Je veux marquer le coup. Mardi 7 janvier, mon collègue insoumis Loïc Prud’homme a interpellé Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et Didier Guillaume, le ministre de l’agriculture. Il s’agissait de montrer du doigt leur politique si amie des pesticides, alignée sur l’industrie chimique. La réponse fut le traditionnel flot de mensonges auto-satisfaits faisant hurler de joie les députés Playmobil de LREM que la mauvaise conscience tenaillait un peu. C’est pourquoi j’y reviens ici. Car le soir même, le ministère de l’agriculture publiait ses derniers chiffres de consommation de pesticides en France. Ils datent de 2018. Pour cette année, l’utilisation des produits phytosanitaires a augmenté de 24%. C’est l’augmentation la plus forte depuis une décennie. En 2008, suite au Grenelle de l’environnement, un objectif de baisse de moitié de la consommation de pesticide dans notre pays avait été fixé. Depuis, un premier plan a été adopté par Sarkozy, puis un deuxième pour Hollande et un troisième par Macron. Le résultat est une débandade générale : la consommation de pesticides a augmenté d’un quart sur la période.
Depuis qu’il est au pouvoir, Macron n’a pas posé un acte qui puisse inverser la tendance. Ses paroles sont le maximum dont il est capable. En février 2019, les insoumis ont proposé une loi pour interdire le glyphosate sur le territoire français à partir de novembre 2020. C’était conforme à ce que le président avait annoncé après avoir perdu le vote sur le sujet au niveau européen au profit de la position allemande. Mais les députés marcheurs ont en chœur et en cadence voté contre. Lors de la lecture de la loi agriculture et alimentation, la majorité a rejeté les amendements défendus par les Insoumis visant à introduire des zones tampons entre la pulvérisation de pesticides et les habitations. De même, les préfets de Castaner ont systématiquement attaqué devant le tribunal administratif les arrêtés des maires instaurant de telles zones tampons.
Depuis, il a clarifié sa position. Entre Noël et le jour de l’an, un arrêté ministériel a été publié sur l’interdiction de pulvérisation de pesticides autour des habitations. C’est une obligation règlementaire du droit européen depuis 2011 mais qui n’a jamais été transposée en France. Mais le contenu de l’arrêté ressemble à une mauvaise blague. Le gouvernement a d’abord communiqué sur une zone tampon de 20 mètres – c’est-à-dire 10 fois moins que ce que proposait la France Insoumise ou les maires. Mais cette disposition ne s’applique qu’aux produits considérés comme « les plus dangereux », soit 0,3% des pesticides. Pour les 99,7% restant la distance à respecter entre des habitations et l’épandage de pesticides est de 5 mètres et même de 3 mètres lorsqu’une « charte départementale d’engagements » existe. Trois petits mètres ! Autant dire rien.
Les ministres concernés ont prétendu que cette décision indigne était « la ligne de la science ». C’est une reprise grossière de la propagande de Bayer-Monsanto. En guise de science, il s’agit de l’agence européenne de sécurité alimentaire. Cette institution de l’Union européenne s’est déjà illustrée en recopiant consciencieusement des études de Monsanto sur le glyphosate et en publiant cela comme « étude indépendante ». Cette fois, l’étude qu’elle a produite et qu’adopte le gouvernement se base sur des données des années 1980. Elle est évidemment très critiquée par la communauté scientifique.
Mais des scientifiques sérieux et vraiment indépendants pour établir la dangerosité des pesticides de synthèse, il y en a ! Et non des moindres. L’Organisation Mondiale de la Santé a classé depuis 2015 le glyphosate comme un cancérigène. En 2013, l’Inserm a publié une étude dans qui concluait que la proximité des pesticides sur la population rurale avait pour effet de développer la maladie de Parkinson et le cancer de la prostate. Sur les femmes enceintes, la proximité d’exploitations agricoles chimiques augmente les risques de malformations cardiaques et du système nerveux chez les nouveaux nés. En 2018, une autre étude, cette fois menée conjointement par l’Inserm et l’Inra se concentrait sur la consommation de pesticides via l’alimentation. Elle a conclu que cela renforçait les risques d’obésité et de diabète, deux épidémies en plein développement en France.
Il faut sortir des pesticides par des interdictions progressives. La compétitivité de notre agriculture n’est pas le bon angle par lequel prendre le problème. C’est un problème de santé publique. Si notre modèle agricole a besoin d’empoisonner les paysans, les populations rurales et les consommateurs pour fonctionner, alors il faut en changer d’urgence.