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Sahel : le bourbier confirmé

Les 15 et 16 février le G5 Sahel s’est tenu à N’Djamena, la capitale du Tchad. Macron avait annoncé des « décisions structurantes » en amont du G5 Sahel. Il s’est contenté de mots creux. La seule nouveauté de ce sommet hébergé par le Tchad, l’envoi de 1200 soldats tchadiens supplémentaires, revient à donner un rôle encore plus important au président tchadien Idriss Déby.

Peu de temps avant, le président tchadien Idriss Déby avait ordonné la répression d’une des plus importantes contestations populaires à laquelle il fait face depuis son arrivée au pouvoir il y a 30 ans. Elle s’est déclenchée suite à l’annonce de sa candidature pour un sixième mandat. L’opposition tchadienne et de larges secteurs populaires sont alors descendus dans la rue pour demander l’alternance politique. Lors de la première manifestation qui s’est déroulée le 6 février dernier, plusieurs dizaines de manifestants pacifiques ont été arrêtés. Dans la capitale, 12 d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison avec sursis alors qu’en province, des peines de prison ferme ont été prononcées. Rien de tout cela n’a empêché le Premier ministre français et son ministre des armées d’aller présenter leurs voeux au maréchal Idriss Déby dans sa résidence lointaine et d’en recevoir les cadeaux.

Déby a prévu un simulacre d’élections le 11 avril pour entériner la prolongation de son pouvoir. Le 13 février, une nouvelle marche s’est tenue. Elle a vu la convergence de l’opposition et de la société civile. D’autres manifestations suivront. Comme dans beaucoup d’autres pays, le peuple tchadien est entré en révolution citoyenne. Son mot d’ordre concerne la conquête de sa souveraineté. Son mouvement ne va pas s’arrêter.

Macron ne s’est pas rendu finalement au Tchad. Il a participé en visioconférence au sommet avec son allié Deby. A-t-il eu au moins un mot pour les manifestants réprimés auprès de son « ami » ? Et pourquoi continuer à soutenir en dépit du bon sens que le « Maréchal Deby » est un élément stabilisateur dans la région ? Cette expression de communicant sonne totalement faux. Les dictateurs comme Déby ne stabilisent rien du tout. Au contraire, c’est ils entretiennent toutes les causes profondes de l’instabilité géopolitique : la pauvreté, l’absence d’État social et de services publics, la répression, la non prise en compte des enjeux écologiques.

La stratégie du gouvernement français de s’appuyer sur les oligarchies autoritaires pour combattre aux côtés de l’armée française le terrorisme au Sahel montre chaque jour un peu plus ses limites. La situation au Sahel ne peut pas se régler sans prise en compte des peuples, de leur volonté et de leur développement. Or, la persistance du régime de Déby au Tchad est un obstacle concret à toute politique globale de développement du Tchad .

Le pays reçoit chaque année des « aides internationales ». Mais le gouvernement les détourne de leur véritable intérêt. D’abord par le népotisme. Ensuite, il renfloue un budget consacré à 40% à la guerre, souvent contre son propre peuple. En attendant, l’indice de développement humain du Tchad est le troisième le plus faible du monde. Je pense que Macron a tout faux. Il croit qu’en pactisant avec les dictateurs, il aura la sécurisation du Sahel. C’est l’inverse. Il y a en 2021 plus de jihadistes au Sahel que lors de l’entrée en guerre de la France en 2013. 2 millions de civils sont déplacés. Emmanuel Macron ne tient aucun compte des avertissements des parlementaires, des divers spécialistes de la région et des conflits, sur un scenario de l’enlisement qui est d’ores et déjà réalité. La solution n’est pas d’abord militaire, comme l’a montrée l’expérience afghane qui voit, au bout de 20 ans, l’armée étasunienne réduite à négocier son retrait avec les talibans.

Nous l’avons vu au Mali : la question de la légitimité des pouvoirs que les gouvernements français ont eux mêmes légitimés se pose auprès des peuples. Elle devrait donc aussi se poser à propos de la stratégie du gouvernement dans la région. Le sommet du G5 Sahel qui vient de s’achever montre une gestion erratique dénuée de toute perpective stratégique. Les gouvernements de Hollande et Macron ont déjà dépensé 5 milliards d’euros dans cette guerre. 55 soldats français ont péri. Les insoumis demandent au gouvernement de produire une stratégie et un calendrier indicatif afin d’acter que la France a bien pour objectif de ramener ses soldats à la maison. Quand le Parlement sera-t-il enfin saisi ? Quand la démocratie sera-t-elle de retour dans ce dossier ?

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