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Le congrès du PG nous intéresse

Dans quelques semaines, à la fin du mois, se tiendra le quatrième congrès du Parti de Gauche (PG) à Villejuif. Cette organisation boucle sa dixième année d’existence. Elle est issue d’un regroupement d’organisations, groupes et personnalités de tous horizon de la nébuleuse venus de la campagne pour le « non » au référendum sur le traité Constitutionnel européen de 2005. La scission du Parti Socialiste que je menais alors avec François Delapierre et Marc Dolez en était la composante la plus nombreuse. C’était aussi, dans le contexte particulier de 2008, l’évènement le plus important lié à cette fondation. Éric Coquerel, l’un des fondateurs avec le mouvement MARS qu’il animait depuis sa sortie du MRC, a écrit un livre sur cet épisode et François Delapierre de même.

« Quelle histoire » dirais-je à mon tour pour paraphraser le titre du livre de François. En effet la naissance du PG a bien sûr été accompagnée des commentaires fielleux que l’on imagine. Les socialistes, alors tout-puissants, et leurs relais médiatiques nous aspergèrent abondamment. On ne trouvera donc rien dans les archives médiatiques qui mette cet évènement à sa place pourtant essentielle. Oui, essentielle. Car ce petit parti est né en écho avec les développements de la gauche alternative mondiale. On ne peut le penser en dehors de ce contexte. En France, il aura été le déclencheur de deux formules politiques qui ont marqué l’espace politique : la création du Front de Gauche et la création de « La France insoumise ». Ces deux démarches sont directement liées aux évolutions de l’alternative mondiale à la social-démocratie et sa dilution dans le social libéralisme et les « grandes coalitions ». « Front de gauche » et « France insoumise », sont les deux seuls concepts stratégiques nouveaux mis en œuvre dans la récente période après la chute du mur de Berlin et la faillite de la social-démocratie. Et ces deux concepts sont nés dans les congrès et conseils nationaux de ce parti.

C’est aussi le Parti de Gauche qui aura proposé ma candidature à l’élection présidentielle de 2012 puis à celle de 2017. Deux candidatures qui auront arraché notre famille idéologique au néant pour la conduire au seuil du pouvoir. En média, le PG fut évidemment décrit comme un simple faire valoir de ma personne puisque j’étais le dirigeant le plus connu des médias. On me chercha quelque challenger. Ceux-ci refusèrent de faire la sale besogne. On franchit donc sans encombre le moment attendu de la dispute interne et de la scission, délices guettés avec gourmandise à l’extérieur. Ce fut tout. Le reste n’intéressa pas les rubricards, si bien que nous avons pu tranquillement essayer, tester, et faire des changements d’équipe et de stratégie sans bruits inutiles. Et même voir tout notre système décapité par la mort de plusieurs de ses animateurs centraux comme Alain Billon et Bruno Leprince et notamment François Delapierre au cœur de notre relève générationnelle et théoricienne. Nous avons encore une fois relevé le défi en quelques mois.

Pour finir, nous sommes donc parmi les rares organisations à avoir réussi un changement quasi-total d’équipe dirigeante sans vague ni déchirement. De ma co-présidence avec Martine Billard à la co-coordination Éric Coquerel et Danielle Simonet, le relais de direction a été pris sans un jour d’interruption de l’action et de la clarté de l’animation. Sans une dispute, sans une victoire des innombrables infiltrations venimeuses dont le Parti a été l’objet. Depuis, les nouveaux dirigeants du PG sont eux-mêmes des personnalités politiques connues et reconnues sur la scène publique. Peu d’autres formations ont réussi à le faire. En fait, aucune. Mais qui peut ne pas s’interroger sur cette merveilleuse école de formation. Car c’est de là que viennent les députés Quatenens, Bernalicis, Panot et Lachaud par exemple, désormais connus de tous. Au quotidien, le Parti de Gauche continue à former les vagues de jeunes générations dirigeantes du futur. On les a vu en particulier se déployer sur la scène électorale des élections législatives. On les verra de nouveau dans les quatre prochaines élections avant 2022 dont ils seront les premières lignes.

Mais ce n’est pas simple d’être le parti qui a inventé « la France insoumise ». Rançon du succès ! Car tous ses cadres sont investis dans le Mouvement. Mais ils ont pour consigne de ne pas se l’approprier. Chaque jour dans la pratique peuvent surgir des problèmes concrets de vie mitoyenne ! Parfois cela est mal vécu par les pégistes qui peuvent se sentir frustrés. Et le caractère flou des structures du mouvement n’est pas moins perturbant pour eux que pour bons nombre d’observateurs extérieurs. La forme incertaine de nos frontières d’organisation est en effet parfois angoissante. Elle pèse sur tous, au Mouvement comme au Parti.

Membre de l’un et de l’autre comme l’un des fondateurs dans les deux cas, obsédé par l’objectif de la transmission, témoin sidéré de l’essor puis de la déchéance du PS, parti dont j’ai été membre pendant 32 ans, je suis un témoin informé de la vanité des constructions politiques. Et comme tout un chacun, je me sens moi aussi incertain quand il faut mettre en œuvre une direction de travail dans ce nouveau contexte sans avoir de « bureau politique ». Une structuration originale en est spontanément résulté. Le groupe parlementaire a surgi en quelque sorte comme la direction du court terme, des communiqués et de la réaction immédiate aux plans du pouvoir. Et le Mouvement de son côté gère le temps long, celui des campagnes de fond, du quadrillage du terrain.

Je sais depuis le début de « la France insoumise » que c’est un objet de type radicalement nouveau. L’Ère du peuple l’annonce mais ne le décrit pas. Ce que nous faisons dans ce domaine est d’ailleurs regardé dans le monde entier par les équipes de « la gauche radicale ».  Cela nous fait devoir. Seuls les commentateurs politiques français, prompts à bailler béats devant « Podémausss », dont ils montrent assez souvent qu’ils ne savent rien, ne s’intéressent ni de près ni de loin ni à la doctrine ni à la pratique de ce que nous entreprenons. Tant mieux d’ailleurs. Leurs bavardages ne nous polluent pas. Tout cela est connu de mes lecteurs. Mais on ne doit pas oublier que le PG aussi est une forme et un organisme nouveau dans le paysage français (dix ans seulement en novembre). Sa singularité est d’être le seul parti qui aura été porteur victorieusement d’une ligne stratégique et théorique nouvelle. Le Mouvement en est l’enfant. Mais comme il s’agissait d’un objet nouveau fondé sur un diagnostic nouveau, nous n’avons eu qu’une formule pour nous guider : « le mouvement est au peuple ce que le parti était à la classe ».

Dès lors, notre devoir dans le processus de construction in vivo du Mouvement était d’empêcher la rigidification du fonctionnement de « La France insoumise ». D’autant que tout ce qui nous était proposé alors ne faisait que reproduire peu ou prou ce qui existait déjà dans les formes traditionnelles.  Nous avons préféré faire l’expérience de l’invention constante. De là un sentiment permanent de flou et d’approximations successives. Il est bel et bien fondé dans une réalité. Il a aussi pour conséquence une difficulté pour les militants. Je fais le pari que nous dominerons cette difficulté, et quelques autres tout aussi notoires, en avançant. C’est-à-dire en nous posant à chaque étape des problèmes concrets auxquels nous apporterons des réponses concrètes suffisamment en amont pour être praticables.

Pour le PG, l’objet précieux est le Mouvement qui est son projet et son œuvre. Peut-être est-ce au parti surtout de définir des modes opératoires, bien mis en mots pour organiser sa relation au mouvement. Le Mouvement est incapable de le faire de par sa nature même. Autrement dit : le PG doit être une structure qui doit aider le mouvement à se penser lui-même. Et par le biais de ses militants qui y sont engagés, il peut être une source d’inspiration des modes et des thèmes d’action. De son côté, le mouvement doit organiser les points d’entrée des propositions. Comme vous le savez, la façon de tenir la deuxième Convention et l’installation de l’assemblée représentative ont déjà bien avancé cet aspect. Mais il reste beaucoup à faire.

Il me semble à cette étape que le Parti a une nouvelle tâche théorique et pratique devant lui. Certes, le Mouvement est là : il fonctionne comme un label commun pour des actions et des campagnes indépendantes et autonomes. Il n’est pas vraiment équipé pour organiser la participation d’organes politiques traditionnels en son sein. Une structure avait été mise en place : « l’espace politique ». Mais celui-ci a vite compris après la campagne qu’il devait se donner sa propre utilité pour contribuer à la vie du Mouvement sans se donner le rôle étroit d’une sorte de « tour de contrôle politique ». Avec Francis Parny comme coordinateur, on se dirige vers la formation d’un « Forum politique » fonctionnant comme l’Agora des débats politiques qui agitent la vie politique du pays et donc du mouvement lui-même.

Ceci posé, n’y a-t-il pas aussi un rôle spécifique pour le Parti de gauche face aux défis du moment ? Et notamment vis-à-vis de l’impasse stratégique du moment : la faiblesse de « la gauche » électorale, l’émiettement de « la gauche » politique et la hargne des dirigeants de ces groupes et partis contre « La France insoumise » qu’ils jalousent et rêvent de détruire. La création même du PG était une forme de réponse à ce même problème tel qu’il se présentait il y a dix ans, trois ans après le référendum fondateur de 2005.  Il faut de nouveau ouvrir ce chantier. À côté de la construction du Mouvement, par nature indépendant et autonome, n’y a-t-il pas place pour une refondation du « Parti de Gauche » ? Ses dirigeants actuels n’y sont pas fermés. Ils se méfient à juste titre des improvisations qui permettraient le recyclage sans renouveau de vieilles structures environnantes. Et il va de soi que le regroupement ne peut être une fin en soi.

Le PG est construit sur un concept nouveau et un manifeste désormais traduit en une vingtaine de langues : « le manifeste de l’écosocialisme ». Ce texte est le cœur de la doctrine qui vertèbre le Parti de gauche. Il structure aussi très largement le programme L’Avenir en Commun. Il devait donc être central comme base du regroupement. Il pourrait en être la base de discussion. Peut-être pourrait-il ainsi ouvrir une issue positive aux divers groupes et organisations percutés par le succès de la stratégie « L’Ère du peuple » et intéressés par ce que nous avons entrepris ? En les accueillant et en partageant les acquis mutuels de chacun, ne pourrait-on pas faire naître cet organisme dont tout le monde, dans notre sphère, clame la nécessité. Il est possible que cela n’ait aucun écho. Ou bien que cela serve de nouveau de prétexte à quelques salves sectaires dont les « unitaires » ont le secret.

La preuve : ce que j’ai déjà dit sur le « Front populaire » dans Libération a reçu un vent de réponses négatives ou indifférentes venant du microcosme de la « gôche ». Libération, à qui j’avais confié cet appel à projet en quelque sorte, n’en a rien fait non plus. L’idée n’a pas été discutée, même dans ses colonnes auprès des autres invités du journal. Elle aura été seulement aussitôt condamnée et d’abord dans Libération par Alain Duhamel au prix d’une réécriture de l’histoire de Léon Blum et du Front Populaire aussi sidérante que risible. Pour autant, il ne faut pas renoncer à avancer dans la direction du regroupement des gens honnêtes en sachant que la vie passera par bien des chemins de traverses.

Une refondation fusion du Parti de Gauche peut être un de ces points de passage. Son projet de motion d’orientation ne ferme pas cette piste. Le code génétique du Parti de gauche est fait de cette sorte de dépassement. C’est pourquoi le prochain congrès du PG n’est pas un moment neutre. C’est pourquoi j’en parle. Et ce n’est pas la dernière fois. Et pas pour le plaisir de la conversation.

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