Devenue enragée contre les avocats qui lui tiennent tête, la ministre de l’Injustice fait embastiller un bâtonnier et quelques avocats. Encouragés par l’impunité qu’elle leur a garanti, des policiers en sont rendus à porter plainte contre l’homme qu’ils ont roué de coup au sol au motif que celui-ci leur aurait crachés dessus en les menaçant de son SIDA. Le grand n’importe quoi ! Les abus de pouvoir contaminent une case après l’autre de la vie de notre pays. Et quelle idée que ce sommet des riches à Versailles, la veille de Davos ! Quelle image dans le contexte de la lutte acharnée des salariés pour le droit à cette retraite que leur contestent les ultra-riches et leurs marionnettes politiques ! Pour se décerner un premier prix d’économie au prix d’une mystification de plus. Et cela, le jour où est annoncée une nouvelle hausse de 2,4% des tarifs réglementés d’EDF. Une augmentation qui va encore meurtrir les plus démunis qui vont être encore plus nombreux à avoir froid dans le noir !
Le chœur des macronistes jette en cadence des grosses larmes d’une indignation permanente surjouée. Il contribue à exaspérer toutes les tensions verbales. Pourtant, il n’est pas une personne censée qui ne se rende compte de cette décomposition du tableau politique général de notre pays.
Du coup beaucoup, chacun dans ses moyens, essaient de faire baisser la tension. Chez Ruquier sur France, 2 tard la nuit, la porte-parole FO de la police dit qu’on « ne règle aucun problème économique ou social par l’usage de la police ». Une parole responsable et pas facile dans le contexte. Sur ce sujet, ma conviction est faite : il existe dans la police une résistance morale à la dérive violente et autoritaire. Peut-être cette résistance est-elle aussi maltraitée en interne par les mêmes qui abusent de leur pouvoir dans la rue. En tous cas, il y a un grand malaise dans la police. Un malaise sans précédent. Nous en sommes à cinquante-neuf suicides dans la police en 2019. Trente-cinq en 2018. Cinquante et un en 2017. Cent quarante-cinq morts en trois ans ! Pire que chez Orange, dont les dirigeants ont été condamnés en justice pour leur management qui avait conduit à cinquante suicides. L’analyse du dirigeant syndical policier Alexandre Langlois sur ce sujet est glaçante. Il dénonce une origine dans les harcèlements internes. Il a été aussitôt sévèrement réprimé par sa hiérarchie, avec la bénédiction des syndicats concurrents. Où va-t-on de ce pas morbide ?
Dorénavant, à l’instar du « Monde », parlant de « violences policières sans s’encombrer de guillemets » le changement de ton des médias est patent. Les faits occultés viennent au premier plan. Du coup, le régime a compris que ces violences pouvaient lui faire perdre la bataille de l’opinion comme lui-même avait réussi à la faire perdre aux gilets jaunes sur le même thème. Il sait que désormais le monde entier voit ce qui se passe en France. Et il sait que dans la classe moyenne supérieure qui est le socle de sa base électorale, au-delà de tout choix politique, les questions morales jouent un rôle clef. Et dans ces milieux, les scènes de répression qui choquent en Russie ou ailleurs ne sont pas mieux admises dans notre pays. La percée annoncée du vote EELV se nourrit aussi de ce rejet dans ces secteurs de la société qui sont les plus fortement mobilisés dans les élections. Il faut bien dire que cela fait nos affaires. Car la bascule d’une part de la droite écœurée venue à Macron par le centre y retourne via le vote EELV. Un dirigeant comme Jadot l’a compris et il s’essaie bien à favoriser ce glissement désastreux pour Macron. Quant aux policiers, sur qui tout repose dans l’ordre macroniste, ils se savent dorénavant pris en tenaille entre une opinion exaspérée et un gouvernement qui les lâche. Nombre d’entre eux qui votent Front National voient bien que les appels de Le Pen contre la réforme des retraites finit de les isoler. Je crois bien que nous allons donc voir bientôt les boucliers et les casques à terre à certaines occasions. La troupe sait qu’elle ne gagnera rien à faire du zèle pour un régime qui se sert d’elle sur le mode Kleenex anti-social.
Au total, le régime se sait dorénavant si isolé dans la société au sens large du terme qu’il se rabougrit volontairement au socle social qu’il a conquis sur la droite. Le voilà donc à son tour engagé dans la pente qui a coûté si cher à la droite traditionnelle : élargir son audience à droite, là où campe l’extrême droite et ses thèmes. Ainsi est née l’idée calamiteuse de ce plan gouvernemental à propos de « l’islam radicalisé » cousu en pur fil du mauvais coton lepéniste. La confusion augmente alors d’un cran. Car pendant ce temps et « en même temps », un ample secteur des marcheurs continue à répéter les éléments de langage de la stratégie initiale : Macron plutôt que Le Pen. Et Pierre Lemaitre, si caractéristique, de dire : « qu’a fait Macron que n’aurait pas fait aussi Le Pen ? ».
Il est alors frappant d’entendre le nombre de ceux qui disent : « plus jamais je ne voterai Macron quel que soit son adversaire ». Souvent ce sont, autour de moi, ceux-là mêmes qui m’ont reproché de ne pas avoir appelé à voter Macron au deuxième tour de l’élection présidentielle. Dorénavant ils sont ulcérés. Et ils se recrutent socialement dans ces classes moyennes supérieures qui sont prescripteures pour les petites classes moyennes. Ce tempérament peut aussi bien s’éparpiller ou cristalliser tout ensemble. En nous diabolisant sans trêve il est incontestable que notre image dans ce secteur de la société est devenue plus clivante. Le déversoir vers EELV n’en fonctionne que mieux. Qui va s’en plaindre, tant qu’il s’agit d’affaiblir le régime ? La macronie tresse la corde pour la pendre. D’ici peu, grâce à la reconstitution d’un centre en dehors de l’espace de droite on pourra se dire : « qui que soit un candidat contre Macron ou un macroniste celui-là aura gagné d’avance». Aux municipales, le carnage va se voir.
Ce naufrage stratégique est un pur produit de l’amateurisme qui finalement se révèle de tous côtés avec cette équipe présidentielle. Amateurisme d’équipe saoulées de contentement de soi, d’esprit d’intrigue comme aux pires moment de la Hollandie qui en font une passoire sans discrétion. Les stratégies contradictoires mises en œuvre en macronie ne laissent dorénavant plus d’autres possibilités d’expansion électorale aux macronistes qu’à droite et toujours plus à droite. EELV et ce qui reste de socialistes va donc brouter aux macronistes de grosses bouchées au centre. Et cela leur sera électoralement fatal. Excellent auto-dépeçage.
En tous cas, d’ici aux municipales, les avocats qui crient « Belloubet démission » resteront les symboles de ces catégories sociales acquises et perdues par le régime. Combien d’autres, combien de consciences sidérées par leur découverte de la nature violente et méprisante de cet « extrême-centre » qu’incarne le régime macroniste ? Leur nombre ne peut qu’augmenter car rien ne permet de voir la tendance s’inverser. Les signaux de mépris s’accumulent assez pour cela. Que la pantalonnade du « grand débat » post gilets jaunes se finissent par le classement sans suite et sans lecture des cahiers de doléances dans les archives départementales résonne dans l’esprit de ceux qui y ont cru. Ils comprennent la supercherie. Ils savent qu’ils ont été les jouets d’une mascarade électoraliste si grossière !
Je n’allonge pas la liste de tout ce qui dans le pays est en train de déraper au point que l’esprit public est disponible pour bien des soubresauts. Non seulement les besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour nombre de personnes mais la confiance en qui que ce soit coule à pic. Le régime macroniste est déjà plus honni que l’était la fin du hollandisme. Seuls des journalistes de plateaux peuvent se réjouir de voir baisser le mouvement de grève comme si cela voulait dire un recul de la volonté de combat des salariés concernés. Les feuilles de paie zéro en main et la rage au ventre, nombre reprennent avec une insurmontable rage de revanche. Ils se sentent eux aussi humiliés par les ricanements des plateaux. Et c’est encore une rupture sans retour.
Louis XV commença son règne sous le surnom de « Bien aimé ». On l’enterra de nuit sous les lancers de pierres.
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