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Soir de coronavirus sur les urnes

Soirée au temps suspendu au siège de La France Insoumise. Une poignée militante physiquement présente. Le reste de l’équipe prévue est en ligne. La collecte des résultats se fait sans la fébrilité habituelle des allées et venues et des chiffres clamés à la cantonade. Bref : une soirée à l’ère du coronavirus. Les porte-paroles sont confinés, à l’exception de Corbière et Panot qui répondent à des invitations en plateau. De cela je ne dis rien sinon la grossièreté délibérée du service politique de France 2 et de son lecteur de prompteur Delahousse. Mais reconnaissons qu’il reste quand même le mieux coiffé de la scène médiatique, ce qui est son principal mérite.

Au téléphone, les contacts avec les équipes militantes se succèdent. Au fur et à mesure, ici des rages de déception, là des joies du succès. Mais partout la consternation devant la dérobade électorale des quartiers populaire une nouvelle fois, y compris là où les nôtres se sont acharnés aux porte-à-porte. Du coup on ne sait plus comment interpréter les résultats dans maints endroits. À l’accroissement du mécanisme de l’abstention d’une élection à l’autre s’ajoute un effet actuel de première force. Les annonces de dernières minutes du gouvernement ont contribué à la panique ? C’est certain. La participation est historiquement basse. Elle baisse d’environ 20 points. Moins d’un électeur sur deux s’est déplacé. Dans certains départements, l’abstention dépasse les 60%. Dans ce contexte il est particulièrement difficile de tirer un enseignement politique des résultats. Mais cela ne veut pas dire que ce résultat ne vaille rien, ni qu’il soit plus illégitime que d’autres…

Je crois aussi qu’il y a eu un effet de ces appels de dernière minute sur les réseaux sociaux à tout arrêter. Ils ont joué un rôle de dramatisation assez dévastateur. Car on finissait par croire que les bureaux de vote fonctionneraient comme des vaporisateurs de coronavirus. Pendant ce temps, dans les parcs et jardins dans les magasins et les boulangeries, des cohues s’y ébattaient sans aucune des barrières de protections pourtant assurées dans les bureaux de vote. C’est la vie. Le sang froid et le discernement restent à construire dans une société habituée à flotter au gré des humeurs et des rumeurs. Il est dommage qu’autant de responsables politiques s’y soient abandonnés sans aucune soucis des conséquences de déclarations faites à des heures où elles ne pouvaient avoir aucun résultat concret sur le gouvernement.

Après quoi la journée s’est passée sans incident. Si l’on excepte Marseille avec ses listes d’émargement décollables, son attaque d’un bureau de vote par des individus cagoulés pour voler une urne, ses séances d’affichage dans les bureaux de vote, et son système d’ordinateurs centraux piratés interdisant l’identification des procurations. Mais, globalement, les mesures sanitaires semblent avoir été appliquées avec un certain zèle.

Reste quand même que l’accélération des décisions gouvernementales dans les dernières 72h interroge sur la réalité de la situation autant que sur l’évaluation qu’en a fait le gouvernement au départ. Quand des grands professeurs et médecin appellent les Français à ne pas aller voter alors que le gouvernement y appelle et dit depuis le début qu’il faut faire confiance aux scientifiques et à ceux qui savent, alors il est normal d’être très perplexes et méfiant.

Plus que jamais, le pays a besoin de cohérence, de clarté et de résolution. La responsabilité du gouvernement est donc d’indiquer s’il décide du maintien de cette élection. Car l’heure est grave. Nous allons vers un pic de l’épidémie qui va frapper le pays de stupeur et de douleurs sans nom. Nos hôpitaux et personnels de santé ont besoin d’une discipline totale dans le pays pour tenir le plan marche afin de contenir cette épidémie. D’ores et déjà des milliers de soignants sont au bout du rouleau. Les masques manquent. Les lits arrivent à saturation. Les personnels soignants l’affrontent avec un courage admirable et doivent « quoi qu’il en coûte » recevoir les moyens leur permettant d’y faire face.

Le pays est en train de dessaouler de la période des valeurs pourries du libéralisme et de son mode de société d’égoïsme et d’inhumanité à l’égard de « ceux qui ne sont rien ». La question sociale, c’est-à-dire la valeur du service public, le goût de l’égalité devant l’accès aux soins, tout cela remonte en premier plan. Cela peut submerger la scène mentale du pays. Mais le désordre, la loi du plus fort et la violence qui va avec peuvent aussi devenir maîtres du terrain.

En cohérence avec notre attitude depuis le début de cette crise, nous nous en tiendrons à suivre les consignes officielles et à tout faire contre la panique et le désordre. Il ne peut être question de rendre souhaitable un pouvoir plus autoritaire. La mise en congé de la démocratie, même pour raison sanitaire conduirait à des maux d’un niveau imprévisible. Il faut donc rester extrêmement attentifs à ce que ces circonstances exceptionnelles ne justifient une quelconque remise en cause des règles de notre démocratie et les droits des Français. En particulier, l’Assemblée nationale doit pouvoir exercer son rôle de contrôle de l’exécutif. Bien sûr il faut s’organiser d’une façon spéciale pour cela. Mais il ne faut pas s’enfermer dans une remise des pleins pouvoirs à l’exécutif qui ne mène nulle part et dessert l’autorité de l’État comme chaque fois qu’elle parait illégitime.

À nos yeux, la mobilisation populaire est encore la meilleure arme de lutte sanitaire. Il ne suffit pas de confiner. Tout le monde ne le sera pas. Il ne faut pas laisser la population à l’incertitude et à la passivité. Pour cela il faut que là où le travail continue, il y ait réunion des salariés sur les lieux de travail pour décider des mesures de salubrité collective au travail. Ensuite, il faut protéger la population en lui assurant les moyens de sa survie. Cela veut dire l’indemnisation à 100% des salaires perdus. Bien sûr. Mais aussi il faut stopper les décomptes et convocations à pôle emploi, et ne plus radier. Cela veut dire aussi prolonger les gens qui arrivent en fin de droits et décider la suspension de la loi de restriction de l’indemnisation du chômage. Bref : rassurer socialement pour ne pousser personne à la faute. Il s’agit donc de penser d’abord aux plus exposés socialement. Par exemple en repoussant les échéances des intermittents du spectacle. Et ainsi de suite.

Au plan sanitaire, on voit bien que la limite va vite être atteinte. Il est urgent de soulager la première ligne de front, celle du personnel soignant. Il est temps de prononcer la réquisition de toutes les installations et personnel de santé privés. Et la réquisition des moyens de maintien à domicile que vendent aujourd’hui des entreprises privées. Si mes renseignements sont bons, la mobilisation générale de la réserve sanitaire n’est pas encore effective. Il est temps qu’elle le soit. Encore une fois il s’agit de mesurer l’état d’épuisement où se trouve déjà tant de monde. C’est pourquoi s’il n’est pas évident de trouver la réserve qualifiée en personnel soignant il est cependant possible de réaliser des embauches immédiates pour prendre en charge les tâches administratives que ces personnels assument aujourd’hui.

Bref encore : l’action populaire n’est pas un problème, elle est une solution. L’implication à des tâches cohérentes est la meilleure garantie de la prise en charge des consignes qui les sous-tendent.

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