Les Verts et leurs drôles de préférences

Les Verts en Europe préfèrent les alliances avec le centre droit ou la social-démocratie plutôt qu’avec les porteurs d’une écologie radicale. Dernier exemple en date cette semaine : les élections locales au Danemark, et plus particulièrement la ville de Copenhague. Nos alliés au sein du groupe parlementaire européen La Gauche, «l’alliance rouge-verte», sont arrivés en tête de l’élection à la mairie de Copenhague avec 24,6% des suffrages. En hausse de 6 points. Le plus gros score qu’ils aient jamais réalisé. Le même jour, les sociaux-démocrates (premier parti national) arrivent deuxièmes à Copenhague avec 17,3%. Ils perdent 10 points sur place et 4 points au total sur l’ensemble des élections locales et régionales danoises. De leur côté, les verts arrivent 5ème à Copenhague avec 11% dans un mouchoir de poche derrière deux autres mouvements : des socialistes et des conservateurs. Dans ce contexte, la prééminence de nos amis de l’alliance rouge-verte ne fait aucun doute. Leur total en tête plus le score des Verts plus celui du PS aurait fait 52%. Ce total aurait permis d’élire un des nôtres comme maire appuyé sur un nouveau type de majorité. Mais les Verts ont préféré rejoindre une coalition formée avec les sociaux-démocrates et la droite libérale. Comme en Allemagne. Ainsi a été maintenu un maire social-démocrate. Cette situation révèle l’atavisme profond des Verts et leur préférence pour les coalitions de centre droit/centre gauche.

J’évoque ici cette alliance spoliatrice pour montrer jusqu’où sont prêts à aller les Verts c’est-à-dire jusqu’à nier un résultat électoral qui ne leur convient pas. Dans sa dernière interview au Monde, Jadot revendique : « Les Verts sont en coalition dans six pays européens.» Mais il omet sciemment de détailler la réalité de ces coalitions. Pourtant elles sont édifiantes et parfois glaçantes. Comment oublier : en Autriche, depuis 2020 : le gouvernement est un accord de coalition vert-brun avec le parti conservateur (OVP) de Sebastian Kurz. Le précédent partenaire de coalition de Kurz était le parti d’extrême-droite FPÖ. Sous la précédente mandature, ils ont mis en place un système de préférence nationale, réduit les droits des demandeurs d’asile et multiplié les expulsions. Sur le plan social, ils ont inventé la journée de 12 heures de travail et la semaine de 60 heures. En janvier 2020 cela n’a pas empêché la signature d’un accord avec les Verts. Depuis, c’est la continuité de politiques libérales en échange de l’obtention du ministère de l’Environnement par les Verts. Commentaire ahurissant des Verts autrichiens : le vice-chancelier Vert Werner Kogler déclare au sujet de Kurz dans un article du Monde en septembre 2021 : « J’ai appris à connaître nos différences et elles ne se complètent pas trop mal ». Tel quel. Pris dans un scandale de corruption, Kurz a quitté son poste de chancelier en octobre 2021. Les Verts sont restés en coalition avec le nouveau chancelier conservateur. Ils ont promis de quitter le gouvernement si Kurz est condamné. On croit rêver !

En Allemagne on connait le scénario en cours. Les Verts mènent les négociations pour une alliance avec les socio-démocrates et les libéraux à l’exclusion de nos amis de Die Linke. Le 16 octobre, j’ai décortiqué ici même l’accord de principe conclu et paru dans la presse. J’en rappelle les grandes lignes : respect des règles budgétaires de la règle d’or, renforcement du libre-échange, allégeance à l’OTAN, pas de taxation des hauts revenus, pas d’impôt sur la fortune, « économie socio-écologique de marché » et « limiter l’utilisation des pesticides à ce qui est nécessaire ». Dernièrement, les discussions se sont tendues. Ce qui pose problème aux Verts allemands ? L’écologie de marché ? Non. L’austérité budgétaire ? Pas plus. Seulement l’absence de « mesures suffisantes » de lutte contre le réchauffement climatique. Pourtant tout se tient.

En France même on ne peut pas dire que les Verts aient été moins louvoyants que dans les pays nordiques. Aux régionales, ils ont demandé et obtenu l’exclusion de LFI dans deux régions. Et cela dans un contexte ou nous avions fait vraiment de gros efforts. Dans les Hauts-de-France, les insoumis ont appuyé la tête de liste Karima Deli, députée européenne EELV. En faisant cela, les insoumis ont été déclencheurs du rassemblement. Mais aux départementales du nord, la France insoumise a été exclue de toute discussion. La tête de liste EELV reconnaissante s’est efforcé de regarder ailleurs. Son score étriqué a montré quelle erreur c’est de vouloir mener deux politiques a la fois. Le pire se fut en PACA. Triste spectacle ! L’extrême droite était donnée vainqueur au premier tour. La responsable nationale d’EELV a refusé toute discussion avec LFI et conditionné tout accord de la gauche traditionnelle à l’exclusion de LFI. Aussitôt approuvé par tous les bêlants traditionnels de « l’Unité ». Des militants verts, communistes et socialistes ont exhorté leurs directions à accepter la discussion avec LFI. Sans succès. Les amis de Yannick Jadot veillaient au grain. LFI a préféré ne pas déposer de liste plutôt que de participer a l’émiettement que cette oukase a provoqué. Le résultat misérable a conduit la liste conduite par les Verts a devoir lâcher prise pour le deuxième tour non sans que la tête de liste locale ait milité bruyamment pour le maintien. Le plus remarquable est de voir le noir opportunisme qui a conduit les Verts a accepter n’importe quel accord du moment qu’il leur donnait la tête de liste. Hégémonistes, sectaires et sans résultats ils sont responsables en bonne part de l’absence de toute dynamique à ces élections.

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