Cette tribune a été publiée le mercredi 27 octobre dans le Journal du Dimanche.
Les vieilles incantations ne font pas souvent de bonnes chansons. Ainsi vont celles des braves soldats du nucléaire. Toutes en nuances, Barbara Pompili me traite de partisan du black-out électrique et Anne Hidalgo pérore qu’arrêter le nucléaire est impossible et que je le sais, ce qui ferait de moi un menteur. Alors argumentons pour ne pas nous faire voler sous l’invective un débat crucial.
Le nucléaire nous garantit-il l’indépendance énergétique? Non. Il n’y a pas d’uranium en France. Nous l’importons principalement du Niger et du Kazakhstan. Nous permet-il de produire de l’énergie en continu? Loin de là. La moitié des réacteurs étaient à l’arrêt tout ou partie du mois de septembre 2020 sous l’effet du calendrier de maintenance perturbé par le Covid-19 et de la sécheresse.
Le nucléaire nous fournit-il une énergie à moindre coût? Pas davantage. Le prix actuel de l’électricité nucléaire est déjà supérieur à celui de maintes énergies renouvelables. Et le grand carénage pour prolonger la vie des centrales doit encore coûter près de 100 milliards d’euros d’ici 2030 selon la Cour des comptes. Les coûts de la gestion des déchets ne sont pas réellement comptés dans le prix de revient. Sans parler de ceux des démantèlements qui finiront tout de même par avoir lieu. Il y en au bas mot pour 80 milliards d’euros. Mais ce sera sans doute bien plus. Car il faudra bien surveiller ces déchets pendant des siècles.
Le nucléaire échappe-t-il à la crise du changement climatique? Certainement pas. Nous sommes sur la trajectoire d’un réchauffement global de +2,7°C. Le cycle de l’eau, dont dépend le nucléaire pour son refroidissement, est déjà grandement perturbé. Selon l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, une vingtaine de réacteurs sont exposés à un risque d’inondation. Dès 2050, la centrale de Gravelines et celle du Blayais auront sans doute les pieds dans l’eau. Lors de la canicule de 2003, un quart des réacteurs français ont été mis à l’arrêt. Comment ferons-nous avec 4 mois de sécheresse par an et des pics de chaleur supérieurs à 50°C? Nous voici entrés dans l’ère de l’incertitude écologique.
La probabilité d’un accident est faible. Admettons. Est-elle nulle? Nul n’ose l’affirmer. Pas même les hauts dirigeants du nucléaire. En toute hypothèse 1% de risque fera 100% de dégâts. Pompili et Hidalgo les assument? La réalité invite pourtant à la responsabilité : 40 millions de Français vivent à moins de 100km d’une centrale nucléaire. Or d’ici 2030, les trois-quarts des réacteurs auront dépassé la durée de vie initialement prévue. Les réacteurs de la centrale de Bugey ont déjà tous plus de 40 ans. Dès lors l’imbrication des industries chimique et nucléaire de la vallée du Rhône devient hautement menaçante. En aval, c’est la Méditerranée bordée par 500 millions d’habitants. Notre responsabilité est donc globale.
Le nucléaire est donc, comme les énergies fossiles, une énergie du passé. De fait, la question n’est pas de savoir s’il faut sortir ou non du nucléaire, mais quand et comment le faire. Le sujet n’est pas non plus le temps qu’il faut pour éteindre un réacteur. C’est cinq heures. Il s’agit d’abord de planifier la montée en puissance des énergies renouvelables.
Eviter la menace de black-out et de destruction de la France que contient le nucléaire est une priorité. Négawatt et RTE nous prouvent qu’un autre chemin sans énergie radioactive est possible. L’un des six scénarios produits par RTE prévoit l’atteinte du 100% renouvelables et la sortie complète du nucléaire en 2050.
Plus ambitieux, le scénario Négawatt vise le 100% renouvelable par trois méthodes : sobriété énergétique, efficacité énergétique, énergies renouvelables. Il envisage la fermeture du dernier réacteur nucléaire en 2045. Ce scénario constitue la base de mon programme en matière de transition énergétique. Nous faisons nôtres les objectifs qu’il contient. J’avais fixé un objectif de 2030. Je ne veux pas de blocage sur les dates. Mais je prends l’engagement de tout faire pour aller plus vite que le scénario 2045.
Sortir du nucléaire n’est pas une question technique mais politique. C’est une nécessité face aux prévisions scientifiques alarmante sur le climat et la menace nucléaire qu’il aggrave. Il faut s’y mettre tout de suite. Or, tout argent dépensé pour le nucléaire l’est au détriment des énergies renouvelables. Voilà pourquoi ce n’est pas une « énergie de transition » comme le dit verbeusement le PS mais une impasse. Pour l’heure, la recherche nucléaire capte six fois plus d’argent public que celle pour les renouvelables. Mais nul n’a inventé l’électricité en cherchant à améliorer la bougie! La radioactivité sans danger n’existe pas davantage que la bougie sans flamme.
Macron nous a fait perdre 10 ans pour la sortie du nucléaire. Pire, il veut désormais disséminer des mini-réacteurs partout dans le pays. Il vous dit : « Vous n’aimez pas les éoliennes? Vous aurez des centrales nucléaires à votre porte ». La menace des maxi-dégâts s’étendra d’autant. Ce genre de soi-disant solution alternative, on connaît. Le fiasco industriel de l’EPR de Flamanville en témoigne : plus de 10 ans de retard pour un coût six fois plus important que prévu. Et en 2024, il faudra déjà changer le couvercle de cette centrale! Mais Macron prévoit déjà de dépenser encore 46 milliards d’euros pour fabriquer 6 autres EPR.
Les milliards y sont donc. Le choix est possible. Vers quoi voulons-nous diriger ces milliards? Certaines énergies renouvelables sont déjà au point. Mais la France est à la traîne. Il faut accélérer. Sur 5000 éoliennes en mer en Europe, une seule est française et c’est un prototype. Pourquoi limiter le panel des alternatives? Il y en a tant! Je pense à celles liées aux vagues et à l’énergie thermique des mers. Et il y a l’immense force disponible venant de la course des cours d’eau vers la mer. Et ainsi de suite.
Si je suis élu, la bascule sera enclenchée et il n’y aura pas de retour en arrière. Il n’y aura ni mini-réacteurs ni EPR supplémentaires. Celui de Flamanville sera abandonné. Nous fermerons tous les réacteurs de ce pays au fur et à mesure. Bien sûr, l’ensemble des salaires et des ressources des communes seront maintenus. Les conditions de travail des sous-traitants seront sécurisées. Tous seront appelés à concourir au bien commun. Nous avons besoin de leur savoir-faire, notamment pour l’immense chantier du démantèlement. Un pôle public de l’énergie sera reconstitué pour déployer le futur énergétique du pays. Des milliers d’emplois sont à la clé. Tout est question de volonté. De clairvoyance. De sens des responsabilités.