ». Elle ment : l'immigration c'est 5 % de la population en France. Elle dit que les immigrés coûtent 70 milliards par an à la France. Elle ment. Les chiffres sont clairs : les immigrés reçoivent chaque année pour 48 milliards de prestations mais ils reversent pour 60 milliards de cotisations et impôts. Ils donnent donc 12 milliards de plus par an qu’ils ne reçoivent ! Si l'on régularisait les sans-papiers, le déficit de la Sécu reculerait. 100 000 travailleurs sans-papiers régularisés, c'est 280 millions d'euros de cotisations pour la Sécurité sociale !

La candidate de l’extrême-droite demande « l'expulsion immédiate » de ceux qu'elle appelle "les clandestins". Elle en compte 400 000. Sans dire d’où elle sort ce chiffre à propos d’une population par définition inconnue. Quoiqu’il en soit, elle ment. Pour expulser 400 000 personnes, il faudrait d’abord un délai d’exécution qui rend impossible sa commande d’expulser « tous les clandestins tout de suite ». Il faudrait 15 ans si l’on en reste au niveau actuel d’expulsions de 25 000 expulsions déjà réalisées par une méthode spécialement violente et inquisitoriale. Pour l’humour noir, notons que cela revient à remplir 3 000 Airbus A320. Ils n’existent pas. Il faudra donc faire des navettes. Et supposer que tous ces gens iraient bien tous au même endroit. Le coût aussi représente une somme extravagante. Aujourd’hui il en coûte 25 000 euros par personne expulsée pour surveiller,13 traquer, arrêter, retenir et expulser. Donc « l’expulsion immédiate de tous les clandestins » coûterait 10 milliards d'euros de dépenses. C’est aujourd’hui le montant total du budget annuel de la police nationale ! Un projet semi-dément ou totalement dingue ?

Un mot de plus sur notre meeting de Besançon. Je ne le fais qu’en écho à la colère de mes amis sur place. Mes amis sont un peu des sortes de naïfs. Ils croient aux sornettes sur la  presse « libre et éthique ». Donc, ils sont écœurés. Pourquoi ? Voyez. Nous étions 4500 rassemblés dans la salle du Palais des Sports. Le nombre des présents n’est pas sujet à discussion car la salle était absolument pleine et le nombre des sièges et espaces est connu. Nos acceptons sans problème d’être ramenés partout à « plus de quatre mille », et non « près de cinq mille ». C’est déjà trop beau qu’on ne nous ait pas enlevé la moitié de l’effectif comme ce fut le cas tant de fois. Et nous savons que le Front de Gauche n’est pas le PS qui lui, est capable de rassembler 25 000 personnes dans une salle incapable d’en contenir plus de dix mille. Mais à Besançon le record de négationnisme médiatique a été battu. Pas une ligne ni une photo dans le journal local « l’Est Républicain ». Et « France 3 » ? Une équipe s’était déplacée, les images étaient tournées. Le soir même : rien. Le lendemain soir : rien non plus. L’effacement d’un tel événement serait un fait sans précédent. C’est ce qu’ont 14d’abord cru mes camarades. Renseignement pris, c’est le lendemain midi qu’on pouvait voir les images. Mes amis ne les avaient pas vues. Ils ne regardent que le soir. Comme la plupart des gens. Pour eux c’est une mauvaise manière qui leur est faite.

Moins mauvaise cependant que celle du journal régional. Son comportement c’est tout simplement une manifestation du sectarisme ordinaire de la plupart des grands quotidiens régionaux en situation de monopole. Jugez plutôt. Je suis allé trois fois en Bretagne depuis le début de campagne. Je vous ai déjà raconté les exploits du premier quotidien de France « Ouest-France ». Pas une interview ! Je suis allé à Metz et à Besançon? « L’Est Républicain » regarde ailleurs, les « DNA », prétendues « dernières nouvelles d’Alsace », en font de même. Il est alors bien compréhensible que ces deux journaux, devenus propriété de la banque « Crédit Mutuel »,  soient en ce moment en proie à une énorme vague de départs de leur personnel sous le bénéfice de la « clause de conscience ». Mes amis à Besançon ont fait une manifestation d’indignation devant le siège de « l’Est-répugnant » comme on le surnommait dans les années soixante-dix. Pour ma part je suis très satisfait de tout cela.

Car, de cette façon 4500 personnes de plus dans le département savent que ce que l’on voit à la télé, ne se voit pas, ne se lit pas dans la presse locale : tout est bidon puisque tout est fabriqué politiquement. Donc tout est mensonger. C’est un excellent moment d’éducation populaire. Cette ambiance rend nos amis enragés comme nous l’étions tous en 2005 quand les médiacrâtes nous niaient ou nous couvraient d’insultes. Cela fortifie la conscience politique de notre base et la consolide. Le moment venu la révolution citoyenne dans les médias17 sera mieux acceptée et plus amplement portée. Dans l’immédiat l’inconvénient est faible. Puisque je continue à avoir accès aux grands médias nationaux, ce scandaleux passage à la trappe n’en est que plus violemment ressenti sur place. En effet, ces méthodes d’effacement ne peuvent parvenir à nier l’existence de quelqu’un que les gens connaissent. Et elles ne parviennent pas à nier une présence annoncée par un nombre considérable d’affiches et de tracts. Et enfin le choc sur l’opinion est d’autant plus vif que ce meeting est le plus important rassemblement dans cette salle depuis plus de vingt-cinq ans. Vous avez bien lu. Le plus important meeting politique depuis une génération a été purement et simplement effacé de la réalité médiatique locale. Tel est l’usage que font de la « liberté de la presse » ceux qui sont censés la faire vivre !  

Lire aussi

DERNIERS ARTICLES