vincent peillon

31.05.2012

Lettre à Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale

Hénin-Beaumont, le 31 mai 2012

Monsieur le Ministre, cher camarade,

L‘élection de François Hollande et la nomination d’un nouveau gouvernement ouvrent une possibilité pour qu’enfin les exigences de notre peuple soient entendues. Vous savez combien ces attentes sont grandes en matière d’éducation nationale.

Je souhaite en particulier attirer votre attention sur la situation dramatique de l’enseignement professionnel public en vue de la rentrée 2012.

Les lycées professionnels publics, leurs élèves et leurs enseignants ont été les premières victimes des suppressions massives de postes décidées depuis 2007. Au point que leur offre de formation a été fortement amputée, avec la fermeture de 922 classes et de 54 lycées professionnels sous la précédente mandature. Pour la rentrée prochaine, cette situation risque encore de s’aggraver puisque, en vertu des répartitions de moyens décidées par les académies, les lycées professionnels supportent les 2/3 des 6 550 suppressions de postes prévues à la rentrée 2012 dans le second degré. Alors qu’ils ne scolarisent qu’un tiers des élèves du secondaire ! Dans certaines académies parmi les plus en difficultés sociales, cette proportion est encore plus défavorable à l’enseignement professionnel, comme dans l’académie de Lille où les lycées professionnels supportent 80 % des suppressions de postes prévues dans le second degré (468 sur 589). Les établissements du bassin minier sont particulièrement touchés. Alors que cette région concentre les plus forts taux de chômage contre lequel on connait l’importance de la qualification du grand nombre. C’est notamment le cas au lycée professionnel Joliot Curie de Oignies où les 18 suppressions de poste prévues représente une amputation de 20 % de son potentiel enseignant. Mais aussi des lycées Pasteur (14 postes supprimés) et Henri Senez (9 postes supprimés) à Hénin-Beaumont.

Derrière ces chiffres se cache un démantèlement plus profond de l’enseignement professionnel public. Appliquée depuis 2009, la réforme du bac pro en 3 ans laisse de coté un nombre croissant d’élèves. Comme je l’avais malheureusement prévu quand j’ai combattu d’arrache pied cette réforme. Avec la suppression des cycles de formation BEP, les élèves qui sortent de CAP ont encore plus de mal à poursuivre leur formation et à réussir en bac pro en 3 ans. Les décrochages de jeunes augmentent donc. Par exemple, dans l’académie de Versailles, les décrochages en cours de formation en bac pro ont été multipliés par trois depuis l’application du bac pro en trois ans. Rien que dans cette académie ce sont ainsi 1 500 jeunes qui décrochent sans arriver au bac pro. Et le taux de réussite nationale au bac pro a lui aussi commencé à pâtir du passage au bac pro en trois ans : en 2011 la réussite a baissé de 3,8 % alors qu’elle augmentait dans toutes les autres séries du baccalauréat. Un désastre éducatif prévisible qui prépare une catastrophe économique et sociale non moins prévisible.

Plus grave encore, certaines académies avaient commencé à appliquer en vue de la rentrée 2012 des propositions particulièrement dangereuses du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy, à commencer par l’apprentissage obligatoire en dernière année de bac professionnel, voire dans les deux dernières années. C’est par exemple ce que l’académie de Lille comptait expérimenter dés la rentrée prochaine dans 3 lycées professionnels du Pas-de-Calais et 5 du Nord.

Cette politique de l’apprentissage obligatoire méconnaît la pratique fructueuse de l’alternance sous statut scolaire qui existe dans l’ensemble des cursus de l’enseignement professionnel, à travers les périodes de formation en entreprise. Cette politique condamne l’existence même de l’enseignement professionnel public. Elle contraint les jeunes à sortir du système scolaire alors même que l’apprentissage ne leur convient pas nécessairement. Cette politique méconnaît les importantes difficultés liées à l’apprentissage : manque de places en entreprise, déficit d’encadrement des jeunes et surtout extrême précarité de leurs conditions de travail avec prés d’un contrat sur 4 rompus avant terme.

Ce choix du tout apprentissage est enfin une erreur pédagogique et économique. Compte tenu des conditions que je viens d’évoquer, les réussites des apprentis aux diplômes sont la plupart du temps inférieures à celles des jeunes qui les préparent sous statut scolaire. Et les possibilités d’évolution et de reconversion des futurs travailleurs sont réduites par une moindre formation générale et transversale. Alors que c’est au contraire la professionnalisation durable des jeunes que doit viser l’Education nationale.

Afin d’enrayer ce désastre pour nos jeunes et pour le pays, je forme le vœu que vous puissiez agir afin de revoir radicalement, en lien avec les Recteurs et les Régions, les conditions de la rentrée 2012 dans l’enseignement professionnel. L’urgence est en effet de revenir sur les suppressions de poste prévues mais aussi de stopper les expérimentations hasardeuses de certaines académies en matière d’apprentissage « obligatoire ».

C’est sur ces bases nouvelles qu’une politique de relance de l’enseignement professionnel public permettra de garantir le droit à la qualification partout et pour tous.

Je vous remercie pour votre attention et vous prie de bien vouloir agréer, monsieur le Ministre, cher camarade, l’expression de ma vive considération.

Jean-Luc Mélenchon.

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