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Un cutter médiatique et des robots journalistes

Pendant une journée, un attentat bidon au cutter a nourri ce que la sainte corporation appelle un « emballement médiatique ». C’est-à-dire que pendant une journée, sans autre preuve que l’envie d’en rajouter pour faire gicler l’adrénaline, des envoyés spéciaux, lecteurs de prompteur et autres gugusses ont fait peur à tout le monde gratuitement sans vérification ni prudence. Une honte pure, un échec total du métier qui rappelle une fois de plus l’état de délabrement de cette sphère médiatique en proie au sensationnalisme et addict au buzz. J’en étais là de mon ébahissement quand j’ai lu quelque chose que beaucoup d’entre vous savaient sans doute.

Il existe des robots journalistes. Nous le savions. Mais ils ont fait l’essentiel du travail de compilation et commentaires succincts pour les résultats des régionales, commune par commune. Le Monde, L’Express, France Bleu et Le parisien les ont utilisés ce soir-là à grande échelle. Pour faire ce travail qui nécessiterait une armée de journalistes, un algorithme a remplacé tout le monde. « Et ce sans aucune erreur » se réjouit le directeur des rédactions du Monde » (un humain).

Le journal Les Échos publie à ce sujet une interview très décoiffante de Hilde Van Der Kaa une chercheuse de l’université d’Eindhoven aux Pays-Bas. Selon elle la crédibilité comparée des robots et des journalistes humains pour le lecteur dépend du sujet. On s’en doutait. Mais voici le plus drôle. Les lecteurs ont trouvé étranges les articles sur le sport écrit par des robots et ne les ont pas appréciés. Par contre, les articles sur l’économie ne les ont pas surpris ni dérangés ! Sans commentaire. Il est vrai que la récitation du catéchisme est facile à greffer sur n’importe quelle donnée, n’importe quel sujet. Une machine s’en sort sans difficulté.

Pour les spécialistes, ce genre de travail sera celui des agences de presse du futur. Vaste programme. Pour ma part, ce qui me réjouit c’est que le recours au robot implique une très nette séparation du récit factuel et du commentaire. Fini, donc, peut-être, le commentaire se substituant à l’information. Il ne restera donc plus grand-chose à faire pour une grande partie des médiacrates qui se sont toujours abrités derrière leur prétention à « informer » en recopiant les dépêches d’agence pour bourrer le crâne à chaque ligne. Quel risque ? Que le robot raconte n’importe quoi et notamment de choses qui ne sont pas vraies ? Qu’il provoque un effet de resserrement des centres d’intérêts des lecteurs à ce qu’il diffuserait en boucle ? Mais c’est déjà le cas sans robots ! La preuve par la journée « d’emballement médiatique sur l’attentat au cutter » ! La différence, c’est que les robots sont perfectibles et leur algorithme évolutifs. Tandis que les médiacrates et la sainte corporation refuse toute mise en cause et ne reconnaît jamais aucune erreur.

Mais le même directeur du Monde rappelle quand même que ce système a cependant ses limites. « Il faut être sûr de la nature des données et il faut qu’elles aient un sens sans jugement de valeur ni analyse » déclare-t-il ! Un comble ! C’est exactement ce que l’on attend d’habitude, non ? C’est pourquoi, selon lui, cela ne saurait remplacer le travail des journalistes. J’en conclu exactement le contraire. Pour faire disparaître les distorsions de faits par l’analyse  et le jugement a priori, mieux vaut un robot qu’un humain. De plus, évidemment, un robot coûte bien moins cher qu’un journaliste. Par conséquent, si l’on s’en tient à ce qu’écrivent (pour l’instant) les journalistes en matière d’économie, l’avenir ne fait aucun doute : ils seront bientôt remplacés par des robots plus « efficients », plus « compétitifs », plus « rentables », prêts à travailler la nuit, le dimanche et même les jours fériés. Bref, les employés modèles dont rêvent Macron et les journalistes économiques. Du moins, jusqu’à ce qu’ils soient eux-mêmes menacés par ce système inhumain. Dans tous les sens du terme.

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