La plus grande clim marine est en Polynésie

SWAC. C’est un acronyme bien curieux. Il cache en réalité une grande avancée écologique et une prouesse française. En effet, le plus grand système au monde de climatisation par les eaux froides des profondeurs (Sea Water Air Conditioning en anglais) vient d’être achevé au centre hospitalier de Tahiti, en Polynésie française. Je veux saluer l’exploit réalisé par les techniciens et ingénieurs mobilisés. Outre la technologie mise au point, la manipulation de tuyaux de plusieurs tonnes est d’une grande technicité.

Concrètement, un tuyau sous-marin de 3,8 kilomètres de long puise à 900 mètres de profondeur une eau à 5°C. Cette eau à très basse température permet ensuite de refroidir l’eau douce du système de climatisation grâce à un mille-feuille de plaques de titane. L’eau douce reste ainsi en circuit fermé et l’eau salée est ensuite rejetée dans l’océan Pacifique. C’est un coup double : l’eau douce, particulièrement précieuse dans les îles du Pacifique, n’est pas gaspillée et la dépendance aux énergies fossiles se réduit. Bien sûr, il faudra surveiller attentivement que cela ne perturbe pas outre mesure les grands fonds.

Ce système entrera en service officiellement le 1er décembre. Mais c’est d’ores-et-déjà une belle démonstration de la puissance française en matière d’écologie. Il faut le préciser : ce n’est pas le premier système de ce genre installé en Polynésie. Deux autres fonctionnent déjà pour climatiser des hôtels. Mais celui de Tahiti est le premier destiné à un bâtiment public et sa puissance est deux fois supérieure.

Cette prouesse technologique est au service de la bifurcation écologique. Elle va permettre de diminuer de 2% les besoins en électricité de l’île de Tahiti. Ainsi, la Polynésie n’utilisera plus d’énergies fossiles pour climatiser son hôpital. Et cela va entraîner une économie de plus de 2,5 millions d’euros d’électricité chaque année. Autant d’argent qui pourra être mis au profit d’autres objectifs d’intérêt général. Certes, ce n’est qu’une étape. En effet, 70% de l’électricité polynésienne est produite avec du pétrole importé. Il faut donc sérieusement planifier la montée en puissance des renouvelables dans ce territoire grand comme l’Europe au milieu du Pacifique.

Je le répète : l’autonomie énergétique est un des grands chantiers à conduire dans les Outre-mer. Paul Vergès en fut le précurseur à La Réunion. En effet, la Polynésie n’est pas un cas isolé. Les Outre-mer sont encore très dépendants des importations d’énergies fossiles dont les tarifs s’envolent. C’est le cas à La Réunion et aux Antilles. Pourtant, La Réunion et la Guadeloupe ont déjà envisagé de mettre en œuvre un tel système de climatisation marine. Mais les projets n’ont pas abouti. Sans doute faudra-t-il les relancer.

La Guyane dépend elle aussi à plus de 80% des énergies fossiles pour sa consommation énergétique. Mais elle est sur le bon chemin, et même en avance sur l’hexagone ! Ainsi, en 2017, 64 % de la production électrique en Guyane provenait de ressources renouvelables (essentiellement des barrages) contre 18 % en France métropolitaine la même année. En Guyane, une étude du WWF montre que le 100% renouvelables est possible à l’horizon 2030. Evidemment, des centaines d’emplois sont à la clé. Pourquoi ne serait-ce pas le cas ailleurs? Partout, le potentiel lié à l’ensoleillement et la mer est immense.

Je cite la Polynésie en exemple car je crois au potentiel des Outre-mer. Ils peuvent être des avant-postes de la bifurcation écologique. L’exemple de climatisation marine polynésienne est une leçon en la matière. En effet, celle-ci démontre que le caractère insulaire de nombreux territoires ultra-marins peut être un formidable avantage. Surtout, elle ouvre la voie à la production d’électricité à partir de l’énergie thermique des mers. Jules Verne en parlait déjà dans Vingt Mille Lieues sous les mers. Le Français Georges Claude l’a mis au point dans les années 1920. Il est temps de s’y mettre !

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