Mieux vaut en rire : étude abusive sur le pass sanitaire

Mardi 18 janvier, en marge d’une conférence de presse où je présentais notre stratégie européenne, une drôle de question m’a été posée. Le jour même, une « étude » sur les effets du passe-sanitaire avait été publiée. Elle émanait du Conseil d’analyse économique (CAE), un organisme directement rattaché à Matignon. Qu’annonce-t-il ? Surprise : la politique mise en place par son commanditaire est jugée efficace. Et pour être certain que la nouvelle tourne bien sur les chaines d’informations en continu, le Conseil d’analyse économique a eu le bon goût de joindre à son étude quelques chiffres chocs : le passe-sanitaire mis en place à l’été 2020 aurait permis de sauver 4000 vies et 6 milliards d’euros de PIB !

Lorsqu’on m’a posé la question de ma réaction à ce rapport, j’ai spontanément répondu « par un grand éclat de rire ». En effet, je connais les biais et le caractère souvent très contestable de tels « résultats » obtenus par l’économétrie. Voyons cela de plus près.

Cette étude se propose de calculer ce qu’aurait été le taux de vaccination sans le pass sanitaire. Et d’en déduire des effets en termes de nombre de formes graves du covid, de nombre de morts et de résultat économique. Ce faisant, elle est d’abord un aveu : le pass sanitaire n’avait pas d’autre objectif que d’imposer la vaccination obligatoire en rendant impossible la vie des non-vaccinés.

Le raisonnement est simple, voir simpliste : sans pass sanitaire, moins de personnes auraient été vaccinées, donc plus de personnes auraient été en réanimation et plus seraient décédées. Mais le Conseil d’analyse économique part de l’hypothèse qu’en l’absence de pass sanitaire, aucune autre politique sanitaire n’aurait été mise en place. Il compare une politique, celle de Macron, non pas avec son alternative que nous avons proposée, mais avec le statu quo. Ainsi, une politique de « l’aller vers », pour permettre aux personnes éloignées du monde médical d’accéder au vaccin, aurait pu augmenter aussi le taux de vaccination. Par ailleurs, la mise en place d’une société du roulement, la généralisation des masques FFP2, des demi-groupes à l’école auraient aussi ralenti la circulation globale du virus.

L’étude du CAE, derrière ses prétentions scientifiques, exprime donc bien seulement une opinion politique, favorable au pass sanitaire. Le volet économique est encore plus frappant. L’étude calcule une corrélation entre augmentation du taux de vaccination et croissance économique à partir des données des pays de l’OCDE et du G20 : 0,052 point de PIB par point de vaccination supplémentaire. Cette approche statistique peut avoir un intérêt, mais ne recoupe pas la réalité. Le passage d’un taux de vaccination de 98% à 99% aurait-il un impact quelconque sur l’activité économique ? Évidemment, non. Surtout, il s’agit ici d’effets indirects. C’est surtout l’absence de confinement généralisé sur tout le territoire qui préserve le PIB. Mais éviter de telles restrictions était tout à fait possible sans pass sanitaire. Encore une fois nous avons proposé une stratégie globale pour y parvenir.

Le rapport du CAE ne dit rien non plus des effets négatifs du pass sanitaire. Il y a de nombreux surcoûts pour les entreprises, qui auraient pu être documentés. Dès juillet 2021, la Fédération Hospitalière Française (FHF) alertait sur les 60 millions d’euros de surcoût par mois pour les hôpitaux pour organiser le contrôle des pass sanitaires. On sait aussi que pour la SNCF, cela représente plusieurs millions d’euros. Il y a eu aussi cet été des baisses de fréquentation et de consommation à cause du pass : 15% d’activité en moins pour la restauration et au-delà, 55% des PME qui disent avoir subi une baisse d’activité à cause du pass sanitaire. Mais tout cela n’est même pas considéré par le Conseil d’analyse économique.

Cette étude méritait bien ce grand éclat de rire. Elle nourrit un récit propagandiste sur la politique de Macron mais ne permet pas d’éclairer le débat pour confronter les différents points de vue. Elle organise un paysage caricatural : soit la politique sanitaire de Macron, soit le chaos et la mort. Comme ses équivalents dans le domaine purement économique, son message est simple : il n’y a pas d’alternative. Heureusement, les esprits sont désormais bien entrainé pour repérer ce type de bourrage de crâne et ne pas en tenir compte.

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