lettre macron

Le coup du grand débat

Macron a écrit aux Français une lettre qu’ils liront peut-être, s’ils ont le temps. Cette lettre sera un flop. Bavarde, sans angle qui souligne les enjeux politiques, elle faufile son discours entre les sujets qu’elle aborde de façon erratique. La demande de clarté et de sincérité qui monte du pays se dilue ici dans une dissertation laborieuse et chafouine. Ce qui tue dans l’œuf ce qu’elle pourrait être, c’est qu’elle affirme d’une part une volonté de continuité « droit dans les bottes » de la politique libérale et d’autre part le fait qu’on ne sait rien à propos de la façon dont les bavardages prévus donneront lieu à des décisions. Ce document, à lui seul, confirme l’incompréhension de Macron sur la nature du moment politique en cours. Imagine-t-on Mai 1968 se terminant dans un colloque décentralisé de cette sorte ?

Parfois, en lisant, on se frotte les yeux ! Quel culot quand même ! De fausses questions ouvertes sonnent comme autant de manifestes de pensée libérale. Comme cette saillie de faux bon sens : « Mais l’impôt, lorsqu’il est trop élevé, prive notre économie des ressources qui pourraient utilement s’investir dans les entreprises, créant ainsi de l’emploi et de la croissance. Et il prive les travailleurs du fruit de leurs efforts. Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d’encourager l’investissement et faire que le travail paie davantage ». Autrement dit, on ne peut remettre en cause la suppression de l’ISF ou la pérennisation du CICE puisque c’est ce qui est désigné par ce vocabulaire technocratique. Des fois, la ficelle est vraiment très grosse : « Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? À l’inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ? ».

Qui pourrait bien être entrainé par une telle prose faite de tant de ruses et dissimulations ?

C’est le moment de rappeler que Macron a déjà fait deux fois le coup du grand débat. Une fois à propos de l’Outre-Mer, une seconde à propos de l’Europe. De tout cela il n’est rien sorti de concret. Même pas des souvenirs. Et pour ce qui concerne l’Europe, on peut dire que personne ne s’est rendu compte que l’événement avait lieu ! Il y a une différence de taille pourtant. Car ce nouveau « grand débat » est présenté comme la réponse à la situation d’insurrection citoyenne. Et cela au moment-même où elle vient de faire une démonstration de force remarquée ce samedi. La seule question qui vaille, c’est de savoir si elle répond si peu que ce soit à l’état d’esprit du moment. Je crois le contraire. Le décalage se ressent quasi physiquement. Le ton, l’abord des thèmes, tout sent à plein nez la technocratie, et l’arrogance intellectuelle. Et en même temps, on voit crument le manque d’empathie pour le peuple en action. Pourtant ceux-là en 10 semaines, 10 morts et 1700 blessés ont fait basculer le néo-libéralisme triomphant dans la détestation universelle. Les stratèges de l’Élysée ne semblent pas comprendre que le slogan de toutes les manifestation est « Macron démission ». C’est cela qui fédère l’expression commune. C’est une sérieuse indication sur le fait que les questions sociales sont devenues une question désormais politique dans le pays. Ce qui ne se règle pas avec l’organisation de causeries. La vague de l’histoire passe. Quelqu’un le dit à Macron ?

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