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L’Europe se drogue encore à la finance

Au Parlement européen ce mardi 19 janvier, j’ai voté contre un rapport qui prétendait faire le bilan et lister les enjeux de la réglementation de l’Union sur les services financiers. C’était un rapport écrit par un homme de la droite allemande, Bukhard Balz. En fait, un copié-collé du discours des lobbyistes des milieux financiers. Le hasard a fait que ce rapport a été voté le lendemain de la présentation de l’étude de l’ONG Oxfam sur les inégalités dans le monde. Il nous apprenait que 62 personnes détenaient autant de richesses que la moitié de l’humanité soit 3,5 milliards d’autres personnes ! La conclusion qui aurait pu être soupçonnée serait que la lutte contre l’immense pouvoir croissant de la finance et la concentration des richesses pourrait être un moyen d’éradication de la pauvreté. On aurait pu penser que n’importe qui se rende compte désormais que les inégalités et la pauvreté ne sont pas un à-côté du système mais son cœur.

Mais l’Union européenne, c’est le royaume d’absurdie. Ce jour-là, encore. Après bien des pleurnicheries sans moyens sur l’impact de la pauvreté, le même Parlement a augmenté le pouvoir de la libre finance. Et cela alors même qu’une nouvelle crise financière plane et qu’une bulle incontrôlée menace de nouveau d’exploser ? Qu’à cela ne tienne ! L’oligarchie européenne, droguée à la finance, travaille avec la Commission européenne à la mise en place d’une « Union des marchés de capitaux ». On devine qu’il s’agit une fois de plus de donner davantage de libertés aux banques et aux spéculateurs.

Le mardi, le Parlement européen votait donc sans blêmir pour pousser encore plus la marche folle à l’accumulation financière dans les mains de quelques-uns. Le rapport Balz commence donc par se féliciter de la création future d’une « union des marchés de capitaux ». Il affirme qu’une telle « union » réglera les problèmes d’investissement, notamment pour les petites entreprises. En réalité qui ne sait déjà combien l’atonie de l’investissement est due à la faiblesse de la demande adressée aux entreprises ? Comment ne pas savoir que celle-ci  provient directement des politiques de rigueur salariale et budgétaire imposées aux pays de l’Union européenne ?

En fait, les prétextes de ce rapport n’ont aucune importance. Le projet d’union des marchés des capitaux vise en réalité à modifier en profondeur le système financier européen. Il s’agit de le faire basculer du modèle actuel de financement principalement basé sur le crédit bancaire vers un nouveau modèle fondé sur la finance de marché, tel qu’il existe dans les pays anglo-saxons. En effet, avec ce modèle, les banques peuvent revendre des titres de crédits (ce que des gens leur doivent) sous forme de titres financiers sur les marchés de capitaux (titrisation). Ce qui permet aux banques de vendre des titres de dette en se dégageant  de leurs risques, tout en empochant les frais bancaires. Or, c’est cette titrisation qui a largement contribué à la crise financière de 2008, en incitant les banques à adopter des comportements de plus en plus risqués dans l’octroi des crédits, comme on l’a vu à travers les subprimes, emprunt immobiliers hypothécaires américains. Pour poursuivre sur ce sujet, je vous invite à lire le texte du collectif des « économistes atterés » sur le site du journal Marianne. Mon explication de vote leur emprunte beaucoup.

Ce projet montre que la finance a de beaux jours devant elle sous la conduite des inconscients qui dirigent l’Union européenne. L’absurdité et l’incohérence de sa politique économique contribue avec enthousiasme à la création de la prochaine bulle financière. En effet, la Banque centrale européenne a injecté depuis novembre 2008 environ 2 500 milliards d’euros dans le cadre de sa politique monétaire « non conventionnelle » ! Rendez-vous compte : cela représente plus que la richesse totale produite par la France en une année ! L’équivalent de 7 400 euros par habitants de la zone euro. Pourtant, vous n’en avez pas vu un centime !

Et ce ne pas fini : cela devrait durer encore jusqu’à mars 2017 au moins. Il s’agit de prêts accordés aux banques sans condition d’investissement, de rachat d’obligations sur les marchés et d’autres aspects très techniques. Cette politique est censée relancer et l’activité économique. Mais aucun de ces effets ne se produit ! Pourquoi ? Parce que dans le même temps, l’Union européenne impose aux États une politique budgétaire d’austérité, qui déprime l’investissement public et privé, asphyxie la consommation populaire et donc plombe l’activité. Du coup, l’argent massivement injecté par la BCE alimente directement la bulle financière au lieu de financer l’économie réelle ! L’explosion de cette bulle sera dévastatrice, tous les spécialistes le disent. Le FMI lui-même craint désormais un « déraillement » de l’économie mondiale.

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