« L’accord Merkhollande
est inacceptable »
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Le temps du repos est arrivé. Je suis à pied d’œuvre depuis déjà quatre jours. Je reviens au clavier pour saluer mes lecteurs réguliers et prendre congé d’eux, en quelque sorte. Le délai de silence dépendra des circonstances et de mon humeur, cela va de soi. D’ici là, je profite un peu du travail accompli après une fin de saison sur les chapeaux de roue entre les événements grecs, le congrès du PG, la dernière session à Strasbourg. Tant de choses en si peu de temps ! Je suis fier de l’équipe à laquelle je participe qui a su être présente sur tous les fronts sans relâche ni pause. De tout cela reste l’impression d’un moment totalement nouveau, né sous nos yeux. Dans les évènements mais aussi pour les militants du Parti de Gauche. Voyons le moment. Nous verrons ensuite ce congrès.
Le poison allemand identifié depuis la Grèce
La conclusion de l’accord à propos de la Grèce est une très mauvaise nouvelle pour nous. La méthode de violence employée, le contenu inique du document, l’échec assuré en vue, la signature de notre ami Alexis Tsipras, tout cela va entièrement dans le sens inverse de ce qui serait nécessaire pour tirer le vieux continent de l’impasse morbide dans laquelle il est entrainé. Cette période a été encore un paroxysme de désinformation permanente extrêmement instructif qui nous montre comment fonctionne le système de normalisation mentale de notre temps. C’est évidemment un grand dommage pour qui a le goût de savoir. Mais c’est aussi une belle avancée de savoir comment cela fonctionne, pour être capable d’aider à envoyer dans le mur la machine à désinformer, le moment venu. Mais l’essentiel est ailleurs.
Un nouveau paysage européen est dessiné sous les yeux de tous. De tous côtés est pointée la responsabilité du gouvernement-allemand-de-droite (je fais attention à écrire toutes ces précisions pour éviter autant que possible les foudres bruyantes et hallucinogènes des récitants de mantras européistes et de leur vis-à-vis, les récitants de l’internationalisme prolétarien mécaniste). Dans cette ambiance, mon livre sur « le poison allemand » (qui se vend très bien, merci) fera bientôt figure de documentaire modéré. Quand je me souviens de l’accueil outré que me réservèrent certains à son sujet ! Du silence méprisant des autres ! Heureusement qu’il y a eu l’émission de Ruquier pour me consacrer cinquante minutes d’entretien sur le sujet sous les feux croisés de ses chroniqueurs. Trois millions de téléspectateurs eurent contact avec mes raisonnements. Pourtant il était minuit moins le quart. Les journalistes « sérieux », eux, pissaient de la copie contre le titre de mon livre, mes expressions et mauvaises manières et ainsi de suite. A présent voici la une de « Marianne » où l’on voit une Merkel en casque à pointe, Politis qui titre « la nation est-elle ringarde », Pierre Laurent dans « l’Humanité » qui déclare « la France a laissé l’Allemagne dicter ses conditions », après que Patrick Apel-Muller, d’abord regardé de haut par ses confrères, ait titré sur la « dictature froide » qui règne en Europe ! Voici Cambadelis pasticher Albert Camus (il faut quand même oser !) et présenter une « lettre à un ami allemand » pour rappeler l’annulation de la dette allemande en 1953 ? Sujet qui était avant cela un symptôme évident de mon mauvais goût et de l’irresponsabilité de Tsipras. J’en passe et des meilleures.
Donc j’ai eu raison d’écrire et d’alerter comme je le fais dès les premières pages de mon pamphlet. Non contre « les Allemands » en général mais sur le monstre né sous nos yeux de l’autre côté du Rhin dans le mariage de la finance mondialisée avec la plus grande maison de retraite par capitalisation du monde. Vous devinez ma jubilation. Pour un intellectuel politique il n’y a pas de plus grand bonheur que de comprendre ce qui se passe pour y trouver la place appropriée de son action. Une Europe rêvée est morte et enterrée dans cet épisode grec. Un discours sur l’Euro comme fétiche est mort de même. Le fond de notre stratégie de rapport de force est validé par le comportement caricatural de Schauble et Merkel. La nation fait retour dans la compréhension des stratégies économiques et géopolitiques. Peut-être peut-on espérer que celle-ci entre dans la compréhension des stratégies révolutionnaires de notre époque. On entend même François Hollande parler de « patrie » à plusieurs reprises le 14 juillet. Mais comme il ne comprend pas mieux ce concept que les autres abstractions de la pensée du mouvement socialiste depuis un siècle, il oublie l’adjectif « républicaine », ce qui fait de lui un nationaliste sans qu’il le sache et même sans qu’il s’en soucie. Pour l’instant la place de la « Nation » est moins comprise à partir des atouts progressistes de la nôtre que par sidération devant ceux si réactionnaires de l’Allemagne actuelle. Mais la pente est prise et les idées feront leur chemin. Il est important que nous ayons été prêts à temps car bientôt vont déferler ceux qui n’auront ni les précautions de langage ni les explications méthodiques que des gens comme moi ont déployé sous les insultes et les mépris. Viendra aussi le temps des rustres et des germanophobes, les vrais. Dans ce contexte penser clair est décisif.
J’en viens donc au Congrès du PG. Voici ma carte postale de Villejuif où il s’est tenu.
Commençons par l’accessoire. Chacun des quatre congrès de notre jeune parti a été l’occasion d’un dénigrement médiatique méthodique. Comme nous avions observé la méthode aux précédents congrès nous avons subi la traditionnelle giclée de boue avec davantage de calme et beaucoup moins d’aigreurs. Au précédent congrès, François Delapierre avait été mitraillé pour avoir traité Moscovici de « salopard » dans l’affaire du blocus financier de Chypre. De mon côté j’avais dû subir un procès en antisémitisme de la part d’Harlem Désir et de quelques autres, moi pour avoir dit que ce Moscovici parlait la langue de la finance. Aucun des « commentateurs » ne s’était intéressé à notre discussion sur l’euro ni sur le précèdent créé par Chypre qui nous a pourtant préparé aux évolutions ultérieures du parti sur ces thèmes… En fait ne nous plaignons pas trop. Cela permit que nous passions sans dommage une crise spécialement virulente de basisme qui passa sous les radars des ragots. De même cette fois ci les ragots médiatiques ont servi de coagulant pour la dernière phase du congrès. La lettre de deux prétendus « ex cadres » du PG répandue de tous côtés avec la récitation des mantras contre moi et les militants du parti assimilés à des zombies hallucinés dans la dévotion d’un gourou a absolument exaspéré tout le monde. L’intention de nuire et de se faire briller le nombril dans la presse était si visible que personne ne l’a pris autrement que comme une provocation. Comme d’habitude, les scribouillards que le thème de « la crise du PG » a excités, se sont contentés de recopier un article paru ailleurs. Il s’agit ici de la revue « Regards » et de la plume d’un dirigeant d’un groupe du Front de gauche nommé Guillaume Liegeard. Mais aucun de ces grands enquêteurs ne se demande si une source concurrente et systématiquement hostile peut être considérée comme fiable sans autre vérification. Pas plus qu’ils ne se sont davantage demandés si les deux autos proclamés « ex-cadres » l’étaient vraiment et si aucun n’adhérait déjà à un autre parti…
Bref, aiguillés sur la fausse piste du ragot sans contenu réel les nocifs nous ont fichu une paix royale pour discuter de certains sujets autrement plus délicats. Nous n’avons donc pas été gênés par leurs intrusions qui auraient pu crisper les positions et bloquer le débat. C’est donc sans drame que nous avons pu trancher la question du plan B sur l’Euro et l’union européenne, la question du vote au second tour des élections et la place du mouvement citoyen par rapport aux partis. De tels problèmes sont tout simplement hors du champ de pensée de ces gens. Pour nous tous, c’est l’essentiel et le plus passionnel et donc le plus explosif. Tout cela fut surmonté et mis à plat dans le calme et l’écoute mutuelle. Quelques platitudes à propos de ma candidature en 2017 ont permis de clore le ban sans histoires inutiles.
Mais le congrès a fait davantage, comme c’est dorénavant notre ligne de conduite. Il a été aussi le temps d’une affirmation de sa doctrine en construction. Pour nous c’est central. Je veux résumer ce parcours en prenant la précaution de vous dire qu’il écarte bien des sujets concomitants. Ainsi par exemple l’histoire de la parité dans tous les organes du parti a été aussi un fil rouge dans la trame que je peins ici sommairement. De même que l’histoire de l’amalgame des anciennes familles politiques qui ont créé le PG. Cependant il est utile de voir comment une organisation construit sa vision commune du monde en même temps qu’elle se dit non dogmatique et « parti creuset ». Au premier congrès ce fut l’affirmation de la ligne de « rupture » et d’alternative à la social-démocratie avec le combat pour la création du Front de gauche. Puis ce fut, au deuxième congrès, en gros, « le bruit et la fureur » résumant cette ligne d’action avec comme méthode la stratégie de la conflictualité. Ces aspects voyants s’intégraient à une discussion théorique alors naissante, celle qui postulait « la révolution citoyenne » comme cadre d’analyse de notre temps avec la stratégie révolutionnaire de la Constituante. Mon livre « qu’ils s’en aillent tous » est inscrit directement dans ce fil. Au troisième congrès ce fut l’adoption de l’éco-socialisme comme « programme » et des 18 thèses qui le résument. Mon livre « l’ère du peuple » est dans cette prospective qu’il cherche à relier aux diverses dimensions qui constituent notre cadre de pensée.
Je cite mes livres parce que je suis directement impliqué et très vigilant sur les questions de doctrine et de construction théorique. A chaque étape de notre travail commun, j’écris pour résumer nos discussions antérieures sur le sujet et proposer des barreaux de plus sur l’échelle du savoir commun. Mais je ne suis pas le seul à écrire, loin de là. Toute cette période a été marquée par une intense activité éditoriale de nombre de dirigeants du parti. Ils ont écrit au total soixante livres en quatre ans dans les divers domaines concernés par cette mise en ligne. C’est sur cette base qu’ont commencé les travaux du quatrième congrès. Celui-ci s’est centré sur le thème des « mouvements citoyens » comme base de l’action de transformation de la société. Il va de soi que la question soulevait celle de l’acteur de l’histoire et de la notion de « peuple ». Ma contribution sur le thème fut mon livre « L’ère du peuple » que je considère comme le plus important que j’ai écrit depuis « A la conquête du chaos » en 1991 ou bien « Enquête de Gauche » réalisé en 2007 avec le journaliste Michel Soudais. Pourtant dans ce congrès la question de l’Europe et de l’euro était, semblait-il, le point le plus difficile de compréhension commune entre nous. Il s’est finalement résorbé assez vite dans une approche bien discutée et tranchée par un vote. Le but de cette discussion n’était pas de figer des camps mais de prendre une décision sur le cap à suivre. Ce point intéressera les connaisseurs. Notre parti s’est évité le luxe hors de prix des factions et des fractions. Il n’y a ni majoritaires ni minoritaires au PG. Il a des sujets qui ont été tranchés et chacun d’entre nous sait très bien que les décisions les plus importantes seront celles à prendre dans l’action à venir devant des circonstances qui n’ont pas fini de dessiner.
Après cela l’autre fait marquant a été le renouvellement de la direction du parti à plus de cinquante pour cent. Dans ce cadre, l’abaissement spectaculaire de la moyenne d’âge des dirigeants poursuit le mouvement d’autofondation du parti. De sa base initiale, faite de beaucoup « d’ex » et de quinquagénaires blanchis sous le harnais, on passe, avec l’appui de toutes les générations, à un renouveau où ceux qui dirigent n’ont jamais eu d’autre appartenance politique que celle au Parti de gauche. Au demeurant la relève d’une équipe épuisée par six ans menés au galop devenait urgente. Cette transition a été gérée de façon totalement ouverte puisque chaque congressiste classait la liste des candidats selon son gré. Chaque candidat avait déposé une profession de foi et proposé ses services pour une tâche. Autant dire, à lire tout ceci, combien on était loin du récit des habituels persiflages médiatiques sur « le parti en crise » et blablabla.
En toute hypothèse, il est normal que nous ayons toutes sortes de difficultés. Nous sommes un parti neuf, sans histoire, peuplé de têtes dures sans passé militant et de grands blessés de la politique. Tout est à homogénéiser tout est à inventer. De plus nous agissons dans une période de ressac de la gauche le plus profond connu depuis un demi-siècle. Il faut avancer. On va voir bientôt toute une réorganisation de la gauche sur de nouvelles lignes de force. Les organisations traditionnelles et nous même allons connaitre des fusions et des scissions selon des lignes de clivages sérieux dont vous ne connaitrez dans la presse que les aspects personnels les plus médiocres. Pour autant il ne faut pas que cette réorganisation pulvérise « l’autre gauche » si elle veut être le centre de gravité de la recomposition qui suivra l’élection présidentielle de 2017, quel qu’en soit le résultat. Les progrès du PG sont donc à mes yeux des atouts essentiels. Ce parti est destiné à être le squelette ou le point d’ancrage des constructions du futur.
Au bout du compte, notre congrès a été un nouveau départ. En atteste l’extraordinaire vitalité de notre présence militante à Paris et dans les régions lors de la séquence sur la Grèce depuis son achèvement et le retour des adhésions qui s’est constaté en dépit de la période creuse estivale. L’élection des deux coordinateurs du parti ne doit rien à aucune faveur du prince ni désignation par intrigue. A la quasi-unanimité des esprits (cent pour cent serait stupéfiant) et pour la totalité des votes, il s’agit des deux personnages les plus évidents dans le poste qu’ils occupent à cet instant. Rien de plus mais rien de moins. C’est notre plus beau titre de gloire que d’avoir des dirigeants respectés pour eux-mêmes. Ceux-là ont gagné leurs galons au combat dans la société et non dans les intrigues de palais qui caractérisent tant de formations politiques et jusqu’aux plus proches ! De mon côté, mon retrait des organes opérationnels permanents du parti se fait de façon maitrisée pour que nous soyons bien assurés de la viabilité du tout.
Cette attention, nous la devons au futur. Le PG n’a pas pu construire le « die Linke » avec le PCF dont il rêvait. Puis sa proposition de fusion adressée aux autres partis est également restée sans suite. Et enfin la proposition faite en janvier dernier de faire des assemblées représentatives du Front de gauche à la base, avec élection d’une assemblée nationale, n’a été suivie d’aucune réponse, ni du PCF, ni du groupe « Ensemble », pourtant d’habitude très porté à demander bruyamment une telle représentation. On perdrait son temps à jouer davantage de mandoline. Et nos partenaires pourraient y voir une insupportable mise au pied du mur. Nous avons donc mis de côté en attendant que l’ambiance y soit plus propice. Dès lors le PG reste l’outil précieux d’où partira en plus de l’action les rassemblements du futur, espérons-le. Sa conservation n’est certes pas une fin en soi. Sa dissolution dans un ensemble plus vaste reste l’horizon souhaité. Mais pour l’action audacieuse que nous préparons, il est notre point d’appui léger, souple, actif plus efficace que les interminables palabres sans suite qui caractérisent si souvent l’autre gauche !
Là-dessus voici l’heure d’une citronnade bien fraîche que je vais boire sous un laurier ami qu’agitent des tourterelles.