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Mercosur : le pire est certain

Les urgences écologique et climatique exigent de mettre en œuvre une bifurcation écologique d’ampleur. Celle-ci implique la modification en profondeur de nos façons de produire, de consommer et d’échanger. Nous en recevons la confirmation par un rapport de la Commission européenne. En effet, elle vient de publier un rapport de recherche qui démontre comment les importations cumulées de douze accords commerciaux en cours de négociation, de ratification ou d’application, ne vont faire qu’aggraver la situation sur tous les plans. Les accords de libre-échange nous conduisent droit dans le mur. Dont l’accord entre l’Union Européenne et le sud latino-américain « Mercosur ».

D’après ce rapport, l’accord UE-Mercosur aurait une grande part de responsabilité dans la déstabilisation accrue des marchés agricoles. En effet, il occasionnerait « la plus forte importation de produits agricoles » sur des marchés déjà saturés et alors que les agriculteurs peinent déjà à vivre de leur métier. En échange, il prévoit la suppression des droits de douane sur 91% des biens exportés vers le Mercosur. À quel prix ? Outre l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre qu’il provoquerait, un autre rapport d’experts évoque une hausse de 5 % de la déforestation du fait de l’augmentation de la production bovine.

La confusion est à son comble au gouvernement. En septembre 2020, pour le ministre délégué au commerce extérieur, M. Riester, il était hors de question de « jeter à la poubelle dix ans de travail » sur l’accord commercial EU-Mercosur. Le 25 janvier 2021, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique affirmait : « Pour lutter contre la déforestation importée, la France a refusé de signer un accord de libre-échange avec le Mercosur et a notamment engagé un plan protéines végétales pour réduire nos importations de soja. »

Pourtant, il semble que la France agisse à l’inverse de ses grandes ambitions. En réalité, il semblerait qu’elle soit en train de négocier en catimini son ralliement à la Commission européenne et son soutien à l’accord UE-Mercosur. Ce soupçon s’appuie sur un « document de travail » émanant du ministère du commerce extérieur et adressé à tous les membres du Comité de suivi de la politique commerciale et publié par certains médias.

Le 29 juin 2020, le Président de la République disait pourtant aux membres de la Convention citoyenne pour le Climat : « J’ai stoppé net les négociations ». En décembre 2020, il ajoutait face aux velléités de la Commission européenne qu’ « il n’est pas question de déclaration annexe » qui supposait que la France signe d’abord et qu’il lui serait accordé ensuite la faveur de pouvoir signaler ses réserve. À la lecture de ce document, on comprend que le gouvernement n’est plus aussi catégorique. Premièrement, il accepterait de ne pas rouvrir les négociations sur le contenu de l’accord. Deuxièmement, il serait prêt conformément aux demandes de la Commission européenne, à travailler sur une « déclaration des parties annexée à l’accord ».

Ainsi, au lieu d’un rejet pur et simple de l’accord, le gouvernement formulerait des « exigences additionnelles ». Celles-ci portent sur le climat, la lutte contre la déforestation et les normes sanitaires. Il n’échappe à personne qu’avoir l’intention de compléter un document n’exprime pas un refus de le signer. Autrement dit, tout le monde comprend : le gouvernement a renoncé à s’opposer à l’accord UE-Mercosur.

Le collectif « Stop CETA-Mercosur » a produit une analyse détaillée de ce document. Selon ce collectif, son contenu est problématique à plusieurs endroits. Je reproduis ici leurs arguments. En effet, les « exigences additionnelles » proposées par le gouvernement font l’impasse sur un grand nombre d’enjeux soulevés par l’accord lui-même. Le gouvernement ne formule aucune «exigence » concernant les risques de violation des droits humains et sociaux, incluant ceux des populations autochtones, de déstabilisation des économies locales, d’exportation massive de pesticides européens pourtant interdits d’usage en Europe, de destruction d’emplois, etc. Surtout, ces « exigences additionnelles » seraient inoffensives et inapplicables. En effet, leur caractère purement déclaratif serait sans force exécutoire sur le contenu même de l’accord.

Ces « exigences » apparaissent d’autant plus dérisoires et critiquables que l’accord, dans son état actuel, ne prévoit aucun mécanisme de participation réelle des syndicats, ni sanctions en cas de violation de conventions internationales. Le chapitre relatif au développement durable ne comporte pas non plus de mesures concrètes pour contrôler l’application des normes internationales du travail et de toutes les conventions liées à la sécurité sociale.
Si ce document est bien conforme aux intentions du gouvernement, il révèle un double-discours et un reniement majeur. Alors, qui dit vrai : le président Macron, Pompili, Riester ? Ou tout le monde « en même temps » ? En fait voyons la pire hypothèse. Avec Macron elle est toujours certaine.

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