La jeunesse en action pour la déroute de Macron

D’après les retours de mes amis dans le monde, la France, une fois de plus, leur paraît singulière, c’est-à-dire enthousiasmante. L’actuel mouvement social vu de loin exprime un message qui s’entend peut-être moins fort de plus près. C’est celui de l’énergie communicative de la résistance et de la confrontation avec les politiques néo-libérales. Les autres en rêvent. Le peuple en France le fait. De tous côtés et dans toutes les langues, ce que nous faisons ici donne de la joie, des raisons d’espérer et toutes ces choses qui changent le regard de chacun sur ce qui se passe autour de lui.

Je discutais hier avec un sociologue vieil ami des raisons d’agir des mouvements populaires. Lui est un observateur extrêmement méticuleux des révolutions citoyennes dans le monde. Et il est sans doute le meilleur connaisseur de la révolution tunisienne qui fit tomber Ben Ali et le clan familial Trabelsi. Je l’interrogeais pour savoir si ses enquêtes de terrain lui avaient donné des indices pour savoir ce qui convainc les gens d’entrer et de persister dans une lutte. Il soulignait le paradoxe : beaucoup de témoignages sont ceux de gens qui pensaient avoir perdu d’avance la lutte, mais décidaient néanmoins d’y retourner et de s’exposer à la répression parfois ultra violente. Pourquoi ? Notre conversation comparait de nombreuses hypothèses. Pour finir, on peut partir de deux points de vue. L’un dira les raisons d’agir, l’autre les raisons de ne pas rester inactif. Ce n’est pas pareil. On voit que « sortir de l’indignité » équivaut en motivation à décider d’agir. Cela peut paraître du détail aux esprits superficiels pour qui les mouvements populaires insurrectionnels sont une même « grogne » sans nuance. Mais du point de vue d’une stratégie révolutionnaire, il en va tout autrement.

En France, une conjonction sans précédent se dessine. D’un côté une réforme cruelle dont personne ne pense qu’elle soit utile ni nécessaire. Elle est donc ressentie comme une agression indigne et un mépris pour le peuple. De l’autre et en même temps l’étalage des fortunes les plus arrogantes. Symbole suprême : l’homme le plus riche du monde est Français. C’est un aventurier parvenu sorti de la fonction publique pour agir dans le rachat d’entreprise en faillite. Mais qu’a-t-il fait qui vaille la peine qu’on s’y arrête ? Des trains ? Des bateaux ? Des machines médicales, des avions, une invention utile ? Une invention inutile ? Non. Rien. Il vend de l’ostentation, du paraître, du signal d’arrogance. Il vend du luxe. Cher pour rien. Juste pour la marque. Moche, mais réputé. Pas pratique, mais bien vu. Voilà. Tels sont les deux signaux que le haut de la société envoie au peuple ces jours-ci. Une agression contre son existence ordinaire et l’affichage de l’argent en tas obscène inutile et offensant, plongeant ceux qui supportent le spectacle en ami de leur propre indignité. L’agression, c’est le tableau que l’on est invité à subir et même à admirer. Esclavagisé et content de l’être. Voilà comment ils rêvent le peuple.

Là-dessus le papier du « Canard enchainé » sur les péages d’autoroute et la protection du ministre sur le trafic résonnent comme une ultime offense des gavés, de leurs larbins politiques et médiatiques. On devine que cela va se savoir. Le 14 juillet a eu lieu parce que le 12 et le 13 juillet les Parisiens de la rive droite avaient abattu et brulé les péages d’entrée dans Paris, les fameuses barrières d’octroi ! Le lendemain le quartier Saint-Antoine odieusement réprimé cinq mois auparavant passait à l’assaut de la forteresse parisienne symbole des abus de pouvoirs de la monarchie ! Évidemment l’histoire ne se répète pas. Du moins pour les formes de l’action car pour ce qui est des motifs de colère ils se répètent par contre beaucoup. Aujourd’hui la mobilité est un enjeu central de la vie quotidienne. Les péages et le prix de l’essence sont l’octroi et la gabelle de notre époque. La révolte des gilets jaunes l’a prouvé. On peu penser que l’imagination populaire ni sa colère n’ont diminue depuis.

La marche du 21 janvier à l’appel des organisations de jeunesse et soutenue par LFI a joué son rôle. Non seulement en impactant le démarrage de la lutte générale commencée dès le 19 à l’appel des syndicats unis. Car l’appel au 19 par l’unité syndicale est en partie l’enfant de ce 21 convoqué avant par les organisations de jeunesse. Les syndicats de salariés voulaient, à juste titre, commencer les premiers. Ils ont donc trouvé la solution la meilleure pour cela : appeler à une date plus tôt. Tout s’est emboîté à merveille et en bonne intelligence. Nous avons gagné de précieux jours et surtout réussi coup sur coup deux mobilisations qui ont convaincu le grand nombre de sa force. La marche du 21 a nourri comme prévu le terrain de la mobilisation de la jeunesse, principal secteur d’élargissement possible de la mobilisation contre la réforme des retraites. Depuis lors, de faculté en faculté, c’est-à-dire dans 35 d’entre elles pour l’instant, et de lycée en lycée, des assemblées générales se tiennent. Les perroquets de plateaux n’y voient que du feu.

On en est au début de ce qui est possible. Mais cela est décisif. La jeunesse étudiante c’est deux millions de personnes dont 50% travaillent pour payer leurs temps d’étude. Un milieu de précarité, de faim et de froid, d’emprunts et de petits boulots. Des jeunes gens qui étudient dans des facs frigorifiques, des salles sales ou bondées, marchant vers un avenir surqualifié quant aux diplômes et déqualifiés quant au travail, au service d’une économie malsaine, destructrice et immorale. La jeunesse peut si elle se mobilise renverser le plan du régime macroniste en donnant un coup de boutoir décisif. Aucun régime ne peut gagner contre la jeunesse. Jamais. Nulle part. Le sort fait à la jeunesse signe l’échec ou le succès des sacrifices de la génération précédente. La jeunesse est un miroir pour ses parents. Les maudits qui saccagent ce pays doivent y être convoqués. Car en toute hypothèse, la lutte marque les esprits comme au fer rouge souvent pour une vie entière. Cette fois-ci le pronostic est que la lutte est en bonne voie et la victoire possible. L’éducation populaire révolutionnaire commence par là. Les jeunes en mouvements sont composants de ces 50% des 18-24 ans qui ont voté insoumis le 10 avril 2022. Ils sont la trame de la génération de la victoire à venir.

Dans notre stratégie d’élargissement du front de lutte, les jours à venir sont décisifs. Comprenons d’abord le cœur de la démarche. Nous sommes dans un moment où l’offensive doit unir et pour cela contourner tous les sujets de désaccord. C’est la raison pour laquelle nous acceptons la mise en retrait de notre programme et le mot d’ordre des 60 ans avec 40 annuités. Tout le monde en fait autant. Car les propositions sont assez différentes. FO en fait autant avec le sien sur 60 ans et 37,5 annuités. La CFDT avec son projet de retraite à point et ainsi de suite. En fait, chacun continue de tenir sa position mais le pot commun est ailleurs : empêcher la réforme Macron parce qu’elle est inutile et cruelle. Nous avons besoin par-dessus tout de présenter un front sans faille. Il est bon qu’on y soit parvenu.

La date du 31 doit être la date de tous et surtout la nôtre en tant que mouvement politique populaire de masse. Partout où on le peut, il faut aller de l’avant et mobiliser tout ce qui peut l’être. Il faut doubler le succès du 19 dernier. La réussite de la grève générale de ce jour-là est un enjeu pour toute la société. Tout cela peut raccourcir le cycle des misères à subir. Dans tout cela il nous faut espérer que les syndicats restent unis et acceptent d’appeler à marcher un samedi c’est-à-dire un jour où chacun peut participer. Cette date sera alors celle du raz de marée. C’est lui que nous préparons et ne devons jamais perdre de vue. Certes la bataille parlementaire est évidemment un point focal. Tout notre dispositif est en place. Mais la mise en œuvre dans le cadre de l’article 47.1 de la Constitution réduit considérablement les possibilités. La dissolution de LR dans le marais macroniste reste la probabilité la plus grande. L’avantage de ce suicide viendra plus tard. Mais, dans le moment, elle peut permettre au pouvoir de se maintenir et de faire passer sa loi soit par le vote du parlement soit par le putsch des ordonnances. Le rôle de la mobilisation de rue, des actions dans les entreprises, des blocages de réseaux, des actions superbes de solidarité comme celle de la CGT énergie en faveur des boulangers et d’une façon générale de tout ce qui désorganise l’adversaire et tape à sa caisse sont autant de contributions efficaces et sans doute décisives.

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