« Le peuple doit récupérer
le pouvoir souverain »
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- Nous ne mourrons pas avec Hollande
- A propos du mouvement sixième République
- La semaine glauque de la Ve République
- Manuel Valls capitule sans condition à Berlin
- La bêtise du « modèle allemand »
- Connaissez-vous Rosen Hicher ?
- Je signe pour la 6e République !
- 6e République : la souveraineté populaire jusqu'au bout – Tribune publiée dans Le Monde du 19 septembre 2014
L’ambiance est plombée en France. Le passage du Sénat à droite avec ses deux élus venus du Front national prend place dans le paysage sinistré que la présidence de François hollande a créé. Au chômage de masse qui désespère tout le monde s’ajoute une crispation généralisée qui répand la violence dans les rapports humains les plus divers. Le meurtre d’Hervé Gourdel est survenu dans ce contexte déjà tellement lourd. Si toutes les paroles publiques sur le sujet ont voulu resserrer les liens, il ne faut pas se cacher les dégâts psychologiques qui ont fracturé la couche profonde du pays déjà harcelée par des semaines de campagne médiatique contre les musulmans. La présentation des résultats du mois d’août du chômage voulait être euphorisante. Mais le nouveau bidouillage fut vite démasqué. Il n’y a pas 11 000 chômeurs de moins quand il y a 28 000 radiations supplémentaires par rapport au mois précédent. C’est le chiffre de radiations le plus élevé depuis le bug de l’an passé ! Tout ça ne va pas s’arranger. Le chômage va s’aggraver puisqu'une quasi-récession généralisée s’installe en Europe.
Dans ce post, je fais un tour d’horizon sur la semaine si révélatrice qu’a été celle où Hollande a fait une conférence de presse et Valls court à Berlin capituler. Et bien sûr, je donne des nouvelles du mouvement sixième République qui vient de franchir un seuil important. J’indique à mes lecteurs que j’ai eu l’occasion d’approfondir mes explications à propos de ce mouvement dans la longue interview que Politis a bien voulu réaliser avec moi après que j’ai aussi publié une tribune dans «Le Monde ». Tous ces documents peuvent aider qui le veut à argumenter pour convaincre autour de soi. Enfin, je parle d’une femme et de son combat. Rosen Hicher marche en solitaire pour l’abolition de la prostitution. Le coup d’œil que vous donnerez à ces lignes sera comme quelques pas avec elle.
Nous ne mourrons pas avec Hollande
Le retour de Sarkozy sur le devant de la scène va relancer le cycle de l’extrême-droitisation de la parole de la droite officielle. Il aggravera les ravages déjà opérés par Manuel Valls dans ce domaine. L’extrême droite lepéniste s’en nourrira pour préparer de nouveaux débordements. D’ailleurs, ce sont ses réseaux qui mènent le bal dans la préparation du 5 octobre, jour où l’extrême droite et la droite reprennent la rue pour une marche à Paris. En face : le vide. La « gauche » officielle de François Hollande et Valls achève de discréditer le mot chaque jour. Le PS n’est plus en état d’agir de quelque façon que ce soit à part des actions occupationnelles comme ses « Etats Généraux ». Les frondeurs ont montré la limite de leur action. Il s’agit pour l’instant d’un simple rapport de force interne entre membres du PS sans signification concrète pour le pays. Le cordon sanitaire posé par ses nombreuses figures pour tenir à distance le PG et « Ensemble » montre bien combien la vieille manœuvre pour découper en tranche le Front de Gauche n’est pas réservée qu’à l’équipe Valls. Du coup, on comprend qu’il s’agit d’une manœuvre d’un secteur du PS qui travaille à l’avènement d’une personnalité providentielle issue de la maison du type de Martine Aubry. Historiquement, « la fronde » préparait déjà une révolution de palais. Rien à attendre de ce côté-là non plus. Par ailleurs, les syndicats restent divisés et on les voit à la peine pour mobiliser au plan interprofessionnel tant les coups reçus du gouvernement PS ont été rude. Et nous ?
Je crois que nous devons en rester au meilleur de notre expérience. C’est l’action qui protège notre cause et fortifie nos moyens d’action. La force va à la force. C’est pourquoi la proposition de faire une marche, à la mi-mandat de François Hollande, faite par le Parti de Gauche me parait être la bonne idée dans le contexte dépressif du moment. D’abord pour ne pas abandonner la rue à la droite et l’extrême droite. C’est à dire pour affirmer l’existence d’un peuple qui maintient ses revendications de partage des richesses, de paix hors de l’Otan, de volonté d’en finir avec la monarchie présidentielle. Ensuite pour maintenir allumé le fanal du futur : non, nous ne mourrons pas avec Hollande. Il n’agit pas en notre nom, il ne nous représente pas, le combat de tant de générations militantes continue sous ses propres mots d’ordre et son objectif est d’avoir le dernier mot.
A propos du mouvement sixième République
Le lancement de notre mouvement sixième République est un processus. Une chose qui se construit d’elle-même. Pour cela, elle doit venir de la base de ceux qui en comprennent l’enjeu. Le cœur de l’idée est que la souveraineté populaire doit être reconquise dans une société où gouvernent la finance et le pouvoir très concentré de quelques-uns. Ce mouvement est pour l’instant un mouvement de signataires. Il sera demain celui du peuple lui-même. Voilà pourquoi l’objectif de cent mille signatures est fixé comme un seuil de la puissance qu’il se donne pour agir à cette étape. Comme la forme de ce que nous entreprenons est totalement nouvelle, nous tâtonnons. Mais le rythme d’avancée me semble bon. Nous passons bientôt les 40 000 signatures. Je ne crois pas exagérer si je dis que c’est un beau succès. Je vois maintenant que beaucoup de signataires commencent eux-mêmes à faire circuler l’information et recrutent à leur tour de nouveaux signataires. Un appel de personnalités a été publié. C’est très réconfortant par la diversité des milieux professionnels d’origine. Et surtout c’est un bon coup de main pour accréditer notre idée. Cela montre une autre France que celle du personnel politique officiel. Et cette France s’implique dans l’idée la plus politique de toute : redéfinir les droits du peuple et les institutions qui vont avec. Cela nous donne un rayonnement dans les directions les plus diverses et dans des secteurs qui ne sont pas ceux de l’action politique d’habitude.
C’est un aspect très important de notre action. Elle ne doit pas être réservée aux habitués, même si l’appui de ces derniers est très important pour construire un rassemblement large. Il y aura bientôt d’autres listes de ce type, et notamment une nouvelle liste de personnalités. Je ne crois pas que nous reproduirons la méthode du texte amendé et signé par compromis entre tous ceux qui le prennent en charge. Car au fond c’est plus simple et plus juste que chacun, s’il le souhaite, donne ses propres motivations par lui-même. Le mini-texte proposé à la signature me parait un contrat simple et clair entre nous, sans enfermer ni réduire les motivations et analyses qui nous ont conduit, chacun, à cette conclusion qu’il faut réviser de fond en comble la règle du jeu de notre pays. Avec ces textes, nous pourrons donc avoir de cette façon de bons arguments de motivation dans lesquels chacun picorera selon ses besoins. Je sais aussi que de nombreux amis prennent déjà des initiatives de terrain. Jusqu’à du porte à porte ! Mais j’ai noté qu’il y avait des « ateliers constituants » qui se constituaient et cela m’a paru très prometteur. Je pense que ça doit être délicat à mener, mais c’est une formidable façon d’apprendre tous ensemble et d’enraciner les idées. Evidemment je n’ai ni à approuver, ni le contraire.
Le mouvement se construit par et dans l’action depuis la plus modeste jusqu’à la plus complexe, et les initiatives appartiennent à ceux qui les déclenchent. A chacun d’entre nous de rappeler sans cesse que nous n’avons pas de modèle ni de consignes et donc ce qui se fait partout est nécessairement expérimental. Toutefois, pour éclairer votre lanterne je vous place ici un lien vers le site « Mémoire des luttes » qu’animent d’ailleurs deux signataires au moins de notre appel, Bernard Cassen et Christophe Ventura. L’article documenté évoque la mobilisation au Brésil pour la convocation d’une assemblée constituante. Il s’agit d’une campagne militante de terrain avec une votation citoyenne appelé « référendum citoyen ». Le Parti de Gauche a la chance d’avoir un comité sur place animé par des Français expatriés comme il y en a dans de nombreux pays d’Amérique du sud et du monde. Nos camarades sont très impliqués dans cette mobilisation. Et je peux donc suivre ce qui s’y passe. En fait, la vérité est que nos amis sont sur les dents et qu’ils ont peu de temps pour l’écriture. Mais nous avons des nouvelles au fur et à mesure.
A cet instant je vous copie un extrait du courrier que nous avons reçu du Brésil. « Bonjour à tous, le résultat du référendum a été annoncé hier soir : 7 754 436 Brésiliens, soit 5,44% de l'électorat ont voté au référendum. Parmi eux 97,05% ont dit “oui” à une nouvelle constituante. Le résultat est de taille car, par exemple, pour proposer une loi d'initiative populaire, le minimum de signatures requis n'est que de 1% de l'électorat. La mobilisation, qui a duré plusieurs mois, a compté avec la participation de 2 000 comités populaires, 450 organisations sociales, 100 000 militants, répartissant environ 40 000 urnes dans tout le pays. Les urnes seront remises aux pouvoirs représentants à Brasilia le 14 et 15 octobre, c'est à dire 10 jours après le premier tour des élections présidentielles. Durant toute la période, la campagne a fait l'objet d'un fort blocus médiatique. Alors que d'importantes personnalités se sont publiquement manifestées en faveur du référendum, les principaux médias du pays n'en ont pas touché mot, publiant au contraire quelques éditoriaux qualifiant la campagne de “coup d'état bolchévique”. Il s'agit maintenant de faire pression durant la campagne électorale présidentielle et de continuer le travail de base afin d'informer et sensibiliser la population sur le sujet et poursuivre ainsi la mobilisation. » Que ces lignes vous aident à trouver l’énergie dont nous avons tous besoin. Car nous, ici, nous avons passé un sale moment de monarchie présidentielle.
La semaine glauque de la Ve République
C'était la semaine glauque de la Ve République ! Une caricature de la monarchie présidentielle s’est jouée dans la solennelle salle des conférences à l’Elysée ! C’est pourquoi l’évènement me semble de plus longue portée que l’instant lamentable où il eut lieu. Car l’envers misérable du décor se vit bien vite. Ce décalage entre les apparences et la réalité contient si bien l’épisode actuel de la vie du pays. Il y a eu moitié moins de monde pour écouter le président de la République que la fois précédente, en dépit de la mise en scène impériale de la prise de parole présidentielle. Une salle ou pas un journaliste de la presse étrangère n'a été autorisé à intervenir ! Une salle où un premier rang étrangement composé « d'anciens journalistes de TF1 » et de « journalistes indépendants » s'agite pour avoir la parole jusqu'à l'obtenir. Deux indices montrant que la composition et la tenue de la salle n'ont pas été maîtrisés. « Le premier rang, c'est du sérieux ! » déclare même le président goguenard, tournant à la blague l'étrangeté de cet instant qu'il avait lui-même provoqué en faisant donner le micro aux agités ! Quant aux questions posées, la plupart en restèrent aux aspects les plus superficiels de l'agitation médiatique du moment.
François Hollande occupa l'espace et le temps en répétant les bavardages creux qui sentent si fort l'homme sans prise sur rien. À cet instant, son pouvoir ne tenait plus qu'au lieu et à la fonction. Il n'a d'ailleurs strictement rien annoncé ni pour le présent ni pour le futur. La veille même, son Premier ministre s’était réservé le bon morceau : annoncer l’abolition de l’impôt sur le revenu pour la première tranche. Toute l'importance du moment se concentra donc sur l'acte le plus monarchique de son intervention : nous apprendre que la France entre en guerre en Irak. Un jour plus tard, les frappes commençaient. Le Parlement n’eut à en connaître qu’une semaine plus tard. Et il ne fut pas autorisé à voter. C’était donc, ce jour-là, une annonce consternante à tous égards. Mais elle tenait ici le rôle essentiel : nous rappeler le pouvoir considérable de cet homme qui paraissait pourtant si insignifiant tandis qu'il parlait. Personne n’ayant eu l’impertinence de lui demander ce qu’il pensait de l’amenuisement progressif de sa majorité parlementaire. Ni du fait que le Premier ministre ait perdu la confiance de trente députés de plus de son propre parti en quatre mois. Il n’eut donc à s’expliquer ni à se justifier de rien. Pas même quand on lui soumit le texte de son livre où il annonçait qu’il lui faudrait s’en aller si les élections lui donnaient tort à mi-mandat. Il lui fut permis de ramener tout cela au vote de l’Assemblée sur la confiance. Et ce fut même l’occasion d’annoncer qu’en cas de refus de la confiance par les députés socialistes il aurait dissous l’Assemblée. Bref, le contraire de ce qu’il venait de dire. Mais l’avertissement pour le débat budgétaire a été donné. L’allure et le ton monarchique passèrent tout tranquillement. Mais dans le vide.
Toute cette comédie est venue comme une illustration de ce que nous pouvions dire de plus cruel à propos des institutions de la Ve République. Il est frappant que cette comédie ait eu lieu la semaine ou naissait dans la presse du pays une discussion sur la nature du régime et sur sa responsabilité dans le caractère devenu évanescent de sa vie politique. Les jours suivants tombèrent les sondages qui créent cette ambiance si particulière désormais. On apprit ainsi qu'une majorité écrasante « des Français » pensait ceci ou cela de ce que le président de la République avait dit, de l'impression qu'il avait donnée, et ainsi de suite. Étrange pertinence de cette « majorité de Français » quand on veut bien se souvenir qu'il n'y eut qu'un million quatre cent mille téléspectateurs pour regarder le chef de l'État sur leur téléviseur… En fait la situation est pire que la décrivent les sondages. La vérité est que la parole des gouvernants, même la plus éminente, n'a plus aucune portée sur le pays. Tout ce qui en vient semblent former une vaine agitation sans objet réel sinon une permanente manifestation d’impuissance. La suite du spectacle l’a confirmé.
Au-delà de tout ce que l'on peut penser du personnage, de son programme ou de ce que l'on voudra à son sujet, le retour de Nicolas Sarkozy, une fois mis de côté le suspense médiatique préfabriqué, reste un événement totalement incongru. Pourquoi revient-il, que fait-il au juste ? Si on se pose ces questions vu depuis la vie ordinaire des gens du commun, le retour de Nicolas Sarkozy semble recommencer une pièce déjà jouée. Une pièce dont l'inutilité fait désormais partie de la mémoire commune des Français. Car on a déjà essayé Sarkozy, on l'a échangé pour Hollande, et tout cela n'a servi à rien. Aucun problème n'a été réglé et d'abord pas celui du chômage qui crucifie la population. Je ne suis pas en train d'énoncer une opinion personnelle. Je décris le tableau tel qu'il est perçu par ceux qui me parlent quand je les pousse à me donner leur avis sur un sujet qui par ailleurs ne les intéresse pas spontanément ! Mais ce dont on peut être certain, c’est que ce retour, c’est un peu la scène de l’arrivée des vautours autour d’une bête qui agonise. Il n’y a aucun risque à prendre. Il suffit d’attendre sur la bonne branche et de s’approcher le plus possible pour accéder le plus vite possible à la charogne le moment venu.
« N’importe qui battra François Hollande », dit François Fillon, à juste titre. Dès lors, la compétition à droite gagnera en intensité. Comptons sur Hollande pour l’exacerber. Mais tout le champ politique suivra le déplacement du centre de gravité que la présence et le programme de Nicolas Sarkozy vont provoquer. Et on verra les éditoriaux se polariser : « vers le centre ou vers l’extrême-droite » ? Tout cela sur fond d’une certaine urgence. Car l’agonie accélère. Le Premier ministre a demandé un vote de confiance et il n'a pas obtenu la majorité absolue des députés du pays. Mais il reste à son poste. Le président de la République a convoqué la presse pour tracer ses perspectives : cela n'intéressait personne et le jugement final fut écrasant contre lui. Mais il reste en place. Et ainsi de suite. Seuls des esprits superficiels peuvent croire que les « lois de la physique politique » peuvent être bravées indéfiniment. Mais l'expérience de l'Histoire nous apprend que cela n'est pas possible.
De quelque façon qu'on prenne le problème, tout ceci tient en une phrase : ce gouvernement est légal mais il n'est plus légitime. À partir du vote de confiance en réalité refusée, cette équipe n'a plus aucune possibilité de rebond, plus aucun avenir à moins d'appeler par ce nom une agonie sans fin. Cela signifie que cet attelage est à la merci du moindre chaos du chemin. Dans la sphère politique, les conditions sont réunies pour qu'un événement fortuit, même mineur, jette tout le cortège au fossé. La discussion budgétaire est le rendez-vous qui peut précipiter beaucoup de choses. D’autant que le couple Premier ministre-président, traditionnellement instable, est aussi mal en point que leur situation commune devant le pays les y pousse. Mais n’importe quoi d’autre, même bénin peut faire chavirer. Comme nous connaissons la perversité du président, il faut imaginer le pire. Que peut-il espérer de sa politique d’ici la fin de son quinquennat qui le remette en selle ? Rien, cela va de soi. La seule situation qui lui redonne la force de sa position c’est évidemment la dissolution suivie d’une cohabitation avec la droite. Outre le plaisir de diviser la droite en choisissant le Premier ministre, il lui serait alors loisible d’attendre au chaud que les autres fassent le sale boulot, tout en jouant des poisons et dentelles de la cohabitation et de la paralysie de son parti tétanisé par la situation.
Manuel Valls capitule sans condition à Berlin.
On ne doit pas croire pour autant qu’en s’affaiblissant le pouvoir laisse un vide. Tout le contraire. Il recule ? L’adversaire avance. Seule la sottise des poulets d’élevage leur fait croire que les renards sont des chiens comme les autres. Hollande et Valls se croient très malins de penser détourner la force de leurs adversaires en leur faisant des simagrées d’amitié. « J’aime les entreprise », « j’aime l’Allemagne ». Mais ceux-là n’ont pas d’affect, juste des intérêts qui avancent où reculent au gré des rapports de force. Ce lundi 22 septembre, le voyage à Berlin de Manuel Valls fut un désastre. On avait l’impression qu’il venait rendre compte à sa supérieure. Ou qu’il était dans le rôle de l’élève venu réciter sa leçon dans le bureau du directeur. Tout frais recalé de la séance à l’Assemblée, ce dont le gouvernement allemand est parfaitement informé, Manuel Valls a piteusement expliqué avoir « besoin aussi de la confiance du peuple allemand ». Il a donc multiplié les signes serviles pour se faire bien voir. « On comprend, dit-il, les doutes et les interrogations du peuple allemand, des représentants, de la presse allemande parfois, qui se disent au fond : nous, nous avons su faire les réformes et les Français n’en sont pas capables. Et, s’ils ne les font pas, ce n’est pas bon pour l’Allemagne ». Triste capitulation sans condition devant un impératif économique qui n’est pas le nôtre.
Manuel Valls a donc fait allégeance devant Madame Merkel. Il affirmé : « je veux dire aux Allemands que les réformes, nous allons les faire ». Il ensuite récité le catéchisme libéral habituel. Il a ainsi détaillé les projets en cours pour obéir à la Commission européenne et faire plaisir à la droite allemande. Premièrement, la réforme territoriale contre la démocratie locale et les services publics de proximité. Deuxièmement, l’attaque contre les « seuils sociaux », c’est-à-dire la mise en cause des droits des salariés à élire des représentants du personnel ou à bénéficier d’un Comité d’entreprise. Troisièmement, l’élargissement du travail du dimanche contre le droit au repos et à une vie sociale non marchande. Quatrièmement, la poursuite de l’austérité aveugle avec le plan de 50 milliards d’euros de coupes budgétaires. Depuis Berlin !
Le reste a prouvé jusqu’où l’abaissement pouvait aller. Manuel Valls n’a pas défendu l’honneur du pays face à une partie de la presse allemande qui nous insulte. Les européistes bêlants qui me montrent du doigt oublient en général d’en parler. Hier, elle insultait les Grecs traités de fainéants. Désormais, c’est la France qui est insultée par le quotidien Bildt. Il appelle désormais notre pays « Krankreich » au lieu de Frankreich. En Allemand, « krank » signifie « malade ». « Krankreich » signifie donc littéralement « l’Empire malade ». Le titre complet était « Krankreich flop. Deustchland top ». Il n’y a pas besoin de traduire. Manuel Valls a mollement répondu que « la France n’est pas l’homme malade de l’Europe ». C’est tout. Mais son ministre banquier, le pimpant Macron, dit froidement que « la France est malade ». Il laisse notre pays se faire insulter par la presse allemande sans mesurer la gravité historique de ce fait.
Sur la forme, Angela Merkel a encouragé le petit Manuel Valls. Elle s’est ébahie avec conviction devant le programme de réforme « très ambitieux » et même « impressionnant » de son commensal. Elle a particulièrement approuvé les cadeaux aux actionnaires et la destruction des droits sociaux. Elle a ainsi affirmé que « ces réformes seront mises en œuvre dans les domaines les plus pertinents, à savoir pour relancer la compétitivité de la France ». Mais sur le fond, Angela Merkel n’a rien cédé. Non, l’Allemagne ne dépensera pas un centime de plus pour relancer l’activité en Europe. Angela Merkel l’a répété clairement : il existe « beaucoup de possibilités de créer de la croissance sans argent supplémentaire ». Elle a même enfoncé le clou : « l'Allemagne a montré qu'on pouvait à la fois consolider ses finances et créer de la croissance ». Mais le gouvernement français obtiendra-t-il un nouveau délai de la Commission européenne pour réduire son déficit budgétaire comme a pleurniché Valls ? Angela Merkel a botté en touche : c’est la Commission européenne qui le dira. Les courbettes de Manuel Valls n’ont donc servi à rien. Juste à dégrader le rapport de force et à encourager l’arrogance du gouvernement Merkel.
La bêtise du « modèle allemand »
Pourtant, le « modèle allemand » étale sa stupidité sans que ces messieurs-dames les très intelligents ne daignent s’en apercevoir. Qui dira à Valls combien ce qui est « bon pour l’Allemagne » n’est pas bon pour la France ? Ce qui est bon pour une population vieillissante accrochée à ses retraites par capitalisation, et par conséquent à l’exigence d’une grasse rémunération du capital, n’est pas bon pour un pays en voie de rajeunissement demandeur d’emploi et d’investissements. Pierre Briançon dans « Le Monde » en montre au moins une conséquence très concrète : « Si la France avait le même niveau d’investissement public que l’Allemagne, elle n’aurait pas de mal à respecter la limite du 3% pour son déficit ». Il citait sur ce point l’économiste britannique Simon Tilford.
Le gouvernement allemand se pavane avec son déficit zéro cette année. Tous les comptables du dimanche de la caste s’ébahissent. C’est pourtant une idée absurde qu’un budget sans déficit quand un État peut s’endetter à des taux négatifs comme c’est le cas aujourd’hui. L’Allemagne gagnerait de l’argent si elle empruntait pour investir, et cela relancerait l’activité économique, notamment celle de la France, son premier partenaire commercial. Dans le domaine privé, cela ne vaut pas mieux. Le capital allemand se tourne vers les fusions-acquisition aux USA ! Il vient d’acheter pour 45 milliards d’action là-bas. C’est quand même cinq milliards de plus que tout le plan français de cadeaux au CAC 40 français ! Si cette somme avait été investie en Europe, elle aurait produit un effet de dynamisation économique évident. Mais tout cela, il ne faut pas le dire.
Tout est parfait en Allemagne, c’est bien connu. Personne ne demande dans quel état sont les équipements publics de ce pays. Ni ce qui se passera quand l’Allemagne devra vraiment passer à la prise en charge de la population vieillissante. Ni ce qu’il lui faudra affronter quand elle devra faire face à l’impact dans la longue durée sur le plan sanitaire et psychologique de tout ce qui résulte de la pauvreté et même l’extrême pauvreté en Allemagne. Le même Pierre Briançon donne une information que les larbins du « modèle allemand » devraient méditer. Olaf Gersemann, rédacteur du service finances de « Die Welt », titrait un long article sur le sujet : « le dernier hourra de l’Allemagne arrogante ». « La plus grande puissance économique européenne est déjà entrée dans son déclin économique », estimait l’auteur. » Les raisons sont celles que je viens d’évoquer. A quoi s’ajoute le fait que les réformes Schroeder de baisse drastique du coût du travail ne sont un avantage comparatif que dans la période où les autres n’en font pas autant. Exactement comme une dévaluation monétaire. Mais quand toute l’Europe fait manger du pain noir à ses travailleurs, l’avantage de ceux qui sont passé de la brioche au pain blanc est fini.
Connaissez-vous Rosen Hicher ?
Et maintenant, pendant quelques lignes, je vais mettre la part de lumière qui vient sur ce blog au service d’une cause toujours reléguée. Et je le fais parce que le courage d’une personne en lutte me conduit à ses côtés. Il s'agit de Rosen Hicher. Elle se décrit elle-même comme une « survivante du système prostitutionnel ». Elle s'est arrachée il y a six ans à l'univers sordide de l'exploitation sexuelle après 22 ans de ce qui n’aura été qu’une souffrance. Pourrait-il en être autrement ? Elle a entamé, il y a quelques jours, une Marche pour l'abolition. Cette marche commencée à Saintes s'achèvera vers la mi-octobre à Paris. Vous savez que j’ai pris position aux côté des abolitionnistes de la prostitution. Je sais que ce point de vue fait débat. Encore heureux quand ce n’est que débat. J’ai aussi été copieusement injurié pour cela. Il m'est aussi arrivé d'être invectivé par ceux qui se font nommer "travailleurs du sexe". Un concept que je récuse absolument. Je m’ébahis de la surmédiatisation de ce point de vue. Non, la prostitution ne peut être un « métier » anodin. Quand je me posais la question de savoir si l’abolition était ou non une position juste, je reçus une rude leçon. Une femme me dit : « pour répondre à ta question demande toi si tu proposerais la prostitution comme métier à ta compagne, ta mère, ou ta fille ? Oui ou non ? Pourquoi ce dont tu ne voudrais en aucun cas pour les tiens le proposerais tu aux autres ? » Ce fut une heureuse mise au pied du mur.
Si elle est tarifée, la relation sexuelle concernée n’est donc pas désirée. Dès lors, comment pourrait-elle être autre chose qu’une violence et un traumatisme ? La prostitution est par nature enfermée par les rapports de force marchands. Donc structurée par la domination violente puisqu’il s’agit de réquisition sur ordre des corps par les clients, pour leur bon et unique plaisir. Comment la personne prostituée peut-elle vendre l’usage de son sexe et rester libre de soi sans nier son corps, opération mentale mutilante dont les conséquences psychologique et physique équivalent à une mutilation ? En quoi la somme donnée compense-t-elle le mal dont le client se rend coupable ? Ici, le beau lien humain qu'est la sexualité devient un monde de pure violence et d'asservissement.
Rosen Hicher porte ce combat. L’engagement prend alors un sens autrement plus intense qu’aucune de mes paroles ou prise de position. La voilà sur les routes. Elle doit parcourir 743 km de Saintes, dernière ville où elle a été prostituée, à Paris. Pour elle, ce sont là les 743 km qui nous séparent de l'abolition de la prostitution. Au gré des rencontres et des relais médiatiques sur son chemin, elle défend le projet de loi visant à abolir le système prostitutionnel, voté à l'Assemblée nationale l'année dernière. Pourquoi ? Parce qu’il n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Je note que la nouvelle Ministre en charge des questions féministes Marisol Touraine, a pris position en faveur de la loi. Mais que vaut la parole d’un ministre du PS ? Il peut y avoir des exceptions. Nous verrons bien. Mes camarades se battront pour qu'elle soit votée, bien sûr. Raison pour laquelle il est crucial selon moi d'adopter, parmi les mesures essentielles du texte de loi, la pénalisation des clients. Sinon continuera l’interminable course entre le démantèlement des réseaux de traite des êtres humains et leur reconstitution. Il ne peut en être autrement aussi longtemps que la demande n'est pas tarie elle aussi par la répression.
L'idée d'une Marche comme celle que fait Rosen Hicher, plusieurs semaines durant par tous les temps, est évidemment d'une grande puissance symbolique. Elle reprend possession d’un corps longtemps confisqué. Et elle en fait le support de sa propre revendication. Je devine qu'un tel défi se ravitaille dans des ressources physiques et mentales bien particulières et sans aucun doute exceptionnelles. Les êtres humains sont ainsi. La lutte aussi est une sorte de rédemption non pas de ses fautes, qui sommes-nous pour juger, mais de ses servitudes. La dernière étape parisienne aura lieu vers le 12 octobre. Pour accueillir son arrivée, peut-être aurez-vous envie de vous associer aux derniers pas. Je crois bien que je vais le faire.