Macron ridiculisé par le campus de Grignon

Quel baratineur ! À l’ouverture du congrès mondial de la nature à Marseille, Macron a promis une nouvelle fois d’engager la France sur les rails de l’exemplarité écologique. Parmi ses annonces, une lutte acharnée contre l’artificialisation des sols et la déforestation mais aussi une « réduction accélérée » de l’usage des pesticides. Il a pour cela évoqué le besoin de « mobiliser les écoles d’ingénieurs ». Mauvais exemple pris a la va-vite. Les lignes qui suivent sont le retour de bâton. En effet, l’État a attribué, en plein été, le site historique de Grignon, lié à l’école d’ingénieurs AgroParisTech, à un promoteur immobilier. Ce campus agronomique est l’héritier de 200 ans d’Histoire. Depuis 1826, il a formé des générations d’ingénieurs agronomes et de spécialistes des enjeux agricoles et écologiques. En toute logique, il devrait aujourd’hui participer de la bifurcation vers l’agroécologie et de la formation des milliers d’ agriculteurs et ingénieurs nécessaires !

Mais Macron écolo-bidon en a décidé autrement. Cette privatisation va faire perdre au campus de Grignon sa vocation pédagogique pionnière. On connaît l’emblématique château du XVIIIe siècle. Mais le site de trois cents hectares comprend également un domaine forestier avec plus de deux cents essences différentes, une réserve géologique, 121 hectares de terres agricoles et des parcelles d’essais agronomiques datant de la fin du XIXe siècle.

Le gouvernement donne le feu vert à sa destruction par un promoteur immobilier. En effet, Altarea Cogedim prévoit de construire des logements, d’accueillir des start-ups et de transformer le château en un centre de séminaires pour grandes entreprises. Les différentes entités réalisés risquent d’être vendues à la découpe. Le site a été cédé pour la somme de 18 millions d’euros. Mais l’opération immobilière pourrait s’avérer extraordinairement profitable pour le promoteur.

Les critiques sont nombreuses. J’en retiens deux pour achever de convaincre les éventuels sceptiques. Premièrement, cette vente n’a pas poursuivi l’objectif annoncé. En effet, la vente de Grignon a été initialement décidée pour financer l’installation d’AgroParisTech, avec d’autres grandes écoles, sur le plateau de Saclay. Cette décision a été vivement contestée. À défaut d’y renoncer, la cession déjà prévue d’autres sites aurait pu permettre de préserver le patrimoine culturel et agronomique majeur de Grignon. Par exemple, le bâtiment historique de la rue Claude Bernard (Ve arrondissement de Paris) a atteint un prix de vente bien plus élevé qu’attendu. Dès lors, pourquoi se séparer de Grignon ?

Deuxièmement, le dossier de cette vente opaque semble contenir plusieurs « erreurs ». En effet, l’association Grignon 2000 pointe notamment la négligence du statut de la forêt du domaine. Normalement, la propriété d’une forêt relevant du domaine public est inaliénable. Seule une loi préalablement votée peut décider du contraire. Cela n’a pas été le cas. La Direction de l’immobilier de l’État assure que la forêt « sera préservée dans son intégralité ». Or, la lecture du règlement de l’appel d’offres et des projets du promoteur-acquéreur laissent présager l’inverse. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

De nombreux étudiants et enseignants-chercheurs ont décidé de résister. Pour tirer la sonnette d’alarme, ils ont bloqué le campus de Grignon pendant trois semaines au printemps dernier. Ils sont bien plus soucieux du défi écologique actuel que le gouvernement. Il faut donc les écouter. Selon eux, aucun des trois projets de rachat n’étaient « à la hauteur des enjeux patrimoniaux [que Grignon] porte, et de son potentiel pour l’intérêt national en tant que lieu de production et diffusion de connaissance sur le vivant ». L’intersyndicale d’AgroParisTech qualifie pour sa part la vente d’« incompréhensible, insultante, à contretemps, en un mot : inacceptable ».

Une nouvelle manifestation a eu lieu le 11 septembre dernier sur le site. Je la soutiens sans réserve. Le campus de Grignon est la propriété du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. M. Denormandie lui-même y a fait ses classes d’ingénieur. Je l’interpelle donc directement. Pourquoi donc cette obstination au démantèlement du patrimoine de l’agronomie française ? Ce domaine doit rester public et conserver sa vocation. Il est du devoir de l’État d’œuvrer à l’intérêt général écologique. Cela se concrétise dans la préservation de tels joyaux, indispensables à la bifurcation écologique du pays.

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