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Naval Group. Après Alstom, un nouveau bradage ?

Certes c’est un sujet technique. Mais il est de vaste conséquence. Quand nous gouvernerons le pays, notre intérêt est qu’il soit le plus autonome possible. Donc ses infrastructures matérielles et industrielles nous sont chères. Le rachat de STX, anciens chantiers navals de l’Atlantique, par le constructeur naval italien Fincantieri entre dans nos interrogations. Va-t-il être maintenu ? Les conséquences en matière d’emplois, de savoir-faire industriel et de souveraineté sont considérables. Or les conditions de cette reprise sont pour le moins opaques. Un premier accord avait été négocié. Mais l’arrivée aux affaires d’Emmanuel Macron l’avait d’abord bloqué. Les attaches de son directeur de cabinet ont été mise en cause à ce propos. Puis tout reprit comme prévu. Pourtant, d’après ce que l’on sait, les conditions du nouvel accord ne sont guère différentes du premier. Pourquoi ce revirement ? Ça sent le soufre.

La situation de conflit d’intérêts d’Alexis Kohler révélée dernièrement par Mediapart jette le doute sur cette opération. Ancien directeur de cabinet de Pierre Moscovici puis d’Emmanuel Macron à Bercy, aujourd’hui secrétaire général de l’Élysée, Monsieur Kohler a travaillé entre temps comme directeur financier du croisiériste italo-suisse MSC, propriété de son cousin Gianluigi Aponte. Or, MSC est un des grands clients de STX ; l’État français a assuré ses contrats qui s’élèvent à environ un milliard et demi d’euros ; MSC est aussi un client de Fincantieri. Mais il s’était également positionné pour la reprise des chantiers français.

Mais la perplexité grandit encore lorsqu’on apprend en même temps le « rapprochement » de Fincantieri avec Naval Group, fleuron de l’industrie française maritime. Car Naval group est aussi un garant de notre indépendance nationale. Sur ce processus pourtant crucial, très peu d’informations parviennent à filtrer. Auditionné par la commission d’enquête sur la politique industrielle, Bruno Le Maire a concédé que cette opération est étroitement liée à la vente de STX. Quoi ? Qui ? Comment ? Pourquoi ? On se passe beaucoup de choses sous la table dans cette affaire.

En septembre 2017, trois groupes de travail avaient été créés pour préparer ce rapprochement. Mais l’État français, semble-t-il, ne siège que dans un seul d’entre eux. Ce n’est pas tolérable. Car le risque de voir la France se défaire une fois encore de capacités industrielles stratégiques revient sur la table. Et on le sait : le régime macroniste est absolument imperméable à ce type de préoccupation. Pour lui, la finance est tout. Le reste, et notamment l’industrie, n’est qu’un nid d’embrouilles subalternes.

Les députés que nous sommes ont beau alerter et demander des précisions, le pouvoir ne fournit que son habituelle communication mielleuse et enfumante : le mythe des « coopérations gagnant-gagnant ». Il oublie que nous sommes échaudés par l’histoire industrielle récente des fusions d’entreprises. Au total les « gnant gnant » comptent plus de fiascos que de « success stories ». Les éléments de langage invoquant un « Airbus maritime » ou un « mariage entre égaux » sont si ridicules qu’ils effraient. On a déjà entendu cette légende avec l’Airbus de la sidérurgie par exemple. C’était Arcelor, vendu ensuite à Mittal. Et combien d’autres romans à l’eau de rose de cet acabit ! De plus, les arrangements financiers qui ont permis le décollage d’Airbus sont aujourd’hui interdits par les dispositions des traités sur la concurrence libre et non faussée.

Fondamentalement, la stratégie qui consiste, au nom de la défense européenne, à mettre en partage des savoir-faire techniques et industriels qui relèvent de la souveraineté est une naïveté qui finit par coûter cher. Du reste, entre Fincantieri et Naval Group il n’y a pas d’égalité. Les compétences de l’Italien sont beaucoup plus restreintes que celles du Français. Naval Group est en effet en capacité d’agir sur l’ensemble du spectre des besoins de la marine nationale, en particulier par exemple la délicate question de la propulsion nucléaire. Son indépendance est une condition indispensable au maintien de la souveraineté de la France. Or, le rachat de STX est à peine acté que Fincantieri pose déjà des conditions pour prendre l’ascendant sur des marchés étrangers dans lesquels Naval Group est bien implanté, notamment en Amérique latine. Alors que Thalès est le fournisseur principal de l’électronique pour Naval Group, Fincantieri privilégie sa coopération avec Leonardo. Qu’en sera-t-il après ce rapprochement ? On le devine !

Le milieu très feutré des industries de défense laisse donc filtrer un faisceau de signaux alarmé qui donnent toute raison d’être inquiets.

La France devrait retenir les leçons du scandale Alstom. Un désastre industriel déjà imputable à Emmanuel Macron. Donner le TGV à Siemens et les éoliennes à Général Electric est un scandale industriel à nos yeux ! Macron n’en a cure. Pour lui, si l’opération est stable financièrement, tout est bien. Macron ne comprend rien à l’indépendance nationale industrielle. Pourtant, il est temps que les pouvoirs publics se dotent d’une autre stratégie globale en faveur de l’industrie. Il s’agit de sa protection et son développement contre le modèle d’une économie de services dont rêvent les libéraux. Cela plutôt que le seul intérêt financier immédiat. Il est temps que cessent la naïveté et la collusion entre dirigeants économiques étrangers et responsables politiques français. Il est temps qu’un gouvernement protège la souveraineté nationale. Pour cela, l’opération de rapprochement entre Fincantieri et Naval Group doit être abandonnée.

Ici je me suis engagé sur ce thème depuis des années. Notamment sur le dossier Alstom. Mes lecteurs les plus réguliers savent que j’ai toujours disposé d’informations sûres et vérifiées que j’ai manié sans catastrophisme ni sensationnalisme. Une nouvelle fois, je ne vous alerte pas pour effrayer inutilement. Mais je vous alerte. Cette opération est une nouvelle mauvaise action contre notre pays. Un jour ou l’autre le sens et les causes réelles de ces décisions absurdes viendront en lumière, comme pour Alstom. Mais ce sera trop tard. La France sera abaissée et son industrie détruite ou dominée de bout en bout.

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