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Débandade dans le pilotage de l’Union européenne

Maintenant commence la présidence européenne par le gouvernement des Pays-Bas. Personne ne s’en soucie. Il s’agit pourtant de l’un des pays qui triche le plus au détriment de ses partenaires européens. C’est une sorte de paradis fiscal légal qui lui vaut de servir de refuge doré pour les sièges des grandes sociétés. Pourquoi se generait-il, ce Premier ministre venu montrer sa tête de premier communiant au Parlement européen où si peu de députés étaient venus l’écouter ? Jean-Claude Juncker, président de la Commission, n’a-t-il pas fait cent fois pire sans que cela lui vaille la moindre sanction ?

Un tour d’horizon de ce qui se voit depuis la cabine de pilotage de l’Union est instructif. Car on analyse le plus souvent le contexte européen du point de vue de ses victimes. Mais il faut aussi le faire du point de vue de ses dirigeants. Ils ne sont pas flambards. Le contraire. Les signes de craquements graves se multiplient dans une ambiance glauque : impuissance des sommets et rage froide des bases. Au Parlement européen, on sent cette ambiance, et la mine perpétuellement navrée et désarmée de Jean-Claude Juncker dans l’hémicycle en est une bonne vitrine. L’ère du moulin à paroles ronflantes de Barroso est bien close. L’horizon se bouche de tous côtés pour les phraseurs de l’eurolatrie.

Les exemples abondent. Le 6 avril prochain aura lieu un référendum aux Pays-Bas sur un sujet européen de grande importance : l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Ce sera donc l’occasion d’un débat sur la politique de l’UE à l’égard de ses voisins. Inutile dire que les délires anti-russes primaires, les attitudes provocatrices, l’alignement sur le bellicisme de l’OTAN et de l’extrême-droite ukrainienne ne font recette qu’en France dans les petits milieux sous influence. En Hollande, les gens réfléchissent et la presse laisse des failles dans le mur de l’eurolâtrie bêlante. Bref, il va y a voir un débat sur la paix en Europe. Avec un vote populaire à la clé. La dernière fois que les Hollandais ont voté par référendum sur l’Europe, c’était pour rejeter le traité constitutionnel européen en 2005, quelques jours après le vote en France. Ce référendum du 6 avril a été obtenu par une pétition signée par plus de 429 000 personnes. Là-bas, 300 000 personnes peuvent imposer l’organisation d’un référendum.

Un référendum, il y en aura aussi au Royaume-Uni. La question sera encore plus claire : « Voulez-vous continuer à faire partie de l’Union européenne ? ». Le Premier ministre conservateur David Cameron l’a promis pour 2017 au plus tard. Il a déjà donné la liberté à ses ministres de faire campagne pour ou contre le maintien dans l’UE. Le vote pourrait même avoir lieu dès cet été. Mais David Cameron négocie encore un compromis avec les autres dirigeants européens. Il veut notamment obtenir une meilleure protection des intérêts de la finance londonienne et la possibilité de priver d’allocations sociales les étrangers de l’Union européenne vivant en Grande Bretagne, y compris les Français.

Quel cauchemar ! Le débat sur l’avenir de l’UE se résume dorénavant à Angela Merkel ou David Cameron ! Ordolibéralisme ou ultralibéralisme ? Conservateurs « made in Germany » ou conservateurs « made in England » ? Bien sûr, les deux sont pour l’austérité et les coupes dans les dépenses publiques et sociales. Bien sûr, les deux sont pour l’accord de libre-échange avec les États-Unis. Bien sûr, les deux sont pour une Europe inféodée à l’OTAN en matière militaire. Ainsi va le débat en Europe depuis l’écrasement du gouvernement grec en juillet dernier. Et les sociaux-démocrates ? Et François Hollande ? Ils n’ont rien à dire si ce n’est courir derrière Merkel. Et la France ? L’Union européenne est au bord de l’implosion et le gouvernement français se tait. Quel désastre !

Car l’Union européenne trébuche sur tous les sujets. Dans la gestion des migrants, la Commission européenne vient d’avouer que son plan « ne marche pas ». Ce sont les mots du commissaire européen à l’immigration Dimitris Avramopoulos. Il « reconnait que le programme de relocalisation des migrants n’a pas encore donnés les résultats attendus ». C’est peu dire. Le désastre est total. La Commission prétendait organiser la répartition de 120 000 migrants dans les 28 pays de l’UE. A peine 272 personnes ont été « relocalisées » !

Autre déroute sur un sujet lié : les relations avec la Turquie. Au prétexte de « fixer » les migrants en Turquie, l’Union européenne ainsi promis 3 milliards d’euros à ce pays. Et elle vient de relancer le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE en ouvrant un nouveau chapitre de négociations. Mais l’Union européenne ne pose aucune question au gouvernement turc sur son double jeu à l’égard de Daech, sur sa complaisance à l’égard de la contrebande de pétrole ou de coton qui permet à cette organisation de se financer. Ni d’ailleurs sur la politique autoritaire et brutale contre les Kurdes, les démocrates, les intellectuels.

On pourrait aussi s’interroger sur l’avenir d’une construction qui pousse à la destruction des États et à leur implosion. Comment l’UE réagirait-elle à une indépendance de la Catalogne ou de l’Écosse ? Ces parties de l’UE seraient-elles automatiquement membres de l’Union ou devraient-elles recommencer le processus d’adhésion à zéro ? Evidemment, la première hypothèse pourrait conduire à une implosion généralisée. Surtout quand on sait que l’Espagne n’a plus de gouvernement depuis les élections du 20 décembre. Aucune majorité n’a été trouvée. Peut-être faudra-t-il de nouvelles élections. Mais qui s’en soucie ? Qui se soucie encore des élections dans l’UE après le coup d’État financier contre la Grèce ?

En matière climatique, c’est le même naufrage. Le marché d’échanges des droits à polluer ne fonctionne pas. Et l’Union européenne reste guidée par l’aveuglement libéral et productiviste de ses dirigeants. Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Nicolas Hulot, l’ancien envoyé spécial de François Hollande pour le climat. Dans Le Monde, il déclarait ainsi il y a quelques jours « on ne peut pas dire que l’Europe nous a beaucoup aidés pendant la COP21 ». Et il affirme « nous n’avons pas encore mis en cause le modèle économique qui est à l’origine de la crise climatique à laquelle nous sommes confrontés. Il reste beaucoup de chemin à faire pour entrer véritablement dans l’ère postcarbone. Nous ne sommes pas sortis d’un modèle capitaliste qui crée la rareté, qui épuise les ressources. Les dirigeants font mine de ne pas comprendre, par exemple que le traité Tafta [traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe] est incompatible avec les régulations qu’il va falloir mettre en place pour tenir nos engagements climatiques ». Et d’ajouter, sans trop y croire « J’espère que l’Union européenne va très rapidement réviser son système de marché carbone parce que ça a été vraiment une plaisanterie absolue ».

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