macron burkina faso

04.12.2017

Qui va réparer la clim en Afrique ?

La semaine dernière, le Président de la République était en tournée diplomatique en Afrique, à Ouagadougou au Burkina Faso, puis à Abidjan pour un sommet Union européenne – Union Africaine. De son passage au Burkina, on retient surtout son écart de langage des plus méprisants qui entâche les relations diplomatiques et contredit la volonté affichée d’en finir avec des rapports de domination à l’égard de l’Afrique. Au cours de son discours, Emmanuel Macron s’est ainsi adressé au président du Burkina Faso, devant un parterre d’étudiants : « Je ne veux pas m’occuper de l’électricité dans les universités au Burkina Faso. C’est le travail du président [burkinabé] ! ». Monsieur Kaboré a immédiatement quitté la salle. Emmanuel Macron a tenté de le retenir par ces mots : « il est parti réparer la climatisation ». Aussi incroyable qu’indigne de la part du Président de la République française !

Cependant, il faut quand même noter une annonce importante : celle de la dé-classification des documents ayant trait à la mort de Thomas Sankara. Assassiné dans des conditions troubles, Thomas Sankara était le leader de la révolution burkinabé entre 1983 et 1987. Il a notamment lutté contre l’asservissement de son peuple par la dette à cette époque où tous les pays d’Afrique étaient ravagés par les politiques d’ajustement structurel du FMI. À propos de cette dette, il disait lors d’un discours donné au sommet de l’organisation de l’Union Africaine de 1987 : « La dette ne peut pas être remboursée parce que d’abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre, si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons-en sûrs également. ». Trois mois plus tard, il était assassiné. La députée insoumise Mathilde Panot a déposé une proposition de résolution pour créer une commission d’enquête parlementaire sur les conditions de son assassinat. Le groupe de la France insoumise a donc salué l’annonce d’Emmanuel Macron !

Le lendemain, au sommet UE-UA, la scène médiatique mettait en scène le « volontarisme » du Président pour trouver des solutions afin de mettre un terme à l’abomination esclavagiste qui se déroule en Libye. En vérité, il est bien difficile de comprendre les annonces concrètes faites lors de ce sommet pour lutter contre les réseaux esclavagistes. La mise en place d’une « task force » entre les services de police et de renseignement des États européens et africains a été annoncée. Mais personne n’a précisé s’il s’agissait simplement d’échanges d’informations entre nos différents services ou d’une intervention directe sur le territoire libyen. L’Union Africaine va également créer une commission d’enquête sur le sujet. Les deux questions clef restent sans réponse : les raisons qui poussent les gens à fuir leur pays et les causes qui font de la Libye un territoire où l’on peut pratiquer la traite d’êtres humains.

Sur la première, le Président annonce « une communication volontariste à destination de la jeunesse » africaine afin de la décourager de partir. Personne ne trouve contradictoire qu’au même moment,  M. Macron continue avec l’ensemble des dirigeants européens à défendre les « accords de partenariats économiques ». Ce sont les accords de libre-échange nouvelle génération que l’Union européenne souhaite faire signer aux pays africains. Ils ont pour effets de supprimer la plupart des barrières douanières entre l’Europe et les États africains. Les conséquences sont dévastatrices pour les économies locales. Ils permettent aux produits agricoles européens à bas coût car subventionnés et industrialisés d’arriver dans ces pays. Les paysans locaux ne peuvent évidemment souffrir cette concurrence et font faillite. Ils sont aussi dévastateurs pour les filières industrielles naissantes qui auraient besoin d’une protection au moins temporaire pour se constituer. Dès lors, ils sont responsables de la destruction de pans entiers des économies locales, plongent dans la misère des familles et ainsi, poussent à l’exil vers l’Europe.

Sur la seconde question, celle de la situation chaotique en Libye, le Président Macron s’est contenté d’énoncer une évidence : « il est indispensable de reconstituer un État pérenne en Libye ». Pourtant, il s’était lui-même vanté d’avoir réglé la question en juillet dernier. Il avait reçu à la Celle-Saint-Cloud le chef du gouvernement officiel Libyen, Fayez Al-Sarraj et son principal opposant militaire, Khalifa Haftar. Un cessez-le-feu avait été censé être accepté par les deux parties. Depuis, la situation sur le terrain va de mal en pis. Les spécialistes jugent même que l’action du Président cet été a aggravé la situation en légitimant l’opposant Haftar face au gouvernement officiel. Les conséquences désastreuses de l’intervention militaire de 2011 et de l’effondrement total de l’État libyen qui a suivi sont encore d’actualité.

Il faut bâtir d’autres relations avec les États africains. Des relations qui soient basées sur autre chose que des interventions militaires ou l’imposition du libre-échange. La francophonie est une bonne clé d’entrée. Le cœur de la langue française est en Afrique et le sera de plus en plus dans le futur. En 2050, il y aura 700 millions de locuteurs en français dans le monde, contre 274 millions aujourd’hui. 85% de ces locuteurs seront africains. Je crois que cela doit devenir un espace de coopération majeur. C’est pourquoi le livret thématique de la France insoumise propose par exemple de mettre sur pied un « Erasmus de la francophonie ». Face à la domination agressive de la langue anglaise, – ou plutot américaine, – le français est aujourd’hui en recul. Ainsi, l’enseignement du français est en recul dans de nombreux pays africains, du fait de l’insuffisance de professeurs formés.

C’est aussi le cas dans les institutions internationales dans lesquelles le français est pourtant langue de travail officielle. Dans l’Union européenne, seuls 5% des documents de la Commission sont publiés en français contre 40% il y a 20 ans. À l’ONU, l’anglais s’impose comme langue de travail unique dans les réunions informelles. Ou qualifiées d’informelles parce qu’elle ne figurent pas au calendrier onusien. Ces réunions jouent évidemment un rôle essentiel dans les négociations. Par ailleurs, 90% des documents reçus par les services de traduction de l’ONU à New-York sont rédigés en langue anglaise, de même que 80% de ceux reçus à Genève. Les documents rédigés en français ne représentent respectivement que 4% et 10% des documents. Les 34 États qui partagent la langue française comme langue officielle pourraient se coordonner davantage pour défendre l’usage du français dans les relations internationales. Non ce n’est pas un autre sujet. Personne ne peut croire que la relation a l’Afrique et celle de l’Afrique au monde commence sous de bons augures si c’est par des abandons de souveraineté linguistique par les peuples qui constituent le troisième groupe de locuteurs dans le monde. Et c’est plus important que de savoir qui va réparer la clim. D’ailleurs, la clim, c’est malsain.

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