lycee-professionnel

06.10.2016

Préparer les producteurs de la nouvelle économie !

Alerte pour l’enseignement professionnel. Trente ans après la création du bac professionnel, l’enseignement professionnel public est en voie de destruction totale. Deux quinquennats se sont acharnés sur lui dans un cocktail dévastateur qui mêle coupes budgétaires et mépris crasse pour les qualifications. Depuis 10 ans, sous Hollande et Sarkozy, 176 lycées professionnels publics ont été fermés. Au total, 3 500 classes ont disparu dans cette voie éducative des métiers. Pendant ce temps, pourtant, la hausse du nombre des jeunes scolarisés continuait. Ainsi, l’enseignement pro accueillait 57 000 lycéens en moins en 2015 par rapport à 2005, alors que l’ensemble second degré absorbait 76 000 élèves supplémentaires sur la même période. Du coup, ceux qui voulaient choisir cette voie ne le peuvent souvent plus. Et ceux qui ne peuvent pas être accueillis dans les filières pro sont donc orientés par défaut dans l’enseignement général comme dans une impasse.

Inutile de préciser que, dans ces conditions, le taux d’échec augmente et, avec lui, les sorties du système scolaire sans qualification. Dans certaines académies (les « régions » de gestion de l’Éducation nationale) qui s’étendent sur plusieurs départements souvent enclavés, comme Limoges, Clermont-Ferrand ou Besançon, il y a désormais moins de 20 lycées professionnels pour toute la région. Cette pénurie est une dissuasion efficace on s’en doute.

Cette anémie est criminelle pour l’avenir professionnel de millions de jeunes et la vie productive du pays. Elle ne tombe pas du ciel. Elle est voulue et planifiée. Pour le ministère des Finances qui relaie les injonctions de la Commission européenne, les critères comptables dominent tout. Jusqu’à l’organisation des cursus. L’invention du passage de la durée de préparation du bac pro de 4 ans à 3 ans en est un exemple frappant. C’est un choix aberrant sur le plan pédagogique et éducatif. La hache passe partout et tape fort. De plus, sous le doux nom de « rationalisation des structures », tous les établissements, quels qu’ils soient, comportant moins d’un certain nombre d’élèves par classe sont amputés de sections et de classes. Mais l’enseignement professionnel comporte par nécessité pédagogique un nombre beaucoup moins élevés de lycéens par classe. Ils sont autour de 20 en moyenne contre 30 dans l’enseignement général. C’est donc à lui qu’on a fait supporter l’essentiel des suppressions de moyens.

Loin d’être aveugles, les coupes budgétaires des 10 dernières années ont donc frappé en priorité la voie professionnelle. Déjà sous Sarkozy, elle supportait les 2/3 des suppressions de postes du 2nd degré. Pourtant, elle ne scolarisait alors que le tiers des lycéens. Cet acharnement s’est poursuivi sous Hollande. Les annonces de postes créés sans réalité se concentrent dans l’enseignement professionnel. Les concours de recrutement sont en effet très loin de pourvoir les créations de postes promises par les annonces présidentielles. Ils restent donc vacants. Soit parce que les concours sont volontairement sous-calibrés (pas assez de postes ouverts), pour afficher des créations d’emplois dans le budget mais ne jamais les créer en réalité. Soit parce qu’ils ne sont plus attractifs : commencer à 1 400 euros dans un métier difficile et méprisé avec un niveau master a tari les viviers d’enseignants dans beaucoup de secteurs.

C’est encore plus absurde dans l’enseignement professionnel où les enseignants des disciplines techniques sont souvent des professionnels reconnus dans leur métier dont on exige désormais qu’ils aient un niveau master pour devenir enseignant ! Et je ne dis rien de l’énorme perte de salaire que cela peut représenter pour un professionnel expérimenté. Résultat : depuis 2012, l’enseignement professionnel a perdu 3 340 équivalents temps plein d’enseignants devant les élèves. Loin d’atténuer ce carnage décidé sous Sarkozy, Hollande a donc poursuivi la destruction de l’enseignement professionnel public. Même les crédits pédagogiques sont en baisse de 30 % par rapport à 2012, ce qui a souvent reporté sur les élèves des frais supplémentaires d’équipement et de fournitures (matériaux, outillages etc).

Avec ça, les destructeurs se gargarisent de discours promotionnels de promotion idéologique de l’apprentissage. Pour ces gens-là qui ne savent rien des métiers, l’apprentissage tient lieu de politique des qualifications. Alors, depuis 10 ans, les gouvernements de Sarkozy et Hollande ont multiplié les aides pour l’embauche d’apprentis, sans que jamais l’objectif, fixé par Sarkozy et repris par Hollande, de 500 000 apprentis ne soit atteint. L’apprentissage stagne au contraire autour de 400 000 contrats en dépit de toutes les tentatives de relance. Il a même baissé depuis 2013 où l’on comptait 430 000 contrats. On manque d’offres des employeurs pour recevoir des apprentis ! Bien sûr. Car même pour prendre des appentis subventionnés, encore faut-il avoir un niveau d’activité suffisant pour les payer !

Et la voie de l’apprentissage reste précaire ! Elle n’est pas adaptée à tous les jeunes : un apprenti sur 4 ne va pas au bout de son contrat. Dans les métiers les plus durs (comme la boulangerie), ce taux d’abandon approche les 50 %. S’y ajoute une grande précarité salariale avec des payes souvent inférieures au SMIC pour un travail à temps complet. La stagnation du SMIC (référence de calcul de la rémunération des apprentis) n’arrange rien. Quant à la revalorisation des minimas salariaux des apprentis de 16-20 ans annoncée par le gouvernement, elle ne sera finalement appliquée qu’en 2017. À défaut d’avoir amélioré significativement la condition des apprentis, les gouvernements de droite et du PS ont multiplié les aides inefficaces pour les employeurs. Valls a ainsi instauré une prime de 1 000 euros par embauche d’apprenti depuis 2014. Cela a créé un effet d’aubaine pour des contrats qui auraient de toute façon été signés. En effet entre fin 2014 et fin 2015, le nombre d’apprentis n’a progressé que de 2 000 !

La loi El Khomri a ajouté à cela d’autres mesures spécialement dangereuses, selon moi. Elles traduisent bien la profonde méconnaissance des enjeux actuels de la qualification. Il a ainsi été décidé d’ouvrir l’apprentissage pour préparer des certificats de branches (CQP). Aujourd’hui, l’apprentissage n’est possible que pour préparer des diplômes nationaux. Cette évolution va faire reculer les préparations de diplômes nationaux qui sont autant de qualifications larges et durables. À la place de quoi sont prévus des « certificats de branche » avalisant des compétences plus étroites et périssables. La précarité des futurs salariés en sera accrue. Et ils seront condamnés à vie au renouvellement de ces « certificats » à mesure que le cycle des machines raccourcira et la compétence de leurs servants se rétrécira. Dans le même état d’esprit sera aussi désormais délivrée une attestation de compétences « partielles » aux apprentis rompant leur cursus, pour faciliter la reconnaissance future d’acquis. Bref tout le système des qualifications part en morceaux et l’asservissement des salariés sera augmenté d’autant. Cette formule calamiteuse des « certificats de compétence » a été tentée dans plusieurs pays avec partout le même résultat : l’abaissement du niveau de qualification, la faible adaptation des salariés à tout changement dans les process de production, la nécessité pour eux de revenir sans cesse se requalifier au fil des années.

C’est l’inverse de tout cela qu’il faut faire. Commençons par abroger ce flot de mesures absurdes. Il faut prononcer un moratoire immédiat sur les fermetures de classes et d’établissements de l’enseignement professionnel public. Puis on passera aux tâches pour reconstruire le système éducatif de la voie des métiers afin qu’il offre à nouveau un maillage fin et des formes de cursus adaptés aux besoins des jeunes. Un réseau national cohérent de lycées polytechniques incluant tous les niveaux du CAP au BTS sera un des outils de cette reconstruction. On devra y intégrer des centres de validation des acquis. Et pour permettre cette relance du service public de la qualification, le recrutement des enseignants devra être adapté pour attirer à nouveau des professionnels reconnus dans leur branche. Cela passe par exemple par la réouverture de cycles rémunérés de préparation aux concours d’enseignants, permettant à ces professionnels de compenser la perte de salaire liée à cette reconversion professionnelle.

L’élévation du niveau de qualification passe par le fait que l’on puisse circuler plus facilement entre les paliers de formations du CAP au bac pro puis ensuite aux BTS / DUT et même à la licence professionnelle. Les grands discours du gouvernement à ce sujet sont en contradiction avec ce qu’il fait vraiment en réalité. Ainsi la loi sur l’enseignement supérieur de 2013 a-t-elle bruyamment réservé des places pour les jeunes qui ont un bac pro dans les sections de BTS, où ils ne représentent que 29 % des inscrits. Baratin. Car compte tenu du maillage très insuffisant des lycées professionnels comportant une section de technicien supérieur (STS) cet accès est en réalité un parcours du combattant.

A la rentrée 2015, 65 % des bacheliers se retrouvant sans aucune affectation dans le supérieur après en avoir fait la demande étaient des bacs pros ! Faute de places accessibles en STS (section de techniciens supérieurs), certains arrivent par défaut à l’université. Cruelle illusion. Car seulement 5 % arrivent jusqu’à la licence. Quant à ceux qui ont réussi à intégrer une STS, leur taux de réussite n’est aujourd’hui que de 50 %. Pourtant il est de 80 % pour l’ensemble des étudiants passant le brevet de technicien supérieur (BTS). Là encore, c’est parce que le contenu de l’enseignement professionnel a été fragilisé ! En particulier par la réduction du bac pro à trois ans d’étude qui a conduit à raboter sur les contenus généraux des différentes disciplines, décisifs pour les poursuites d’études.

Les bases de la politique que j’avais posée quand j’étais ministre de l’Enseignement professionnel de 2000 à 2002, ont été détruites par les politiques de droite des sarkozystes et des PS qui ont suivi. Pour moi, cette question ne peut se dissocier des objectifs du plan de transition écologique. Des centaines de milliers de nouveaux travailleurs femmes et hommes doivent être mis en capacité professionnelle de faire face au défi. C’est le cas par exemple pour l’économie de la mer. Il nous faut trois cent mille professionnels supplémentaires. Entre autres choses, je voudrais qu’il y ait au moins un lycée professionnel maritime par département côtier. Je voudrai mieux, mais ce chiffre est déjà un petit défi. Car apprenez que par exemple pour toute la région Picardie, Nord-Pas-de-Calais où je me trouvais en visite quand je fus à Boulogne, il n’y en a plus qu’un seul ! Il n’y en a pas non plus en (ex) PACA… et ainsi de suite. Ampleur du désastre !

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