Dans l’avion, je me suis repassé plusieurs fois en mémoire le film du meeting sur l’eau en clôture de cette première séquence « planification écologique » de la campagne. À l’heure où j’écris ces lignes s’achève la votation citoyenne organisée sous la houlette de 12 associations, partis et mouvements coordonnés par Mathilde Panot. À la clôture on approchait les 300 000 votants (à peine moins).
C’est un couronnement pour le travail de milliers de militants qui depuis des années rament pour faire vivre le thème et l‘imposer dans le débat public. Eux les premiers ont compris l’enjeu. Parmi mes proches, c’est évidemment Gabriel Amard qui a été le précurseur inépuisable. Il a créé, le premier d’entre nous, une régie publique de l’eau, du temps où il était président d’une agglo en Essonne. Puis il a parcouru le pays sans relâche avec ses compagnons associatifs pour former et informer de nouveaux agitateurs de terrain. Et c’est René Revol et sa régie publique de l’eau à Montpelier. Et Loïc Prudhomme et ses missions d’information à l’Assemblée nationale. Et Bastien Lachaud, rapporteur de la proposition de loi insoumise pour l’inscription du droit à l’eau dans la Constitution. Et encore ces jours c’est Mathilde Panot et sa Commission d’enquête parlementaire sur les interventions du secteur privé dans la gestion de l’eau. La votation aura permis la mise au point d’une assez prodigieuse machine à voter avec la liste électorale officielle. Nos petit(e)s Mozart de l’atelier numérique ont battu des records.
Au total, nous bouclons une séquence longue d’identification à une cause écologique qui touche à tous les domaines. L’eau est devenue notre totem. C’est un énorme travail de formation et d’information. Le pari est que nous réussissions à en faire un sujet du débat politique global en France. Et que ce soit le point de départ d’une nouvelle façon de penser la gestion des territoires et l’organisation des gens qui y vivent. Une première forme politico administrative concrète de « l’Harmonie des humains entre eux et avec la nature ».
Ce meeting en réalité augmenté a été un travail prodigieux des techniciens et graphistes de notre prestataire. Et nos équipes techniques et militantes aussi se sont jetées à fond. En amont, avec de la collecte d’images, en aval, le soir même en présence et animation sur les réseaux sociaux. Tous ceux qui ont suivi cet évènement ont eu conscience de la performance, si j’en juge par les commentaires reçus de tous côtés. C’est une première, une fois de plus. Le mixage des techniques du cinéma et du jeu vidéo, du virtuel et du réel n’avait jamais été fait pour un discours politique. C’est Coline Maigre qui avait eu l’idée de travailler à partir de ce type d’univers virtuel global. On a tâtonné, à deux reprises dans les derniers mois, non sans brio déjà. Et cette fois-ci a été la bonne.
Ce soir-là, mon travail personnel consistait à avoir préparé avec l’équipe « discours » le contenu de ce qu’il faudrait dire. Et à en synchroniser le prononcé avec le déroulé des images. Ce n’est pas simple, je vous prie de le croire. Le débouché du travail de tous les autres est à ce moment-là sur vos épaules. La tension physique et psychologique est donc forte au moment où on entre en scène. Elle l’est restée tout au long des minutes que j’ai vues s’égrener sur l’écran de contrôle. J’y voyais aussi les vingt visages de participants sélectionnés pour être là. Ils ont été choisis sur un critère simple : que je ne les connaisse pas. De cette façon je suis dans le rapport à un public dont je dois « accrocher » l’attention. Et ça change tout dans la façon de parler.
En amont il y a la discussion sur les tableaux (les ponts, la forêt, la mer), et donc sur les thèmes à développer. Il y a, bien sûr, la difficulté de maitriser absolument le sujet pour ne pas trébucher dans le déroulé. Mais il y a surtout aussi le choix à faire de ce qui ne sera pas évoqué ou pas mis en scène. Et ce n’est pas le plus facile entre des gens passionnés par ce sujet. Et comme c’est aussi une première pour moi un discours sur ce thème, cela entraine toutes sortes de problèmes à dominer au moment de dire les choses, chapitre après chapitre. Vous le deviniez, je suppose.
En tous cas ce fut un succès de participation. Dix mille personnes en permanence et plus de cent mille en passage plus ou moins long. On est dans les hautes jauges de campagne. Je pense que beaucoup étaient là non seulement pour découvrir le sujet, mais aussi pour participer à la démonstration de force dont nous savons qu’elle est notre signature collective entrainante. Et « ça le fait » bien sûr. Après l’évènement : casse-croûte collectif avec ceux des équipes qui sont restés sur place pour finir le boulot et les rangements. En dépit de l’organisation bizarre à cause des gestes barrières et des normes de sécurité sanitaires, impossible de rater ça. Pourtant ma valise n’est pas encore faite pour le lendemain 9 heures et le départ pour l’Équateur. Là-bas, l’équipe partie jeudi dernier, Sophia Chikirou et Christian Rodriguez a commencé le travail « journalistico-militant » pour le site internet « Le Monde en Commun ». Au milieu du reste, je suis ce qu’ils font. Et bien-sûr, ils font le lien avec les observateurs de notre mouvement, venus sur place, dont l’eurodéputée insoumise Leïla Chaibi. Et ils font aussi les repérages pour mes rendez-vous avec ceux dont on espérait qu’ils soient vainqueurs le dimanche.
Ainsi, du plus près au plus loin, c’est un univers de militants. Celui d’une grande organisation que nous avons construite à la force de l’énergie et de la volonté, présente sur tous ses fronts car, dans cette journée, il y avait aussi les sorties de campagne régionales les meetings de lutte. Je lâchais la pression, comme les autres, en bavardant et en lisant les messages de commentaires du meeting sur mon téléphone. Là-dessus arrive, imprévue, la publication du sondage du JDD. J’y apprends que 56 % des électeurs du PS ne choisiraient pas entre moi et Le Pen dans un deuxième tour de présidentielle. Douche froide. Je ne peux pas y croire. Mais j’ai peut-être tort. J’aimerais en avoir le cœur net.