La grotesque loi sur « le pouvoir d’achat » est morte avant d’avoir existé. Elle sortira bien identifiée comme une arnaque de plus, quand le débat parlementaire l’aura décortiquée. On doit prévoir que la machine à propagande macroniste va se déchainer pour peindre le plomb en or. À nous de faire que le carrosse redevienne citrouille avant qu’il ne soit trop tard.
J’ai suivi avec l’apaisement du décalage horaire la misérable polémique orchestrée contre Mathilde Panot la présidente de notre groupe parlementaire insoumis, figure montante de la nouvelle gauche française. Il est certain que l’impact des insultes reçues est bien moindre que celui des apprentissages populaires réalisés à cette occasion. Quand on adopte une stratégie de la conflictualité, comme la pratique les macronistes, il faut bien choisir son terrain de jeu.
Je suis certain que de Pétain et compagnie ne peuvent venir que du discrédit et de la honte pour ceux qui les défendent. Mais des milliers de gens découvrent ce qu’ils n’avaient pas vu auparavant. La présence d’un noyau dur de convictions d’extrême droite bien ancrées dans la pensée du président.
Je n’avais pas obtenu ce résultat quand, en décembre 2020, j’avais pointé et commenté son incroyable référence, déjà, à Pétain et Maurras dans une longue interview à l’Express. A l’époque, comme je l’ai fait ici même dans ma note sur le 14 juillet, je pointais la place qu’occupe dans une Nation le récit historique qui forme la conscience de l’identité collective de son peuple. Il n’y a pas de place pour Pétain et Maurras dans l’histoire de France républicaine, sinon comme prototype du traitre et du meurtrier qu’ils ont été tous les deux. La déchéance nationale décidée contre le traitre de Montoire, assassin de milliers de juifs, reste contagieuse au fil des âges et c’est bien qu’il en soit ainsi.
Dorénavant le clou est enfoncé. Et pour mieux dire : « l’alerte est lancée ». Il est bon que cela soit fait à l’occasion d’un jour de souvenir national, car le souvenir est fait des leçons qu’il doit contenir. Sinon à quoi bon ? Plus loin dans ce texte je dirai quelle est la pente naturelle entre le libéralisme contemporain et le régime autoritaire. Dans l’immédiat, bien sûr on ne doit pas être dupe du fait que la macronie pense trouver son compte dans des vacarmes médiatiques qui effacent les sujets comme le scandale Uber, le mouvement des testicules présidentiels et les autres remugles récents venus du Palais. Mais en réagissant de cette façon si décalée des réalités du moment, les macronistes aggravent l’impression de fin de règne qui prévaut déjà trois mois après le début de la nouvelle mandature.
Vu de loin, tout cela donne une idée misérable de l’état du pays. Me sautent à la gorge les incendies géants du sud de la France et en Gironde. L’impréparation criminelle des gouvernants pourtant alertés depuis des mois sur la sécheresse qui se préparait, le manque de moyens de combats tout, tout pousse à la rage. Honte à ceux qui ont soigneusement enterré sous d’autres polémiques ridicules toutes les alertes que nous avons lancé depuis deux ans sur les conséquences concrètes du changement climatique.
Tout cela complète aux yeux du grand nombre le tableau d’une macronie incapable de faire face aux défis de notre temps : pandémie, incendie, sécheresse, inflation guerre. Ils ne sont bons à rien. Le sursaut populaire ne viendra pas d’un choc idéologique, mais de l’incapacité du régime à remplir les fonctions de bases qui justifient l’existence d’un pouvoir politique. J’ai noté que toutes les révolutions commencent par là.
Mon séjour au Honduras m’y ramène avec d’autant plus de force. On peine à imaginer ce que le Honduras a subi et supporté depuis le coup d’état contre le président Manuel Zélaya en 2009 jusqu’à l’élection de Xiomara Castro, l’actuelle présidente. 5000 personnes assassinées, une vague de privatisations comme nulle part et un saccage social total.
À présent le précédent président est incarcéré aux USA pour son implication dans le narco trafic, la nouvelle équipe de gauche hérite d’un pays pillé où tout le secteur public est mis à l’encan du privé. Les précédents gouvernants sont partis en emmenant jusqu’aux meubles des palais institutionnels. Ici, le néo libéralisme a tourné à la bacchanale. Ici, les libéraux ont été cruels, criminels et voleurs jusque et au-delà de tout ce qui s’imagine, loin des regards d’habitude implacables des donneurs de leçon européens sur le Venezuela et Cuba. Ils sont restés muets. En dépit de tous les appels à l’aide, ni les assassinats de masse ni le saccage économique, ni l’interruption d’un processus de dépouillements électoral pendant 36 heures au prétexte d’une panne d’électricité n’aura tiré une remarque du camp des bêlants contre « Vénézuélaaaa ».
Quand 73 % de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté on voit quels succès ont obtenus les petits Macron locaux. Ici, au Honduras, la loi macroniste de différenciation permettant de définir des lois et des règlements purement locaux : on connait ! Le pouvoir précédent a carrément mis en concession des morceaux du territoire national sous l’autorité d’entreprises multinationales qui les administrent selon leur propres règles. On a vendu aux enchères à Genève des morceaux du Honduras. Ce sont des « zones économiques semi autonomes ».
Naturellement, les libéraux locaux qui ont semé la ruine, accusent le nouveau gouvernement de rendre les investissements moins attractifs par des niveaux d’impôts excessifs et des salaires exagérés. Et cela quoique 70 % des entreprises ne paient aucun impôt et qu’il existe 18 accords d’exemption de fiscalité pour des entreprise. Ils dénoncent le cout de la dette qu’ils ont eux mêmes créé en multipliant par 200 la dette d’État aux banques du secteur privé. Ils exigent des comptes publics à l’équilibre, après avoir vidé les caisses au sens propre du terme en quittant le pouvoir.
Aucune de ces mesures n’est surprenante depuis que le néolibéralisme mène le monde. Mais elles ont pris ici un niveau de radicalité qui sidère. Rien n’est surprenant dans l’arrogance des maitres, et nous le savons bien nous Français qui subissons une monarchie présidentielle particulièrement arrogante ces temps-ci. Mais l’implacable aplomb du déni des conséquences de leurs actes est un signal du niveau d’irresponsabilité qui est désormais inclus dans le système.
On doit donc prévoir qu’on en a donc pas fini avec les outrances de Macron. Et la leçon porte plus profond. Tout ce que je vois me montre la nocivité d’un tel système. Non seulement il provoque des dégâts immenses, mais il se montre capable de s’en nourrir ensuite. Enfin, ses élites sont dorénavant lobotomisées au point d’être incapables d’identifier qu’il s’agit de dégâts.
Devant tant de caricaturales violences, on comprend mieux que le pire est toujours certain venant des libéraux. Et au demeurant comment ne pas voir quel cycle a parcouru ce système. Le libéralisme gouvernemental est né au Chili sous la dictature Pinochet, avant de se répandre dans le monde. En fin de cycle, il manifeste une tendance toujours plus lourde à devenir très autoritaire. Sa vocation est intrinsèquement hostile à la démocratie, et il finit toujours par le prouver. En effet la dérégulation générale qui lui est nécessaire, finit toujours par devoir frapper la source de toute les régulations, c’est à dire le pouvoir des citoyens. Quel est ce pouvoir qui l’insupporte ? C’est celui de produire la loi par des assemblées élues et mandatées précisément pour réguler, au profit du bien commun face aux intérêts privés.