M. Jean-Luc Mélenchon interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, sur au sujet de l’accord UE-Mercosur.
Le Gouvernement a récemment multiplié les grandes déclarations et affirmé vouloir jouer un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. Le 29 juin 2020, le Président de la République disait aux membres de la Convention citoyenne pour le climat : « J’ai stoppé net les négociations ». En décembre 2020, il ajoute face aux velléités de la Commission européenne qu’« il n’est pas question de déclaration annexe ». Enfin, le 25 janvier 2021, Barbara Pompili, ministre de la transition écologique affirmait : « Pour lutter contre la déforestation importée, la France a refusé de signer un accord de libre-échange avec le Mercosur et a notamment engagé un plan protéines végétales pour réduire nos importations de soja. » Les urgences écologique et climatique exigent de mettre en œuvre une bifurcation écologique d’ampleur. Celle-ci implique la modification en profondeur des façons de produire, de consommer et d’échanger. Or les accords de libre-échange conduisent tout droit dans une impasse. En effet, la Commission européenne vient de publier un rapport de recherche qui démontre que les importations cumulées de douze accords commerciaux en cours de négociation, de ratification ou d’application, dont l’accord UE-Mercosur, ne vont faire qu’aggraver la situation sur tous les plans. D’après ce rapport, l’accord UE-Mercosur aurait une grande part de responsabilité dans la déstabilisation accrue des marchés agricoles. En effet, il occasionnerait « la plus forte importation de produits agricoles » sur des marchés déjà saturés et alors que les agriculteurs peinent déjà à vivre de leur métier. En échange, il prévoit la suppression des droits de douane sur 91 % des biens exportés vers le Mercosur. À quel prix ? Outre l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre qu’il provoquerait, un autre rapport d’experts évoque une hausse de 5 % de la déforestation du fait de l’augmentation de la production bovine. Pourtant, il semble que la France agisse à l’inverse de ses grandes ambitions. En réalité, il semblerait qu’elle soit en train de négocier en catimini son ralliement à la Commission européenne et son soutien à l’accord UE-Mercosur. Ce soupçon s’appuie sur un « document de travail » émanant du Ministère du commerce extérieur et adressé à tous les membres du Comité de suivi de la politique commerciale et publié par certains médias. À la lecture de ce document, on comprend que la France s’apprête à faire marche arrière.
Premièrement, le Gouvernement accepterait de ne pas rouvrir les négociations sur son contenu. Deuxièmement, elle serait prête à entériner le choix de la Commission européenne consistant à travailler sur une « déclaration des parties annexée à l’accord ». Ainsi, au lieu d’un rejet de l’accord, le Gouvernement formulerait des « exigences additionnelles » portant sur le climat, la lutte contre la déforestation et les normes sanitaires. De fait, vouloir compléter l’accord signifie que le Gouvernement a renoncé à s’y opposer. Le collectif « Stop CETA-Mercosur » a produit une analyse détaillée de ce document. Selon ce collectif, son contenu est problématique à plusieurs endroits. En effet, les « exigences additionnelles » proposées par le Gouvernement font l’impasse sur un grand nombre d’enjeux soulevés par l’accord lui-même : violation des droits humains et sociaux, incluant ceux des populations autochtones, déstabilisation des économies locales, exportation massive de pesticides européens pourtant interdits d’usage en Europe, destruction d’emplois, etc. Surtout, ces « exigences additionnelles » seraient inoffensives et inapplicables. En effet, leur caractère purement déclaratif serait sans force exécutoire sur le contenu même de l’accord. Ces « exigences » apparaissent d’autant plus dérisoires et critiquables que l’accord, dans son état actuel, ne prévoit aucun mécanisme de participation réelle des syndicats, ni sanctions en cas de violation de conventions internationales. Le chapitre relatif au développement durable ne comporte pas non plus de mesures concrètes pour contrôler l’application des normes internationales du travail et de toutes les conventions liées à la sécurité sociale.
En clair, si ce document est conforme aux intentions du Gouvernement, il révèle un double discours et un reniement majeur. M. le député s’interroge. Quelle est donc la position réelle de la France ? Par conséquent, il aimerait savoir si le Gouvernement compte œuvrer en faveur de l’abandon définitif de cet accord, conformément à ses engagements, ou s’il persiste à vouloir le sauver.
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