Le soir venu sans incident, la marche des organisations de jeunesse contre les retraites ayant été un beau succès je fais le point. Je le fais du point de vue de la stratégie insoumise telle que je la comprends.
La bataille des retraites est un combat fondateur et identifiant. Son histoire et son impact sur la vie politique du pays au fil des huit offensives précédentes depuis 1995 contre le régime issu de la Libération en atteste. Inutile d’y insister. Macron n’engage pas ce bras de fer pour des raisons d’équilibre financier du régime. Beaucoup de monde semble l’avoir compris dans les larges masses mises en mouvement dans le pays depuis jeudi dernier. C’est sans doute le plus important facteur d’aide au rapport de force dont nous disposons à cette étape.
Pour l’instant tout l’environnement de la scène de lutte nous sert. Du soutien d’Elon Musk à Macron jusqu’à la publication des chiffres sur l’augmentation des grandes fortunes tout vient donner au fond de l’air un parfum acrimonieux de « nous et eux » très propice. L’unité syndicale est le deuxième condiment gagnant de cette séquence. On a vu le 19 janvier quel élan a été donné grâce à cela. La date du 31 a été fixée par les syndicats. Ce sera le deuxième coup de boutoir géant.
D’ici là il faut agir pour préparer cette deuxième session de la lutte. Comment ? Tout tient en un mot « élargissement du front de lutte ». Cette idée est à l’œuvre pour nous depuis le début de la bataille. La date du 21 fonctionnait de cette manière : ou bien il n’y avait pas d’initiative syndicale et alors le 21 serait le premier coup de semonce disponible pour tous ceux qui voudraient entrer dans la lutte. Ou bien il y en aurait une et la date fonctionnerait comme la première étape d’une séquence d’élargissement. Dans les deux cas, avant tout, il s’agissait de se placer en force politique du mouvement populaire. L’expression à son importance. L’idée est que cette bataille ne concerne pas seulement les salariés en emplois. Elle concerne au premier chef tout autant les chômeurs et les jeunes en formation. La stratégie d’élargissement leur est destinée en premier lieu. Elle est du ressort du premier mouvement politique de masse du pays construit d’ailleurs pour être l’outil politique de ce « nous » qui s’oppose à « eux. Le mouvement insoumis. La question posée n’est donc pas de savoir si on « fait confiance » aux syndicats pour mobiliser dans les entreprises. Question creuse par définition. Bien sûr qu’ils sont placés pour le faire et qu’ils le font bien quand ils sont unis. Mais notre stratégie n’est pas para-syndicale. Le programme l’avenir en commun et la révolution citoyenne sont les objectifs que nous portons en toutes circonstances et à tout moment. Ce n’est pas le sujet des syndicats et tant mieux car ce ne serait pas celui de tous les salariés qu’ils sont capables de rassembler. De même que le mot d’ordre de la retraite à soixante ans que nous portons n’est pas celui de tous les syndicats. Chacun des deux complices que nous sommes porte donc une stratégie et des moyens d’action spécifiques. Tant mieux, c’est le gage de l’efficacité de chacun.
A partir de là, les actions sont complémentaires. Les syndicats apprécient le renfort populaire hors entreprise pour barrer la route au projet macron de retraite à 64 ans. Et le mouvement insoumis a besoin de la victoire des syndicats pour avancer vers le projet retraite à 60 ans dans les élections, anticipées ou pas. Les syndicats portent le cœur du combat et du rapport de force dans la mesure où les grèves salariées frappent le capital au seul endroit sensible qui est le sien : le portefeuille. Le mouvement insoumis doit jeter tout son poids dans la mobilisation en dehors des murs de l’entreprise, dans le peuple « non salarié ». C’est le sens de la décision de soutenir de toutes nos forces l’initiative des organisations de jeunesse, syndicales et politiques. C’est l’enjeux du moment.
Puis viendra la deuxième phase. Ce sera celle où les syndicats décideront une action conjointe avec les autres secteurs de la société en appelant à une date de rassemblement et d’action un samedi ou un dimanche. Celles des 19 et du 21 janvier, chacune dans leur style, sont des succès. Pour l’instant nous sommes dans la marche parallèle. C’est un succès. Passons à la phase suivante. C’est-à-dire à concrétiser sur le terrain l’extension de la mobilisation de la jeunesse commencée le 21 janvier. Facs et lycées doivent se mettre en mouvement. Mais aussi les classes moyennes cadres et les petits patrons et commerçants. Nous verrons encore cela bientôt. L’intérêt d’une bataille comme celle-ci c’est qu’elle contient une bonne dose de dépassement et d’élargissement des mots d’ordre. La dynamique de la préparation du 31 janvier doit nous y aider. Sur un mot : élargissement.