Jeudi 14 juin : assemblée citoyenne à Hénin-Beaumont
Plus de 200 militants pour organiser un second tour victorieux face à Le Pen.
C’est ma fête en ce moment, entre les délires de la droite sur mes liens avec Mikis Théodorakis et une certaine lecture de mon résultat à Hénin-Beaumont. Cela vaut assez largement la pluie de tracts et lettres anonymes de la semaine passée. Il va donc falloir que j’en dise mon mot. Je parlerai donc des élections législatives en général. Puis de celle de la 11ème circonscription du Pas-de-Calais où j’étais candidat. Vous allez en apprendre de belles. J’en profiterai pour lancer une alerte. La victoire n’est nullement assurée sur place contre madame Le Pen en dépit de l’arrogance des socialistes. Je renouvelle donc mon appel solennel à Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault, venus au premier tour faire campagne contre moi, de venir aussi au second tour jeter tout leur poids dans la balance contre Le Pen.
Cette note va à hue et à dia, à mesure que je me déplace avec cet ordinateur, parfois perdant le fil de l’ordre d’exposition d’abord prévu. Je prends donc une précaution. Avant de publier quoi que ce soit, je veux dire ma gratitude à ceux des journalistes qui n’ont pas laissé dire sans réagir contre les calomnies d’Alain Juppé, Kosciusko-Morizet et Estrosi. Ces personnages de la droite ont répété sans savoir de quoi ils parlaient, ce qui les rend d’autant plus coupables, les propos de Marine Le Pen sur ma prétendue proximité avec les antisémites via un improbable copinage avec Mikis Théodorakis. Ils sont parfois tombés sur des journalistes qui ne laissèrent pas dire et ne se contentèrent pas de faire les passe-plats. J’ai trop pris la mesure de ce que coûte le harcèlement mensonger restant sans réplique pendant ma campagne législative pour ne pas sentir la différence de comportement chez ceux qui en sont capables. Une fois de plus, les socialistes sont aux abonnés absents. A Hénin-Beaumont déjà, j’ai appelé le candidat de l’UMP-Modem pour le remercier quand il a démasqué un distributeur de tracts anonymes du Front national et diffusé sa confession sur internet. Dans ma façon de vivre la politique, l’implacable volonté ne prive pas du respect exigeant pour ceux qui marquent de la droiture même au prix des facilités que le silence leur rapporterait. Le contraire des salauds sartriens qui se donnent bonne conscience en s’inventant des raisons de laisser faire.
Pour illustrer ce billet, des images d'actions militantes auprès des habitants tout au long de la campagne législative du Front de Gauche dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais. Photos : Rémy Blang.
Ce premier tour des législatives n’est pas glorieux. Une abstention massive dénature le vote et signe la « joie plate » dont j’ai parlé à propos de l’ambiance du soir du résultat des présidentielles. En 1981, la participation était de 70 %. Le comble du ridicule est avec le vote des français de l’étranger. Les députés vont être élus avec moins de 20 % de suffrages exprimés. Ailleurs, sur tout le territoire national, une fois de plus, l’abstention suit la ligne des frontières de classes, selon les quartiers et les bureaux de vote. Une fois de plus des commentaires à deux balles fleurissent sur « la fatigue des français » de voter et ainsi de suite. C’est à peine si, ici où là, perce une vision plus politique. Ainsi quand « La Croix » pointe que la bipolarisation de la vie politique se présentant davantage comme un étau que comme un choix, dissuade ceux qui se savent d’avance non représentés à la sortie du processus. Et d’interroger : « Que reste-t-il en effet aux électeurs qui ne se sentiraient représentés ni à l’Elysée ni au Parlement ? ». Bonne question. En ce qui nous concerne, Antoine Fouchet du même journal tranche dès la page deux : « Sans groupe à l’assemblée Jean-Luc Mélenchon cherchera à transformer plus que jamais l’alliance en une force "au service de l’insurrection citoyenne" ». En tous cas il est exact que c’est bien ce que, peu ou prou, j’ai l’intention de proposer, avec la direction du Parti de Gauche, à tout le parti pour son prochain congrès. Car certes, nous participons à la mascarade actuelle, et nous respectons sa conclusion parce que nous sommes républicains et que nous nous soumettons à la loi et à la Constitution aussi longtemps que le peuple ne l’aura pas changée lui-même. Pour autant, ce serait une lourde faute d’en attendre davantage que ce que nous en voyons déjà. C’est-à-dire un monstrueux déni de démocratie. Jugez plutôt. Si nous étions représentés à l’Assemblée à la proportionnelle de notre résultat électoral à la présidentielle, nous aurions soixante-quatre sièges. Si nous l’étions à la proportionnelle des voix gagnées à ce premier tour, nous serions quarante-trois députés du Front de Gauche ! On sait ce qu’il en sera en réalité. Surtout quand, par-dessus le marché, le parti dominant, le PS, consacre l’essentiel de ses forces à tenter d’écraser ses partenaires pour avoir la majorité absolue tout seul. Pourquoi faire ? Pour être certain de pouvoir rendre impossible de cette façon toute forme de débat sur les décisions qui
viendront d’en haut ! Mais le débat aura lieu. Et bien plus tôt qu’on ne le croit chez les importants. Ailleurs et autrement puisque nous n’avons pas le choix.
S’agissant de l’élection législative dans le Pas-de-Calais, je note le nombre de commentaires de presse sur mon résultat au premier tour qui en restent à un niveau de nullité psychologisante auquel je n’arrive pas à me faire ! La paresse intellectuelle moyenne des voyageurs du « cirque médiatique », la jubilation corporatiste haineuse palpable de quelques-uns comme « le Parisien » et « l’Express », tout cela s’est additionné en indigestes tartines. Elles fournissent une pesante littérature qui obscurcit les faits qu’elles prétendent pourtant éclairer. Car l’étude d’un résultat électoral commence d’abord avec l’examen des chiffres. Accrochez-vous. Voici ce qu’il vous faut savoir et que vous ne lirez sous la signature d’aucun de ces « analystes » qui saturent l’atmosphère.
Premièrement dans cette circonscription, Le Pen retrouve ses voix de la présidentielle. Il n’y a donc aucune « percée » du Front national sur place. C’est l’abstention qui fait l’écart des scores entre les deux élections. Pendant ce temps la droite locale perd douze mille voix et quinze points. Le matériel électoral de la droite UMP-Modem ne comportait aucune mention de parti. Les bulletins de vote ne donnaient que le nom des candidats. Dans ces conditions madame Le Pen était en quelque sorte la candidate commune de la droite au premier tour. Elle ne progresse pourtant que de 0,8% ! Où est la « percée » ? Où est le « triomphe » ? Le dire, ce n’est pas minimiser le danger, bien au contraire. Je le crois extrême. Car Le Pen a solidifié son socle. Celui de la gauche n’en est pas au même point.
Deuxièmement, de mon côté je gagne mille voix et cinq points. Je passe en tête de la gauche dans huit communes sur quatorze. C’est-à-dire sur plus de la moitié d’entre elles. Et cela alors que je suis arrivé trois semaines plutôt, en challenger, quinze points derrière les deux premiers. Voilà pour l’ampleur de ma « défaite », claironnée de toute part. Le ticket socialiste ne me bat que grâce aux votes des deux villes dont les candidats titulaire et suppléant sont maires. En tous cas notre campagne, si décriée, nous a permis d’être en tête de la gauche à Hénin-Beaumont, ville sinistrée par les socialistes. Elle me permet aussi d’être en tête dans la commune socialiste d’où est partie la « marche » que nous avons organisée autour de la figure d’Emilienne Mopty ! Une marche «provocante» selon les mous du genou du « PS intelligent ». Une nouvelle fois il va pourtant devoir passer outre tout cela.
Car de son côté, le socialiste perd huit mille voix et huit points par rapport au score de Hollande ! Un effondrement passé sous les écrans radar des « observateurs ». « Le Parisien » titre même : « La surprise Kemel » avec une larmichette de bonheur au coin de l’œil ! Moins huit mille voix à gauche ! Ça c’est une jolie surprise pour un journal de droite. Pourtant Philippe Kemel n’a pas manqué de se réclamer de François Hollande. Il a même affirmé dans sa maigre profession de foi qu’il connaissait « personnellement » le nouveau Président de la République ! Cela n’a pas peu contribué à ulcérer ceux des électeurs socialistes qui se souvenaient de son soutien à Aubry dans les primaires. Reste le pire à savoir : Le Pen fait sa plus forte progression dans la commune du candidat socialiste. Elle y progresse de 29 %. Vous avez bien lu. La plus forte progression de Le Pen est dans la commune de celui qui me reprochait de faire progresser « l’extrême-droite ». Telle est le démenti concret des accusations indignes sur le sujet contre moi du Premier ministre et de Martine Aubry à l’occasion de leur passage sur place avant le premier tour !
Dans cette situation, il est urgent donc selon moi que soient électoralement rassemblés les socialistes, sévèrement divisées localement par les tricheries du vote de l’investiture. Il ne faut pas dire c’est de l’histoire ancienne car « Le Canard enchaîné » l’a bien raconté il y a peu : quatre jours avant le vote ! Il faut que la candidature socialiste soit dynamisée. Phillippe Kemel a refusé le débat sur France 3 avec madame Le Pen pour cette semaine d’entre les deux tours. C’est une erreur. Il paraît sur une craintive défensive. Que craint-il ? D’avoir à répondre aux mises en cause du livre « Rose mafia 2 » dont madame Le Pen fait ses choux gras. Il préfère s’en tenir à l’esquive. C’est une lourde erreur ! D’après moi il faut toujours argumenter face à Le Pen. Affronter ce qu’elle dit plutôt que de croire naïvement que ses mensonges vont s’en aller en fumée tous seuls. Dans ces conditions il est essentiel qu’une dynamisation soit engagée. Ce n’est pas nous qui pouvons la lancer.
Nous faisons notre travail. Mais si nous occupions le devant de l’estrade, serions-nous crédible après ce qui a été dit de nous par l’état-major socialiste? Madame Le Pen pourrait s’en amuser à nos dépends et se donner ainsi une fois de plus le beau rôle. Ce serait la contre-performance assurée. J’avais bien prévenu que les mauvaises manières du premier tour qu’ont eu les dirigeants socialistes joueraient contre nous tous au second tour, quel que soit le vainqueur de la compétition à gauche. Nous y voilà ! C’est pourquoi je crois qu’il est essentiel qu’une impulsion vienne du plus haut niveau socialiste. Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault doivent revenir dans la circonscription ! Leur présence est nécessaire. Ce sont eux qui peuvent donner du sens à la campagne socialiste du deuxième tour. Je sais parfaitement qu’au premier tour, le seul enjeu de cette élection pour les socialistes était mon élimination. Mais on n’en est plus là. Il faut prendre la mesure du danger. Les deux dirigeants socialistes doivent venir ! Au lieu d’aller au dépôt de candidature de Ségolène qui n’avait pas besoin de cela et qui n’en a eu que des retours de bâtons, Aubry aurait été mieux inspirée d’être dans sa région en première ligne de la lutte aux côtés du candidat qui doit porter notre résistance dans les urnes.
Car la situation est dangereuse sur place. Les nôtres se mobilisent. Ce n’est pas simple partout. Le journal « Le Parisien » nous informe à propos du candidat socialiste: « On murmure que ses relations avec les communistes locaux n’ont pas toujours été au beau fixe, ce qui pourrait laisser quelques séquelles ». Ce « murmure » est un fait de notoriété publique que seule la pudeur de gazelle du journal l’empêche sans doute d’expliquer. A moins que le journalisme par téléphone n’ait pas permis d’en savoir davantage. En fait le candidat socialiste a conquis sa commune en la prenant aux communistes… en alliance avec la droite. Quel choix rassembleur c’est là !
Mais sans doute les dirigeants socialistes pensent-ils l’affaire gagnée d’avance, et largement ! C’est ce qu’ont dit les sondages d’avant le premier tour, non ? Et c’est ce qu’a répété à l’envi le « seul candidat » qui « peut battre madame Le Pen ». Il n’empêche ! Il y a plus qu’un doute sur le sujet ! Donc il ne faut pas désarmer. Sur place, les camarades se mobilisent. Moi aussi, en dépit du mépris dont j’ai été accablé. Quoique j’ai été contacté indirectement le mardi par un improbable circuit, bien après l’heure de remise des documents électoraux, j’ai dit que j’étais d’accord pour signer ce que l’on jugerait utile à la mobilisation. Sans condition. On ne m’a rien proposé. Que faire de mieux ? Vendredi, dès mon retour de Strasbourg, je serai sur place. J’agirai personnellement et publiquement, en direction de la presse locale et sur le terrain. Il faut barrer la route à la Le Pen. C’est pour cela que nous agissons depuis le début. Les socialistes nous méprisent ? Et alors ! Nous n’agissons pas pour leur faire plaisir mais pour atteindre nos objectifs. Parmi ces objectifs il y a celui d’empêcher l’extrême-droite d’entrer à l’Assemblée. Le comportement des socialistes ne doit pas nous détourner de nos buts.
Le ciel était gris de plomb, à peine perlé. L’air humide était si frais et si poisseux ! Je me demande où est passé le mois de juin. Arras comme Hénin-Beaumont me semblaient sinistres, le jour d’après. Mais depuis combien de temps n’ai-je pas vu commencer normalement une entrée vers l’été ? Pourquoi fait-il si froid ? Une nouvelle fois, juste comme au lendemain du premier tour de la présidentielle, la fatigue me tombe sur les épaules comme on le dirait d’un mur qui me choirait sur le dos. Mais cette fois-ci l’horizon de l’effort s’éclaircit. Un aller-retour sur Strasbourg, un aller-retour Hénin-Beaumont, une soirée électorale et je pourrais faire une pause. La première depuis combien de semaines ? J’ai oublié pour ne pas y penser chemin faisant. La route a été si longue ! Car samedi qui vient est un anniversaire. Il y a un an exactement, les communistes m’investissaient pour l’élection présidentielle. Il y a donc officiellement un an que je suis en campagne, sans trêve. En réalité c’est depuis plus longtemps encore, si je m’en tiens aux dates officielles. N’est-ce pas en janvier que le Parti de Gauche m’a investi, et en février la Gauche Unitaire ? Mais quelle année ? 2011 ! Autant dire un autre siècle ! De toute façon, comme il y a eu une élection chaque année depuis la création en novembre 2008 du Parti de Gauche j’ai l’impression de n’avoir jamais mis sac à terre depuis cette date.
Mon téléphone s’est engorgé ! Il faut se donner en toute chose de la méthode et des buts. Mon projet fut donc de répondre à chacun. Ce fut bien du travail. Cependant je mentirais si je disais que seuls vinrent des réconforts ou des messages de solidarité. Au téléphone c’est sûr. Mais dans la presse, quel festival ! Avec le résultat ressurgit l’habituelle cohorte de tireurs dans le dos, anciens « amis de trente an », « dirigeants socialistes » et même « communistes », quand ce ne sont pas des « proches ». Mais qui sont-ils ? Ils témoignent tous sous le sceau du secret et de l’anonymat. Pourquoi ? Quels risques encourent-ils ? Pourquoi un journaliste accepte-t-il de publier un témoignage anonyme quand ce témoignage n’inclut aucun risque d’aucun ordre à part celui de l’ignominie personnelle ? Quand le journaliste socialiste Philippe Martinat écrit à mon sujet ce que vous allez lire quel jeu joue-t-il ? : « "Si marine Le Pen était élue dimanche prochain, il en porterait une part évidente de responsabilité pour l’avoir mise sur un piédestal", souffle un député socialiste ». Quel député ? Pourquoi ne pas le dire ? N’est-ce pas là une opinion assez banale ? Pourquoi la proférer en secret ? Quel genre de journalisme est-ce là ? En fait c’est une invention pure et simple d’un journaliste militant qui dissimule sa propagande derrière de soi-disant anonymes. Quant au fond de ce qu’il dit, je réponds avec les mots d’un autre journaliste, Pierre Marcelle de « Libération ». M’accuser, comme l’a fait Martine Aubry avant Philippe Martinat, d’être responsable de la mise en valeur de Le Pen ? Autant accuser les pompiers de mettre en valeur l’incendie !
Si rien n’est plus douteux que l’existence de ces soi-disant témoins anonymes il en va peut-être différemment à propos des « anciens amis ». Qui sait ? Ceux-là sont une réalité. Corrompus par l’appât des places, avilis par l’habitude des « témoignages » ignominieux, traînant comme les fantômes sans consistance d’un passé révolu, leur existence médiatique se résume à me nuire dans les moments de transes où la bête médiatique veut goûter du sang et des larmes. L’ancien « proche » sert à donner aux perfidies et délires des plumes hostiles la dose de piquant sans laquelle le caractère venimeux de leur prose se verrait trop. Ainsi, à côté des lettres anonymes, il y a maintenant les « témoins anonymes » de la presse. Aussi insaisissables que les précédents, ils pourriraient ce qui reste de stable et noble dans la vie politique que sont les vraies amitiés et les compagnonnages incorruptibles. Ceux-là se sont mis en mouvement avec chaleur depuis dimanche soir.
Les messages de sympathie ont afflué. Ils me touchent. Je varie mes réponses autant que possible. Mais l’idée reste la même, finalement, quand je veux venir à l’essentiel. Le travail a été fait et bien fait. De plus, je ne veux pas que la haine contre les dirigeants socialistes qui nous ont traités de cette manière indigne devienne une ligne politique. Le Parti socialiste est un astre politique mort. Ce que nous en voyons est juste une rémanence électorale sans consistance dynamique. Tout y tient par la colle du vote utile et autre niaiseries du même acabit. Rien de cela n’est le début d’une ligne offensive cohérente, ni une vision de l’avenir. Il est radicalement inapte pour affronter la crise qui vient comme un parti de masse capable d’organiser l’action populaire. Les entendre parler aux autres est en soi un véritable indicateur. Ainsi du ton haineux, hautain et méprisant de proconsul du type Bartolone ou vicieux comme ce Christophe Borgel qui pérore : « la mobilisation profite à toute la gauche. » Quand il vient d’organiser la déconfiture de ses alliés des Verts autant que de ses concurrents du Front de Gauche ! Et cela juste avant de dire une autre énormité pleine de duplicité : « Si on obtient la majorité absolue cela signifie aussi plus d’élus pour les écologistes et le Front de Gauche ». Après cela étonnez-vous que nous ayons de plus en plus de mal et de moins en moins d’arguments à produire en faveur de la fameuse discipline républicaine ! Une grosse colère couve de toute part. Elle serait mauvaise conseillère.
Car notre tâche ne peut être menée si nous nous laissons scotcher dans les règlements de compte avec le PS. Nous devons au contraire être en offensive créatrice, dynamisante, conquérante, en dehors d’eux, sans en tenir compte ni même les évoquer. Il ne faut absolument pas s’occuper d’eux pour bien mener ce travail. Le but est de gagner des forces et du respect dans les milieux qui nous intéressent et qui sont l’enjeu de notre action de conviction. Nous les gagnerons pour une action positive et allante ! Pas pour régler des comptes avec le milieu étroit des catégories sociales impliquées par le plans de carrière socialiste. C’est de cette façon que nous venons de marquer des points partout où nos candidats ont mené campagne. Je parle des points sur le tableau qui compte pour nous. Pas sur celui que tiennent les autres. C’est de cette façon que nous venons d’agir dans la campagne à Henin-Beaumont.
J’ai le cœur tranquille que l’on a toujours quand le travail a été bien fait. Tout a été accompli dans les règles de l’art. Boîtage, tractage, réunions publiques et ainsi de suite. Tout. Et pas en vain. J’ai dit que nous avons gagné mille voix et huit points, depuis la présidentielle. Si l’on se rapporte à la précédente législative nous avons gagné six mille sept cent voix ici. Comme on me l’a dit : je ne suis pas venu pour rien. On mesure donc quel effort nous avons fourni pour parvenir à notre résultat final. Encore n’ai-je parlé ici que d’évaluations chiffrées à propos du résultat de notre action électorale. Mais que dire de la renaissance de notre force politique dans ces parages. Je ne dis pas que nous étions éteints. Ce n’était pas le cas. La base communiste existante n’a jamais lâché le terrain. Mais mon arrivée et la galvanisation créée par l’enjeu a reconstitué une dynamique collective qui a atteint la société elle-même dans plusieurs de ses secteurs. Pour moi c’était l’essentiel.
Le problème posé par l’extrême-droite ne se règlera pas dans l’instant ni par une seule campagne électorale. Il va s’approfondir avec le blanc-seing que lui donne le néo-lepénisme médiatique. Celui-ci, selon moi, n’est qu’une conséquence du fait que la digue a sauté à droite et que ce fait est assumé par un nombre croissant de commentateurs qui jugent positivement cette évolution. Dès lors que la pente est prise, à côté de purs partisans de cette ligne marcheront tous les faibles pour qui le commentaire ne peut s’éloigner d’une ligne médiane dans la masse de ce qui se dit, quel que soit le contenu de ce qui se dit. C’est le camp de « cinq minutes pour le bourreau, cinq minutes pour la victime et chacun a eu sa part équitable. » La règle d’or d’un côté, de l’autre la haine des musulmans remplaçant celle des juifs qui avait pourri la génération précédente, voilà le fond doctrinal moyen non-dit du petit monde qui veut diriger les esprits. L’atavisme est si violent que de simples faits électoraux pourtant excitants pour l’esprit, ne sont plus traités par ceux-là même qui se piquent d’analyse. Voyez.
J’ai dit que notre concurrent socialiste a perdu huit mille voix et cinq points. Cela ne l’a pas chagriné outre mesure, si j’en crois ce qui se lit dans la « Voix du Nord ». En apprenant que je reconnaissais notre deuxième place, la salle des socialistes exulta de joie : « On a battu Méluche ! ». J’étais bien leur adversaire, on le voit. Mais où sont passé les huit mille voix perdues par le socialiste depuis la présidentielle ? Mettons que ce soit de là que viennent les mille voix que j’ai gagné. Il en manque sept mille. Où sont-elles ? Personne ne le leur demandera. La droite en a perdu douze mille. Ou sont-elles ? Personne ne le leur demandera non plus. Pourquoi n’y avait-il aucune mention UMP ou Modem sur le matériel électoral de leur candidat commun ? De la sorte, c’est comme si la droite était absente, poussant ses électeurs abandonnés dans les bras de la madame. Cherchez trace de ce fait dans la presse. Il n’y en a pas. Comment se fait-il que j’ai été la cible exclusive des lettres anonymes déversées sur le secteur sans un mot de soutien des socialistes locaux ou nationaux contre ce genre de méthodes ? Pourquoi n’en est-il question nulle part ? Quel a été l’impact en faveur du vote FN de la parution du deuxième tome de « Rose mafia » trois jours avant le vote ? Et de l’interview sur ce thème à France 3 de l’infect Dalongeville, l’ancien maire de Hénin-Beaumont, par qui toute la catastrophe a commencé ? Rien, pas une trace dans le roman sensationnaliste déversé sur ma « défaite ». Quel impact des sollicitations de David Pujadas au journal de 20 heures suggérant à madame Le Pen de dire que je sollicitais un vote « ethnique » ? Le corporatisme confraternel interdit que cela soit interrogé.
Bien sûr il faut tenir compte du hasard, de l’amateurisme, du manque de professionnalisme dans tous ces non-dits. Bien sûr il faut tenir compte de l’effet « cirque médiatique », de la cohue venant le vendredi seulement, jour de marché, « observer » l’inobservable du fait de la cohue des caméras et appareils photos. Bien sûr il faut tenir compte du fait que les uns recopient sur les autres sans talent ni curiosité. Bien sûr il faut tenir compte que rien de tout cela n’est vrai dans tous les cas. Mais il y a quand même un fil conducteur à tous ces silences qui délaissent des faits pourtant avérés et éclatants de questionnements. Avec ma « défaite », c’est que l’essentiel est sauvé pour la bonne société médiatico-compatible : les rouges sont repoussés. Le reste n’a pas d’importance à leurs yeux, semble-t-il. Je prendrais volontiers donc le parti que m’avait recommandé François Mitterrand en son temps : ne plus lire la presse. En fait, quelque goût que j’en ai en réalité, je me protègerais de cette façon contre le chagrin que soulèvent en moi ce constat de l’aveuglement et de la fascination morbide pour madame Le Pen. C’est cette même veine glauque qui fit en son temps les Drieu la Rochelle et les autres intellectuels brillants qui finirent comme on sait. Une nouvelle faillite des élites se dessine sous nos yeux. Il est vain d’attendre d’elles quelque mise à distance que ce soit. C’est à mes yeux le plus grave dans le moment que nous vivons.