Nouveau : la France menacée d’un tribunal d’arbitrage

La compagnie Montagne d’Or réclame 4,5 milliards de dédommagements à la France : que va faire le gouvernement ? Ce projet de mine géante en Guyane au cœur de l’Amazonie a déjà fait l’objet d’une question écrite de ma part adressée au Ministère de la Transition écologique. C’était le 19 janvier 2021. Pas de réponse dix mois plus tard. Manque de personnel ? En tous cas la question s’est aggravée depuis. Je résume la situation.

La Compagnie minière Montagne d’Or projette d’extraire au moins 80 tonnes d’or sur 12 ans. Pour ce faire, il faudrait défricher 1 513 hectares dont un tiers de forêt primaire, soit l’équivalent de 32 Stades de France afin de creuser une fosse de 2,5 km de longueur, entre deux réserves forestières intégrales. Plus de 2 000 espèces végétales et animales sont menacées par l’utilisation des 78 000 tonnes d’explosifs, 46 500 tonnes de cyanure et 142 millions de litres de fuel. L’intérêt économique est limité. Un rapport du WWF sur le potentiel de développement économique durable de la Guyane, daté de novembre 2018 en atteste. Il considère que “le secteur extractif est le secteur marchand qui dispose des plus faibles effets d’entraînement sur le reste de l’économie locale, notamment parce que ce secteur importe à hauteur d’environ 75 % les biens et services dont il a besoin pour produire, au lieu de les acheter à l’économie locale”.

En 2019, le Président de la République Emmanuel Macron avait estimé qu’il n’était, « en l’état, pas compatible avec les ambitions écologiques de la France ». Depuis, l’État est resté aux abonnés absents. Comme pour les questions écrites sur le sujet. Le gouvernement aurait pu ne pas renouveler les concessions minières de la compagnie pour mettre un terme définitif au projet. Il s’est seulement abstenu de répondre dans les délais. Comme pour les questions écrites encore. La compagnie minière a contesté cette non-réponse. Mais aucun représentant de l’État n’était présent à l’audience du tribunal administratif le 3 décembre 2020. Résultat, le jeudi 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Guyane a obligé l’État à prolonger les concessions. En effet, il a considéré que l’État « ne produit aucune pièce justificative » et constaté le « défaut de contestation sérieuse du ministre ». La cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé cette décision en juillet 2021. Il revient désormais au Conseil d’État de trancher définitivement.

Mais la situation s’aggrave. Le site spécialisé IA Reporter vient en effet de révéler le 16 octobre dernier que l’entreprise russe Nordgold a initié un contentieux contre la France en juin 2021. Elle réclame 4,5 milliards d’euros de dédommagements à la France en réparation de la décision du gouvernement français de ne pas prolonger la concession minière. Le traité France-Russie de protection des investissements entré en vigueur en 1991 requiert d’abord de rechercher un règlement à l’amiable. À défaut de solution satisfaisante dans les six mois, le différend pourra alors être renvoyé devant un tribunal d’arbitrage.

Pour reprendre les termes d’un communiqué commun de l’Institut Veblen et de la fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, quand le ministère compte-t-il « sortir de la centaine de traités de protection des investissements qui permettent ce type d’attaques contre les politiques publiques françaises à travers un mécanisme de justice d’exception » ?

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