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Le drôle d’ami allemand fait la loi

Le mercredi 27 février, Emmanuel Macron recevait Angela Merkel à l’Élysée. Les deux dirigeants doivent notamment discuter de la mise en œuvre du Traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier dernier. Ceci alors même que les députés et sénateurs français n’ont toujours pas eu l’occasion de débattre dudit traité. J’ai déjà écrit sur ce blog les raisons de mon opposition à ce texte. Il nous lie au dogme ordolibéral du gouvernement allemand et nous empêche ainsi d’ouvrir le combat dans l’Union européenne pour mettre à bas les politiques d’austérité. Il attaque le caractère égalitaire de la loi républicaine en permettant que celle-ci soit différente dans les régions frontalières avec l’Allemagne. Sur les sujets internationaux et militaires, il fait la promotion de l’Europe de la défense, un concept absurde destiné à masquer une soumission encore plus grande à l’OTAN.

Le traité d’Aix-la-Chapelle ajoute un chapitre très discutable à la coopération entre nos deux pays pour les industries d’armement. C’est une voie bien naïve pour notre pays. Car ces dernières années, l’Allemagne nous a fait faux-bond plus d’une fois dans ce domaine, en dépit de tous les discours à l’eau de rose sur le « couple franco-allemand ». En juillet 2017, la France et l’Allemagne signaient un accord pour développer la prochaine génération de missiles air-sol. Pourtant, quelques mois plus tard, le gouvernement allemand choisissait d’adopter le missile israélien malgré l’existence d’un équivalent européen. En novembre 2017, l’Allemagne a encore trahi sa parole en matière d’équipement spatial en passant commande à un constructeur allemand pour des satellites d’observation optique. Les accords de Schwerin signés avec la France en 2002 auraient dû la conduire à passer par une production française.

Mais le traité d’Aix-la-Chapelle va manifestement plus loin que ce que l’on croyait. Le journal allemand Der Spiegel a écrit dans un article publié le 15 février qu’il comportait une clause secrète sur les exportations d’armes produites en commun. Le porte-parole du gouvernement allemand a commenté en affirmant qu’il s’agissait d’un « accord politique préalable ». En théorie, le sujet est déjà traité par l’accord Debré-Schmidt de 1972. Celui-ci dispose qu’aucun des deux gouvernements ne peut empêcher l’exportation par l’autre de matériel produit en commun. Sauf que l’Allemagne viole cet accord de plus en plus fréquemment. En 2012 puis en 2014, l’Allemagne a bloqué l’exécution de contrats sur des missiles anti-char, interdit à ses constructeurs automobiles de livrer des pièces indispensables pour des projets militaires franco-allemands afin d’empêcher des exportations françaises. Inutile de dire que ce n’est pas par amour de la paix car, sinon, pourquoi ces armes seraient-elles produites par les deux pays d’un commun accord ? D’où la volonté allemande de réviser les accords de 1972. Le Spiegel fait état de l’instauration d’un droit de regard mutuel sur l’exportation d’armes construites en commun.

Dans un article publié le 18 février, le journal français L’Opinion va plus loin. Il affirme qu’un seuil de 20% serait en discussion. Pour un matériel contenant au moins 20% de composants allemands, la France devrait obtenir l’autorisation du gouvernement allemand pour exporter. Ce seuil concernerait par exemple le char d’assaut et l’avion de combat que les gouvernants français avaient décidé de développer avec l’Allemagne. Si cette information est exacte, c’est une limitation sérieuse de notre souveraineté dont on ne comprend pas la légitimité ni même la motivation. Nous ne pouvons pas accepter qu’une partie aussi importante de politique internationale soit décidée à Berlin. On imagine quel jeu malsain pourraient jouer les États-Unis pour faire pression sur le gouvernement allemand afin qu’il empêche la France d’exporter des armes à tel ou tel pays.

Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a rien à redire à la politique d’exportation d’armes pratiquée actuellement par le gouvernement français. La présence d’armes françaises dans les massacres perpétués par l’Arabie Saoudite au Yémen est une honte pour notre pays. Mais le contrôle des exportations d’armes doit se faire souverainement. Le député insoumis Bastien Lachaud a, par exemple, proposé au nom de notre groupe à l’Assemblée nationale des amendements pour interdire les exportations vers des pays impliqués dans des interventions militaires extérieures sans mandat de l’ONU. Ou bien d’accroître le rôle des parlementaires dans la régulation des exportations de matériels militaires. Mais là, il s’agit de l’indépendance stratégique de la France.

Indépendance et souveraineté sont des principes dont nous pensons qu’ils devraient guider notre politique étrangère. Macron et Merkel doivent lever le secret. Existe-t-il réellement une clause secrète sur les exportations d’armes dans le traité d’Aix-la-Chapelle ? Si oui, quel est son contenu ? Ce sont des décisions qui nous concernent tous et le destin du pays. Elles ne peuvent pas être simplement le fait du prince. Nous avons le droit d’en débattre publiquement. Et nous avons le devoir de voter contre ce traité dérisoire sur tant de points et désastreux sur tant d’autres.

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