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Comment l’Allemagne profite de la crise grecque

Angela Merkel et son gouvernement regroupant la droite et le PS allemand (SPD) sont les plus agressifs contre le peuple grec. Ils ont imposé un nouveau mémorandum d’austérité en juillet. Ils défendent leur vision idéologique, l’ordolibéralisme, qui vise à exclure tout débat politique sur l’économie et la monnaie. Mais en agissant ainsi, ils défendent aussi les intérêts de l’État allemand et du capital allemand.

Intérêt financier : la crise a rapporté au moins 100 milliards à l’Allemagne !

Selon une étude de l’Institut allemand de recherche économique Leibnitz (IWH), l’Allemagne aurait économisé 100 milliards d’euros depuis 2010 grâce à la baisse des taux d’intérêts auxquels elle emprunte. En effet, l’instabilité dans la zone euro produit une « fuite vers la qualité », les prêteurs cherchant des valeurs présumées plus sûres. La dette allemande fait ainsi office de valeur refuge dans la crise de l’euro.

L’institut a calculé le bénéfice pour l’Allemagne en comparant les taux réels à des taux fictifs qu’elle aurait dû payer sans la crise. L’Allemagne aurait ainsi bénéficié de taux inférieurs de 3 points à ce qu’ils auraient été sans la crise. Soit un gain total de 100 milliards d’euros entre 2010 et 2015.

=> 100 milliards d’euros : c’est plus que le montant de dette grecque prêtée ou garantie par l’Allemagne !

Selon Guillaume Duval, journaliste à Alternative économiques, l’Allemagne a même économisé 193 milliards d’euros d’intérêts. Il a comparé les taux d’intérêts auxquels l’Allemagne a emprunté depuis 2008 aux taux auxquels elle empruntait avant 2008.

Intérêt économique : le pillage de la Grèce

2011 : l’Allemagne a exigé que la Grèce achète des sous-marins allemands en échange du premier plan d’aide

Juillet 2015 : l’Allemagne a exigé que le mémorandum contienne la privatisation des 50% restants de OTE l’opérateur grec de téléphonie. Le principal actionnaire privé actuel est Deutsche Telekom, évidemment bien placé pour acheter la part restante qui sera mise en vente.

Août 2015 : La société allemande Fraport a racheté 14 aéroports régionaux grecs privatisés, dont certains desservent des destinations touristiques comme Corfou ou Rhodes, pour 1,23 milliards d’euros (à peine 88 millions d’euros par aéroport en moyenne). Cette société appartient en majorité à deux collectivités locales allemandes (la ville de Francfort et le Land (région) de Hesse). La vente des aéroports grecs n’est donc pas une simple privatisation. Elle est un transfert d’une propriété publique grecque à une propriété semi-publique allemande ! Un comble !

Privatisations en Grèce : quand Hollande défendait les multinationales françaises le 18 février 2013 à Athènes : « Le Premier ministre Samaras a parlé d’un programme de privatisations, c’est la décision des Grecs, c’est également, reconnaissons-le, une recommandation de l’Europe. Dès lors qu’il va y avoir ces appels d’offres, les entreprises françaises doivent être présentes. Parce qu’elles ont justement une expérience de ce qu’est le service public, de la qualité des prestations qui peuvent être apportées aux Grecs. Dans de nombreux domaines, l’énergie, l’eau, les transports, les chemins de fer, les entreprises françaises seront prêtes à répondre aux appels d’offres, en toute transparence et en faisant en sorte d’être retenues, si elles en ont les capacités ».

Intérêt politique : renforcer l’Europe allemande et faire peur aux Français

L’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis l’a dit clairement : « Paris est la destination finale de la Troïka ». Selon lui, le ministre allemand des Finances Wolfgang « Schaüble a un plan. Et il m’a dit explicitement que le Grexit lui donnerait ce pouvoir de négociation, un pouvoir de la terreur suffisant pour imposer aux Français une idée à laquelle Paris résistait. Laquelle ? Transférer une partie du pouvoir de décision budgétaire de Paris à Bruxelles. »

Depuis le traité budgétaire de 2012, non renégocié par Hollande, et les règlements européens two-pack et six-pack, la Commission européenne a déjà un droit de regard sur le budget national. Ainsi, le gouvernement français soumet à la Commission son projet de budget avant que le Parlement français ne l’ait adopté. Et la Commission peut demander des modifications.

Schäuble veut aller plus loin. Le 16 avril 2015, il affirmait ainsi que « La France serait contente que quelqu’un force le Parlement » à adopter des réformes comme la Loi Macron.

Derrière ce qui se passe en Grèce, c’est toute l’architecture de l’Union européenne qui est en jeu. Le gouvernement Merkel avance ses pions pour imposer sa vision austéritaire de l’Europe.

Angela Merkel est à l’offensive depuis des années :

– En novembre 2011, elle déclarait : « Une avancée vers une nouvelle Europe ne pourra se faire que si nous sommes prêts àchanger nos traités.Cela peut se limiter aux pays membre de la zone euro. Mais les États Membres doivent se préparer à se lier de manière contraignante à la communauté » européenne.

– En juin 2012, elle était encore plus claire : « Il n’y aura pas de bonne union économique et monétaire sans union politique, synonyme d’abandon de souveraineté. Je ne peux pas vouloir des euro-obligations et refuser tout contrôle sur les budgets nationaux. »

– Et le 18 octobre 2012, au Bundestag, Angela Merkel s’est même prononcé pour un « droit d’ingérence » et un « droit de véto » de la Commission européenne sur les budgets nationaux des différents pays de l’UE. 

Son idée est claire : empêcher toute discussion démocratique sur la politique économique et imposer ainsi l’austérité de gré ou de force. Après l’indépendance de la Banque centrale européenne, ce serait un nouveau verrou pour étouffer la souveraineté populaire !

Face à ces projets et à la complicité servile de François Hollande, il faut ouvrir un autre chemin. Pour sortir de l’Europe allemande et austéritaire, nous avons besoin d’un plan B !

Pour aller plus loin :

– Lire la tribune « Pour un plan B en Europe » cosignée par de Jean-Luc Mélenchon, les anciens ministres des Finances grecs, allemands et italiens Yanis Varoufakis, Oskar Lafontaine et Stefano Fassina et la présidente sortant du Parlement grec Zoe Konstantopoulou

– Regarder les discours de Jean-Luc Mélenchon, Yanis Varoufakis, Oskar Lafontaine et Stefano Fassina à la fête de l’Humanité

– Commander le livre de Matthias Tavel, Le Cauchemar européen, comment s’en sortir !

– Revoir l’interview de Jacques Généreux en octobre 2014 : « il faut violer les traités européens »

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