Voici une note bien trop longue. Mais les jours passant, chaque morceau étant écrit, mon attention et les faits me tiraient encore à hue et à dia. Ce que je publie va de même. Une part de la suite est déjà écrite. Mais durera-t-elle assez pour valoir la peine ? Ici il est question de notre fabuleux rassemblement sur la place de la mairie à Strasbourg, puis de la venue d’Alexis Tsipras, du sommet du G8 et de divers autres sujets qui me sont venus au clavier en courant tout seul.
A cette place je vous donne une information qui peut intéresser quelques-uns de mes lecteurs. Sachez que le dimanche 3 juin prochain j’organise une marche « l’Humain d’abord » dans le Pas-de-Calais. Nous partirons de la commune de Montigny en Gohelle dans la très disputée 11ème circonscription du Pas-de-Calais. On démarre à 15h30 du Puits Dahomey, rue de la Libération. En chemin, il y a deux haltes. Puis on arrive à 17h aux Grands bureaux des mines sur la commune de Billy-Montigny. D’où vient l’idée ? D’un fait historique. En 1941, en pleine occupation nazie, Emilienne Mopty organise des marches de femmes en soutien aux mineurs grévistes qui défient les nazis. Les femmes du bassin minier, épouses, mères, filles, travailleuses, résisteront aux côtés des 100.000 mineurs qui refusent l’exploitation barbare de l’envahisseur. A l’image de cet esprit de résistance et de fraternité, nous marcherons ce dimanche 3 juin pour nos revendications et pour montrer notre détermination à faire vivre la fraternité et la solidarité entre tous. Vu ? Vient qui veut. Seul ou en cortège. Couleur rouge de rigueur en drapeau ou en habit. Fanfares et instruments appréciés.
En illustration du billet, des participants au rassemblement du Front de Gauche vendredi 18 mai à Méricourt dans le Pas-de-Calais. Au pied d'un terril, symbole du bassin minier. Photos S. Burlot.
Je peux dire que c’était un événement. Un vrai. La place Broglie à Strasbourg pleine de monde et de drapeaux rouges ce mardi soir! Quel moment ! Strasbourg ! Ma candidature y a recueilli 11 % des suffrages, à la moyenne nationale. Et nous avons obtenu plus de sept pour cent dans le département. Convoqué en cinq jours, le rassemblement du Front de Gauche a été un succès total. Et, disons-le, aussi un peu imprévu. En effet personne n’a jamais fait cela depuis De Gaulle en 1947 ! Et le football en 1979. Ce mardi, notre rassemblement fut donc davantage qu’une réunion réussie dans une campagne électorale. C’est un évènement en soi. Notre Front de Gauche est passé, ici aussi, à une autre échelle. Il est devenu un fait de la société alsacienne, intimement lié à sa nouvelle réalité, bigarrée et socialement plus avancée que ne le pensaient maints observateurs. Le jeune Parti de Gauche y joue un rôle central et moteur que personne ne pense à discuter. Si j’en parle c’est parce que j’ai pu ensuite faire la connaissance des cadres de cette organisation. J’ai été frappé par leur jeunesse et par leur mixité. Ages, métiers, origines géographiques, la diversité des recrutements saute aux yeux. Le lien des générations aussi. De même que les traditions naissantes d’organisation très méthodique que je constate avec bonheur. A mes yeux, les amis qui s’organisent méthodiquement et pratiquent entre eux cette discipline d’action qui les unit librement, font preuve d’un haut niveau de conscience politique. Car c’est la façon la plus nette et la plus claire de prendre au sérieux nos propres diagnostics historiques. Comment peut-on autrement se dire conscient de l’arrivée de la saison des tempêtes et agir à la va comme je te pousse sans ordre dans le travail à accomplir ni méthode. Un camarade qui travaille de nuit m’a dit « j’ai trop peu de temps libre pour le gaspiller ». Je pense de même. Je vais plus loin. Je crois que la liberté individuelle est le plus puissant moteur d’action et d’implication personnelle. C’est pourquoi il est si important de ne jamais attendre les consignes pour agir. Et pour prendre l’initiative par petits groupes d’affinités où que l’on se trouve. Cette façon de faire est toujours économe de moyens, de temps et d’énergie, je l’ai constaté maintes fois. De plus elle enracine notre mouvement. Je veux dire qu’elle le libère du poids toujours nivelant que donne la personnalisation de la politique médiatisée. Le rassemblement de Strasbourg a été une magnifique confirmation du meilleur de ce que nous sommes capables de faire avec ces méthodes
simples mais si efficaces lorsqu’elles combinent la motivation individuelle et l’action collective.
Autre rendez-vous extraordinaire lundi à Paris ! A l’initiative du Parti de la Gauche Européenne et de son président Pierre Laurent, nous recevions Alexis Tsipras. Je ne le présente pas. Bon, si. Il le faut bien, pour respecter les conventions d’écriture. Celles-ci imposent qu’on définisse et situe tout ce dont on parle par respect pour le lecteur. Alors faisons juste quelques mots. Alexis Tsipras est le premier de cordée de la coalition Syriza. Syriza peut être comparée au Front de Gauche. A ceci près, entre autre chose, qu’un parti communiste sur deux que compte le pays n’en est pas membre et qu’une scission a eu lieu qui en a vu partir un groupe qui penchait pour un accord avec le Pasok. Le Pasok est le parti socialiste grec. Personne ne parle du Pasok en Grèce comme d’un parti de gauche. Ni même lui. Même si son chef est bien le président en exercice de l’internationale socialiste. Ce parti-là est plutôt tribal et propriété personnelle de quelques familles où l’on se succède de père en fils. C’est le cas de Georges Papandréou, fils de Andréas Papandréou et petit-fils de Georges Papandréou, trois générations de Papandréou ayant été Premiers ministres de leur pays. Sexy, n’est-ce pas ? En Grèce, la gauche c’est Syriza. Hors des frontières grecques Syriza devient « d’extrême-gauche », de « gauche radicale » et même « d’ultra gauche » selon le degré de malveillance ou d’ignorance du commentateur. La coalition Syriza recueillait 4,6% des voix en 2009. Aux dernières élections elle a recueilli 18% des suffrages. Aux prochaines en juin prochain elle est créditée de 28% des intentions de vote. Donc elle est annoncée comme la première force politique en Grèce. Alexis devrait donc gouverner son pays dans un mois. Cette nouvelle est un cauchemar pour les gouvernements autoritaires. Toute l’Europe du fric est tétanisée. Mais que va faire cet homme qui refuse absolument le mémorandum ? Croit-il réellement ce qu’il dit ?
Dans cette ambiance, selon les jours, on le compare à moi pour mieux le stigmatiser et le rabattre plus bas que terre en qualité de dangereux irresponsable. A d’autres moments c’est l’inverse. L’espoir de garder son argent est le plus fort. Comment ce monsieur Tsipras pourrait-il croire à ce qu’il dit ? Il est assez intelligent pour savoir qu’une seule politique est possible et qu’il n’y a pas d’alternative ! Ces jours-là, les bons esprits disent qu’on l’a « abusivement comparé » à moi. Par exemple, on a rappelé dans la presse française que Tsipras, lui, est calme avec les médias, au contraire de moi. C’est admirable en effet. Cela veut dire qu’on peut parler avec lui et qu’il est raisonnable. C’est-à-dire domesticable comme tous les autres « partis de gouvernement ». Je crains pourtant que les commentateurs soient bientôt contraints de traîner dans la boue cet Alexis Tsipras, comme un vulgaire Chavez, ou Evo Morales. Il va falloir le comparer à un singe et même à moi ce qui est assez équivalent, il faut bien l’admettre.
Tsipras a dit des choses d’une formidable simplicité devant un mur de caméras et d’appareils-photos car tous les médias du pays se sont intéressés à lui. Parmi tout ce qu’il a expliqué j’ai retenu cette phrase formidable : « Il n’y a pas des propriétaires et des locataires de l’Europe. » Et aussi : « Madame Merkel n’a pas le pouvoir de nous dire comment nous devons voter ni de quelle manière. » Et encore : « Nous ne sommes pas un protectorat de la zone euro. » Je suppose que vous avez entendu ou lu tout cela compte tenu du nombre de médias qui étaient là. Pendant qu’il parlait, je calais mes phrases pour bien doser mon propos. Car, en fait, j’étais assez ulcéré par la situation. Ce type si jeune qui se débat pour tirer son pays de l’impasse, comment est-il reçu par la gauche française ? Je ne parle pas de nous, le Front de Gauche. Vous savez ce qu’il en est. Je parle du gouvernement et des partis qui le soutiennent, le PS et les Verts, les radicaux de gauche et le MDC ? Rien au gouvernement ! Aucun contact, ni officiel ni officieux. Rien. Idem au Parti Socialiste. Aucun contact. Le PS, c’est l’ami de Papandréou et du Pasok. Il ne parle donc pas à la concurrence. Misérable ! Cela me rappelle tellement ce qui s’est passé en Amérique latine. Quand le PS soutenait les voyous assassins et corrompus comme le péruvien Alan Garcia ou les escrocs de l’alliance démocratique du Venezuela. Mais là, Aubry et les autres ne le reçoivent pas. Et en plus Laurent Fabius, depuis son bureau de ministre, menace les Grecs avec ce ton de proconsul qu’il ne supportait pas des autres pendant la période du Traité constitutionnel. Fabius a mis en garde le peuple grec avec les refrains habituels de la droite allemande : les Grecs ne peuvent pas voter
pour ceux qui ne veulent pas du mémorandum et demander ensuite de l’argent ! On connaît. D’où vient que c’est maintenant le ministre des Affaires étrangères qui fait la police des comptes publics chez les partenaires européens ? C’est ça la nouvelle diplomatie de gauche ? En quoi est-ce de la diplomatie de parler de cette façon au premier parti grec et à son possible futur Premier ministre ?
Bien sûr tout cela n’est que paroles verbales comme on dit. Ce que dit Fabius ou rien c’est la même chose. D’abord parce que ce n’est pas à lui de parler sur ce thème et que tout le monde le sait. Ensuite parce que ce genre de menaces ne peut impressionner que ceux qui veulent bien y croire c’est-à-dire ceux qui ne connaissent pas le dossier. Et ce n’est pas le cas de Tsipras ni le nôtre. Les menaces de refus de versement à la Grèce n’ont aucun sens. Personne en Europe ne peut s’offrir le luxe de laisser la Grèce s’effondrer. Car il en coûterait 60 milliards à la France et 300 milliards au total pour toute l’Europe. Quels sont ces milliards ? Ceux que la France et les autres pays ont garanti quand la Grèce les a empruntés. Car grâce à la gestion géniale de la crise par les grands esprits qui nous gouvernent, 60% de la dette grecque est à présent dans les coffres d’institutions publiques. Mais ce qui reste dans les mains de banques privés suffirait à les faire tomber, en domino. Et comme parmi les six banques les plus engagées il y a trois des dix premières banques du monde, l’accident systémique est garanti. Que dit de cela Fabius ? Et les autres champions de la menace ? Conclusion : au lieu de gesticuler pour peser sur les élections grecques, tous ces grands chefs feraient mieux de chercher une solution réaliste. Qu’est-ce qu’une solution réaliste ? Une solution qui ne prenne pas ses désirs pour des réalités, c’est-à-dire qui ne croit pas que le mémorandum sera quand même appliqué même si le peuple grec vote contre. Une idée simple et pratique existe. Hollande, en fin de campagne, s’en est dit convaincu « depuis longtemps » (ce qui nous avait échappé). Il s’agit bien sûr de faire prêter directement par la BCE à la Grèce au taux qu’elle consent aux banques privées. Aussitôt toute la dette pourrait être rachetée à taux faible. Est-ce remplir un tonneau percé qui continuerait à fuir, comme le disent les intelligents ? Non ! Savez-vous pourquoi ? Parce que l’examen des comptes publics de la Grèce permet une découverte extraordinaire. Le solde du budget de l’Etat grec avant paiement des intérêts de la dette est très peu en déficit. A peine 1%. Oui, sans le paiement des intérêts de la dette, le budget grec est à l’équilibre ! Donc si on ramène le coût de ces intérêts à rien ou presque, la Grèce repart, sans fuir de tous côtés. Le sachant, qui est alors réaliste ? Ceux qui menacent et veulent continuer dans l’impasse ou bien ceux qui proposent une sortie par le haut ?
L’irréalisme n’est pas réservé au dossier grec. Le sommet du G8 vient de se tenir. Un théâtre indécent de suffisance et complètement décalé d’avec toute réalité vécue. J'en veux pour preuve le communiqué final de cette réunion. Encore faut-il l’avoir lu. Car les commentaires en boucle radotent sur la grande victoire que constituerait l’introduction du mot magique « croissance » ? Je ne m’attarde pas à refaire ici la démonstration déjà faites sur la double signification de ce mot qui est utilisé par les libéraux pour continuer la guerre aux salaires par d’autres moyens et avec un autre emballage. N’empêche que la samba sur la « croissance » est encore un épisode de la peu glorieuse moutonite aigüe qui sévit dans les rédactions. Un l’a dit donc tous les autres le répètent, sans autre analyse ni vérification. Le détail de la prose officielle issue du G8 est donc le plus souvent peu connu puisque ceux qui sont payés pour en rendre compte réservent leur temps à commenter les cravates et le menu des « first ladies ». A décharge des commentateurs, disons que, de toute façon, ce qui est écrit n’a aucune importance. Il ne s’y trouve jamais la moindre mesure concrète. Et quand il y en a, elles n’ont aucune portée pratique. Il suffit de se souvenir de ce qu’est devenue la magnifique déclaration sur la mise au pas des paradis fiscaux ! Rappelons une fois de plus que ce genre de sommet n’a aucune légitimité internationale. D’abord réunion de contact informel mais officiel, la réunion s’est progressivement imposée comme une sorte de directoire mondial, à la place de la commission de l’ONU en charge de la question du développement et de l’économie, la CNUCED. Naturellement cela ne l’émancipe pas des contradictions qui divisent cependant parfois violemment les puissances invitées. Ces sommets bavards sont donc devenus de coûteuses et pesantes cérémonies d’auto-congratulation où sont chantés en cadence psaumes et mantras néo-libéraux. Pour le reste, les documents édités sont fondamentalement consternants de vacuité et parfois même de stupidité. Ainsi quand, dans une bonne humeur désopilante et un consensus aberrant, les huit grands pays industrialisés ont d'abord tenu à se féliciter de « signes prometteurs dans le rétablissement de l'économie mondiale ». Un diagnostic grotesque alors que tous les indicateurs du capitalisme mondial sont au rouge. De la souffrance qu’engendre ce système absurde pas un mot. Exemple, le rapport annuel sur le chômage de l'Organisation Internationale du Travail. Il vient de tirer le signal d'alarme sur le ralentissement des créations d'emplois dans l'ensemble des économies de la planète. Avec comme résultat la montée du chômage à un record universel de 202 millions de chômeurs, soit 6 millions de plus que l'an dernier. « Signes prometteurs » ? De quoi ?
De la suite des conclusions du G8, la plupart des commentateurs français ont retenu la mise en avant de la "croissance". François Hollande a revendiqué cette mention comme sa contribution particulière. Alors qu'au même moment Angela Merkel se félicitait outre-Rhin de l'attachement du G8 à la rigueur omniprésente dans la déclaration finale sous forme d'appel à la « consolidation et responsabilité budgétaire ». Qui a raison ? Tout le monde ! Donc : personne. Car les conclusions du G8 affirment de manière pourtant totalement contradictoire la volonté de soutenir en même temps « la croissance et l'emploi » d'une part et « la consolidation et la responsabilité budgétaire » d'autre part. Alors que c'est justement l'austérité provoquée par les politiques de consolidation budgétaire qui tue la croissance et l'emploi, en particulier en Europe. Quant à la croissance elle-même, les modalités envisagées par le G8 sont si libérales qu'on ne voit pas comment elles pourraient déboucher sur la moindre amélioration sur le terrain social de l'emploi. La déclaration affirme en effet que le soutien à la croissance devra respecté « un cadre macro-économique soutenable, crédible et non inflationniste ». Le sacro-saint objectif de stabilité des prix se trouve ainsi réaffirmé au détriment de toute relance forte des salaires et de la demande. Un point de plus pour Merkel qui a ainsi mis le G8 de son côté dans sa volonté de tenir la Banque centrale européenne à l'écart du soutien à l'activité et à l'emploi. Laquelle Banque centrale indépendante a bien vite fait entendre sa voix. Elle a rappelé qu’elle était opposée à toute remise en cause du Traité budgétaire. De quel droit ? De quel droit la BCE donne-t-elle son avis sur l’opportunité des traités internationaux qui régissent les relations entre les Etats souverains qui constituent l’Union européenne ?
Mais la déclaration du G8 va encore plus loin dans sa définition libérale de la croissance. Les huit chefs d'Etat, dont François Hollande, ont ainsi affirmé en commun : « Nous soutenons les réformes structurelles, les investissements dans l'éducation et les infrastructures moderne. Ces initiatives d'investissement peuvent être financées par un ensemble de mécanismes, incluant le recours au secteur privé. […] Nous nous engageons à soutenir l'investissement, notamment dans les petites entreprises et les partenariats public-privé. » De l’Etat et des services publics, pas un mot ! Enfin, le libre-échange est, lui aussi, consacré une fois de plus par le G8. La déclaration finale affirme ainsi : « Nous soulignons l'importance de l'ouverture des marchés […], nous nous engageons à nous abstenir de toutes mesures protectionnistes et à poursuivre les efforts en faveur du cadre de travail de l'OMC pour réduire les barrières au commerce et à l'investissement et maintenir des marchés ouverts. Nous appelons toute la communauté internationale à en faire autant. » Et comme si ce plaidoyer pour le libre-échange n'était pas encore assez clair, ce paragraphe des conclusions du G8 se termine même en dénonçant « les réglementations excessivement pesantes qui servent de barrières au commerce ». Tout cela Sarkozy aurait pu le signer et même l’écrire. Mais pourquoi François Hollande l’a-t-il accepté ? Sans doute parce qu’il sait que tout cela n’a aucune espèce d’importance. C’était cependant une magnifique occasion de faire entendre à la terre entière la nouvelle différence française.
Cela pourrait paraître un peu impatient de ma part d’exiger de la clarté dès le premier rendez-vous international du nouveau Président. Mais enfin, tout de même, qui a posé cette exigence sinon lui ? A ceux qui ont perdu la mémoire je rappelle l'engagement n°13 du projet de François Hollande en faveur d'une « nouvelle politique commerciale » ? Hollande y appelait à « faire obstacle à toute forme de concurrence déloyale » et à « fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale ». Que reste-t-il de tout cela dans cette déclaration du G8 ? Ceux qui veulent des visas écologiques et sociaux aux frontières pour relocaliser l'activité savent maintenant ce qui leur reste à faire : élire des députés du Front de Gauche aux législatives. Sinon qui va défendre ces protections ?
Cette question de la place de l’international dans l’action du capitalisme de notre époque est une affaire intérieure de chaque Etat et même de chaque région. Je m’y suis colleté de plein fouet avec l’affaire Samsonite que le hasard situe dans la circonscription du Pas-de-calais où je suis candidat. Mercredi 16 mai dernier, je me suis rendu au Tribunal de grande instance de Paris pour assister au procès des repreneurs de l’usine Samsonite de Hénin-Beaumont. Il s’agissait pour moi de soutenir les ex-salariés présents en nombre. Beaucoup de femmes parmi ces combattants inépuisables. Car voilà maintenant plus de cinq ans que les salariés de cette usine ont entamé une bataille judiciaire contre leur ex-employeur. Il en faut du courage pour tenir bon tant de temps ! Et face à quel monstre ! Derrière la marque Samsonite se cache un fonds de pension américain – Bain Capital – créé par Mitt Romney, le futur candidat républicain à la Maison Blanche. Cette histoire est celle d’une faillite frauduleuse organisée pour économiser les coûts de licenciements et présenter un bon cours de l’action avant la revente juteuse de l’entreprise. Voyez ça. En 2005, l’entreprise américaine Samsonite, florissante, cède son usine de Hénin-Beaumont au repreneur « Energy Plast ». L’usine est alors censée se reconvertir pour fabriquer des panneaux solaires. Personne n’a jamais vu ce plan de production. La comédie a été parfaitement jouée. Seuls quelques syndicalistes avaient flairé un coup tordu. Et de fait, aucune production ne sortira de l’usine ! Jamais un seul panneau solaire n’a été produit ni même envisagé. En 2007, l’entreprise est donc liquidée. Et les 205 salariés sont licenciés. Mais ceux-là ne se laissent pas faire ! Ils crient à la faillite frauduleusement organisée ! Ils entament leur combat judiciaire. En 2009, la justice leur donne raison sur toute la ligne par trois jugements. Le premier annule la vente de l'usine par Samsonite au repreneur, comme frauduleuse. Le second jugement condamne Samsonite à payer les salaires dus jusque-là aux salariés qui n'auraient pas dû être licenciés. Un troisième jugement, pénal celui-là, condamne à de la prison ferme les trois repreneurs de l’usine pour avoir sciemment provoqué la faillite de l’entreprise et détourné 2,5 millions d’euros. C'est alors le procureur lui-même qui utilisera l'expression de "patrons voyous" pour qualifier les responsables de ce désastre. Ayant fait appel de cette condamnation pénale, ces derniers sont donc jugés une nouvelle fois. A cette occasion l’avocat des travailleurs a voulu élargir l’affaire pour qu’elle aille au fond du dossier. Il a souhaité un complément d’enquête pour faire connaître la responsabilité du fond de pension propriétaire de Samsonite dans cette manœuvre. Les ex-salariés de Samsonite comptent bien faire condamner directement le fonds de pension américain Bain Capital pour avoir utilisé un repreneur bidon afin de se débarrasser d'une usine. En effet, aux Etats-Unis, ce fonds fait l’objet d’un nombre record de procédures pour ce même type de pratique ! Courageuse et déterminée, la syndicaliste qui mène le combat déclare : « J’irai jusqu’aux Etats-Unis s’il le faut pour que justice nous soit rendue ! »
Pour nous tous, il est décisif que la condamnation des repreneurs-liquidateurs soit confirmée par le tribunal. Sinon cela laisserait supposer que, dans notre pays, les entreprises peuvent volontairement mettre en faillite une usine pour se débarrasser de ses salariés. Mais La fermeture de l’usine Samsonite de Hénin-Beaumont est emblématique des ravages produits par le capitalisme financier. Quand on regarde le déroulement complet de cette affaire, on distingue clairement une collusion entre le fonds de pension américain et les repreneurs voyous de l’usine d’Hénin-Beaumont. Le tout pour permettre à l'actionnaire Bain Capital de se débarrasser de son site du Pas-de-Calais sans avoir à payer les indemnités de licenciement et au repreneur de mettre en faillite l’usine tout en empochant les réserves de trésorerie. L’objectif des ex-Samsonites est donc d’aller jusqu’au bout de leur bataille et de ne pas faire condamner uniquement les exécuteurs.
A partir de cet exemple, j'ai expliqué dans mon discours à Méricourt vendredi dernier comment tout ce saccage aurait pu être empêché si les salariés de Samsonite avaient disposé des nouveaux droits que le Front de Gauche propose de donner aux salariés pour protéger l'emploi. D'abord l'interdiction des licenciements boursiers ! Car Samsonite et à plus forte raison son fonds de pension actionnaire, faisaient de gros bénéfices ! Et la manœuvre n’avait pas d’autre but que de présenter des comptes encore plus juteux pour la valorisation de Samsonite ! Sur cette proposition, une partie du chemin est déjà accomplie puisqu'elle a déjà été présentée au Sénat par notre camarade Dominique Watrin, sénateur du Pas-de-Calais. Le PS avait alors voté pour ! Il n'a manqué que 4 voix de gauche (PRG et chevénementistes) pour que cette interdiction, de salubrité économique, soit adoptée au Sénat. J’ai donc l’intention de présenter de nouveau ce texte si je suis élu député, au nom des gens qui l’ont en quelque sorte fait naître par leur lutte. Mon calcul est que le PS le soutienne aussi à l'Assemblée Nationale. Certes je sais bien que ce n’est pas lui qui le présentera. Mais si nous le faisons, comment s’en dédierait-il ? Voilà aussi à quoi servent nos députés. Mon intention est d’y ajouter, peut-être avec des textes séparés, une autre proposition du programme « L’Humain d’abord » qui aurait contribué à éviter un drame comme celui de Samsonite. Il s’agit du droit de véto pour les représentants du personnel sur les décisions stratégiques de l’entreprise. C’est concrètement la fin de la monarchie patronale et managériale. L’idée paraît aujourd’hui aussi audacieuse et même incongrue que l’était autrefois celle de désigner des délégués ouvriers et d’organiser la négociation avec les patrons. Aussi incroyable que parut d’abord la première convention collective. Je cite tout cela parce que l’histoire du mouvement ouvrier le note. Et aussi pourquoi le taire, parce que tout cela a eu lieu la première fois dans la circonscription où je me trouve à présent ! Cela implique en effet les ventes, changements de lieu de production et ainsi de suite. Et, bien sûr, nous y incluons l'obligation d'examiner les solutions alternatives avancées par les salariés. Enfin, je rappelle que nous sommes partisans d’un droit de préemption de leurs entreprises par les salariés qui souhaitent les reprendre en coopératives. C'est-à-dire que les travailleurs seraient légalement prioritaires pour reprendre l'activité en cas de vente ou de redressement judiciaire, si besoin avec le soutien juridique et financier de l'Etat. Cette proposition nous devrions pouvoir la porter d’autant plus facilement qu’il existe à présent un ministre délégué à l’économie sociale et solidaire. Et celui-ci n’est-il pas le chef de ce qui reste de la gauche du Parti socialiste ? De plus, si mes souvenirs sont bons, le projet socialiste adopté à l’unanimité inclut lui aussi cette proposition. Nous aurons donc une bonne base de départ. La vérité est que je ne me fais aucune espèce d’illusion. Si nous n’y sommes pas il ne se passera rien sur le sujet. Mais si nous y sommes il y aura une bonne tenaille à mettre en place sur la droite du PS qui tient tous les postes clefs du gouvernement et peut-être que le ministre Hamon nous aidera à la manœuvre.
Puisque je viens d’évoquer à plusieurs reprise la circonscription du Pas-de-Calais où je suis candidat, je dis un mot pour m’amuser d’un épisode de la vie des sondages, des sondés et de ceux qui s’y réfèrent. En effet, un sondage IFOP réalisé pour le « Journal du Dimanche » affirme que j'obtiendrais 29 % des voix au 1er tour de l’élection législative. Et que je battrais Marine Le Pen au second tour avec 55 % des suffrages. Je reste de marbre. Ma grenouille n’a pas confirmé. La pauvre bête est morose et plutôt épuisée après cette longue série de consultations tout au long de la campagne présidentielle. Mais ce sondage a rendu nerveuse Marine Le Pen. Je le comprends. Ça me fait bien rire. Du coup elle est repartie dans les bidonnages dont elle farcit ses discours en se disant que personne ne lui demandera de comptes. Et en effet personne ne lui en demande. N’a-t-elle pas pu faire un gros numéro sur mon « parachutage » sans qu’on lui demande de quel avion elle-même elle était tombée ? Et sans demander pourquoi un tel prix de vertu locale supportait que tous les membres de l’état-major de son parti soit tous « parachutés », eux aussi, aux quatre coins de France ? Bref, madame la dédiabolisée a donc pété un câble. Dimanche 20 mai, sur France 3, elle vocifère que « pendant toute la présidentielle, cet institut qui est celui de Mme Parisot, la patronne du Medef, nous a placés à égalité et au final, je suis arrivée 7 points devant lui… ». Pas de bol, pas de bol madame ! Personne ne vérifie vos délires. Mais nous, nous ne sommes pas des journalistes ! Nous vérifions ! La réalité est exactement inverse. Et voici la vérité. Pendant toute la campagne, l'IFOP a toujours placé Marine Le Pen devant moi, Jean-Luc Mélenchon. Et c'est même précisément l'institut qui a placé le plus haut la candidate du FN ! IFOP a même vu madame l’ancien diable jusqu'à 21,5 % ! C’est-à-dire 4 points de plus que le score qu'elle a obtenu. Est-ce une exception ? Suis-je en train de profiter abusivement d’un sondage isolé alors que, tout le reste du temps, madame la madone de la nouvelle extrême-droite gentille aurait été odieusement persécutée ? Mais non, mais non ! Car je fais le même constat en regardant la moyenne des scores qui lui ont été attribués sur l'ensemble des 80 sondages IFOP publiés entre juillet 2011 et le premier tour de la présidentielle ! Oui, 80 sondages ! Huit par mois, deux par semaines en moyenne ! Un échantillon représentatif, non ? L'institut a toujours été plus favorable à Le Pen qu'au Front de Gauche. Sur ces 80 sondages en moyenne l’IFOP annonçait Marine Le Pen à 17,9%, c’est-à-dire exactement son score ! Quant à moi, sur la même série j’obtiens un 9,6 % de moyenne. C’est à dire 1,5 point de moins que le score réel. S’il y a une victime, c’est moi ! Marine Le Pen a encore perdu une occasion de se taire ! Mais ma grenouille elle ne s’est pas trop trompée. Bien sûr nos chiffres batraciens sont aussi secrets que les coefficients de correction des instituts de sondage.
Peut-être en avez-vous entendu parler. Il s’agit de la négociation avec les socialistes à propos des législatives. Vu de loin, et compte tenu de ce qui en a été dit dans les médias, on pourrait croire qu’il s’agissait d’une négociation globale comme celle qu’ont eue avant l’élection les Verts avec le PS. En fait, il s’agissait uniquement des circonscriptions où existe une menace de voir la gauche éliminée du deuxième tour. Pour s’éviter le ridicule de devoir arbitrer entre la droite et l’extrême-droite, souvent équivalente, mieux vaut être présent et se maintenir au deuxième tour. Pour cela il faut avoir un candidat unique. C’est sur ces cas et seulement sur ceux-là que portait la négociation. Elle a échoué. Nous le regrettons d’autant plus profondément que c’est nous qui nous étions battus pour qu’elle ait lieu et qui l’avions porté à bout de bras pendant des mois. Les courriers échangés, les propositions, tout a été rendu public au fur et à mesure. Mais le monde est ainsi fait qu’il n’y a de mémoire de rien. Certes je reconnais que le sujet n’est pas très excitant. Il faut réaliser que les cyniques négociateurs du PS le savent et qu’ils comptent sur l’indifférence et la complexité des tractations de cette sorte pour masquer leurs mauvaises actions. Je n’y reviens que pour donner quelques éclairages à ceux qui me font confiance. Je renonce par avance à essayer de convaincre ceux qui demanderaient à l’être car c’est un roman qu’il faudrait écrire et je ne m’en sens pas la patience. En novembre dernier, le Parti de Gauche a été le premier à proposer cette discussion au Parti socialiste qui l’avait alors refusée. La raison avancée ? Il fallait s’engager à faire partie de la future majorité politique de François Hollande. Autant nous demander de renoncer à notre programme et au sens de ma candidature. Le but du PS était, sans trop y croire, de nous satelliser et de nous décrédibiliser comme il l’avait fait avec les Verts. A l’époque nous étions cotés à 6 % dans les sondages ! Malgré tout, la proposition fut sans cesse renouvelée à intervalle régulier. Cela ne retint l’attention de personne. Pour finir j’ai relancé encore une fois l’idée à la télévision. Gagné ! Le 24 avril, François Hollande donnait son accord. Au grand dam de la direction du PS. Les négociateurs mandatés par Martine Aubry commencèrent aussitôt un lambinage à la grosse ficelle. Ils nous donnèrent rendez-vous au lendemain du premier tour. En réalité la direction du PS n’avait aucune envie d’aboutir à quoi que ce soit. Elle traînait les pieds. Quoi que nous proposions elle trouvait toujours une bonne raison pour refuser, reporter, changer les listes de circonscriptions en négociation et ainsi de suite. Il en fut ainsi jusqu’au dernier moment, à la dernière heure. Ce qui embrouillait tout, c’était la conjonction de ce blocage avec les manœuvres des Verts pour essayer de tirer leur épingle du jeu au moment où fleurissaient de tous côtés les dissidences socialistes dans leurs circonscriptions concédées. De cette embrouille il ne pouvait rien venir de bon. A la fin, tout a sombré dans le vide. C’était ce que voulait la direction socialiste. L’équipe Aubry s’est offert un dernier petit verre pour la route en essayant de mettre la pagaille entre PG et PC. Juste un coup de pied de l’âne. Evidemment, Cécile Duflot a payé sa cotisation en ajoutant sa dose de commentaires fielleux. Pour ma part je ne ferai pas semblant d’être indigné ou surpris. Les circonstances faisaient que je n’étais guère en état ou en appétit de participer au déroulement de la discussion. Mais depuis le premier jour je sais par mes yeux et mes oreilles dans la place que tout cela était une comédie : l’équipe Aubry réglait des comptes à travers nous. Mais beaucoup des nôtres ont cru sincèrement que le dialogue était loyal et honnête. Les voici vaccinés et sans doute guéris. Maints communistes ont aussi compris qu’on avait seulement essayé de les opposer à nous et aussi entre eux. Beaucoup ont la nausée. J’en suis fort aise. Je sais bien que cette tactique des socialistes finit dans une impasse nuisible pour tous. Mais cela fait partie du bilan global qu’il faut tirer de ce qu’est l’actuelle direction socialiste. Plutôt que d’entrer dans le détail de toutes ces manipulations à trois ou quatre bandes je conclus en montrant quelle est notre méthode. Au contraire des comptes d’apothicaires, des poisons et dentelles de l’équipe Aubry, les dirigeants du Parti de Gauche ont été directs. Ils ont retiré unilatéralement et sans contrepartie deux circonscriptions particulièrement critiques où la candidature du Front de Gauche était au Parti de Gauche: la 1ère de l’Aube et la 7ème de Moselle. Je demande à nos amis d’en prendre la mesure. A l’élection présidentielle nous avions agi de même avec notre appel à battre Sarkozy. Sans négociations et sans contrepartie. Ce n’est pas de la naïveté ou de l’angélisme. Et tant pis si cela encourage la brutalité et les manœuvres tordues de nos interlocuteurs. Il est à mes yeux indispensable de n’agir que pour ce qui nous semble juste du point de vue de nos propres objectifs sans jamais dépendre d’aucune façon des socialistes de leur approbation ou de négociations avec eux. Tout ce qui entretient dans nos rangs des illusions à leur sujet est mortel. Il faut que jusqu’au dernier recoin du pays chacun des nôtres ait bien compris qu’il n’y a rien à attendre du Parti socialiste, sectaire et arrogant. Chacun doit garder comme une brûlure au fer rouge le souvenir que nous avons fait gagner Hollande et que la réponse de ses amis est celle des rebuffades et mauvaises manières que nous venons de constater une nouvelle fois.