Le douzième épisode de l’insurrection citoyenne des gilets jaunes a fonctionné comme un excellent rappel au réel. Les rangs des mutilés ont marqué les esprits. Le bruit de fond médiatique n’y peut plus rien. Ou seulement tromper les décideurs qui le prennent au sérieux. Tant mieux. De nouveau, selon le parti médiatique, la mobilisation se serait, une fois de plus, « essoufflée ». Cela va de soi. Mais il est dommage que les chiffres de participation donnés par les pédants en plateau ne se soucient même plus de la vraisemblance. Si on les croyait, on aurait eu un week end où 5 policiers auraient été mobilisés pour chaque manifestant…
Aux violences déjà subies s’ajoutent celle de cette douzième marche. Le président de l’Union Nationale des Lycéens à Paris et le responsable de la ligue des droits de l’homme à Toulouse ont été les victimes notoires du jour. Comme Éric Drouet a été une nouvelle fois interpellé, on peut se demander s’il n’y a pas une volonté de cibler spécialement les figures du mouvement dans toutes ses composantes. Mais combien d’autres sont encore venues allonger la liste des victimes des méthodes de Castaner ?
Les médias s’y intéressent après dix longues semaines d’indifférence en dépit de toutes les alertes. Mais à présent, un nombre croissant de journalistes de base et de photographes de presse sont concernés. Les chefferies de presse savent qu’elles ne peuvent plus en rester à dénoncer les violences des seuls manifestants comme elles l’ont fait pendant de longues semaines. On peut s’attendre à ce que, bientôt, la lumière vienne sur ce qui se passe dans les tribunaux au fil des « comparutions immédiates » qui s’y succèdent jusque tard dans la nuit, et souvent jusqu’au petit matin. Les avocats commencent à élever la voix. Et on peut penser que l’écœurement peut atteindre certains secteur de la bonne société d’habitude sensible aux excès de brutalité. Dans les réseaux sociaux, la circulation de l’information dans ces deux domaines produit un effet d’éducation collective aux réalités des dominations dans notre société qui vaut cours de rattrapage après des années d’atonie et d’impunité morale des grandes machines à mettre des laisses.
Dans la semaine, nous allons avoir l’action du 5 février. Ce sera la convergence entre l’action syndicale et celle des gilets jaunes. Il s’agit de bloquer la vie économique du pays, si j’ai bien compris les consignes données par la CGT et celles des groupes de gilets jaunes qui s’apprêtent à bloquer l’accès aux supermarchés et les pompes à essence. Ce samedi, nous avons vu ici et là le mouvement des « stylos rouges » percer dans la rue. On peut penser que ce mouvement ne devrait pas ralentir avec l’arrivée au parlement de la loi Blanquer sur l’éducation. Sans oublier le blocage des lycées ce mardi en réponse aux violences répressives, notamment celles subies par le président de l’UNL.
À ce stade, l’impression générale est celle d’un tâtonnement populaire sur fond de montée en ligne de nouveaux secteurs de la population dans la bataille. Mais cette fois-ci le temps ne travaille pas contre nous comme dans le cas de grèves de salariés ou de journée d’action en semaine qui font perdre du salaire à des gens qui n’en ont déjà pas assez.
Il n’en va pas de même pour le pouvoir. Il est tout entier suspendu à sa capacité à mobiliser des effectifs considérables et coûteux de fonctionnaires du « maintien de l’ordre ». Et cela avec une bonne partie d’effectifs qui ne sont pas des professionnels de ce type d’activité. La multiplication des mutilations joue aussi contre ceux qui en sont tenus politiquement responsables.
Le plus intéressant reste cependant l’état de nébulosité des principaux esprits qui travaillent au sommet de l’État. Si l’on met de côté ceux qui sont déjà en état de burn-out, ceux qui préparent leur départ et ceux qui se détestent et minent de l’intérieur la machinerie du sommet, celui-ci ne semble pas non plus en possession de tous les moyens d’une appréciation lucide. Macron dit qu’il y a 50 à 60 000 militants embusqués dans le mouvement des gilets jaunes pour abattre l’État et les institutions. Il affirme que la Russie instruit et manipule les animateurs du mouvement en cours. L’homme semble donc assez sévèrement perturbé. Comme lorsque, tel un buveur en addiction qui jure qu’il ne touchera plus un verre mais ne peut s’empêcher de le faire, il jure de plus prononcer de petites phrases méprisantes mais ne peut s’empêcher de balancer ses préjugés de classe sur les gitans ou « Jojo le gilet jaune ». On ne peut croire qu’il l’ait dit pour inciter les éditorialistes qu’il avait convoqué à le reprendre à leur compte.
Certes, des débordements d’admiration sans nuance de ces courtisans génétiques se sont encore lamentablement exprimés, mais on est obligé de se dire qu’en toute hypothèse le chef de l’État croit, hélas, ce qu’il dit. Et ce n’est pas un signe de bonne santé. Le plus grave n’étant pas sa santé mais ce que son état peut le conduire à faire ou à décider. Quelle est sa capacité à comprendre lucidement ce qui se passe, à discerner les voies de passages d’une situation et de ses sorties, avec de telles prémices ? Cela n’a pas semblé alerter les éditorialistes reçus. Ils en sont restés à la béatitude de l’intimité « au coin du feu » que l’un d’entre eux a dévotement décrite. Mais au total, si l’on combine les limites de l’appareil de répression, l’effritement des équipes du sommet, l’isolement politique du président et son état de fébrilité, d’un côté, et, de l’autre, l’élargissement, même lent, du front de ceux qui entrent dans l’action, le cours des évènements ne montre pas de point d’appui pour que la macronie puisse retourner la situation en cours.
Cette semaine il faut donc réussir un bon 5 Février. Et un blocage correct des lycées mardi. Avant le prochain samedi de marche. Bien sûr.
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