confiance macron melenchon

18.03.2020

La confiance méfiante est-elle possible ?

Enchantement ce soir : les applaudissements sur les balcons se répandent de plus en plus largement. Tout pour nos soignants ! C’est un signal. Un thermomètre de la santé morale populaire. Soyez plus nombreux chaque jour. C’est la pause fraternité. N’oubliez pas. Ca fait un an qu’ils sont en lutte pour empêcher l’hôpital public de s’effondrer.

À Marseille, ils ont aussi joué la Marseillaise avec le cri de guerre de la ville « aux armes ! ». France magique. En revanche, les nouvelles du front sont moins bonnes. Les personnels s’épuisent. On paie cher le retard à l’allumage du gouvernement, les jours pendant lesquels il aurait fallu produire nuit et jour des masques et des tests. La recommandation numéro un de L’organisation mondiale de la santé n’a pas l’air d’être à l’ordre du jour en France : le plus de tests possible ! Décidément : Macron parle de guerre à six reprises dans son discours. Mais il y envoie au front sans munition. Impossible à comprendre. Insupportable à vivre ! Merci aux Chinois de nous aider ! Honte à ceux qui nous ont rendu incapables de produire nous-même ce dont nous avons besoin en urgence !   

Les aveux de Madame Buzyn fonctionnent comme une réaction en chaîne. À chaque instant on en découvre de nouveaux impacts. Donc, « ils » savaient ! Pourtant, « ils » nous ne nous en ont jamais rien dit. Comment ont-ils pu croire que cela ne finirait pas par se savoir ? Avaient-ils donc prévu qu’en mentant une première fois par omission il leur faudrait ensuite mentir de nouveau de façon active ? Puisqu’ils savaient que le danger était plus grand que ce qu’ils en disaient, il leur faut dorénavant essayer de reporter la responsabilité de la convocation du premier tour de l’élection municipale sur l’ensemble des partis qui auraient « été consultés et donné leur accord ».

Il n’en est rien. Nous n’avons pas été consultés sur ce sujet. Les informations de la première rencontre étaient apaisantes. Celles de la seconde plus grave mais sans alarme. Nous n’avons compris que le gouvernement s’attendait à une situation inquiétante qu’en voyant le Premier ministre à 19 heures, le samedi veille du vote. Lorsqu’il a annoncé des mesures de confinement. Comme tout le monde, nous avons ressenti le caractère incohérent de l’alerte et du maintien de la journée électorale le lendemain. Pour ma part, j’en ai déduit que le gouvernement disposait des moyens d’apprécier la gravité de la situation et par conséquent qu’on devait l’aider dans toutes les dispositions qu’il prenait.

En particulier, « puisque » le vote était organisé, j’en ai conclu qu’il fallait aller voter pour ne pas créer de panique et de désorganisation. Moi-même, certes je votais par procuration à Marseille, mais je me suis déplacé dans Paris entre mon domicile, le siège du mouvement où était mon tour de rôle, j’ai salué des gens dans la rue, je suis allé jeter un œil sur le bord du canal Saint-Martin où j’ai vu bien du monde là encore. Ma famille, mes amis, mes proches, toute l’équipe dirigeante du mouvement et les deux groupes aux Parlements national et européen, tout le monde est allé voter, saluer les milliers d’assesseurs en place et spécialement les nôtres que nous avons encouragé à faire leur devoir. Nous avons fait confiance. Nous avons voulu prendre notre part à l’effort de sang-froid et de discipline auquel tout le pays était appelé. Et maintenant quoi ? Tout cela pour apprendre à présent que notre confiance a été abusée par ce que « ils » savaient, et pas nous, que la situation était déjà suffisamment grave pour avoir nécessité un confinement général.  Du coup tout ce qu’ils disent, tout ce qu’ils proposent parait suspect.

Le grand nombre ressent d’instinct le sens de ces situations. Il en déduit que ce qui lui est dit n’a pas vraiment d’importance ni de vérité. Après qu’Édouard Philippe ait dramatisé la situation à 19 heures le samedi sans renoncer à la convocation le lendemain matin dans les bureaux de vote de millions d’électeurs chacun en a déduit que la situation n’était pas si grave que ça. Le mensonge et l’incohérence diluent la conscience et l’esprit de discipline. Plus rien n’est cru vraiment Et cette suspicion est légitime. J’en veux pour preuve l’examen du détail des déclarations de Madame Buzyn puis des réponses du Premier ministre sur le sujet. Elle dit avoir prévenu le Premier ministre et le président de la République. Quelques heures plus tard elle affirme que l’un et l’autre l’ont « pleinement soutenu ». C’est faux, puisque la date des élections a été maintenue. « Elle » savait mais non seulement n’a rien dit en public mais au contraire elle s’est présentée à une élection dont elle pensait elle-même qu’elle ne devrait pas avoir lieu ! Horrible duplicité !

De son côté, le Premier ministre reconnaît qu’il a été prévenu et qu’il a « consulté les scientifiques ». Ceux-ci ne lui auraient pas conseillé d’annuler les élections. Pourquoi le Premier ministre nous ne nous a-t-il rien dit de cette discussion, ni de ses conclusions, quand il nous a convoqué à deux reprises avant le premier tour ? Mais est-ce vrai ? Que lui ont-ils dit ? Quel genre de scientifiques ont pu lui démentir ce que Madame Buzyn tenait, de son côté, pour acquis ? Comment comprendre que certains « scientifiques » entourant le Premier ministre n’avaient pas d’opinion arrêtée le jeudi, et d’autres écrivent le samedi dans la nuit, après l’intervention du Premier ministre qu’il fallait annuler le premier tour ? Quelques rares observateurs noctambules ont pu l’apprendre. Mais aucun commentateur ensuite ne nous a alerté pour commenter, confirmer ou infirmer?

Poser ces questions c’est lancer une alerte. Pour obéir à une discipline, il faut faire confiance à qui donne les consignes. La confiance méfiante est impossible. Peut-être les responsables de « La République en Marche » ont déduit de notre volonté de coopération qu’on pourrait tout nous faire avaler sans discussion. Dans cet esprit j’ai retrouvé ici là des références à « l’union sacrée », et autres expressions grandiloquentes. Il a fallu s’en défendre quand on nous a demandé de confirmer ces mots. Cela n’a jamais été notre point de vue et cela ne sera jamais. L’Histoire nous a bien enseigné comment « l’union sacré », si émouvante que soit l’expression, est une machine à faire fermer les bouches et verrouiller les consciences. Il est d’ailleurs frappant que dès que l’on a commencé à poser des questions certains commentateurs on en déduit que « l’union sacrée » qu’ils avaient proclamée sans se soucier de savoir si nous en étions d’accord serait « en train de s’effilocher ». L’union sacrée dont ils parlaient, c’était donc bien l’obligation du silence dans les rangs.

Notre point de vue est celui de l’intérêt général et de l’efficacité de la mobilisation pour faire face à l’épidémie. Un point c’est tout. Il n’y a aucune inconditionnalité dans ce point de vue. Au contraire, et c’est pourquoi depuis le début je ne cesse de rappeler qu’il ne peut être question de mettre la démocratie entre parenthèses, il ne saurait être question de confier les pleins pouvoirs à qui que ce soit quel qu’en soit le prétexte. C’est par la garantie de notre vigilance et notre esprit critique que nous pouvons faire œuvre utile. Et c’est ce qui donne tout son prix à notre choix quand nous appuyons des mesures d’intérêt général si elles sont prises. Je connais trop l’illusion mortelle des technocrates selon laquelle la démocratie serait un bavardage inutile comparé à l’efficacité supposée évidente des experts et des appareils qui leur obéissent.

Je ne m’étends pas sur ce sujet pour ne pas être méchant. À cette heure chacun a bien compris combien « les experts » étaient, comme tout le monde, travaillés de doutes et de contradictions. Mais, à la différence de beaucoup d’autres gens, ils n’ont ni humilité ni frein au moment proclamer comme des vérités absolues leurs points de vue. Malheur à qui les croit sur parole car ils peuvent en changer soudainement le lendemain. Quant aux appareils, notamment celui de l’État, hélas, hélas, mille fois hélas nous voyons dans quel état de délabrement il se trouve par manque de moyens. Mais aussi par le relâchement général des chaînes de commandement. Celle-ci vient de haut. Et surtout de l’incohérence des sommets de l’État. Ainsi quand ceux-ci annoncent des consignes à la télévision et à la radio sans se soucier de savoir si les responsables de l’administration seront informés à temps pour les mettre en œuvre. De ce que je dis là je pourrais donner maints exemples où l’on apprendrait comment des chaînes militantes ont informé les têtes de réseau administratif de ce qui se passait vraiment !

Ce sera tout pour ces lignes écrites avant la session de l’Assemblée qui se tiendra demain. Le groupe Insoumis a mis en place une délégation restreinte conformément aux décisions de limitation de présence acceptées par tous. Tous les autres resteront confinés comme c’est la consigne impérative qui s’applique à tous. 

La période du confinement n’est pas oisive pour les membres de nos deux groupes parlementaires. Au contraire. C’est même un peu la surchauffe. On enchaine les télé-conférences de toutes sortes, tantôt sur nos terrains tantôt entre nous. Tantôt pour des échanges politiques, d’autre fois des questions techniques liée à la crise sanitaire et aux informations qui circulent. Nos collaborateurs sont sur les dents. L’Assemblée va être en session jeudi et vendredi. Et le Parlement européen sans doute à très court terme. Notre député Younous Omarjee, président de la Commission des Régions remue ciel et terre pour que les fonds nécessaires et qui relèvent de sa Commission puissent être votés en temps utiles.

On a donc tenu une télé-conférence générale lundi pour harmoniser les positions et les angles d’analyse. Pour le groupe à l’Assemblée, le choc travail est rude. Tout le monde est en télé-travail. L’accès aux locaux de l’Assemblée est interdit. Il s’agit donc de réorganiser tout le travail de chacun et des collaborateurs et de préparer la discussion de trois textes de loi. Un de finance rectificative et deux autres lois de mesures diverses (aide sociale, élections), etc. Trois textes connus mercredi et discutés… jeudi matin. Je vous décris l’ambiance ? Comment agir sur le fond dans de telles conditions ? Nous n’aurons même pas la possibilité de nous expliquer sérieusement à ce sujet. Nous disposons de cinq minutes dans la discussion générale de chaque texte. Et deux minutes d’explication de vote…

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