Version augmentée du 17 septembre 2012
La Fête est finie. Pour ce que j'en ai vu et vécu c'est une réussite. Mais je sais bien que ce mot ne va pas de soi pour une telle entreprise. Des millions d'euros sont mobilisés et, jusqu'à la dernière minute, c'est un enjeu pour le journal « L'Humanité » de savoir si les comptes seront bouclés en équilibre. Je ne sais pas si ce sera le cas. Je n'ai pas d'information à ce sujet.
En illustration de ce billet, une série de photos de Remy Blang sur le stand du Parti de Gauche à la Fête de l'Humanité 2012.
J'ai pris l'habitude, dorénavant, d'observer l'approche du jour de la Fête sur le visage du patron de l'événement : Patrick Le Hyaric. La tension qui monte en lui lui sculpte le visage. C'est un homme réservé d'habitude, au point de paraître lunaire quoiqu'il soit assez facile d'arriver à le faire sourire. Mais avant la Fête, je mesure le poids des angoisses qu'il porte à la tension de ses traits. Mercredi dernier, assis ensemble pour un petit café au bar des députés européens, je bavardais avec lui. Sitôt que vint le thème de la Fête, il retrouva en une seconde les traits si caractéristiques de cette angoisse particulière. J'évoque cet aspect de ce personnage parce que cela me permet de revenir sur la dimension humaine de tout ce que nous entreprenons. Déformés par la mentalité si spéciale des années 90, une mentalité consumériste qui a aussi contaminé l'univers des militants, beaucoup ont perdu parfois, et même souvent, la perception du rôle crucial des personnes qui se sont mises à la tâche et du poids de la responsabilité dont elles se sentent investies. Et il en va de même pour nous plus modestement quand il leur arrive d'installer notre grand stand à la Fête. Plusieurs centaines de camarades sont mobilisées. Sur certains postes de travail, il y a un roulement. Sur d'autres non, ce n'est pas le cas. Ainsi quand telle camarade, institutrice de son état, décide de proposer ses services pour faire des crêpes pendant quelques heures et qu'elle se voit entraînée, en quelque sorte, à rester clouée sur cette production pendant trois jours au rythme des demandes enchaînées d'estomacs insatiables mais si pressés ! Et puis, roulement ou pas, il y a les tâches lourdes, très lourdes, qui mobilisent pour quelques heures, dans un coup de feu si violent, toute l'équipe de la cuisine et du service parmi laquelle je reconnais toutes sortes de camarades jeunes et plus âgés que je côtoie le reste de l'année dans leur fonction municipale, professionnelle ou militante.
Responsable depuis deux ans du déroulement de l'ensemble de la vie de ce stand, Pascale le Néouannic y tient un rôle de chef d'orchestre. Elle doit non seulement s'assurer que chaque poste de travail est tenu et respecte son roulement, mais aussi que chacun des débats politiques organisés s'enchaîne dans les meilleures conditions possibles et aux heures prévues. J'ai pu observer qu'il existait dorénavant une équipe qui l'entoure. J'ai noté le renouvellement générationel. J'ai bien vu comment les cadences se sont intensifiées et accélérées. Sous la poigne de fer de Maryvonne, le poste de distribution de matériel militant fonctionne comme une horloge, sans pause ni trêve. A côté, le stand de notre librairie débite à longueur de journée et l'exercice des dédicaces permet d'humaniser la diffusion. Tout ce que produit notre collection « politique à gauche » aux éditions Bruno Leprince se diffuse à une vitesse incroyable. C'est dire combien est immense la soif d'apprendre qui nous entoure. Les années grises sont finies, bel et bien. Toutes générations confondues, jeunes, étudiants et anciens retraités s'ébrouent l'esprit ! Leur appétit est celui de connaisseurs. Des titres que l'on jurerait ailleurs "improbables" partent comme des petits pains. Ainsi ce « Robespierre, reviens ! » dont les 300 exemplaires disponibles sur le stand se sont tous vendus en deux jours. J'aime par-dessus tout la confusion des rôles et la modestie militante. Ainsi quand je découvre que le serveur du bar est un étudiant en philosophie à bac+6 et que la jeune femme qui l'aide est une sociologue.
Ainsi chaque fois que je croise une femme ou un homme de notre équipe, que l'on reconnaît à son foulard rouge ou à son bac, distribuant des tracts, jouant des sketches dans la rue, préparant les chaises pour le débat avec Jacques Généreux, avec Martine Billard et Aurélie Trouvé, avec Marc Dolez, avec Gabriel Amard et Jean-Luc Touly, je sais que toutes ces « petites mains » constituent à la fois une élite humaine et des personnages hors du commun, puisqu'ils sont là. J'ai fini par admettre qu'il valait mieux, pour le confort de tous, qu'une équipe particulière soit organisée pour s'occuper de moi. Tout pose problème avec moi. Comment pouvoir m'isoler pour me détendre, où me placer pour préparer mes interventions, rite auquel je ne veux jamais manquer, par respect pour ceux qui vont devoir m'écouter parfois beaucoup trop longtemps. Comment assurer que mes déplacements ne perturbent pas tout l'environnement, comment se garantir contre mon étourderie ou cette habitude perturbante que j'ai de m'arrêter sans cesse pour discuter avec tous ceux qui veulent m'interpeller, comment m'arracher à ces séances de photographies ou ces dialogues impromptus où je mets parfois beaucoup trop de passion avec des interlocuteurs qui ne sont pas moins déterminés que moi. Je rougis d'avoir à vous dire que tout ceci mobilise au moins une dizaine de camarades, entre l'escouade de service d'ordre, la surveillance des lieux où je me trouve, la collecte puis le tri des lettres, numéros de téléphone, carte de visite et cadeaux si gentils et souvent si émouvants que l'on me fait sans cesse, au fur et à mesure de mes allées et venues. J'arrête là la collection des images qui me viennent à l'esprit au moment de dicter ces lignes. Car dorénavant je dicte. Les programmes de reconnaissance vocale ont fait assez de progrès pour que cela soit possible. Et quand bien même j'ai perdu ma voix dans les discours que j'ai prononcés, la machine n'en a cure et suit mes mots, tranquillement.
Dans cette Fête j'ai rechargé mes batteries. J'ai pu goûter le décalage qui existe entre ce qu'en disent quelques médias venimeux et ce qu'en perçoit le grand nombre qui se trouvait là. Les persiflages de quelques apparatchiks qui voulaient se donner de l'importance en jouant un rôle de courtisans de Pierre Laurent, pour s'en faire les champions contre moi, ont certes beaucoup nui au travail que nous avions à accomplir lui et moi comme tous les autres. Deux jours d'images négatives sont le prix à payer pour leur insondable stupidité et leur goût des jeux de cours, sur le modèle fourni d'habitude par le Parti socialiste. Cela nous a, bien sûr, contraints à des séances un peu ridicules, et surtout jouées, d'embrassades et de compliments souvent très gênants pour moi qui ai horreur de tout ce qui s'apparente de près ou de loin à ce genre d'exercice. Ces petits jeux ont permis à des commentateurs qui n'attendaient que cela, décidés, d'enfoncer un coin dans la préparation de la manifestation du 30 septembre. Je crois que nous allons surmonter tout cela. Car sur les bases de notre mouvement, d'après tout ce que j'ai pu voir sur place, la manoeuvre est déjouée. Les regards sont acérés. Personne ne s'est laissé prendre au piège. À présent, la Fête étant finie, toute notre énergie est concentrée sur la réussite de la manifestation. Malheur à qui se met en travers de ce chemin ! Il faut jouer collectif maintenant ! Il n'y a parmi nous, certes, aucun César mais non plus aucun parti guide ni, par délégation, aucune coterie cheftaine ! Les centaines de contacts que j'ai pu avoir sur la Fête m'ont appris que par dizaines les unions locales et les unions départementales de maints syndicats, les sections et les cellules des organisations du Front de Gauche, partout, consentent des efforts immenses pour organiser sérieusement et massivement la manifestation. C'est à cela que nous devons préparer tous, sans réserve ni arrière-pensée, ce que nous allons faire le 30 septembre, qui sera un signal politique d'importance majeure, non seulement pour notre pays, mais pour l'Europe qui regarde. J'ai bien senti avec les unes et les autres, celui-ci, celle-là, au fur et à mesure de mes dialogues, que cette dimension était bien perçue de tous. J'ai confiance.
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Dans cette note je prends mon temps pour argumenter mon soutien à Hugo Chavez. Le faisant, je voudrais contribuer à la résistance morale contre les flots de mensonges et d’ordures qui sont déversés sur lui et son action par de très suspects « journalistes » et beaucoup de gens qui répètent sans savoir toujours de quoi ils parlent, comme le font Daniel Cohn-Bendit et Eva Joly, hélas. Puis je polémique au sujet de Nicolas Baverez et de son dernier livre, dont les bonnes feuilles découvertes dans le « Figaro Magazine » m’ont exaspéré.
La Fête de « l’Humanité » est désormais un événement identifiant pour le Parti de Gauche. Comme pour des milliers de militants du PCF, ceux du PG se préparent des semaines à l’avance, organisent leur montée, donnent des rendez-vous sur la Fête, prévoient leur emploi du temps et leurs itinéraires sur place. Pour quelques-uns d’entre nous, la date de la Fête est un repère pour la publication de nos livres. Cette année on dédicacera de nouveau beaucoup. Les semaines qui précèdent sont donc celles d’intenses et ardents bouclages. Quelques-uns doivent aussi préparer des débats et des exposés. On y met la ferveur et le trac de jeunes gens, quel que soit son âge. Pour ma part, je bouclerai mon bagage sitôt que j’aurais fini ces lignes pour me préparer à vivre trois jours et deux nuits sur place. A peine rentré de Strasbourg, je repars donc. J’ai deux interventions à faire. L’une avec Pierre Laurent au stand du Front de gauche à propos de la Sixième République, l’autre au stand du Parti de Gauche sur le thème de la Révolution Citoyenne. J’ai aussi un large programme de rencontres de toutes sortes de délégations qui ont voulu me rencontrer et aussi de visites à des stands des partis du Front de Gauche et à ceux de l’Amérique du sud. C’est de la fatigue en vue, après cette semaine si dense. Mais c’est aussi une énorme moisson d’émotions, d’apprentissages et de choses à voir qui va se faire. J’en ai besoin à cette étape de la rentrée où il faut plus que jamais prendre soigneusement le pouls de ceux que je dois représenter ensuite.
Ce n’est pas au Parlement de Strasbourg que j’aurai eu ce type de contacts. Une fois de plus je n’y ai pas eu une seconde de temps de parole. J’ai pris ma revanche rageuse en rédigeant trente explications de vote, un record en une séance pour moi. Cette semaine, le Parlement européen a réussi la gageure de nous faire voter sur 38 textes et plusieurs centaines d’amendements en moins de trois heures. Une fois n’est pas coutume, la moitié de ces textes avait une valeur législative. Il va sans dire que pour mon équipe et moi, étudier l’ensemble de ces textes a représenté un travail abrutissant. Tous sont écrits dans un langage bureaucratique, traduits d’un mauvais anglais, quand on a la chance de recevoir les traductions à temps. Vous retrouverez tout cela sur mon blog Europe, comme d’habitude, avec les notices descriptives pour chaque texte soumis au vote. Je n’en dis pas davantage à cet instant. Il y a eu le discours sur l’état de l’union prononcé par Manuel Barroso à l’occasion de cette session. Il marque selon moi une étape dans le processus de désagrégation du pilotage européen. Barroso s’est en effet longuement épanché sur les objectifs du futur selon le mode verbeux qui est le sien. Mais cette fois-ci, cet homme dont on dit qu’il parle huit langues pour ne rien dire avait quelque chose à dire. Il a évoqué l’horizon de 2014 et les élections européennes : il y aurait à cette occasion une proposition de nouveau traité. Il a évoqué l’idée d’une fédération d’Etats nations. Je ne crois pas un mot de cela. Je pense qu’il accompagne une situation de fait. Madame Merkel veut un nouveau traité. Et tous les autres protagonistes doivent en tenir compte du point de vue de leur propre position ou de la place de l’institution qu’il représente. Le président de la Commission, Manuel Barroso, ne veut pas laisser l’initiative au Conseil ni, d’une manière ou d’une autre, aux Etats. C’est sa fonction qui veut ça. Ensuite, il y a une autre raison. Il connaît, comme nous tous, ce que voudra madame Merkel : le renforcement de « l’ordo liberalis », c’est-à-dire davantage de chaînes institutionnelles qui contiennent toute décision politique en matière économique. Cela c’est la hantise des « petits pays » et celle des dirigeants qui voient le désastre s’avancer. Mais c’est aussi une façon pour l’Allemagne de s’approprier l’Europe. D’où l’importance de bâtir des contre-feux « démocratiques », c’est-à-dire des moyens de combattre cette main mise qui s’exerce sous couleur d’orthodoxie budgétaire. En ce sens le discours de Barroso est un indicateur du niveau de tension que le gouvernement allemand a créé en Europe.
Le bon moment de ces quatre jours sur place, ce fut la réunion de rentrée des militants du Parti de Gauche du département. Je les admire beaucoup compte tenu du travail qu’ils ont accompli pour installer notre présence et la développer dans un environnement réputé difficile, où l’extrême-droite est très puissante. Depuis notre rassemblement en mai dernier pendant les législatives, quand nous avons rempli d’une foule joyeuse et de drapeaux rouges la place de Broglie, les nôtres sur place crachent le feu. Les adhésions arrivent car l’enthousiasme est communicatif. Nous sommes désormais cent cinquante cotisants ici. La jeune génération est là. On tient le bon bout. Je leur ai fait un rapport politique à l’ancienne sur la situation politique, nos tâches et notre plan de travail. Puis on m’a annoncé qu’il y aurait entre un et trois cars pour la montée sur la manifestation du 30 septembre contre le traité européen et l’austérité. Un signe clair de bonne santé et de combativité, car ce n’est pas simple de s’imposer de nouveaux sacrifices financiers en ce moment !
Comme prévu le mois de septembre est le mois de l’antichavisme militant dans la presse liée aux nord-américains. « Le Monde » a encore battu un record de manipulation en laissant son « journaliste », le terroriste repenti Paolo Paranagua, faire un papier manipulateur de dénonciation du soi-disant antisémitisme des chavistes. « Le Monde » a toujours battu des records sur ce sujet. Pourquoi ? Etrange rédaction ! L’auteur de l’essentiel des papiers contre la gauche latino passe son temps à pleurnicher que « Cuba lui a fait perdre sa jeunesse», ce qui n’est guère professionnel. A cela s’ajoute une « envoyée spéciale », Marie Delcas, qui, d’une manière certes plus contournée, publie des « reportages » à charge. Le journal ne vous dira pas qu’elle ne s’appelle pas en réalité Marie Delcas. Ni qu’elle n’est pas journaliste mais professeur d’université. Ni qu’elle n’est pas «envoyée spéciale» à Caracas mais qu’elle vit, et milite, à Bogota. Mais ce sont des détails, n’est-ce pas. Le lecteur qui croit son « journal de référence » ignore qu’il lit des papiers stéréotypés, recopiés directement de la presse locale de droite et des ragots qui circulent dans les apéritifs mondains des ambassades. Un ambassadeur de France en Amérique latine peut s’en souvenir. Un jour il reçut à sa descente d’avion le sieur Paolo Paranagua, grand « journaliste » qui se sert de sa carte de journaliste du « Monde » comme d’autres de leur carte de police ! Lequel Paolo le repenti, après un bavardage mondain, conclut avant de s’en aller : « C’est exactement ce que j’ai écrit cette nuit dans l’avion ». Oui ce «journaliste» avait déjà écrit son article avant d’arriver ! Il s’apprêtait à rajouter des guillemets dans sa prose pour la faire prendre en charge par son interlocuteur. Mais celui-ci le refusa, constatant qu’il avait fait semblant d’entendre le contraire de ce qui lui avait été dit ! Ça c’est du journalisme « de terrain ». Il y avait un témoin, bien sûr. D’autant moins enclin à me donner raison qu’il n’est pas de mon bord. Mais il fut assez scandalisé du procédé pour me le faire raconter.
Le repenti répète en cadence ses bobards et ses confrères se fient à son patronyme pour le croire vraiment journaliste du cru et connaisseur de la situation. Dès lors, chacun reprend, sans autres vérification les refrains sur cet Hugo Chavez qui « musèle » ou « censure » les médias de son pays. Un pur mensonge. La presse vénézuélienne est libre d’insulter chaque jour le président, son parti et sa politique, ce qu’elle fait chaque jour avec un acharnement émouvant de constance ! Il n’existe aucun journal chaviste à Caracas ! On peut même se demander pourquoi le nombre de concessions hertziennes FM aux chaînes de radio privées a davantage augmenté que pour les radios publiques ou communautaires. En 1998, à l’élection de Chavez, on comptait 342 concessions dont 331 à des chaînes privées et 11 à des chaînes publiques. En 2010, on en comptait 791 dont 466 à des chaînes privées, 82 à des chaînes publiques, 243 à des chaînes communautaires. C’est tout aussi flagrant pour les concessions hertziennes de TV. En 1998, on comptait 40 concessions dont 32 à des chaînes privées et 8 à des chaînes publiques. En 2010, on en comptait 111 dont 61 à des chaînes privées, 13 à des chaînes publiques et 37 à des chaînes communautaires. Chavez a donc favorisé la pluralité des médias. La presse est plus libre et diverse au Venezuela qu’en France. C’est un fait, pas une opinion. Notez d’ailleurs que l’interdiction de la censure est consacrée dans la Constitution prétendument « totalitaire » qu’a fait adopter Chavez.
A l’inverse on se demandera quelle est le bénéfice de notre forme si particulière de liberté de la presse si elle répète dans tous les titres les mêmes éléments de langage ! Pourquoi ce flot de d’insultes qui fleurissent invariablement dans les articles sur Hugo Chavez. Voyez ces derniers mois. En juillet dernier, Libération n’hésitait pas à titrer « Chavez vers un nouveau mandat, malgré son bilan ». Le journal présentait son opposant de droite comme un « démocrate », sans informer ses lecteurs qu’il était de la droite dure, participant au putsch contre Chavez en 2002 et candidat commun de la droite, l’extrême-droite et du parti socialiste local dont le dernier président a été mis en prison pour corruption avant l’élection de Chavez ! Mieux : le mois précédent, le journal avait donné la parole à ce candidat, Capriles, lui accordant un label de respectabilité surprenant pour un journal de gauche. Il le questionna sur l’insécurité « première préoccupation des Vénézuéliens » sans mentionner une seule fois que l’Etat de Miranda dont Capriles est gouverneur est l’Etat le plus dangereux du pays et celui où la criminalité a le plus augmenté ! De manière générale, le président Chavez n’est jamais présenté en termes fussent neutres. Il est « tonitruant », c’est l’adjectif le plus fréquemment accolé à son nom dans les médias français, voire « belliqueux » (Le Figaro) ou carrément « autoritaire » au Nouvel Observateur, chez l’ami de vacances de la famille Le Pen. On y invente même que les chiffres de son bilan sont « impossibles à vérifier » (Le Figaro), on y dénonce que « ses allocutions présidentielles que toutes les télévisions et radios doivent diffuser en direct, lui permettent de déjouer la régulation sur le temps d'antenne autorisé à chaque candidat ». Il suffirait pourtant aux journalistes du « Figaro » de suivre les médias vénézuéliens pour savoir que le président Chavez n’a pas augmenté le nombre ni la durée de ses interventions présidentielles. Bien au contraire : il a arrêté son programme hebdomadaire « Alo Presidente ». Quant à la couverture médiatique des candidats, elle est plus favorable à la droite de Capriles, plus de 50%, qu’à Chavez à l’heure actuelle ! Sur certaines chaînes comme Globovision, la chaîne d’information 24h/24 qui refusait de retransmettre les images des manifestations contre le putsch de 2002, on atteint même un pourcentage de 50% pour Capriles et d’à peine 13% pour Chavez !
Dans ce contexte, quel crève-cœur de lire les attaques d’Eva Joly qui taxe sa politique d’« autoritarisme tropical » ! Et Daniel Cohn-Bendit ! Il préfère l’autoritarisme du traité MES et du traité Merkozy, sans référendum, à la démocratie vénézuélienne : « Si le modèle de démocratie, c'est Chavez, pour moi, c'est merci et au revoir ! »… Savent-ils vraiment l’un et l’autre de quoi ils parlent ? Car le bilan d’Hugo Chavez ce sont aussi de grandes avancées démocratiques. Elles ont été permises par la mise en place d’un processus constituant en 1999. La nouvelle Constitution a été soumise à référendum et approuvée par 71,8% des votants avec un taux record de participation populaire, le 15 décembre 1999. Outre l’exemplarité du processus d’assemblée constituante et de référendum mis en œuvre, plusieurs avancées démocratiques contenues dans cette constitution se distinguent particulièrement. La première d’entre elle est le référendum révocatoire de mi-mandat. Il permet au peuple de destituer n'importe quel gouvernant, fonctionnaire ou administrateur public, y compris le Président lui-même, une fois la moitié de son mandat effectué. Il suffit pour cela que la moitié des électeurs inscrits sur la circonscription électorale concernée (dans le cas du président : le pays tout entier) en fassent la demande. Si un nombre d’électeurs égal ou supérieur à celui qui a permis à la personne d’être élue vote pour sa révocation, celle-ci est effective ! Par exemple pour retirer son mandat de député à Jean-Marc Ayrault, il suffirait de 28 000 voix plus une ! Ayrault ne proposera jamais un tel pouvoir au citoyen. Mais Chavez l’a fait. Et il y a été lui-même soumis ! Un tel référendum révocatoire contre lui a été organisé en 2004. Il l’a gagné ! Alors Daniel Cohn-Bendit, tu dis « au revoir » si c’est cette démocratie-là ?
De même, la nouvelle Constitution établit que tout sujet d’importance nationale, municipale ou de quartier peut-être soumis à référendum consultatif si 10% des inscrits de la circonscription concernée le demandent. Les accords et traités internationaux peuvent également être soumis à référendum approbatif pour peu que 15% du corps électoral national le demande. Et en effet, sur initiative de 10% du corps électoral national, les lois peuvent être soumises à référendum abrogatif. Chère Eva Joly, toi qui demande comme moi un référendum sur le nucléaire, et même un référendum sur le traité budgétaire européen, tout compte fait ne préfèrerais-tu pas ce régime démocratique à l’autoritarisme « normal » qui prévaut chez nous ?
Mais ce n’est pas tout, chère Eva, cher Dany ! Il n’y a pas qu’en matière de participation citoyenne que la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela est révolutionnaire. Elle l’est aussi parce qu’elle contient une forme de « règle verte ». Elle établit ainsi des « droits environnementaux ». Voyez plutôt : « C’est un droit et un devoir de chaque génération que de protéger et de préserver l'environnement pour elle-même et pour le monde futur. Tout le monde a le droit individuel et collectif de jouir d'une vie et un environnement sûrs, sains et équilibrés sur le plan écologique. L'État doit protéger l'environnement, la biodiversité, les ressources génétiques, les processus écologiques, les parcs nationaux et les monuments naturels et autres domaines d'importance écologique particulière (…) C'est une obligation fondamentale de l'État, avec la participation active de la société, que d'assurer que la population puisse vivre dans un environnement non pollué où l’air, l’eau, les sols, les côtes, le climat, la couche d'ozone, les espèces vivantes où l'air, eau, sols, sont spécialement protégés, conformément à la Loi. » (article 127) De fait, qu’elle y soit inscrite ou non, dans tout contrat entre la République Bolivarienne et des personnes physiques ou morales, nationales ou étrangères, « l'obligation de conserver l'équilibre écologique, de permettre l'accès à la technologie et son transfert selon des conditions mutuellement convenues et de restaurer l'environnement à l'état naturel si celui-ci s'avérait altéré » est considérée comme inclue. Pas de regrets pour vos paroles injustes, ô vous, hautes autorités morales de la démocratie et de l’écologie ?
Terminons par les petits répondeurs automatiques de la bonne presse. Le chic des « journalistes » qui transmettent la propagande nord-américaine sur Hugo Chavez est qu’ils ne se préoccupent pas de la cohérence ni du suivi de leurs « arguments ». Il y a quatre ans, tous les titres de presse français firent au moins une brève sur l’instauration d’une « présidence à vie » au Venezuela, et de la constitution d’un « parti unique ». Jean-Patou et Marie Gentiane se faisaient un devoir de répéter cette information avec l’air indigné qui convient, dans toutes les réunions de section du PS. Alors ? Où est la présidence à vie dans un pays qui doit voter pour désigner son prochain président parmi sept candidats ? Où est le parti unique dans un pays qui en compte quarante-deux ? Mais qui se soucie vraiment, parmi ces bavards, de la vérité ? La chaine du conditionnement fonctionne à plein régime. Elle part des Etats-Unis. Ils ne se résignent pas à voir leur échapper la première réserve de pétrole mondial qui est à leur porte. Putsch et tentatives d’assassinat n’ayant rien donné, c’est le régime du choc frontal permanent. Sur place, sociaux-démocrates, droite et extrême droite ont un candidat commun depuis trois élections présidentielles. Tous les rayons paralysants habituels sont dégainés en permanence : ennemi de la liberté de la presse, anti sémite, corrompu, Chavez est affublé de tous les vices du catalogue diabolique officiel. Que pas un de ces mots n’aient un rapport avec la réalité, peu importe. Les amis de tous les putschistes du Paraguay, du Honduras et ainsi de suite n’en ont cure ! Qu’ils soient aussi les défenseurs de combien de hauts lieux de la démocratie, de la tolérance et de la lutte contre l’antisémitisme comme le Koweït, Bahreïn, le Qatar, et d’individus comme le « président » afghan Ahmed Karzaï et combien d’autres de cet acabit, où est le problème ? Chacun son camp. L’hostilité à Hugo Chavez, comme à Rafael Correa constitue une adresse politique où l’on partage ses repas avec les plus vils parmi les puissants de la terre et les plumes à gages les plus méprisables.
Je ne finis pas pour aujourd’hui sur ce chapitre sans vous donner aussi des raisons de vous savoir du bon côté de la barricade sociale au Venezuela. Ce samedi 1er septembre, le salaire minimum a été augmenté de 17,25%. Cette hausse du salaire minimum n’a rien d’un exceptionnel « cadeau électoraliste » contrairement à ce que prétendent l’opposition et leurs copistes dans les médias internationaux. La hausse du salaire minimum est l’une des composantes essentielles de la politique mise en place par Hugo Chavez depuis son arrivée au pouvoir. Celui-ci a été multiplié par 20 depuis 1998. Il atteint aujourd’hui l’un des plus hauts niveaux d’Amérique latine : 2047 bolivars, 476 dollars, complétés par les bons alimentaires d'Etat, permettant aux 4 millions de vénézuéliens touchant le salaire minimum de bénéficier mensuellement de 3000 bolivars en tout, soit 698 dollars. Cette composante de la politique d’Hugo Chavez est l’un des volets de la lutte acharnée qu’il mène contre la pauvreté depuis son arrivée au pouvoir. Près de 50% du budget de l’Etat (45,7% du budget en 2010) y est dédié. Dans les faits, alors que la pauvreté progresse en Europe (+11% depuis 2004 en France), elle a baissé de plus de 20% au Venezuela. Les inégalités reculent elles aussi. Le coefficient de Gini, coefficient qui mesure les inégalités, a montré un recul formidable de l’inégalité dans le pays. Quant au chômage, contrairement, là encore, à l’Europe où il atteint des taux record, il a baissé de plus de 40% sous Chavez.
Pour notre bonheur, je finis par le plus important : l’éducation. Le bilan des 13 ans de « révolution bolivarienne » ne tient pas dans la seule réduction des inégalités de revenus. Le gouvernement a aussi très largement mis l’accent sur l’éducation de la population. En 2005, grâce à la mission Robinson, le Venezuela a officiellement éradiqué l’analphabétisme. Il en reste 3 millions en France, sans que cette comparaison n’émeuve le moindre donneur de leçon ! La scolarisation des enfants a augmenté de 90% en 13 ans. Aujourd’hui de 97% des enfants sont scolarisés dans l’enseignement primaire. Le nombre d’étudiants à l’université a, lui, été multiplié par trois passant de 738.285 en 1998 à 2.293.914 en 2010. Des taux qui correspondent à la promesse faite par Chavez de faire du Venezuela « une grande salle de classe ». De fait aujourd’hui, de la maternelle à l’université, la moitié de la population étudie !
Maintenant je polémique. Comme on le sait, les « très importants » et « très intelligents » affectent toujours ce mépris amusé qui est le masque de leur caste pour balayer nos arguments. Nous sommes les exagérés, ils sont les omniscients. Que leur politique se traduisent partout par un désastre, que nulle part au monde, jamais, leur médecine ait donné un autre résultat que des désastres et des souffrances inutiles, tout cela ne les affecte d’aucune manière. Une caricature de cet état d’esprit bouffi qui additionne les allégations sans démonstration, les poncifs les plus éculés de la doxa libérale est ce malheureux Nicolas Baverez, face contrite de la jubilation morbide devant les désastres. « Réveillez-vous ! », couine avec arrogance ce cauchemar ambulant, pour titrer son dernier livre. Ce document regorge d’idées nouvelles auxquelles personne n’avait pensé avant cela : réduire les dépenses des Etats, réduire les dépenses sociales, augmenter la productivité du travail, flexibiliser le marché du travail. Ce document innove surtout en montrant que la concurrence des pays émergents, de la Chine et de l’inde, par exemple, est un problème majeur. Enfin il nous fait douche froide révélatrice en nous démontrant que notre pays n’est qu’une ruine vétuste et incapable. Tant de nouveautés, dans le contexte actuel, suscite un vif intérêt dans les médias de droite qui lui consacrent d’amples pages de bonnes feuilles et autres commentaires louangeurs. L’effet de rabâchage est garanti. Qui sommes-nous pour oser dire que ce n’est là qu’une pitoyable et grossière reprise des refrains les plus rabâchés de ces dix dernières années, sans une seule nouveauté. C’est donc un document de propagande purement conjoncturel, voiture balai des politiques d’austérité, sans originalité. Il est surtout intellectuellement consternant puisqu’il s’émancipe de toute leçon tirée des multiples mises en application qui ont produit le résultat calamiteux que nous avons sous les yeux. Pas un des grands esprits qui lui tendent micros et stylos ne pense à le confronter aux faits. Voici donc quelques antidotes. Je vous propose un petit florilège de citations d’imbéciles dans notre genre qui sont de l’avis exactement opposé au sien. Bien sûr aucun ne saurait prétendre à l’omniscience de « môoossieur » Nicolas Baverez. Aucun d’entre nous ne peut lui proposer de jouissance supérieure à sa morbide jubilation à dénigrer notre pays et les efforts des travailleurs qui le font vivre. Mais cela peut vous aider à respirer entre deux séances de fumigènes déclinistes.
Voyez par exemple quel ignorant est cet Amartya Sen, Prix Nobel d'économie 1998 ! Comment ose-t-il déclarer en juillet dernier, contre l’avis de Nicolas Baverez : « Le soi-disant programme d'aide européen pour les économies en difficulté insiste sur des coupes draconiennes dans les services publics et les niveaux de vie. (…) Ces politiques attisent la division. (…) La prise de décision sans discussion publique – une pratique courante dans la mise en œuvre de la politique financière européenne – est non seulement anti-démocratique, mais inefficace. » Et ce débile de Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie 2001 ! Qui va lui offrir le livre de Baverez pour l’aider à se « réveiller » ? Comment a-t-il pu déclarer au forum de Hong-Kong en janvier dernier: « L'obstination des dirigeants européens dans l'ignorance des leçons du passé est criminelle ». Ou pire, en mai dernier: « Les pays qui tendent à un budget équilibré sont contraints de faire des coupes dans leurs dépenses en raison de la chute de leurs revenus fiscaux – un "déstabilisateur automatique" que l'Europe semble vouloir adopter en toute inconscience. » Pour ne rien dire de ses absurdes déclarations récentes au journal « L’Humanité ». N’oublions pas encore un prétentieux qui n’a pas assez lu Nicolas Baverez notre « décliniste » national. Je parle de Paul Krugman, Prix Nobel d'économie 2008. Ce malheureux n’a-t-il pas osé affirmer à propos du pacte d’austérité budgétaire : « Le paquet fiscal forcera les pays à poursuivre des politiques d'austérité qui ont pourtant déjà montré leur inefficacité. » Il est vrai que ses erreurs tendent à se répéter. A propos du référendum en Irlande, en mai dernier il avait déliré: « J'ai beaucoup réfléchi, ce n'est pas facile. Je leur conseillerais de voter non. » Son aveuglement fait de la peine. Sur le "pacte de croissance" de l'UE vanté par Hollande, il aurait vraiment mieux fait de lire Baverez avant d’oser dire comme dans « Der Spiegel » : « C’est un pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge. Ce sont des choses ridicules et insignifiantes ». Il va de soi que Xavier Timbeau, ce dangereux gauchiste, directeur du département analyse et prévision de l'Office français de conjoncture économique, OFCE, devrait être condamné à apprendre par cœur l’œuvre de Nicolas Baverez pour avoir osé déclarer à Médiapart : « Quand on combine ce qui se passe au niveau français et européen on arrive à une stratégie perdant perdant qui aggrave la situation, on rentre dans cette décennie perdue pour l'Europe dont nous allons payer très cher les conséquences ». Qui ira réveiller Nicolas Baverez et ses semblables qui nous mènent au désastre ?