Les trompettes de la Renommée sont entonnées. Sans union, « la gauche » serait éliminée d’entrée de jeu comme alternative au macronisme ou à Le Pen. Comme tout le monde sait qu’il n’y aura pas d’union, tous ceux qui rabâchent cette ritournelle sont autant d’agents actifs de la démoralisation collective et de l’élimination annoncée. Certains de bonne foi. D’autres en pure détestation de Pierre, Paul ou Jacqueline leurs rivaux dans ce mauvais bac à sable. Comment croire un instant à la sincérité de bien des choristes de l’Union ? Car combien se préparent en même temps à déposer une candidature et n’annoncent pas du tout leur intention d’y renoncer ? Ce fait est connu depuis des mois. Il m’a convaincu de surmonter les questions que je me posais et proposer ma candidature en novembre dernier.
Pendant la belle chanson de l’union, les grandes manœuvres de la division se poursuivent. Et ce n’est même pas dans la coulisse. Ainsi dans les Hauts-de-France, les insoumis ont été les déclencheurs d’une union large. Horrifiés, les appareils de la gauche traditionnelle ont immédiatement reconstitué leur zone de confort. Ils se sont accordés pour les départementales en écartant toutes les candidatures des insoumis. EELV, PS, et PC se tiennent avec entrain par la barbichette pour cette action si typique de leur conception de l’Union.
Que cela serve de dernière leçon aux éventuels naïfs. EELV n’est pas un allié sérieux. Chaque étage est une pétaudière autonome où les intrigues les plus étranges se nouent. Il n’y a là aucun fil politique conducteur. Restent justes de dérisoires compétitions d’appétits de postes. Le PC de Fabien Roussel devient une machine à faire perdre le bloc politique marchant en tête que nous venions pourtant de construire patiemment avec les communistes depuis 2009. Seul le PS peut pavoiser. Il reçoit de ses braves amis de si longue date un brevet d’amnistie générale. Oublié le quinquennat de Hollande et les actuelles turpitudes du PS sur « l’islamo gauchisme » ! Quand Roussel et Faure s’abstiennent ensemble sur la loi séparatisme, ils valident un point de vue politique plus que discutable. Mais les communistes eux-mêmes en veulent-ils ? Ce n’est pas sur quand on voit quelle démission, et avec quels mots, cela a provoqué au PCF. Et plus encore quand on voit le groupe PC au Sénat voter contre cette même loi séparatisme. Nous prenons acte de tout cela avec tristesse.
L’opération Jadot nous intéresse. Pas comme d’aucuns le croient. Nous ne croyons pas un moment possible ni même attractive une candidature commune qui fermerait les yeux sur les questions essentielles pour lesquels les choix de EELV et PS ont conduit aux désastres électoraux bien connus de la « gauche » dans la période récente. Nous irons cependant à sa réunion. Ce sera avec un but bien précis. Nous irons pour y plaider la conclusion d’un pacte de non-agression et d’unité d’action pour la défense des libertés face à la dérive autoritaire du régime macroniste. Il est possible que nous y soyons entendus car nombreux sont ceux qui commencent à comprendre le danger de la dérive autoritaire. Nous irons aussi pour plaider un débat public sur les programmes. Nous croyons que cela permettrait à tout le monde de savoir une bonne fois à quoi s’en tenir sur ce qui est en jeu. Tout le monde en profiterait en renforçant ses convictions et en fortifiant la prise de conscience de ceux qui les suivent. Le public en général y gagnerait aussi en étant enfin informé. Enfin la politique serait de retour au lieu des sottises actuelles contre les supposées « guerres d’égo » qui seraient « la cause des divisions », ultime avatar de la dépolitisation de la politique.
Pour le reste, il s’agit de ne pas gêner sa tentative pour constituer un pôle de centre gauche (nous préférons cette façon de dire plutôt que celle naguère utilisée : « entre Macron et Mélenchon »). Nous en avons besoin pour affaiblir la macronie et comme allié de deuxième tour. Il peut y parvenir dans cet ensemble où la direction actuelle du PS se montre prête à lui confier le rôle plutôt que de le confier à Anne Hidalgo ou n’importe quel autre. De plus, son initiative pose un problème à la fois à EELV et au PS dont elle prend toutes les règles d’investiture à revers. Cela peut être un puissant accélérateur de débats politiques pour eux. Car ils ont trop souvent l’habitude de se réfugier dans la psychologie ou dans les arguties procédurales pour ne parler d’aucun contenu programmatique. Jadot dispose d’un bon appui médiatique, utile à sa notoriété. De plus, sa récente cotisation au discours atlantiste dans une tribune favorable à la conflictualité avec la Chine, la Russie et les autres compétiteurs des USA en font un client sérieux pour ce secteur que monopolisait Macron.
Évidemment cela suppose que nous restions capables de rester toujours en tête avec le pôle populaire que nous impulsions avec les insoumis et le PCF. Sur ce point, la décision de Fabien Roussel d’être candidat au nom du PCF affaiblit notre famille et facilite le travail du centre gauche PS/EELV. C’est d’ailleurs sa finalité : recréer pour les candidatures PCF les conditions d’un espace de collaboration avec le PS. Cela complique notre travail. J’admets donc qu’il s’agit d’un pari risqué de compter sur Jadot pour organiser le centre gauche. On vient de le voir en Équateur. Le candidat « Vert » n’a pas hésité à appeler à voter nul au deuxième tour contre notre candidat. Il a fait gagner la droite. Et j’ai bien noté qu’il était soutenu en France par une tribune commune dans Médiapart signée par un ample collège de signataires membre du PS et d’EELV. Tous ceux-là savent ce qu’ils font, soyons-en sûrs. Cet état d’esprit sectaire est actif aujourd’hui. Le sondage IFOP montre que 56% des électeurs du PS préféreraient s’abstenir plutôt que de voter pour moi face à Le Pen. J’ai du mal à y croire. Mais peut-être ai-je tort. Et quand je vois une figure de l’orchestre « unitaire » espérer publiquement que les « affaires judiciaires » me règlent mon sort, je vois que certains sont décidément prêts à tout.
Mais notre lutte n’a jamais été simple où que ce soit dans le monde ! Des fois, une difficulté « de plus » devient bien vite une difficulté « de moins ». Car le grand nombre observe, regarde, analyse en silence. La hargne contre moi ne m’a pas valu que des ennemis. Elle n’a rien fait gagner à ceux qui l’ont entretenue. Et l’autre aspect du tableau est que quand la coalition PCF-PS-EELV se constitue, leur candidat commun reste loin derrière moi. Et dans ce cas je progresse même en intentions de vote. Un message qu’il faut prendre en compte. Dans toute situation de transition, une chose se déconstruit et une autre se construit. Il faut savoir tirer de chacune de ces phases.