« Franchement, en arrivant ici, je n’y croyais pas ! Produire un texte de loi, et pas juste un petit bout hein, quinze articles, c’est pas rien ! » Il est vingt heures à peine dépassées, et l’atelier des lois de la France Insoumise vient de se terminer. Les participants regroupés au buffet livrent chacun leur « pépite », c’est à dire « un petit concentré de matière précieuse » un sentiment, un fait marquant qu’ils choisissent de retenir de la soirée.
Trois heures plus tôt, Gabriel Amard, co-animateur national des Ateliers des Lois de la FI, et julian Augé de la Coopérative citoyenne faisaient le mot d’accueil en présentant les objectifs de la soirée : « Nous allons ensemble, écrire un projet de loi qui puisse rendre opérationnel cet engagement de campagne : sortir du nucléaire d’ici 2050. Il n’y a pas besoin de connaissances en la matière, nous allons partir d’une page blanche, et le texte que nous adopterons à la fin de la séance ne contiendra ni plus ni moins que ce que vous aurez produit ! » Voilà une façon de mettre en confiance les citoyennes et les citoyens ! Ne dit-on pas qu’en démocratie, les ignorants sont souverains ? Encore reste-t-il à préciser ce qu’on entend par « ignorants. »
De toute évidence, les insoumis n’ont pas organisé ce soir-là une conférence d’experts sur la sortie du nucléaire. Pas de tribune, pas de chaises en rangs d’oignons, pas d’exposé magistral, alors même qu’un invité de marque était annoncé à l’affiche : Jean-Marie Brom, physicien au CNRS, que Gabriel Amard présente à l’assistance : « Jean-Marie sera notre fiche vivante. Durant toute la soirée vous pouvez le solliciter, lui demander de lever des doutes ou d’apporter des précisions à vos réflexions. » Même sort réservé à la triplette de juristes, installés à une table dans un coin de la salle : « Ils sont là pour nous assurer au fil de l’écriture, que ce que nous produisons est opérationnel en termes juridiques. »
Très tôt, le groupe – qui dénombre ce soir-là une cinquantaine de personnes – se met au travail. Dans une alternance régulière et rythmée – les phases de travail successives durent chacune entre quinze et trente minutes – l’animateur du dispositif les invite à travailler en groupes, puis à se regrouper debout dans un espace annexe débarrassé des chaises et des tables. Les propositions formulées dans les petits groupes sont énoncées à voix haute, et pour chacune d’entre elles, on doit positionner dans l’espace, sur un axe « d’accord / pas d’accord » Au fil des arguments, certains changent de camp, et au fil des déplacements on propose des reformulations… qui génèrent à leur tout du mouvement ! C’est, littéralement, un débat mouvant.
Affairés, l’air de rien, les juristes ont saisi au vol les propositions et les ont transformées en articles. Victor Audubert vient au vidéoprojecteur pour exposer le texte produit quasi-simultanément et tenant compte des hésitations, remords et arbitrages du collectif qui au total aura bien duré quarante minutes – qui s’ajoutent à la demi heure de travail en ateliers ou chaque participant aura pu s’exprimer « cinq minutes sans être interrompu à sa table … ça n’arrive jamais dans un réunion politique classique ! » ajoute Gabriel Amard avec un sourire narquois.
« C’est en légiférant qu’on devient législateur » pourrait dire le nouvel adage de la France Insoumise ! Il est bien évident qu’après avoir vécu cet exercice, on en sait plus sur comment s’écrit une loi. On en sait plus également sur la sortie du nucléaire. Mais une différence fondamentale s’est jouée : les citoyens ne sont pas considérés comme des gens à instruire, pour qu’ils soient mieux conscients de ce qui est bon pour eux – la fameuse « pédagogie » que les dirigeants macronistes, rabâchent à longueur de plateaux. Ils sont considérés comme une source d’expertise collective, légitime à mettre son nez dans les affaires publiques, légitime à faire irruption sur la scène de l’Histoire.
Pour l’espace opérationnel Le Pôle Atelier des lois est animé par Thiphaine Ducharne et Gabriel Amard .
Pour l’espace Programme le Pôle Atelier des lois est animé par Vivien Rebiere.
Le tout appuyé par Sylvain Noël et 150 juristes bénévoles.
Contact : atelier-des-lois@lafranceinsoumise.fr