Me voici de retour dans la capitale du pays que les riches tondent sans honte et sans gêne. Le tableau fait par le rapport d’Oxfam paru cette nuit est stupéfiant. Les dix premiers milliardaires français ont engrangé 189 milliards d’euros depuis deux ans, l’équivalent de deux ans de factures de gaz, d’électricité et d’essence pour l’ensemble des ménages du pays ! Bernard Arnault possède plus que près de 20 millions de ses compatriotes. Et, coup de massue, voici la nouvelle la plus frappante : une taxe de 2% sur la fortune des milliardaires français – soit 42 personnes ! – suffirait à financer les 12 milliards annuels du déficit des retraites que le gouvernement juge « intenable ». On a raison de se battre. Le 19 et le 21 on déferle avec les syndicats.
Je suis sorti de Guyane ce vendredi comme d’une étuve humide pour entrer dans ce samedi matin frisquet à Orly. Ma nuit d’avion (où je n’arrive pas à dormir) s’est vouée à Pavarotti et Callas en rédigeant un nouveau chapitre compliqué de mon prochain livre sur la Révolution Citoyenne. Opéra et clavier d’écriture : pur bonheur.
Mon dernier exercice en Guyane était à Roura, au bord de la rivière Oyak qui se jette là dans le fleuve Mahury. C’était l’émission de France 2 « L’évènement ». Impossible d’aller sur l’Oyapock, à la frontière avec le Brésil, comme je le souhaitais pourtant. Les conditions matérielles ne le permettaient pas.
Dommage. Mais le lieu proposé par la rédaction de Guyane Première à France 2 était vraiment si beau et si parlant. Quelles rigolades et quelles angoisses à l’idée de l’arrivée possible des moustiques ou du bruit des trombes d’eau tropicales dont c’est la saison. Mais le but est atteint. Ce fut bien un « Evènement », à coup sûr, en raison du lieu et des thèmes choisis. Le service public a été audacieux. Même si je déplore que l’horaire n’ai pas été le même que pour Macron. Mais je sais que cette règle du déport à 21h a été imposée au service public pour favoriser sa concurrence privée.
Quoiqu’il en soit, le style de la rencontre avec Caroline Roux porte la marque d’une nouvelle époque du journalisme politique. Il semble s’amorcer à travers des nouvelles venues sur le devant de la scène. Un nouveau style fait son chemin où ne règne plus le régime du traquenard fielleux encore en vigueur sur tant de plateaux. Ici on est dans le sans détour- sans haine. L’ère des coupe-gorges et des toréadors de plateaux est-elle finie ? Ne rêvons pas. D’abord, le personnel de l’ancienne manière est toujours là avec son arrogance, ses grands airs et ses rafales d’interruptions. Et la tendance reste encore majoritairement à la pipolisation de la politique. La manipulation pendant cinq mois du « cas » Quatennens par les chaines en continu l’a montré. Mais pour finir, j’ai pu mesurer le mal fait par les calomnies sur le « manque de démocratie » quand Caroline Roux a pu, de bonne foi, me demander pourquoi les militants « ne votaient pas à la France Insoumise ».
Certes, elle n’a pas repris le grossier mensonge de « la purge » colporté par d’autres. Mais c’est consternant. Comment peut-elle le croire ? Car tout de même, il suffit de se renseigner ! On vote partout chez les Insoumis. Tous les responsables sont élus. Enfin, notre Assemblée représentative est en partie tirée au sort et en partie faite de représentation des secteurs du mouvement, tous élus. Où est le problème ?
En fait, ce qui nous est reproché, c’est de ne pas faire « comme tout le monde ». Mais le régime intérieur du PS et d’EELV aura du mal à nous faire envie. À propos et celui de la macronie ? En Guyane, quand le jour tombe les crapauds coassent par réflexe. Là encore avant mon émission sur France 2 de malheureux rubricards ont fait le tour des insoumis.es pour obtenir une relance possible de « l’affaire Quatennens » ou de la « nomination » de Manuel Bompard. Les pauvres ! Parfois attachés depuis plus de dix ans au même rôle, à la même rubrique, à la même quête de ragots et de témoins inventés « qui préfèrent garder l’anonymat » qui les déshonorent au fil du temps. Leurs collègues les méprisent et ne s’en cachent pas. Ils ne m’atteignent plus car mon chemin vers les 22% a déjà été pavé par la grossièreté de leurs bassesses. Il y a sur ce blog trois notes en section analyse où j’expose tout ce qui concerne la démocratie de LFI et les raisons d’être de notre manière de faire. Je vous y renvoie si cela vous préoccupe après vous être fait bourrer le crâne par ceux qui disent le contraire.
Cette émission a été au total plutôt bien appréciée même parfois par ceux qui n’adhèrent pas à mes thèses. J’aime l’idée qu’on retrouve le goût du débat frontal thèse contre thèse. Mais des commentaires médiatiques ici et là m’ont vraiment laissé sur ma faim. J’ai trop vu résumer cette heure et demie d’entretien de bon niveau à la passionnante question de savoir si j’ai ou non l’intention d’être candidat à la présidentielle de 2027. Biomimétisme ? Nouveau traité de l’espace ? Forêt équatoriale et climat ? Rien. Pas un mot de discussion. 2027 un point c’est tout. Les nuls parlent aux nuls. Quoi que j’en dise, rien n’y fera. Une seule question dévore l’univers de la presse macroniste : serais-je candidat en 2027 ? On a encore cassé les pieds à François Ruffin à ce sujet dans une de ses très bonnes prestations télévisées pour savoir s’il me soutiendrait. Après qu’il ait dit « pourquoi pas », j’estime qu’il a eu raison de demander si pour finir ce ne serait pas moi qui soutiendrai quelqu’un. Bien dit. Et pourquoi pas lui-même, en effet. Lui, ou bien une autre. Les talents ne manquent pas comme on le sait. En tous cas je serai disponible, le cas échéant, pour donner le coup de main. Bien sûr, ce sera seulement pour quelqu’un qui n’aura insulté personne dans nos rangs (et n’y ont pas leur place) ou salit le mouvement pour se faire une place au soleil médiatique.
Comme d’habitude, sur France 2, j’aurais aimé approfondir mes sujets sur l’espace et sur l’eau et la forêt dans le changement climatique. Entre autres. Tout passait trop vite ! Mais il faut bien accepter de faire la part de « l’actualité » standard. En avant donc sur l’immigration, l’Iran, l’Ukraine et ainsi de suite. Ce n’est pas que cela n’ait pas d’intérêt mais c’est pour moi une sempiternelle répétition. J’aurais aimé pourtant que la séquence prévue sur la vie chère ne soit pas tout simplement supprimée, sans crier gare.
Dans ce séjour en Guyane, j’ai amélioré ma carte affective de la France. Qui, comme moi, peut se targuer d’aimer à la fois Aubin en Aveyron et Apatou en Guyane ? Apatou est le bout d’une route plus incommode et trouée qu’une piste. Première commune avant la seule circulation par le fleuve. Première commune Bushinengués. J’y ai eu florès de ces moments intenses jusqu’à la magie, comme je les aime. Par exemple, les condoléances aux habitants d’Apatou réunis pour les funérailles d’une grande figure féminine de la commune. J’ai « fait la coutume » comme m’ont appris à le faire mes amis Kanaks en Calédonie. Le respect, ça s’apprend aussi car les êtres humains sont des êtres de rites et de culture avant tout. Et ils sont plus semblables et universels que les racistes le croient.
Moment superbe aussi, celui où les petits élèves prennent la pirogue pour rentrer à la maison au fil du Maroni. Et cette rencontre avec une électrice, dans son « campou » micro groupement de deux familles, ici sur le fleuve. Sur le côté, un appati, petite aire de culture prise sur la forêt où se cultive du manioc derrière les fils à séchoir du linge. Elle stupéfaite : « mais c’est monsieur Mélenchon ! » « On est allé voter pour vous en pirogue ; toute la famille ! ». Ici, ma candidature a recueilli 75%. C’est presque gênant. On cheminait quand mon voisin le plus proche me fait son aveu : il regarde avec assiduité mes « Revues de la Semaine ». Il s’appelle Tilton. Il me donne une bonne raison de continuer. Je penserai à lui en enregistrant la prochaine édition.
Et ce garçon qui a mis un maillot de l’OM pour m’accompagner sachant que j’ai été élu de Marseille. Et tout au long de cette séquence je retrouve l’organisateur de mon passage sur place, Mathurin Levis. Je l’ai quitté il y a quelques années petit jeune homme sûr de lui et très boboïde. Je le retrouve homme fait, sage et plein d’humanité rayonnante.
Autre temps fort, la rencontre avec les jeunes de « Sciences po » du lycée à Saint-Laurent. Déjà, la dernière fois que je suis venu en Guyane, il y avait eu des embrouilles à répétition pour pouvoir les rencontrer comme ils l’avaient souhaité. Et ils étaient venus à Cayenne. Paul Vannier, à jamais professeur du secondaire, désormais député du Val d’Oise, avait monté la rencontre et tenté de démêler les sacs de nœuds avec le rectorat macroniste de l’époque. Cette fois-ci, c’est moi qui suis allé à leur rencontre à Saint-Laurent. De nouveau, ce fut une parodie à rebondissements où, après toutes sortes de paroles mielleuses, tout fut interdit. Les élèves vinrent donc du lycée vers le port par leurs propres moyens après les cours. Je voulais tant les revoir. Leur prouver que les rencontres improbables mais voulues comme la nôtre l’an passé ne s’effacent pas si facilement… Bonheur de retrouver ces caractères en formation où se laisse apercevoir l’homme ou la femme qui nait en eux et se cherche. Ils rallument en moi le prof. Au bord du fleuve là encore, il a été fait une superbe photo de cet instant, depuis leur dos puisqu’on ne peut photographier des mineurs sans autorisation (et c’est bien comme ça). Je m’y vois et je me découvre, moi aussi, avec la figure du bonheur de vivre ce moment. Le regard direct et frondeurs des ados et jeunes adultes parle comme un livre ouvert. Leur confiance amusée m‘irradiait. Je les aime définitivement, je crois bien. Le fleuve passait et regardait par-dessus la berge en jetant des éclairs de lumière depuis la crête des vagues. Un bateau échoué faisait une île couverte d’arbres. Ces images se sont incrustées sous ma peau.
À l’hôpital de Cayenne que je visitai, un malade demande à me voir. J’y vais. C’est un pied noir d’Oran, patrie de ma famille paternelle. Je vois qu’il lit du Kant. On parle de la vie qui passe et qui l’a posé ici au bout de sa vague. On est d’accord : « Que le monde est beau, parfois ! ».
La Guyane a été cette fois ci comme une belle pause entre les haines et les calomnies qui m’attendent à Paris. Pourquoi dois-je rentrer ? De quel crime cet égout parisien du JDD et du « Parisien » de ce dimanche, est-il ma punition ? Et Roussel et Hidalgo qui m’agressent ? Je tourne mon regard vers cet intérieur où coule le Maroni et l’Oyak. Merci vous autres du fleuve ! Moi je dois revenir dans la seule jungle vraiment dangereuse.