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04.05.2014

Airbus-EADS : plus de huit ans de mise en alerte

Voilà maintenant plus de huit ans que j’appelle à la plus grande vigilance sur le dossier EADS. En dépit de toutes les alertes que j’ai lancées, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont laissé la situation de cette entreprise se dégrader à petit feu, jusqu’à l’annonce dramatique, le 9 décembre 2013, de la suppression de 5 800 postes en Europe, dont plus d’un millier en France. Retour sur huit ans de désengagement de l’Etat dans la politique industrielle d’EADS.

Airbus : du goulag jacobin au paradis néolibéral !
Note de blog (4 mars 2007)

Avant de sauter dans l’avion qui me conduit aux funérailles de mon père, je jette un oeil sur ce blog en vue d’y installer la note que j’ai préparée hier. Lire, écrire, travailler sont des réconforts puissants face à la douleur contre laquelle on ne peut rien. Agréable surprise il y a moins de polémiques hors sujet et de parasitage sur cette note que sur tant d’autres. Ça me change aussi des bordées d’injures dont je dois assurer le déblaiement chaque jour. D’un autre côté j’ai été aussi assez content de lire dans la presse les réactions des dirigeants socialistes, et notamment de Ségolène Royal, sur un registre de résistance au plan prévu par EADS. Je pense que c’est important de le constater. En fin de note je parle de la réaction de Sarkozy. On voit bien sur ce dossier la ligne de partage. Je prends le pari que le commentaire verbeux de Sarkozy répétant les refrains fétiches de la résignation néo libérale sur ce dossier aura un retentissement au moins aussi assassin que l’avait été la malheureuse phrase de Lionel Jospin avec les LU à Evry. Je prends le pari que le volontarisme de Ségolène Royal, son étatisme et son appel aux ressources de la puissance publique, fut-elle régionale, face à l’inertie de l’Etat UMP lui vaudront un très sérieux bonus. A juste titre. Vu de ma tour d’observation, ceci fera davantage que bien des shows télévisés. Bref, je considère que c’est une confirmation d’un possible retour du débat de la présidentielle sur les questions de fond, à belles distances des grotesques pantalonnades qui ont surchargé la scène publique ces derniers temps. Bien mené, bien expliqué, cet épisode de solidarité dans la lutte avec les travailleurs les plus hautement qualifiés pour une des productions industrielles les plus modernes de notre temps, peut faire prendre la colle qui réunit les Français dans les épreuves et faire aller l’énergie dans le bon sens, de droite à gauche, de la résignation bavarde à l’action audacieuse. EADS peut aussi être le procès public du bilan du libéralisme en France.

A présent, je contribue de nouveau à la réflexion et à l’argumentation en produisant une seconde note qui complètera peut-être l’information de mes lecteurs amicaux. Voici donc quelques arguments de plus destinés à étayer les propos que j’ai tenu sur la dégénérescence mercantile d’AIRBUS en EADS.

Dès sa naissance en 2000 EADS a revendiqué une identité « d’entreprise de marché » en rupture avec la logique purement industrielle d’Airbus. Ça faisait moderne, non ? Jean-Pierre Gaillard, Jean-Marc Sylvestre et les autres griots se tortillaient d’excitation et leur enthousiasme mettait la larme à l’oeil du petit actionnaire d’Euro tunnel. Voyez plutôt : dans l’organigramme stratégique, les fonctions technologiques et productives ont été subordonnées aux fonctions financières et commerciales ! C’est le modèle classique que les belles personnes prétentieuses nomment en anglais (langue sacrée pour ce type de sornettes) la « Corporate governance ». Aussitôt sous la pression des actionnaires privés, EADS va forcer Airbus à se lancer dans une différenciation commerciale à outrance selon les logiques du marketing universel qui s’appliquent aussi à la production des divers parfums de yaourt et au coloris de montures de lunettes de soleil. Bien sûr, ils y ont ajouté la dose de bobards sans laquelle il n’y a pas de bons bonimenteurs au marché de Brignon Les Bains : délais de livraison à couper le souffle, prix cassés toute l’année, satisfait ou remboursé. Mais il s’agit d’avions, pas de tee-shirt sérigraphiés. Dans l’entreprise, cela signifie réduire drastiquement les délais et les coûts de développement des appareils. Sur le plan industriel, très vite, la contradiction éclate. D’un côté l’étalement et le report d’une partie des investissements (pour maximiser le profit) et de l’autre la réduction de la durée du temps de mise au point des appareils (qui n’est en principe possible que grâce à un surcroît d’investissements).

C’est cette préférence génétique des actionnaires pour le court terme, contre l’avis des ingénieurs et des chaînes de production, qui va plomber le programme du super porteur A380. Pour maximiser les perspectives de rentabilité, la direction d’EADS va en effet s’engager sur des délais de livraison et des gammes d’options intenables pour la fiabilisation des appareils et leur mise en production. Cette préférence pour le court terme va générer des pénalités de retard colossales. Car pour appâter les clients, les services marketing avaient proposé des contrats hyper alléchants sur les délais. A la fin, il est question d’importantes pertes : 5 milliards d’euros résultant exclusivement de la « corporate governance », c’est a dire de la rapacité des actionnaires. De même pour le moyen porteur de nouvelle génération (devant remplacer les A330 et A340), c’est la réticence des actionnaires à immobiliser les fonds nécessaires (notamment Lagardère) qui a conduit à des reports successifs de la mise en développement de l’A 350 (jusqu’en 2012), faisant perdre de précieuses années face à Boeing (qui développe le 787) et donc des milliers de commandes.

Ces difficultés montrent que la logique des marchés d’actions rivés au court terme est complètement incompatible avec le développement industriel dans certains secteurs nécessitant des investissements très lourds. Cette question, c’est celle qui revient et reviendra encore davantage bientôt dans des secteurs comme le nucléaire ou l’hydro-électricité. Quand il faut mettre très très gros au début pour ne toucher que peu à court terme, les actionnaires se défilent et leur main invisible vide les caisses avant de partir. Plus il y a de mains invisibles dans le panier, moins il y en a pour le remplir… C’est ça leur magnifique système. Le nôtre, celui de l’Etat colbertiste, jacobin, totalitaire, centralisateur, inefficace, marchait autrement mieux …

Du temps du goulag jacobin

Ces problèmes d’arbitrages financiers n’existaient pas dans l’ancien système du consortium Airbus. Les Etats mettaient à disposition les fonds sous forme « d’avances remboursables » en fonction de ce qu’avaient proposé les développeurs et les ingénieurs. L’investissement public permettait donc de disposer de sommes colossales. Le remboursement de ces avances pouvait être étalé sur le très long terme. L’Etat y retrouvait son compte. L’Entreprise aussi. Car les bénéfices tirés à terme de la vente des appareils (après remboursement des avances) étaient systématiquement réinvestis dans le développement et la production. L’ennemi public numéro un de l’Etat, la commission et ses marionnettes lobbyisées, y a mis bon ordre en stigmatisant le système des avances remboursables. Je parle des avances des Etats, pas de celles des lobbys… L’OMC aussi a fulminé diverses malédictions (en entendant ce nom, il est de bon ton d’entonner aussitôt des cantiques votifs avec pour refrain: « c’est mieux que rien »). Mais il est très révélateur que les deux premiers projets où Airbus a renoncé à utiliser les avances remboursables soient l’A380 (utilisation des avances au début du projet en 1993 puis renonciation à les utiliser à partir de 2001) et l’A350 (abandon total du système des avances). La formidable capacité d’accumulation financière publique a permis à Airbus, qui partait de rien en 1972, de conquérir en moins de 30 ans plus 50 % du marché mondial de l’aviation civile.

Un point encore. Ce n’est pas seulement une affaire de gros sous dans tout cela. C’est aussi un résultat technique qui a été rendu possible ! Aucun actionnaire privé n’aurait pu consentir les efforts d’investissements comme ceux rendus nécessaires par le développement d’Airbus et les innovations technologiques très coûteuses qui ont été expérimentées. Airbus a en effet révolutionné tous les standards technologiques de l’aviation mondiale. Il a fait passer les avions au système des commandes électriques sur l’A320. D’où venait l’idée et la mise au point ? De quelles merveilleuses entreprises privées ? Aucune. Il s’agit d’un emprunt à l’expérience accumulée sur le Concorde qui a inventé la commande électrique. Airbus a aussi remplacé progressivement les tôles par des matériaux composites plus légers et résistants. Il a introduit les fibres optiques pour les communications. Il repense l’assemblage des avions en passant du traditionnel rivetage au soudage laser. Pour chacune de ces nouveautés, Boeing ne rattrapera le retard que 10 ou 15 ans plus tard. Boeing a récupéré l’acquis sans supporter les risques, faute de pouvoir immobiliser les capitaux indispensables pour effectuer ces bonds technologiques en des temps records. Boeing n’a conservé sa rentabilité qu’en arrivant à réduire les coûts des appareils. Pas avec des performances techniques, loin de là ! Car pour cela l’astuce a consisté a amortir ses produits sur des durées incroyablement longues (on voit que le long terme a aussi du bon parfois…). Ainsi une partie des composants qui équipent encore les Boeing vendus aujourd’hui ont été conçus dans les années 1950-1960.

Et pour finir dans ce registre archaïque avec un nouveau train de pensées incorrectes, notons que le consortium Airbus a aussi assis sa percée industrielle sur une main d’oeuvre à forte productivité par rapport à celle de Boeing. Pourquoi ? La qualification y sera longtemps valorisée. Comment ? Les gens ont été formés et payés correctement, voila le secret. Et correctement traités dans les périodes de vaches maigres. Ainsi l’Etat aura à coeur, en particulier sur les sites toulousains, de garantir la continuité des équipes et la transmission des savoirs faire, y compris en périodes de trous d’air des commandes. A plusieurs reprises, l’Etat va ainsi imposer la reconversion partielle des chaînes de production et des personnels, qui furent amenés, entre deux avions, à fabriquer des téléviseurs, des frigos et même des caravanes pour ne pas laisser l’appareil industriel inemployé. Une telle logique de continuité de l’appareil industriel est une obscénité pour des actionnaires privés. Eux mêmes sont une obscénité pour l’aviation.

Actionnaires voyous

Non contents d’avoir déjà freiné le rythme des investissements et pressuré le système de production au point de conduire au retard de l’A380, les actionnaires privés ont aussi commencé à quitter le navire auquel ils avaient directement contribué à faire prendre l’eau. Bristish Aerospace a d’abord revendu les 20 % qu’elle possédait dans Airbus à EADS qui possède désormais 100 % d’Airbus. C’est un plaisir de faire équipe avec des Anglais de cette sorte. Leur comportement de 51ème Etats des Etats-Unis d’Amérique faisant merveille, comme on le sait, chaque fois qu’une difficulté se présente. Les connaisseurs se souviennent du dossier de la fusée européenne qu’ils avaient abandonnée sur injonction des USA aux premiers ratés. Heureusement que là encore l’Etat français, jacobin et inefficace, a réussi à produire des fusées (sans ingénieurs nazis pour les mettre au point comme aux Etats Unis) et à rafler 50 % du marché mondial de lancement de satellites.

Reste que depuis 2000, le socle « d’actionnaires stables » d’EADS n’a cessé de se réduire. Résultat : une dispersion anarchique du capital d’EADS sur les marchés financiers. Ainsi, en pleine crise sur les retards de l’A380, Lagardère et DaimlerChrysler décident chacun de vendre 7,5 % du capital au printemps 2006. Actionnaires stables ? Compte tenu des volumes colossaux d’actions dont la vente est alors annoncée par Lagardère et DaimlerChrysler, leur comportement a directement aggravé le baisse de l’action. Photo de situation actuelle : DaimlerChrysler ayant décidé en février 2006 de vendre une nouvelle tranche de 7,5 % et Largardère envisageant lui aussi de céder de nouvelles actions, le socle d’actionnaires (qui possédait 65 % en 2000) est aujourd’hui réduit à 42,5 %.

Cela fragilise encore davantage EADS ! Sa dépendance par rapport au marché boursier est encore plus grande ! Et qui peut croire que les acheteurs d’actions à venir sont des mordus d’aviation et de développement des technologies pour dans vingt ans ? On connait le résultat. Sans que personne n’ait rien vu venir, on a aussi découvert en plein été que la banque publique russe VnechtorgBank avait acquis 5 % du capital d’EADS en ramassant discrètement les actions (dont le cours était alors au plus bas). Et depuis, Poutine lui-même a confirmé que la Russie était intéressée à se renforcer encore dans le capital, ce qu’elle est certainement déjà en train de faire. L’émir du Quatar a aussi annoncé s’intéresser sérieusement à EADS et a dit envisager d’en acquérir une partie du capital via un fonds d’investissement. EADS n’est ainsi pas non plus à l’abri des fonds de pensions et autres fonds prédateurs, dans la mesure où l’essentiel de son capital est désormais flottant. Qui s’en soucie parmi les patriotes économique de l’UMP ? Tout de même ! Dans la besace de cette entreprise, il y a tout de même les hélicoptères de combat français, des missiles et ainsi de suite. On notera avec intérêt les remarques grotesques de Sarkozy sur ce dossier qui comme un lapin Duracel a aussitôt récité le catéchisme libéral sur le sujet sans un mot pour le savoir-faire, le manque de patriotisme des actionnaires privés français ni les risques sur notre indépendance militaire. Mais c’est sans doute parler comme un nationaliste de le dire, comme diraient les eurocrates et leurs porte plumes… Là-dessus, quand les socialistes (la candidate et le premier secrétaire du parti) dénoncent la situation, exigent un moratoire et parlent d’un retour de l’Etat dans l’entreprise, ils ont tellement raison que c’est un spectacle hallucinant de voir le nombre de moulins à prières libéraux qui ont encore le front de venir radoter leurs refrains sur « l’Etat qui n’est pas capable de produire » et ainsi de suite. La bourde suprême va à Nicolas Sarkozy qui répond « Un moratoire? Ça recommence ! C’est plutôt d’un manque de stratégie industrielle que nous souffrons dans l’entreprise » Ah bon ? Qu’il est intelligent ! Moderne ! Novateur ! Et comment explique-t-il ce « manque », ce cher petit génie qu’il faut désormais appeler bécassin, lui qui sait repérer un manque de stratégie industrielle plus vite que son petit camarade UMP Noël Forgeard, le naufrageur de l’entreprise et parasite de choc ? Que pense Monsieur Sarkozy du bilan de la privatisation d’Airbus ? Que pense-t-il du bilan de son ami, l’homme d’affaires et de presse. Justement : c’est là que le bat blesse. Monsieur Sarkozy ne peut pas penser davantage que ne le supporte l’agence de propagande qui le motorise. N’empêche : je pense qu’un moratoire serait bon non seulement pour l’entreprise Airbus mais aussi pour la boite à réplique toute faite de monsieur Sarkozy.

 

L’ère des pourris
Note de blog (3 octobre 2007)

EADS, davantage qu’un scandale : un signal. Telle est aujourd’hui la mentalité des dominants. Je suis sûr qu’ils ne voient même pas où est le problème. Ils ont défendu leur fric (pardon « la valeur »), et alors ? Les mots « industrie nationale », « performance technique des salariés », « devoir à l’égard de la collectivité », tout cela ce sont des mots pour les gogos. Ça ne se traduit pas en anglais. Eux parlent et pensent en anglais. Je veux dire dans la langue des affaires. Vous avez vu cent fois leurs faces de pierre dans le numéro des larmes grandiloquentes sur le « retard de notre pays », les privilèges des corporatismes, leur exigence de « souplesse pour nos entreprises » et aussi leur fameux « il faut d’abord produire les richesses avant de les répartir ». En fait ce sont juste des voyous. Patrons incapables, parasites de l’Etat qui tueraient père et mère pour un cours de bourse ou un paquet de stock option, bradeurs de l’industrie du pays. Juste des voyous. Tels sont les dominants à l’âge du capital financier de notre temps. Et le ministre qui leur dit « oui, allez y les gars, ramassez vos billes, je vous y autorise : après nous le déluge ! » C’était gratuit comme conseil et autorisation ? Et le fonctionnaire qui dit « vendons les parts de l’Etat pour bénéficier du bon cours de bourse », comment a-t-il pu dégénérer jusqu’au point d’avoir perdu tout sens de l’Etat et occuper une si haute fonction ? Et qui va nous dire à présent pourquoi c’est Lagardère à qui l’Etat avait confié sa représentation dans le conseil d’administration de l’entreprise, si on le savait à ce point attaché à ses seuls intérêts ? Et s’il a trahi son mandat, quel compte l’Etat va-t-il lui demander ? Ca finira mal. Ces choses là, on les sent. Si les élites en sont là, alors oui tout est possible et légitime en matière d’égoïsme, pour tout le monde. Le monde du travail est si patient ! Mais cette patience là aussi finira par avoir son terme. Je l’espère tant. C’est la seule façon d’arrêter cette affreuse comédie néo libérale qui pille le pays, ruine ses acquis trahis ses intérêts.

 

EADS : l’affaire dans l’affaire continue
Note de blog (7 octobre 2007)

Par la fenêtre du TGV, de retour de la Dordogne, je vérifiais mon impression de la veille. L’automne ne fait que commencer dans la campagne. Les grands flamboiements sont à venir. Je me disais qu’il me faudrait trouver le temps cette année pour une belle virée dans les bois au bon moment. J’hésitais : dans le Jura ou dans l’Ariège.

J’en étais là de mes projets, tout en bavardant, quand la convocation de la commission des Finances du Sénat pour l’audition de l’ancien ministre des Finances Thierry Breton m’a été transmise par SMS. Tout cela pendant que je menais avec Claude Debons une conversation détendue à propos de la force politique nouvelle, prolongeant celle que nous avions eue la veille au soir, en public. Il fallait répondre. J’ai plongé sur mon micro clavier pour faire mon texto de réponse. Et lui en a profité pour en faire autant ? Telles sont les moeurs de notre époque : on rêvasse en bavardant et on s’interrompt pour écrire à de mystérieux absents.

Prévenu par SMS ? C’est dire que l’évènement a été brusqué. Puisque mon emploi du temps le permettait, j’ai décidé de m’y rendre car la réunion était ouverte à l’ensemble des Sénateurs. J’ai suivi l’affaire de la crise EADS Airbus, comme le savent les lecteurs assidus de ce blog, sur lequel je me suis exprimé à plusieurs reprises à ce sujet. Je la trouve en effet emblématique du gâchis sur lequel débouche la gestion des grandes entreprises crées par l’Etat et inscrites dans le temps long quand elles sont soumises au management financier. L’apparition d’une « affaire dans l’affaire » visant le fonctionnement de l’Etat m’a semblé d’entrée très suspecte. Elle tombe trop bien. Juste au moment où s’ouvre l’enquête sur le délit d’initié des « partenaires privés » qui ont pillé le vaisseau avant de l’abandonner à la première alerte industrielle. J’y ai vu une diversion. J’ai noté qu’elle tombait aussi en pleine période de restructuration de la « forteresse Bercy » comme dit la presse. Et aussi à un moment où plusieurs sièges importants à la direction de la direction de la Caisse des dépôts aiguisent des appétits concurrents. Mieux vaut avoir tout cela à l’esprit, car ce dossier est depuis toujours la mer des Sargasses des coups tordus. Souvenons-nous que les fameux listings de l’affaire Clearsteam sont, au point de départ, un règlement de compte entre prébendiers à la tête de EADS, avant qu’un gros malin rajoute des noms d’hommes politiques pour d’autres raisons.

L’affaire aujourd’hui consiste à demander à l’ancien ministre des Finances s’il connaissait les raisons pour lesquelles les opérateurs privés allaient vendre leurs actions quand ils lui ont annoncé qu’ils allaient le faire. Cela signifierait qu’il avait partie liée au délit d’initié. Et ensuite, il s’agit de savoir si la Caisse des dépôts et consignations a racheté 2,25% du capital mis sur le marché au prix fort de l’époque, en ayant reçu l’ordre de le faire pour faciliter le travail des vendeurs initiés. Au passage, on cherche à savoir pourquoi l’Agence de gestion des participations de l’Etat (APE) a suggéré de vendre les actions de l’Etat dans cette société à ce moment là, c’est-à-dire si elle aussi participait au délit d’initié. Je ne discute pas la pertinence de ces interrogations. Je trouve qu’elles sont si évidemment fléchées que j’y vois malice. Exemple. Qu’a fait où dit monsieur Breton, d’une part aux actionnaires privés, d’autre part à la Caisse des dépôts. Réponse : rien. Pourquoi ? Parce que le pacte d’actionnaire entre la partie française (l’Etat, Lagardère) et la partie allemande (Daimler) interdit expressément à l’Etat français de se mêler de la gouvernance d’entreprise. D’ailleurs, la part de l’Etat a été confinée dans une société pallier (Sogead) que Lagardère représente au conseil d’administration d’Airbus. Vous avez bien lu : l’Etat n’est pas présent es qualité, c’est Lagardère qui y représente à la fois ses intérêts privés et ceux de tous les citoyens français. Qui a monté cet incroyable système ? Réponse : le gouvernement de gauche de Lionel Jospin. Cibler Breton, c’est donc ramener la gauche dans le dossier. On voit tout l’intérêt de la chose. Au lieu de parler du délit d’initié, et de la légitimité des intérêts privés dans ce type de pacte léonin, on parle de Strauss-Kahn, Fabius et Jospin. On démoralise la gauche, on lui dit : « Vous voyez où vous nous avez amené ? » et ainsi de suite. D’ailleurs, Thierry Breton ne s’est pas gêné pour le faire en réponse à la première question qui lui a été posée. Evidemment, vous vous demandez pourquoi le gouvernement Jospin a accepté ça. Parce que c’était la condition des Allemands. Sinon ils partaient s’allier avec les anglais et c’était la marginalisation d’Airbus sur la scène aéronautique mondiale. Ça, c’est ce qu’on m’a expliqué a ce sujet. Mais je n’ai pas eu le temps de le vérifier. Même scénario quand on va parler de la Caisse des dépôts. Le ministre a sa réponse toute prête : statutairement le gouvernement ne peut donner d’ordre et la Caisse ne peut en recevoir. Comme la banque centrale européenne. Dès lors, voici quelle est la musique qui se prépare : décidément ça prouve que quand l’Etat se mêle d’industrie, son rôle est ambigu et la confusion des genres s’impose. Conclusion : il faut définitivement que l’Etat ne se mêle plus de tout ça. C’est là un tour de passe-passe aussi énorme que le scandale en cours dans cette affaire où c’est l’asservissement de l’Etat à des intérêts privés irresponsables et prédateurs qui est en réalité la cause des nos malheurs. Dans cette affaire, pour moi, ce n’est pas parce qu’il a trop d’Etat que tout va mal mais parce qu’il n’y en a pas assez !

 

Sur la fusion entre EADS et BAE
Note de blog (22 septembre 2012)

Vous n’avez pas dû remarquer l’information, sans doute. Moi, elle m’a percuté rudement. Une fusion est envisagée entre le géant franco-allemand de l’aéronautique EADS et le britannique BAE, héritier de British Aerospace. Ici où là, quand quelqu’un en parle dans les médias, l’information n’est abordée que sous son angle commercial et financier. Jamais dans sa dimension stratégique et politique. Il a d’ailleurs été annoncé dans l’indifférence du gouvernement. Pas un mot de commentaire. pantheon_09Pourtant, l’Etat français est un des principaux actionnaires d’EADS. Ce projet est la première initiative d’envergure du nouveau président d’EADS, l’allemand Thomas Enders, qui a remplacé le français Louis Gallois depuis juin dernier. Alors que Gallois était un défenseur de l’industrie attaché au rôle de l’Etat dans l’économie, Enders est un libéral qui a longtemps milité au sein de la CSU, l’aile ultraconservatrice de la majorité de Mme Merkel. Ce monsieur préside le club patronal allemand qui œuvre au rapprochement transatlantique, l’Atlantik Brücke e.V. C’est donc un artisan actif et ardent du grand marché transatlantique, le fameux GMT, dont il est impossible d’entendre parler en France alors qu’il est censé se mettre en place en 2015. Le souhait de ce Thomas Enders de se rapprocher du groupe britannique d’aéronautique et de défense n’est donc pas limité à l’aspect commercial et financier. En rompant l’axe franco-allemand qui a porté Airbus et EADS, cette fusion rendrait possible un nouvel axe germano-britannique à la tête du nouveau groupe. Avec un tropisme beaucoup plus transatlantique qu’européen. Car le britannique BAE est d’ores et déjà un groupe fortement intégré au complexe militaro-industriel états-unien. Il possède des filiales aux USA. Et il participe directement au développement du nouvel avion de combat des USA, le F35, qui a vocation à remplacer le F16, l’avion militaire le plus vendu de l’histoire. Cela isolerait un peu plus le programme français Rafale en Europe. En matière d’industrie de défense, cette fusion enterrerait donc toute velléité d’indépendance européenne face aux USA. Quant à l’aéronautique civile, BAE n’y a pas laissé de bons souvenirs. Lors de la constitution d’EADS en 1998, BAE avait en effet fait l’acquisition de 20% dans Airbus après avoir renoncé à intégrer EADS en tant que tel. Avant de se débarrasser de cette participation en 2006, contribuant directement aux difficultés financières d’Airbus. Ici, je résume autant que je le peux pour ne pas surcharger de considérations techniques et historiques cette information. Mais je crois avoir fait sentir l’essentiel. Je suis scandalisé de voir que le gouvernement ne dit et ne fait rien. L’atlantisme historique et aveuglé de Jean-Marc Ayrault et François Hollande coupe ces deux hommes d’une compréhension vraiment informée des exigences qu’impose le souci d’indépendance et de souveraineté face aux Etats-Unis. Les Allemands, habitués à vivre sous parapluie nucléaire et militaire des nord-américains depuis la partition de l’Allemagne, ne sentent pas les choses comme nous. J’estime qu’il faut s’opposer à cette opération. Je pense que le gouvernement, qui a déjà accepté à Washington le prétendu « bouclier anti-missiles », est en train de laisser volontairement se mettre en place une conception de la défense qui mériterait au moins d’être assumée pour pouvoir être discuté. La plus grande méfiance est donc de mise face à ce projet de fusion, tant pour l’indépendance de notre défense que pour l’avenir d’Airbus.

 

Les canards boiteux aussi ont des ailes
Note de blog (21 octobre 2012)

Pendant que Montebourg se déguise à la une du « Parisien Magazine » pour défendre les marinières et les cafetières, les vrais décideurs gouvernementaux affichent avec morgue leurs préjugés contre les supposés « canards boîteux » de la sidérurgie et du raffinage. A Florange, Pétroplus et ailleurs, comme sur le dossier pourtant hautement stratégique du projet dangereux de fusion entre EADS-Airbus et la compagnie anglo-nord-américaine BAE, quelle débâcle ! Démonstration.

(…)

Peut-être vous souvenez vous que j’ai tiré la sonnette d’alarme sur ce blog à propos du projet de fusion entre EADS et BAE. Il y avait très peu de commentaires dans la presse sur ce sujet pourtant vital pour notre industrie. Et encore plus pour notre indépendance. Mais ce projet n’a jamais été traité que sous son angle commercial et financier et jamais dans sa dimension stratégique et politique. Il a d’ailleurs été annoncé dans l’indifférence du gouvernement, alors que l’Etat français est un des principaux actionnaires d’EADS. Pourtant, le projet portait un penchant beaucoup plus transatlantique qu’européen. Car le britannique BAE est d’ores et déjà un groupe fortement intégré au complexe militaro-industriel états-unien. Il possède des filiales aux USA. Et il participe directement au développement du nouvel avion de combat des USA, le F35, qui a vocation à remplacer le F16, l’avion militaire le plus vendu de l’histoire. Cela isolerait un peu plus le programme français Rafale en Europe. Pour ce qui est de l’industrie de défense, cette fusion enterrerait donc toute velléité d’indépendance européenne face aux USA. Quant à l’aéronautique civile, BAE n’y a pas laissé de bons souvenirs. Lors de la constitution d’EADS en 1998, BAE avait en effet fait l’acquisition de 20 % dans Airbus après avoir renoncé à intégrer EADS en tant que tel. Avant de se débarrasser de cette participation en 2006, contribuant directement aux difficultés financières d’Airbus. Fort heureusement lepetroplus_09 projet a capoté. Mais du fait des Français. Le nouveau gouvernement s’en est absolument désintéressé. Le ministre du Développement productif regardait ailleurs. Il faut dire que c’est une tradition en la matière que cet abandon. Sous le gouvernement Jospin, l’indépassable Dominique Strauss-Kahn avait accepté que l’Etat abandonne ses droits de vote et confie la gestion de sa participation de 15 % dans l’entreprise au sieur Lagardère. Et ça parce que les Allemands avaient hurlé au loup contre la présence de l’Etat. Lesquels Allemands semblent avoir changé leur fusil d’épaule et veulent à présent acheter à partir de la banque publique KFM les parts que possède l’entreprise Daimler. Cette fois-ci encore l’Etat est resté sans voix devant ce qui se tramait. François Hollande a pris son air des grands jours pour déclarer que tout ce nouveau Monopoly avec les anglo-saxons relevait de « la décision des entreprises concernées ». On ne peut dire pire bêtise sur l’affaire. En tout cas s’il n’avait fallu que compter sur Hollande, les Britanniques auraient pu se frotter les mains. En effet, avec la fusion, ils auraient disposé de 40 % des parts de la nouvelle société alors qu’EADS aurait représenté 70 % du chiffre d’affaire et 90 % du carnet de commande ! En réalité, personne n’a dû lui dire, pas davantage qu’à ce pauvre Ayrault, qui est censé s’en soucier, ni à ce malheureux Montebourg, qui est chargé de s’en occuper, que sur ce dossier se jouait notre avenir industriel et un bon morceau de l’industrie aéronautique. Voici une idée pour eux, en supposant qu’ils s’intéressent à quelque chose de l’aéronautique. Puisque l’Etat espagnol va entrer au capital et puisque l’Etat allemand va augmenter sa participation pourquoi ne pas racheter ses part à monsieur Lagardère, qui dit vouloir s’en aller depuis longtemps. Un groupe public français à 50,45 % est à portée de main. Qu’en dis le sieur Jouyet ? Canard boîteux, investissement stratégique ? Dire que ce sont de tels personnages qui président à nos destins ! En fait, le nouveau président se révèlent tout à fait « normal » pour un gouvernement de l’Europe actuelle : sans ambition ni vue générale, abandonné aux arguties des prétendus experts et aux vautours qui les accompagnent.

 

Les bradeurs d’EADS préparent un Florange puissance dix
Note de blog (11 décembre 2012)

La finance s’attaque à EADS. L’entreprise qui fabrique Airbus et dans laquelle se trouve l’essentiel de l’industrie aéronavale militaire de notre pays. Cette attaque prend la forme d’un changement de « gouvernance » acté mercredi 5 décembre. Pourquoi est-ce que je reste seul parmi les responsables politiques à m’exprimer contre ce qui est un crime majeur contre notre industrie, nos intérêts nationaux, et notre souveraineté ? Cet accord est un pillage et un gaspillage. C’est Florange et Gandrange multiplié par cent !

Le silence qui entoure cet accord est un signe des grosses masses d’argent qui embaument l’atmosphère et anesthésient maints grands esprits ! Cet accord est soutenu par le gouvernement Ayrault puisque l’Etat est actionnaire d’EADS. Le président de la République est directement impliqué. Quelqu’un peut l’en informer ?

Voyons d’abord, le gaspillage. Cet accord comprend une opération de rachat par EADS de ses propres actions. EADS va consacrer 3,3 milliards d’euros pour racheter 15% de ses actions actuelles. Pour quelle utilité sociale ? C’est autant d’argent qui n’est pas réinjecté dans la recherche, l’investissement, ou le progrès social pour les salariés. Cette somme est énorme : elle représente environ un tiers de la trésorerie du groupe. Cet argent part directement dans la poche des actionnaires privés actuels. Au premier rang de ceux-ci on trouve l’oligarque parasite Arnaud Lagardère. Il est le fils de Jean-Luc Lagardère. Arnaud Lagardère se moque éperdument de l’industrie. Tout ce qui l’intéresse, c’est son portefeuille. C’est lui le grand gagnant du rachat d’actions. Pour quitter le navire, Lagardère va vendre les 7,44% du capital d’EADS qu’il détient. L’entreprise va lui en racheter les trois quarts, c’est-à-dire 5,5% du capital. Dans l’opération, Arnaud Lagardère empochera à lui seul 1,2 milliards d’euros au titre du rachat d’actions ! Voilà pour le pillage !

La cause de tout ça est la décision de plusieurs actionnaires privés de sortir du capital EADS. Parmi ceux-ci on trouve donc le Français Lagardère mais aussi les Allemands Daimler et Dedalus, un consortium d’entreprises allemandes. Les parts de Dedalus et de Daimler seront rachetés par la banque publique allemande KfW, déjà actionnaire symbolique d’EADS. On savoure comment les arguments contre la présence de la puissance publique deviennent moins dérangeant quand cela convient au gouvernement allemand ! Pour les parts de Lagardère, c’est EADS qui payera l’essentiel comme on l’a vu. Le reste sera vendu au plus offrants sur les marchés. Le départ d’actionnaires privés importants et le rachat d’actions ont un effet cumulatif. Cet effet, c’est un recul de la stratégie industrielle au profit de la logique financière. Jusqu’à présent, tout ce petit monde de parasites participait à un pacte d’actionnaires aux côtés de l’Etat français et de l’Etat espagnol. Au total, cet attelage baroque possédait 45% du capital d’EADS dont près de 15% pour le seul Etat français. Dit autrement, jusqu’à présent 55% du capital d’EADS était librement achetable sur les marchés financiers. C’était déjà beaucoup. Mais les 45% restants permettaient de bloquer certaines décisions stratégiques. Et au sein de ces 45%, l’Etat français conservait un rôle central.

Avec le nouvel « accord de gouvernance », 72% du capital sera désormais « flottant », c’est-à-dire abandonné au vent des marchés financiers. C’est 17% de plus qu’actuellement. Avec le rachat d’actions, la part de l’Etat français recule automatiquement de 14,87% à 12% du capital. L’Etat espagnol voit lui sa part réduite de 5,44% à 4%. Les 12% de capital public restant reviennent aux autorités allemandes, grâce à leur rachat des parts de Daimler et du consortium Dedalus. Au final, même en cumulant les trois, les Etats ne pourront plus bloquer de décision. EADS est mis aux pas de la financiarisation de l’économie. Le directeur de la stratégie d’EADS ne s’en est d’ailleurs pas caché. Marwan Lahoud s’est ainsi félicité : « Nous avons un processus de décision normal, pas de véto et un flottant de plus de 70% ». Par normal, il faut comprendre dans la logique financière du capitalisme actuel. La bourse de Paris ne s’y est pas trompée puisque le titre EADS a bondi de 8% au lendemain de l’annonce de « l’accord de gouvernance ! »

Le poids des Etats, dont celui de la France, sera réduit dans EADS. Voilà ce qui vient de se décider avec l’accord du gouvernement Ayrault et donc du président Hollande. C’est toute la politique industrielle d’aéronautique et de défense qui est ainsi compromise. C’est aussi un recul dangereux de la souveraineté et de l’indépendance nationale. L’humiliation pour notre pays risque de ne pas s’arrêter là. C’est une mauvaise habitude en ce qui concerne EADS. Déjà, en 1999, Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn avaient conclu un accord honteux avec le groupe Lagardère. J’en ai déjà parlé sur ce blog quand les financiers ont mis Airbus en difficulté en 2007.

Ce compromis pourri consistait en un pacte d’actionnaires entre l’Etat et Lagardère. Les deux participations étaient gérées par une société commune, Sogepa. DSK avait ainsi abandonné à une entreprise privée le soin de représenter l’Etat. Et c’est Lagardère qui représentait le tout au sein du conseil d’administration EADS. Depuis, Arnaud Lagardère est même devenu président de ce conseil d’administration. Un comble pour quelqu’un qui se désintéresse de l’industrie au point de manquer l’assemblée générale du groupe le 31 mai dernier à Amsterdam.

Le départ de Lagardère du capital d’EADS met fin à ce pacte. Il change donc la donne aussi pour la représentation de la France au sein du conseil d’administration. Le départ de Lagardère du capital d’EADS devrait être effectif en juin 2013. D’ici là, Arnaud Lagardère préparerait un ultime pied de nez à la France. Le Financial Times a en effet indiqué qu’il pourrait démissionner du conseil d’administration dès le mois de mars. Et pour le remplacer, Lagardère pousserait… Jean-Claude Trichet ! Ce serait une véritable provocation. Trichet a déjà gravement menacé EADS du temps où il dirigeait la Banque centrale européenne. En défendant coûte que coûte un euro fort, il a menacé la compétitivité d’Airbus. Sa nomination au conseil d’administration d’EADS serait un coup de poignard contre l’industrie.

Qu’en pense le ministre de l’économie Pierre Moscovici ? Et le premier ministre Jean-Marc Ayrault ? Et le président de la République François Hollande ? Apparemment rien puisqu’ils se taisent. Selon l’adage, qui ne dit mot consent. Mon hypothèse est que ces gens, atlantistes jusqu’à l’os, ne se soucient de rien et surtout pas d’indépendance nationale. Leur repère est la pérennité de l’Otan. Le reste ne les intéresse pas. Ils ont tort ! Le scandale finira par éclater. Et alors il leur sera demandé des comptes.

 

EADS pillé : Ayrault et Montebourg regardent ailleurs
Note de blog (2 avril 2013)

Retour sur le feuilleton EADS. J’ai déjà traité le thème à plusieurs reprises sur ce blog. La nouvelle direction du groupe aéronautique a été installée par l’assemblée générale extraordinaire du 27 mars. Faute d’un gouvernement qui indique une volonté clairement exprimée, la France est en train de laisser franchir une nouvelle étape de la financiarisation du géant européen de l’aéronautique qu’elle a créé.

En septembre 2012 déjà, il était question d’une fusion entre le géant franco-allemand et le britannique BAE, héritier de British Aerospace. On avait craint les conséquences stratégiques désastreuses du tropisme libéral de Thomas Enders, le remplaçant allemand de Louis Gallois. Finalement, cette fusion ne s’est pas faite. C’est l’Allemagne qui a stoppé le processus. Pour un motif que les Français n’avaient même pas imaginé formuler : parce qu’elle redoutait une perte de souveraineté industrielle et stratégique. Mais le pire était à venir. Depuis décembre 2012, avec l’aval du gouvernement Ayrault, la finance n’a cessé de conforter son emprise sur EADS. Cette attaque se matérialise par « un accord de gouvernance ». Il fait suite à la sortie d’actionnaires privés du capital d’EADS. Cet accord entérine un recul des parts des Etats français, allemand et espagnol. Dès lors, ceux-ci sont empêchés dorénavant de bloquer les décisions stratégiques qui pourraient leur nuire. De cette façon, EADS est un peu plus mis dans la main de la finance internationale. Cette mascarade à un prix. Elle oblige EADS à racheter une partie de ses propres actions aux actionnaires privés. Ceux-là même qui s’enfuient. Au premier rang desquels on trouve Arnaud Lagardère. Et il lui faut encore vendre le reste au plus offrant sur les marchés financiers. A l’annonce de cet accord absurde, l’action valait 25 euros. A peine 3 mois plus tard, elle vaut 40 euros ! EADS ayant annoncé longtemps à l’avance le rachat des actions, il était évident que le cours monterait et que l’opération de rachat, qui était alors estimée à 3,3 milliards d’euros, serait largement plus coûteuse. Résultat : le rachat d’actions pourrait coûter deux fois plus cher que prévu. Un gigantesque gaspillage financier au détriment de la stratégie industrielle pour l’aéronautique. Et à la table de ce gaspillage, l’assemblée générale des actionnaires tenue le 27 mars a décidé que Lagardère serait prioritaire sur les autres actionnaires pour accéder au programme de rachat d’actions. Avec la bénédiction du gouvernement français actionnaire, EADS a donc décidé d’accorder un privilège de rachat à l’oligarque Lagardère. Une sorte de prime à ceux qui fuient le navire.

Le changement de « gouvernance » acté en décembre 2012 a donné lieu, le 6 février 2013, à la publication par EADS de la liste des personnalités proposées pour le renouvellement de son conseil d’administration. Cette liste a été validée par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 27 mars. Elle est extrêmement inacceptable. Côté français, on est sûrs que les intérêts industriels du pays ne seront pas défendus. La direction exécutive a choisi de donner des gages aux marchés financiers en proposant des traitres patentés, des banquiers ignares en matière industrielle et des incompétents notoires pour siéger à son conseil d’administration. Jean-Claude Trichet, qui ne connaît rien à l’aéronautique ni à l’industrie, mais qui a le grand mérite de ramper devant Mme Merkel, est confirmé comme administrateur. Rappelons que c’est cet obsédé de l’euro fort qui s’était attiré les foudres de Louis Gallois, alors PDG d’Airbus, quand il était président de la BCE. L’équation était la suivante : à chaque fois que l’euro monte de 10 centimes, Airbus perd 1 milliard. Sans rancune, EADS fait de lui un de ses dirigeants. Le banquier Michel Pébereau est aussi de la partie. Cet homme a participé à toutes les orgies libérales depuis les années 1990. Dirigeant de la BNP, dont il avait conduit la privatisation et la fusion avec Paribas, il a produit en 2005 un rapport aux allures de manifeste pour l’austérité dans lequel il dénonçait la « préférence française pour la dépense publique ».

Pour le reste, le nouveau conseil d’administration d’EADS reconduit Lakshmi Mittal, le grand industriel qui ne tient pas ses engagements et qui saigne aux quatre veines l’industrie de notre pays en organisant sciemment la hausse des cours de l’acier, dont pâtit d’ailleurs EADS. Doit aussi être reconduit « Sir » John Parker, dont le groupe minier britannique anglo-américan spolie et maltraite les populations des pays dans lesquels il fait ses profits. Doit enfin entrer au conseil d’administration l’Allemand Manfred Bischoff, qui a caché aux Français les problèmes de production des usines allemandes pour l’A380 quand il était président du conseil d’EADS.

La question de la présidence non-exécutive d’EADS aura donc servi de leurre pour masquer le pillage. Pendant que les propositions de l’Etat et des dirigeants d’EADS se neutralisaient sur la question de la succession d’Arnaud Lagardère, l’abandon de l’influence de la France dans cette entreprise hautement stratégique au profit des marchés financiers était acté par la constitution du nouveau conseil d’administration. C’est finalement Denis Ranque qui fait figure de favori pour présider le conseil d’administration. Comme Lauvergeon, ce membre du corps des Mines connaît au moins l’industrie. Mais quoi qu’en disent le gouvernement français et les dirigeants d’EADS, cette hypothèse consensuelle pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur la stratégie du groupe. PDG de Thalès de 2000 à 2009, Denis Ranque s’est principalement intéressé aux activités de défense et de sécurité, au point qu’il a fermement recentré le groupe sur ces deux activités. Cela a eu pour conséquence la vente, sous sa direction, des filiales Service informatique, Navigation et Positionnement GPS, ingénierie et Conseil, électronique et composants industriels civils. Il a initié chez Thalès la logique de filialisation qu’a poursuivie Luc Vigneron. Cette logique conduit à brader des pépites de l’industrie française sur des secteurs que le monde entier nous envie. J’avais d’ailleurs rencontré fin août dernier à Grenoble les salariés de Trixell, en lutte contre le désengagement de Thalès du secteur de l’imagerie médicale. Il faut espérer que Denis Ranque ne continuera pas chez EADS ce qu’il avait commencé chez Thalès.

Ce gaspillage et cet abandon stratégique aux marchés financiers est un crève-cœur. Il se fait alors même qu’EADS aurait tant à gagner et à offrir s’il engageait les grands projets d’intérêt général dont la charge lui revient naturellement : l’investissement dans la recherche sur les nouveaux carburants, le développement de l’avion du futur, la transition écologique du transport aérien. Mais ça c’est un autre monde. Celui de l’industrie et de l’exploit technique. Rien à voir avec le monde mental des agents de la machine à cash qu’est la bande de financiers qui vient de s’abattre sur l’entreprise. Montebourg, lui, est aux abonnés absents.

 

Non au cadeau posthume de Cahuzac à Lagardère !
Communiqué (17 avril 2013)

Mediapart vient de révéler que Lagardère allait pouvoir économiser plus de 500 millions d’impôts en utilisant la niche Copé sur la gigantesque plus value de 1,8 milliards qu’il vient d’empocher en vendant ses actions dans EADS.

Ce cadeau infâme est rendu possible par la décision du gouvernement Ayrault de maintenir la niche Copé sur proposition du ministre Cahuzac. Ce nouveau cadeau fiscal est inacceptable. Lagardère a déjà bénéficié du soutien du gouvernement pour s’enfuir du capital d’EADS qui lui a racheté ses actions au détriment de l’intérêt général.

Afin d’empêcher ce gaspillage, je demande au ministre des Finances Pierre Moscovici d’annuler immédiatement le rescrit fiscal de son prédécesseur Eric Woerth en vertu duquel Lagardère bénéficie depuis plusieurs années de la niche Copé. Je demande aussi l’abrogation pure et simple de cette niche. Cela permettrait d’épargner aux Français la hausse injuste de TVA décidée par le gouvernement pour le même montant (6 milliards).

 

Et en plus, ils privatisent !
Note de blog (17 avril 2013)

Sans bruit, presque en cachette, le gouvernement Ayrault relance la machine à privatiser. Comme toujours avec les solfériniens, la manœuvre est mesquine, ses motivations pauvres et sans vision, sa mise en œuvre honteuse et presque clandestine. Médiapart a lancé l’alerte le 27 mars dernier. De mon côté, ici, j’ai déjà raconté les péripéties lamentables du bradage d’EADS. Depuis, la situation s’aggrave considérablement. Moscovici et Montebourg se disputent la médaille du meilleur liquidateur de la propriété publique.

Dans un article intitulé « Et maintenant, voilà les privatisations« , Laurent Mauduit épinglait la « mini-privatisation » à « haute valeur symbolique » décidée par le gouvernement Ayrault. C’est le groupe Safran qui est concerné. Issu de la SNECMA, c’est un bijou de haute technologie leader mondial des moteurs aéronautiques. Le gouvernement a décidé de vendre 3,12% du capital de Safran. Pourquoi ? Parce que l’Etat était pressé d’empocher près de 450 millions d’euros pour boucler son budget. Misérable. Le sommet du ridicule et de l’absurde est atteint quand on sait que cette vente est destinée à alimenter le capital de la Banque publique d’investissement. Détruire de l’investissement pour alimenter un fonds destiné à aider l’investissement ! Jean Marc Ayrault est le nouveau Shadock de l’économie. Au passage, on découvre que ces pitoyables gestionnaires avaient oublié de nantir le budget pour fonder cette banque ! Et, sans le vouloir, Moscovici fait ainsi l’aveu que la BPI n’est qu’un nain financier !

Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg sont ici à la manœuvre. En tant que ministre de l’Economie et des Finances, et ministre du Redressement Productif, ils partagent la tutelle sur l’Agence des Participations de l’Etat. Cette agence est la structure chargée de gérer le capital détenu par l’Etat dans les entreprises. Elle a été créée en 2004 par la droite. A l’époque, les libéraux vantait la nécessaire « modernisation » de « l’Etat actionnaire » qui devait « gérer son portefeuille » boursier. C’était l’abandon définitif de toute logique industrielle au profit de la logique financière et boursière.

Le pillage a aussi lieu chez EADS. Sous l’impulsion du PS, « l’Etat actionnaire » met ses pas dans ceux du parasite Arnaud Lagardère. Cet oligarque a décidé de se retirer du capital d’EADS. Et il a obtenu qu’EADS rachète ses actions. Bilan de l’opération : 2,3 milliards d’euros de trésorerie d’EADS brûlés dans une opération dont le seul bénéficiaire est Arnaud Lagardère. Ce pillage, j’en ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Il me révolte. Ce lundi 15 avril, on a appris que l’Etat avait décidé de faire la même chose que Lagardère. EADS va racheter une partie de son propre capital détenu par l’Etat français : 1,56% du capital est concerné. Coût de l’opération pour EADS 478 millions d’euros. Entre Lagardère et l’Etat, EADS aura brûlé trois milliards d’euros de cash pour racheter ses propres actions, autant dire pour rien. Et grâce à cette merveilleuse trouvaille, l’Etat va reculer au capital d’EADS, une autre entreprise stratégique, un autre fleuron technologique.

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Le scandale ne s’arrète pas là. En quelque sorte Cahuzac continue de nuire. Médiapart nous apprend que le groupe Lagardère va bénéficier d’une importante exonération d’impôt sur la vente de ces actions EADS. C’est la fameuse « niche Copé » qui est en cause. Cette disposition législative permet à un groupe d’être exempté d’impôt sur les plus values qu’il réalise en vendant des actions de ses filiales. En l’occurrence le groupe Lagardère ne payera presque pas d’impôt sur la plus-value de la vente de ces actions EADS. Cette plus-value est estimé 1,8 milliard d’euros ! Au lieu de payer 600 millions d’euros d’impôt, le groupe Lagardère ne devrait en payer qu’à peine 70 millions grâce à ce dispositif soit, 530 millions d’euros d’exonération fiscale ! L’Etat perd plus d’argent avec ce seul cadeau qu’il n’en gagne en vendant ses propres actions EADS ! Un comble. Cette « niche Copé » a été votée à l’initiative de l’UMP Jean-François Copé en 2004. Mais si ce dispositif existe toujours, c’est à cause de Jérôme Cahuzac, qui a refusé de le supprimer dans le budget 2013. Bien sûr, il a agit avec l’aval de Pierre Moscovici et Jean-Marc Ayrault, probablement aussi de François Hollande. Cette niche coûte jusqu’à 6 milliards d’euros par an. A titre de comparaison, c’est presque autant que ce va prendre François Hollande au peuple en augmentant la TVA le 1er janvier 2014.

Il ne manquait que Montebourg dans ce pauvre tableau. L’obsession comptable a fini par l’atteindre au détriment de tout autre raisonnement politique. Il l’a dit, le 5 avril dernier, dans le Wall Street Journal, le journal des traders américains. Voià ce qu’a déclaré Montebourg : « Dans le cadre de l’effort de restructuration budgétaire (…), nous réfléchissons à des changements dans les participations de l’État » dans les entreprises. Dans Le Figaro, un « proche de Pierre Moscovici » rappelle que « la cession de participations relève du ministre de l’Économie« . Un combat de coq pour savoir quel ministre décide, voila à quoi se résume la politique industrielle de l’Etat dans les entreprises dont il est actionnaire ! Enfin, on aura donc appris que c’est Pierre Moscovici qui est responsable de la braderie chez Safran et EADS.

Moscovici lui non plus n’écarte pas de nouvelles ventes d’actions de l’Etat. Il se gargarise de la vente d’actions Safran. Il précise même que de telles ventes pourraient servir à boucher les trous du budget. Il le dit dans Le Monde de jeudi 18 avril : « Les cessions d’actifs peuvent être mobilisées pour le désendettement ou le financement de dépenses en capital. L’Etat, tout en préservant à l’identique son influence, a ainsi récemment cédé des titres du groupe Safran afin d’apporter des ressources nouvelles à la BPI et financer des investissements d’avenir. Je préciserai la doctrine de l’Etat sur la gestion de son portefeuille ». Il brade et il en est fier ! Attention danger : ce sont des illuminés !

L’industrie de la Défense est aussi menacée. Un nouveau « livre blanc de la Défense » doit paraître dans les prochaines semaines. Il est censé fixer la doctrine militaire et les moyens budgétaires alloués en conséquence. Dans le contexte d’austérité généralisée, l’armée devrait aussi être frappée. D’ailleurs, François Hollande l’a confirmé le 28 mars à la télévision. Il a indiqué que le budget militaire serait gelé sur la période 2014-2020 à son niveau de 2013. Cela signifie donc que chaque année, il baissera du montant de l’inflation. Cela n’a rien a voir avec une quelconque réflexion sur l’industrie d’armement, sa conversion ou sur la nature de nos besoins de défense. Non, juste de la comptabilité. Degré de réflexion politique égal à zéro !

Face à cette politique stupide et dangereuse, certains ont cru intelligent de proposer une autre absurdité : que l’Etat vende certaines participations dans des groupes industriels et technologiques de Défense pour combler les trous et alimenter le budget militaire. Ce serait un marché de dupes. La France y perdrait en souveraineté technologique et industrielle. Ce serait aussi un renoncement insupportable pour la gauche qui, depuis plus d’un siècle, défend la maîtrise publique de l’industrie d’armement.

Ce serait aussi un mauvais coup de plus. Même là où l’Etat est encore actionnaire, la stratégie financière a déjà pris le pas sur la politique industrielle. C’est la Cour des Comptes qui s’est émue de ce problème dans un rapport publié le 12 avril dernier. Pour la Cour des Comptes, sous les gouvernements successifs, l’Etat « a fait preuve de nombreuses faiblesses, se plaçant parfois en risque de perdre le contrôle de certaines activités industrielles de défense, ainsi qu’en ayant des difficultés à faire appliquer ses décisions, voire à s’exprimer d’une seule voix« . En chapeau de son article sur le sujet, le magazine L’Usine nouvelle résume le rapport comme cela : « participations bradées, perte d’influence opérationnelle sur des groupes pourtant sous contrôle actionnarial [de l’Etat], risque d’OPA sur des entreprises stratégiques« .

La Cour des Comptes elle-même, qui n’est pas un territoire du Front de gauche, rappelle que « la présence de l’État au capital des entreprises industrielles de défense est aujourd’hui indispensable« . Elle exige « une amélioration de la protection et du suivi des intérêts stratégiques de l’État« . Elle pointe en particulier le « risque, par exemple, d’une OPA non sollicitée sur Safran, dont 90 % de l’activité est civile« . Oui, vous avez bien lu. La Cour des comptes juge qu’il y a un risque d’OPA hostile sur Safran et le gouvernement Ayrault ne trouve rien de plus intelligent à faire que de vendre 3% du capital de cette entreprise !

La Cour estime aussi que « l’État ne doit plus agir au coup par coup mais adopter une stratégie d’ensemble, préparer les décisions futures et dire ce qu’il attend de ses partenaires industriels« . Mais pendant ce temps, le gouvernement vend « au coup par coup »‘ des actions Safran et EADS.

Enfin la Cour des Comptes alerte sur le fait qu’« une stratégie à long terme sur les partenariats avec le groupe Dassault » est nécessaire compte-tenu du poids pris par ce groupe dans l’industrie de défense française, en particulier par la filiale Dassault Aviation dans le capital de Thalès. La Cour des Comptes va même plus loin : « Désormais, le seul partenaire industriel français est Dassault, ce qui posera tôt ou tard un problème de contrôle actionnarial« . « L’État doit être en mesure de l’anticiper« . Si le gouvernement Ayrault y prête autant d’attention qu’à Safran et EADS, on a toutes les raisons d’être très inquiets.

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On se souvient que le programme du candidat Hollande ne disait déjà rien sur le sujet des entreprises publiques. Parmi les soixante engagements du candidat Hollande, cette question était balayée au point numéro 5. Que disait Hollande ? « Je préserverai le statut public des entreprises détenues majoritairement par l’État (EDF, SNCF, La Poste…). » C’est tout ? Oui. Quand nous proposions la création de plusieurs pôles publics, en particulier dans l’énergie, les banques, les transports, François Hollande promettait seulement de « préserver ». Il prenait donc acte des saccages causés par dix ans de droite. Mais bien sûr, c’est cette pauvre équipe qui avait la vision réaliste et nous les « conforts de l’opposition » comme dit ce pauvre Jean-Marc Ayrault.

En fait, le candidat Hollande ne savait même pas de quoi il parlait. Sinon, il n’aurait pas écrit cette phrase. Car depuis le passage de la droite, EDF et La Poste sont des sociétés anonymes. Ce ne sont donc plus des entreprises sous « statut public ». Ce sont des sociétés de droit privé, soumises aux règles du privé, mais avec des capitaux majoritairement publics. La nuance est importante. Dans les trois entreprises citées par le projet de Hollande, seule la SNCF a encore un « statut public » en tant qu’« établissement public à caractère industriel et commercial ». Et même dans cette entreprise, une privatisation rampante est à l’œuvre notamment à travers la stratégie de filialisation.

Le programme de Hollande était un recul colossal sur le programme historique du Parti Socialiste. Même le programme de Ségolène Royal de 2007 proposait encore au moins de « créer un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF« . Si je vous parle d’EDF et GDF ce n’est pas hasard. C’est Montebourg lui-même qui a évoqué GDF a demi-mot. Dimanche 14 avril sur France 5, il a déclaré « dans certaines entreprises, on a par exemple 36% de participation. On peut passer à 33%, qu’est-ce que ça change ?« . Or 36% c’est précisément la part du capital de GDF-Suez que l’Etat possède encore.

Et l’article du Wall Street Journal dans lequel Montebourg est cité parle expressément d’EDF ou plus exactement d’« Electricité de France SA ». Sous couvert d’anonymat, le journal fait parler « une autre source gouvernementale » qui déclare qu’en cas de ventes d’actions par l’Etat, EDF serait « le choix évident ». L’article rappelle même que la loi actuelle permettrait au gouvernement de vendre 14% du capital d’EDF. Aujourd’hui 84,4% du capital est détenu par l’Etat mais la loi scélérate votée par la droite en 2004 autorise à descendre jusqu’à 70% sans avoir besoin de l’aval du Parlement.

C’est d’ailleurs une raison de venir marcher le 5 mai pour la 6ème République. Comment peut-on accepter que le patrimoine commun des Français puissent être dilapidé, bradé, vendu sans que le peuple n’ait jamais son mot à dire ? C’est un champ de la souveraineté populaire que nous devons conquérir. Il vaut bien sûr pour les grandes entreprises nationales. Mais il concerne aussi chacun dans sa commune et sa vie quotidienne. Par exemple, on pourrait imaginer qu’il ne soit plus possible pour un maire de confier la distribution de l’eau potable à une entreprise privée sans qu’un référendum local n’ait validé cette idée.

Cela éviterait bien des erreurs. En effet, la privatisation d’entreprises publiques est très souvent synonyme de catastrophes technologique, stratégique et industrielle. Je pourrais vous parler de la démolition-privatisation des ex-PTT qui a donné lieu à au monde merveilleux d’aujourd’hui. Ce monde où France Telecom – Orange fait du courrier électronique et où La Poste vend des forfaits téléphoniques. Ou encore de ce formidable progrès qui voit EDF concurrencer GDF sur la distribution du gaz et GDF concurrencer EDF sur la production d’électricité. Au final, bien sûr, ça marche moins bien et ça coûte plus cher. Mais les actionnaires privés s’en mettent plein les poches au passage, comme Vinci avec la privatisation des autoroutes ou les concessions de parkings souterrains et d’aéroports.

 

Hollande abandonne la souveraineté militaire de la France
Communiqué (26 mai 2013)

L’allocution du 24 mai de François Hollande sur la Défense confirme le sacrifice de l’outil de défense sur l’autel de l’austérité, et l’abandon de notre souveraineté en la matière, dans la continuité de la politique de Nicolas Sarkozy.

24.000 nouvelles suppressions de postes seront opérées dans les armées d’ici à 2019 en plus des 54 000 décidées sous Sarkozy. Quant à la promesse de protéger l’industrie de Défense, comment y croire de la part d’un Président qui a, entre autres, choisi de sacrifier l’essentiel de la capacité de décision de l’État français au sein d’EADS ?

En annonçant une « nouvelle étape de la défense européenne » calquée sur la doctrine de la Smart defence conçue par l’OTAN, donc les États-Unis, qui entendent par là « mutualiser pour mieux régner », François Hollande poursuit l’enfermement de la France dans le dispositif atlantiste. Il a cru utile de préciser, pour rassurer une oligarchie transatlantique qui le savait déjà, que « la défense européenne ne sera ni contre, ni sans les États-Unis ». Il aurait par honnêteté pu ajouter qu’elle se fera largement « pour eux » !

La France « peut parler parce qu’elle a les moyens aussi de se faire respecter », a précisé François Hollande. Cet « élément de langage » ne trompera pas ceux qui attendent que la puissance militaire de la France, nation à vocation universaliste depuis trop longtemps enfermée dans un cadre occidentalo-atlantiste, soit mise au service d’un autre monde.

Je demande solennellement au président de la République d’ouvrir le débat sur les orientations de notre pays en matière de Défense. L’abandon de ce pan décisif de la souveraineté de la République est un choix trop grave pour être décidé par quelques cénacles aux esprits formatés par des années de renoncement. Ici comme ailleurs, place au peuple !

 

Hollande bavarde dans l’industrie
Note de blog (13 septembre 2013)

François Hollande a, paraît-il, défini un plan pour l’industrie française. C’était jeudi 12 septembre. Le président a égrené pas moins de 34 plans pour autant de filières industrielles. Bien sûr, les objectifs technologiques sont parfois ronflants : TGV du futur, voiture consommant moins de deux litres pour 100 kilomètres, robotique, etc. Le talent et le dévouement des ingénieurs, techniciens et ouvriers français n’est pas en cause. Heureusement qu’ils sont là. Car le plan Hollande est est affligeant.

Ces 34 plans sont un cache-misère. Le ministre Montebourg ne s’en cache même pas. Là où il faudrait 3 millions d’emplois pour remettre le pays en route, il a annoncé que l’objectif était « 475 000 emplois sauvés, confortés ou créés » en dix ans. Chacun notera la nuance entre un emploi « sauvé » et un emploi « conforté ». Sans oublier de noter l’amalgame entre un emploi « sauvé » et un emploi « créé ». Même en comptant les emplois « sauvés », c’est très faible. Entre 2002 et 2012, sous les gouvernements de droite, la France a perdu 750 000 emplois industriels. Avec Hollande, en 2023, la France n’aura pas retrouvé son niveau d’emploi industriel de 2002. Sous Lionel Jospin, en cinq ans, 2 millions d’emplois furent crées. Pour les solfériniens, le futur n’est jamais un progrès.

Déjà, le bilan de François Hollande en matière d’industrie plaide contre lui. Faut-il rappeler la fermeture des hauts-fourneaux de Florange et le compromis pourri passé entre Jean-Marc Ayrault et Mittal ? Faut-il rappeler l’obstruction du gouvernement pour empêcher la reprise de la raffinerie Pétroplus ? Que dire de l’absence du gouvernement Ayrault aux côtés des salariés de Fralib qui produisent le Thé Eléphant ? Que penser du refus des solfériniens de voter la proposition de loi du Front de Gauche contre les licenciements boursiers ?

Ce bilan en dit long sur les projets à venir. Hollande entend développer les « textiles techniques et innovants ». Mais il a été incapable de faire appliquer les décisions de justice favorables aux salariées de Sodimédical qui produisaient des textiles médicaux. Il veut développer la voiture du futur roulant sans conducteur ou consommant très peu. Mais qui va l’inventer et la fabriquer, puisque Renault et PSA suppriment des milliers d’emplois, y compris dans la recherche ? François Hollande veut aussi que la France invente « l’usine du futur« . Mais il laisse fermer toutes les usines du présent, comme l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois ! Hollande veut aussi que la France invente le « TGV du futur ». Mais où circulera-t-il ? La politique actuelle ferme les lignes de circulation. Et encore une contradiction : qui remarquera que la politique d’austérité du gouvernement entraîne l’abandon de plusieurs projets de lignes ferroviaires à grande vitesse, quoique l’on pense d’elles de notre côté ?

Ce n’est pas fini. Le gouvernement continue de laisser mourir des fleurons de notre industrie. Il a laissé l’équipementier télécom Alcatel-Lucent dans les bras de Goldman Sachs. L’entreprise a fini par accepter de placer ses brevets comme garantie d’un emprunt. La défaillance financière se solderait par un recul technologique terrible pour le pays et a sa mort dans le domaine de la téléphonie. Et le gouvernement Ayrault a laissé faire. Les financiers ont tellement mis la main sur l’entreprise industrielle que le nouveau directeur financier d’Alcatel, Jean Raby, est un ancien associé de la banque Goldman Sachs ! Avec le rachat de Nokia par Microsoft, le sabordage d’Alcatel est l’autre drame pour l’industrie européenne des télécoms. N’ayant rien fait jusqu’ici, on se demande bien ce que fera le gouvernement Ayrault à propos de son plan pour la filière « souveraineté télécom ».

Tout le reste est à l’avenant. Le plan Hollande pour l’industrie table sur 68 000 à 94 000 emplois « sauvés ou créés » par la transition énergétique. Quelle ambition ! Car les chercheurs réunis dans le réseau Négawatt estiment que la transition énergétique pourrait créer 439 000 emplois d’ici 2025, et même 630 000 d’ici 2030. Hollande propose de faire six fois moins ! Même ambition rabougrie dans le traitement réservé à la politique de la mer. Parmi les 34 plans filières, seul un y est spécifiquement consacré. Il s’agit de la construction de « navires écologiques« . Et encore, il n’y est même pas question de l’activité de déconstruction et désamiantage des navires actuels. Quant aux énergies marines, elles sont à peine évoquées au milieu de toutes les autres énergies renouvelables. Parce que l’entreprise qui produit les hydroliennes est nationalisée ?

Hollande n’a pas de politique industrielle. Il répète le même disque rayé de la politique de l’offre. Pour parler d’industrie, il ne connait que deux mots : « innovation » et « compétitivité ». La seule politique de Hollande consiste à faire des cadeaux fiscaux aux actionnaires et à laisser faire. Il a même théorisé le recul de l’Etat dans l’industrie. A propos des 34 plans, il a asséné : « Ces plans ne sont pas sortis de nulle part. Ils ne sont pas sortis de l’esprit de fonctionnaires, par ailleurs nécessaires, mais qui n’ont pas toujours la connaissance de ce que peut être l’industrie de demain, ni de l’esprit de ministres, par ailleurs nécessaires, mais qui n’ont pas toujours la clairvoyance de l’économie et de l’industrie de demain« . Le mépris pour les fonctionnaires qui ne « savent pas » ce que c’est que produire est typique de la mentalité aigre du rentier très mal informé des réalités du temps long dans l’industrie. C’est le truc du zozo qui croit qu’Ariane Espace et le TGV ont été inventés, mis au point, financés et commercialisés par les Steeve Job de Courbouzon sur Marne.

Hollande, en réalité, produit une rupture dans l’histoire industrielle de notre pays. Depuis toujours, en France, l’Etat a un rôle moteur, stratégique dans l’industrie. Il veut faire oublier cette vérité. On comprend pourquoi. Il brade tous les résultats de décennies d’effort national. Il a notamment relancé les privatisations en vendant des actions de Thalès et d’EADS. Pour Hollande, l’Etat, c’est le passé : « Les plus anciens se souviennent d’une période où les grands projets étaient lancés d’en haut, d’Ariane au TGV, du Concorde au nucléaire. Nous en sommes légitiment fiers. Mais gardons-nous de toute nostalgie. Les conditions ont changé. Nous sommes au nouvel âge de la mondialisation. Il ne s’agit pas de revenir aux grands plans des années 1960 ou 1970. L’État n’a pas à se substituer aux initiatives privées car ce sont les industriels qui connaissent les marchés, mais il lui revient de définir des priorités, un cadre, d’accompagner, de stimuler. » Ridicule pensée de boutiquier nourri aux éditos du « Monde » qui croit, s’il croit quelque chose, que les services sont le cœur de l’économie moderne.

Mais quand bien même ! Même pour faire du Hollande, il faut des moyens. Pourtant, sa politique revient à se lier les mains dans le dos. Hollande et Montebourg ne s’en sont pas cachés : ces 34 plans n’auront droit pratiquement à aucun financement public. Au mieux, ils devront se partager 3,5 milliards d’euros datant du Grand emprunt de Nicolas Sarkozy. Cela fait tout juste 100 millions d’euros d’argent public par filière en moyenne. Bon courage pour inventer le « TGV du futur » à ce prix là ! Après quoi, c’est « l’initiative privée » qui devra prendre le relai. Montebourg l’a dit clairement sur Europe 1 : « Il ne faut pas considérer que ça coûte beaucoup parce qu’en vérité, l’essentiel sera financé par l’investissement privé« . Si on avait appliqué le même raisonnement dans le passé, on attendrait encore la fusée Ariane, le TGV, Airbus, les satellites et combien d’autres merveilles technologiques dont la France n’a pu se doter que grâce à son Etat.

La stratégie Hollande est vouée à l’échec. Aucune politique industrielle ne pourra réussir sans un changement radical. Rien ne sera possible sans une baisse drastique du coût du capital. L’économie et les entreprises françaises sont asphyxiés par l’impôt privé que représentent les dividendes versés aux actionnaires et les intérêts payés aux banques. Ces prélèvements du capital sont incompatibles avec les investissements publics et privés indispensables pour financer la planification écologique.

Et aucune filière industrielle ne pourra se développer sans une remise en cause de l’ultra-libéralisme qui sévit en Europe. La politique de la concurrence « libre et non faussée » pousse au démembrement des champions nationaux comme EDF avant-hier ou EADS hier. Et le libre-échange généralisé condamne l’industrie française face à la concurrence déloyale et au dumping social, fiscal et écologique. Seul un protectionnisme solidaire permettrait de reconstruire une industrie digne de ce nom en France. Hollande n’a rien dit de tout cela. Et pour cause : il s’oppose au protectionnisme solidaire en Europe. Sa politique s’écrit avec un papier carbone sous la main des androïdes de la Commission européenne.

 

EADS : trahison et désastre social
Communiqué (9 décembre 2013)

Depuis des mois les libéraux du gouvernement Ayrault bradent discrètement les industries de souveraineté en les remettant clefs en main aux aléas de la finance internationale. C’est le cas d’EADS où, sans consulter le Parlement ni ses commissions de la défense, François Hollande a cédé toute autorité sur l’entreprise. Strauss-Kahn en son temps avait déjà honteusement abandonné à Lagardère la gestion des intérêts de l’Etat dans l’entreprise. A présent, voici le désastre social. Bientôt viendra le dépeçage. L’intérêt national et la souveraineté sont trahis.

La facture industrielle et sociale du désengagement de l’Etat dans EADS n’aura pas mis longtemps à arriver.

En décembre 2012, François Hollande acceptait la « nouvelle gouvernance » du groupe : recul des Etats en général et de la France en particulier dans le capital du groupe et augmentation du capital flottant soumis aux aléas boursiers.Cette nouvelle gouvernance avait pour seul but d’empêcher tout veto des Etats dans les décisions du groupe comme l’exigeait Tom Enders, le libéral allemand qui sert de directeur exécutif à EADS.

Un an après, le bilan risque d’être sans appel : plus de 5 000 emplois seraient supprimés sur l’autel de la financiarisation du groupe et de la fusion des branches Défense et Espace. Hollande-Ayrault le savaient depuis le début.

Les salariés d’EADS paient ainsi le prix social de la logique libérale de François Hollande du « moins d’Etat ».
Je demande qu’une commission d’enquête parlementaire soit saisie pour mettre à plat les conditions dans lesquelles l’intérêt national a été abandonné, les responsables de cette trahison et la légalité des décisions prises par le gouvernement ou ses mandants en la matière !

Espionnage : l’Allemagne sous-traitante de la NSA
Communiqué (24 avril 2015)

Le gouvernement Merkel vient de reconnaître que les services secrets allemands ont agi en sous-traitants des espions américains de la NSA. Les aveux ont été faits par un porte-parole d’Angela Merkel et révélés par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel.

La France, ses entreprises et ses ressortissants figureraient parmi les principales victimes de cet espionnage américano-allemand. On savait que la NSA avait espionné Alcatel. On apprend que les services allemands ont espionné l’entreprise EADS. Auraient aussi été visés plusieurs responsables politiques et des hauts fonctionnaires européens, « notamment Français ».

Cet espionnage est inadmissible. Le parti de gauche allemand Die Linke demande l’ouverture d’une enquête pour « trahison ». Une enquête doit aussi être ouverte en France. La complaisance à l’égard des États-Unis et du gouvernement allemand a assez duré !

L’Allemagne espionne la France mais Hollande ne dit rien
Extrait de note de blog (6 mai 2015 )

La réaction du gouvernement français à l’espionnage allemand est une humiliation de plus pour notre pays. Le ministère des Affaires étrangères et la présidence de la République ont été espionnés ! La France espionnée par l’Allemagne au service des États-Unis : un espionnage entre prétendus alliés de premier rang ! La réaction du gouvernement français est lamentable. Il aura fallu 10 jours avant qu’une parole officielle ne soit prononcée ! Et encore, le ministère des Affaires étrangères a seulement fait fuiter aux journalistes quelques éléments de langage mais ne s’est même pas donné la peine de rédiger un communiqué officiel. Que dit la fuite ? Que cette affaire d’espionnage appartient au passé, que la France ne demande ni excuses ni enquête. « Les informations évoquées dans la presse sur des activités de renseignement entre alliés ne sont pas nouvelles. L’Allemagne a fait le nécessaire pour rétablir une confiance mutuelle ». Bref, la France accepte d’avoir été, et peut-être d’être encore, espionnée par l’Allemagne. Une honte. L’Autriche porte plainte. La France se tait.

Du côté de François Hollande, le silence est assourdissant. Voici désormais plus de 10 jours que les premières révélations sur l’espionnage de la France par l’Allemagne ont été publiées. Qu’en pense François Hollande ? Vous n’en saurez rien, il n’a pas d’avis. François Hollande manque à ses devoirs les plus élémentaires. Car l’article 5 de la Constitution précise pourtant que le Président de la République « est le garant de l’indépendance nationale [et] de l’intégrité du territoire ». Confier un tel devoir dans les mains d’un seul homme, c’est prendre trop de risques !  On voit la limite quand celui-ci ne fait rien. La monarchie présidentielle de la 5ème République limite la force du pays a celle de la personne qui le représente.

Un désastreux encouragement est ainsi donné à tous ceux qui veulent nous espionner. Seule l’entreprise Airbus à choisi de porter plainte. Je la félicite. Mais quelle tristesse d’être réduits à attendre la décision d’une entreprise privée pour que s’ouvre une enquête après de telles révélations ! Et que penser d’un gouvernement qui laisse ses fleurons industriels comme Alcatel et Airbus être espionnés par ses prétendus alliés sans les défendre ? Car l’Allemagne est partie prenante de la gestion d’Airbus, ancien EADS rebaptisé. Et la période d’espionnage, correspond justement à une période où l’Allemagne cherchait à renforcer sa position dans ce groupe. En Allemagne, cette forfaiture est dénoncé comme un acte de trahison ! En France ? Rien dans la presse. Rien. Royal baby et Le Pen a tous les plats

L’attitude de François Hollande est d’autant plus condamnable que l’affaire fait scandale en Allemagne. Le gouvernement est sommé de s’expliquer. Nous savons ainsi que le BND, le service de renseignement allemand a espionné des entreprises, des responsables politiques et des hauts fonctionnaires européens, « notamment Français », pour le compte des Etats-Unis d’Amérique. Angela Merkel est directement visée par ces révélations. En effet, les services de renseignements allemands, le BND, sont placés directement sous l’autorité de la chancellerie et donc de la chancelière. Le gouvernement essaie de se défausser sur les services en parlant de « faiblesses techniques et d’organisation ». Comme si le choix d’espionner la présidence de la République française pouvait avoir été prise sans autorisation politique ! Et, si la pression est trop forte, Angela Merkel essaiera sans doute de se cacher derrière le ministre qui est rattaché à la chancelière. Les fusibles existent aussi de l’autre côté du Rhin.

En Allemagne, mes camarades de Die Linke ont réclamé l’ouverture d’une enquête pour trahison. Les Verts allemands exigent aussi de savoir la vérité. Les sociaux-démocrates allemands eux, font des phrases comme d’habitude. Ils critiquent Angela Merkel, mais ils participent à son gouvernement. Et ce sont eux qui, au début des années 2000, ont développé le système actuel d’espionnage et les liens avec les services des États-Unis après le 11 septembre 2001.

La France devrait hausser le ton. Madame Merkel doit s’excuser. Au moment où Edward Snowden a révélé que les États-Unis avaient espionné son propre téléphone portable, Madame Merkel s’était exclamé « l’espionnage entre amis, ça ne se fait pas ». En fait, elle faisait la même chose pour le compte des États-Unis contre la France. Les liens étroits entre l’Allemagne et les États-Unis derrière le paravent de l’OTAN ne sont pas une nouveauté. J’y consacre d’ailleurs un chapitre de mon livre qui parait jeudi 7 mai.

La complaisance à l’égard des États-Unis et du gouvernement allemand a assez duré ! Mais plusieurs médias ont souligné les causes profondes du silence gêné des autorités françaises. Le quotidien allemand Tageszeitung se permet d’ironiser sur notre devise républicaine en titrant « liberté, égalité, ça m’est égal(ité) ». Il s’étonne du « silence stratégique » du gouvernement français. Et explique qu’ « il n’est pas surprenant que le gouvernement se taise. Car mardi [5 mai], il fait adopter une vaste loi élargissant les compétences des services secrets en terme de surveillance. Par conséquent, il n’a simplement aucun intérêt à réagir à un scandale d’espionnage ».

Une autre raison aussi peu glorieuse est avancée. Le gouvernement français ne proteste pas trop fort contre l’Allemagne car… son budget et ses plans de réformes doivent être validés par la Commission européenne et les chefs d’Etats européens dans les prochaines semaines ! Et Hollande, Valls et Sapin comptent sur le fait que le gouvernement allemand ne sera pas trop sévère avec eux. Car eux savent bien de quel poids pèse Madame Merkel dans les décisions de l’Europe allemande. Le gouvernement français est tenu en laisse. En l’occurrence, le caniche est consentant puisque François Hollande n’a pas renégocié ce traité budgétaire. La soumission au traité budgétaire, à l’austérité et à l’ordolibéralisme n’en finit pas de rabaisser la France.

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